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III. L’ingŽnierie des immatŽriaux : dynamique des techniques et activitŽs de conception



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III. L’ingŽnierie des immatŽriaux : dynamique des techniques et activitŽs de conception



III.1. L’activitŽ de conception - pour un rŽseau AST – devrait donner une prioritŽ au transfert de technologies.



III.1.1. Le transfert de technologies comme facteur proprement technique de l’innovation

La notion traditionnelle du transfert des connaissances scientifiques et techniques est ˆ dominante hiŽrarchique. L’innovation est encore conue selon un systme vertical descendant de la recherche fondamentale ˆ la recherche appliquŽe pour aboutir au dŽveloppement.

Cette conception linŽaire et hiŽrarchique reflte essentiellement un mŽcanisme non scientifique d’instruction budgŽtaire. Elle a tendance ˆ relŽguer au second plan le facteur proprement technique de l’innovation, qui repose, pour une grande part, sur le transfert de technologies. Si les transferts de technologie vont de soi dans la dynamique de recherche (cf. les diffŽrentes versions d’un logiciel), le phŽnomne qu’ils constituent ne semble pas pleinement spŽcifiŽ ni formalisŽ.


III.1.2. Le transfert de technologies comme ressort heuristique

Si le partage entre recherche et dŽveloppement ressortit encore ˆ la vieille logique du fondement, la notion de transfert de technologies rŽpondrait davantage au va-et-vient de la logique des structures ˆ la logique des pensŽes opŽratoires. Elle atteste la convergence des dŽmarches qui gŽnŽralisent et celles qui approfondissent les liens structuraux. Le transfert de technologies assure la concordance entre plusieurs opŽrateurs distincts, notamment : l’articulation des phases d’une transformation, l’encha”nement ordonnŽ des opŽrations, l’application d’une loi de composition aux opŽrations simples qui entrent dans une opŽration composŽe, la causalitŽ du tout sur lui-mme (rŽcurrence et remontŽe aux logiciels), l’objectivation (la spŽcification du domaine des rgles). L’activitŽ technique est une synthse opŽratoire qui transforme les modles qui lui sont proposŽs par d’autres modes d’action et d’organisation.




III.1.3. Le transfert de technologies comme incitation ˆ la recherche de dŽterminants technologiques communs

Aussi la comprŽhension de ce qui constitue une efficacitŽ productive est-elle loin d’tre ŽpuisŽe. L’hypothse d’une rationalitŽ spŽcifique de la dynamique des techniques est ˆ examiner sur deux points : la nature et la portŽe du phŽnomne de convergence des techniques, l’existence de dŽterminants technologiques communs.


Les dŽterminants technologiques rŽpondent ˆ trois critres :

- le niveau de couplage des modes opŽratoires/relations sectorielles

- le niveau de composition des techniques distinctes dans un mme mode opŽratoire (synthse partielle de techniques Žmanant de domaines trs diffŽrents)

- le niveau, plus fondamental, des points de passage obligŽs de plusieurs techniques dans l’Žlaboration et le perfectionnement d’un procŽdŽ.


La combinaison spŽcifique de procŽdŽs d’origines diverses implique l’identitŽ macro-technique et la diffŽrenciation micro-technique (par exemple, la ma”trise des tempŽratures dans la forge et le soudage).


III.1.4. La dynamique des techniques au point de concours du transfert de technologies et de la rationalitŽ Žconomique

La dynamique des techniques obŽit ˆ la rationalitŽ autonome du transfert de technologies. Elle est aussi fondamentalement subordonnŽe ˆ la rationalitŽ Žconomique. Si les transferts de technologie peuvent certes rŽsulter d’une applicabilitŽ directe de la rationalitŽ Žconomique, ils peuvent Žgalement laisser appara”tre la pesanteur d’autres critres : effets politiques, effets de prestige ou mme “ calculs Žconomiques ” ne retenant pas le seul critre cožt/avantage et pouvant ˆ la limite amener ˆ retenir des solutions qui ne rŽpondent pas ˆ l’optimum technologique (choix du c‰ble coaxial de prŽfŽrence ˆ la fibre optique dans les annŽes 70).




