La vŽritable distinction [qui doit se substituer ˆ la fausse distinction entre “fondamental” et “appliquŽ”, termes qui ne sont plus trs pertinents] est entre la science (la recherche) qui s’intŽresse aux objets et aux phŽnomnes naturels pour mettre en Žvidence et comprendre les lois de la nature et celle(s) qui s’intŽresse(nt) aux objets fabriquŽs par l’homme. L’homme fabrique des objets, des artefacts ; ces objets et ces artefacts ont des propriŽtŽs, des qualitŽs que l’on ne comprend pas toujours. Comprendre le fonctionnement des ces objets est une dŽmarche symŽtrique de celle qui vise ˆ comprendre les objets et les phŽnomnes naturels. Elle s’applique aux objets fabriquŽs et bien sžr ˆ la fabrication elle-mme des objets.
(Claude Allgre, Assises nationales de l’innovation, 12 mai 1998)
Par recherche technique, on entend l’application d’un savoir scientifique, l’analyse d’objets techniques, notamment les procŽdŽs de fabrication et les mŽthodes de conception. La recherche technique est l’ensemble des connaissances nŽcessaires ˆ la mise au point de procŽdŽs nouveaux reproductibles et commercialisables. Si l’activitŽ d’inventeur tend ˆ la production de nouvelles connaissances techniques, le travail de mise au point permet de s’assurer de la valeur technique du procŽdŽ. La ligne de partage entre invention et mise au point est souvent indŽcise et arbitraire sauf au regard des inventions brevetables.
La recherche portant sur les procŽdŽs de fabrication, qui conduit au dŽp™t des brevets, pourrait devenir systŽmatique, cohŽrente, autonome et ŽvaluŽe. Elle pourrait exister autrement que sous le label trop gŽnŽral de “ recherche industrielle ”.
Il serait Žgalement opportun de distinguer la recherche technique de la recherche de dŽveloppement. Les rŽsultats de la recherche technique ne peuvent tre valablement apprŽciŽs qu’au regard de leurs possibilitŽs d’intŽgration mutuelle : selon Bertrand Gille, il est nŽcessaire de prendre en compte les contraintes qui suscitent l’Žvolution des techniques (dynamique des filires) et les contraintes opposŽes qui rŽsultent de l’invariance de leur organisation (Exemple : les normes, homogŽnŽisation des procŽdŽs et possibilitŽ de conversion mutuelle).
La recherche de dŽveloppement intgre aux choix techniques les ŽlŽments d’un calcul Žconomique. Elle pose le problme du financement et celui d’apprŽciation des risques. La recherche de dŽveloppement comprend une “ technologie de gestion ” de la recherche technique. A ce titre la recherche de dŽveloppement fait partie de l’innovation industrielle tandis que la recherche purement technique prŽsente une relative autonomie.
Les propriŽtŽs de l’innovation industrielle ne peuvent tre conues qu’en fonction des propriŽtŽs d’organisation de l’industrie. D’o la nŽcessitŽ d’envisager, dans leur autonomie relative, les processus historiques d’industrialisation, la constitution d’un cadre micro-Žconomique et macro-Žconomique, l’analyse de la dynamique des systmes techniques, et le lien qui rattache la recherche technique aux sciences du management.
Le dŽveloppement du secteur AST ne relve pas de la seule recherche scientifique et technique. Il ne peut dŽpendre exclusivement de l’intervention de l’Etat en matire de recherche. Il suppose une dynamique de l’Žconomie et une initiative industrielle. Tout au plus peut-on dŽgager certains traits gŽnŽraux du dŽveloppement technologique dont les principes pourraient orienter la mise en place d’une politique industrielle en matire d’AST. Une telle politique pourrait aboutir ˆ l’Žlaboration d’une “ ingŽnierie des immatŽriaux ”.
(Les innovations les plus saillantes concernent le domaine de l'information, qui ne relve pas d'une "physique" habituelle : elle ne dŽpend pas d'un support matŽriel spŽcifique, et elle peut se dupliquer sans perte, ˆ la diffŽrence de l'Žnergie, qui se prte ˆ un bilan ŽquilibrŽ - d'o la notion d'"immatŽriaux", proposŽe par Jean-Franois Lyotard pour une exposition au Centre Pompidou).