III.1.5. Pour une ŽpistŽmologie des techniques

Ainsi ŽnoncŽe, la gŽnŽralitŽ de tels principes leur ™te tout intŽrt pratique. NŽanmoins il y a un intŽrt pratique ˆ procŽder ˆ l’Žtude critique des principes, des mŽthodes et des rŽsultats de l’activitŽ technique considŽrŽe dans la gŽnŽralitŽ de son fonctionnement.

On notera que le r™le de la mŽmoire technique dans l’Žvolution technique est capitale et ne fait pas aujourd’hui l’objet d’une conscience thŽorique ni d’une formalisation explicite. L’Žvolution s’accŽlre du fait du report formalisŽ des rŽsultats aux principes (remontŽe aux logiciels). Un report non critiquŽ engendre une stagnation des procŽdŽs et une saturation de la filire technique. En revanche, il suscite une Žvolution lˆ o l’intelligence s’applique : d’o la nŽcessitŽ de constituer un patrimoine des techniques.


III.1.6. La recherche des points de convergence obligŽs des techniques et les impŽratifs de la normalisation

La normalisation, en outre, a jouŽ un r™le considŽrable dans l’Žvolution des techniques. Il y aurait un intŽrt pratique ˆ faire la gŽnŽalogie des normes et ˆ analyser les effets structurants et dŽstructurants des normes techniques.


Les incidences Žconomiques du choix d'une norme ou d'un standard peuvent tre considŽrables. L'Žtablissement de la norme MIDI a provoquŽ une explosion de l'industrie des modules sonores numŽriques. Le choix d'une norme peut favoriser tel produit sur tel autre - par exemple tel type de tŽlŽviseur. Souvent plusieurs normes sont concurrentes, et le choix de la norme retenue fait souvent l'objet de combats entre groupes industriels, voire nations (c'est le cas actuellement autour de certaines normes de codage sur supports d'enregistrement). Le dossier technique n'est pas le seul qui entre en ligne de compte. Au moment de la sortie des premiers magnŽtoscopes, la qualitŽ qu'on pouvait obtenir avec le standard Betamax dŽfendu par Sony Žtait bien meilleure que celle donnŽe par le standard VHS: pourtant ce dernier l'a emportŽ. A l'Žpoque Sony ne possŽdait pas de programmes (films) qui lui auraient permis d'imposer commercialement son standard - depuis, Sony a achetŽ CBS.
La recherche des points de convergence obligŽs des techniques pourrait tre l’occasion d’une meilleure dŽtermination des objectifs et des politiques de ma”trise technique.

Il serait Žgalement opportun de procŽder ˆ un inventaire des procŽdŽs technologiques o se rencontrent difficultŽs d’application, efforts de recherche scientifique, technique, industrielle. Une mise en forme des impasses pourrait conduire ˆ la recherche de solutions alternatives ou de moyens de substitution.




III.1.7. MŽmoire technique et pŽdagogie de transfert

Outre une bibliothque des techniques, il faudrait dispenser une pŽdagogie de transfert. Ainsi l’ŽpistŽmologie des techniques pourrait-elle tre intŽgrŽe comme facteur innovant dans le procs technique lui-mme.




III.1.8. Vers une stratŽgie de ma”trise des techniques

Ce n’est pas sortir tout ˆ fait du cadre de cette Žtude que de prendre en considŽration les choix Žconomiques et les principes qui dictent la politique d’autonomie technologique (cožts de financement, exigences du marchŽ international, capacitŽs de production des secteurs de pointe, stratŽgie du capital, division sociale du travail).


Le rapport Guillaume montre ˆ l’Žvidence certains dŽficits dans les stratŽgies de ma”trise des techniques, lacunes aujourd’hui prs d’tre comblŽes par un projet d’ingŽnierie nationale : la fonction de conception s’est totalement dissociŽe de la fonction de production. L’ingŽnierie comprend dans sa dŽfinition l’identification systŽmatique des problmes que la production peut soumettre ˆ la recherche. Un rŽseau AST, centrŽ sur la production, devrait comprendre un secteur autonome en recherche technologique. En outre, l’analyse de l’articulation contradictoire entre la dynamique des techniques et la concurrence Žconomique montre le r™le Žminent de la recherche technologique dans l’Žvolution Žconomique des sociŽtŽs.

IV. Le r™le de l’Etat : pour la crŽation d’un organisme gouvernemental de l’information technologique



IV.1. L’avance technologique fonction d’une collecte d’informations et d’une capacitŽ diagnostique

Il n’existe pas de systme organisŽ par l’Etat qui soit capable de diffuser l’information relative aux grandes dŽcouvertes dans le monde de manire ˆ la fois horizontale et verticale. Il faut pouvoir dŽcrypter les nouvelles technologies. Il n’existe pas aujourd’hui d’organisme ˆ mme de collecter l’information, de dŽcrypter ce qui se passe ˆ tout instant dans le monde, d’identifier ce qui est intŽressant et de diffuser cette information. Un tel organisme aurait pu permettre d’Žviter des erreurs stratŽgique concernant le lancement en France des projets fax et radio-tŽlŽphone.


Il est nŽcessaire de se dŽterminer un an avant les autres pour pouvoir s’assurer une reconnaissance significative par le marchŽ, si l'on considre que l’avance technologique d’un grand groupe est limitŽe ˆ six mois. Prenons les exemples d’une avance technologique dans le cadre des tŽlŽcommunications : supposons que le CNET fasse une dŽcouverte qui ait un impact sur le design d’un rŽseau (procŽdŽs) ou qui crŽe une nouvelle gŽnŽration de commutateurs (remplacement de plusieurs commutateurs par un seul). Une telle avance prŽsente un intŽrt pour France TŽlŽcom qui peut profiter de cette technologie pour appliquer une Žconomie d’Žchelle (position dominante pendant un temps), mais qui nŽcessite un investissement lourd. De la mme manire, les fabricants (Alcatel, Nortel) vont trs vite s’inspirer de cette technologie pour construire de nouvelles gŽnŽrations de commutateurs. D’o l’importance de la rapiditŽ des dŽcisions fondŽes sur une vŽritable compŽtence diagnostique. Seul l’Etat peut en France avoir cette compŽtence.

L'ƒtat ne doit pas se mler de la mise en production, travail rŽservŽ aux industriels, mais recueillir, Žvaluer et diffuser l’information.


L’un des problmes principaux de l’entreprise est de rŽaliser des Žconomies d‘Žchelle. RŽaliser une Žconomie d’Žchelle dans le secteur des rŽseaux de tŽlŽcommunication reviendrait ˆ mettre en place un rŽseau entirement numŽrique qui combinerait tous les avantages des rŽseaux prŽexistants, en les raccordant au moyen de passerelles. On optimiserait le rŽseau Internet en accroissant le dŽbit de transfert de l’information. Cette rapiditŽ de transfert est caractŽristique dans les rŽseaux X25, dont chaque octet transporteur de donnŽes est adressŽ. L’Žconomie d’Žchelle rŽalisŽe se rŽpercuterait sur le prix d’accs au rŽseau et induirait une baisse entre autres du cožt des communications tŽlŽphoniques, des connexions ˆ Internet, des systmes de visio-confŽrence et de tŽlŽ-Žducation.


IV.2. Modifier le statut de la recherche

La carrire d’un chercheur au CNRS est assurŽe par ses publications. L'ƒtat ne peut disposer de l’information que lorsqu’elle est publiŽe. Les potentialitŽs d’une invention ne sont pas exploitŽes car les industries n’ont pas la primeur de l’information et ne sont pas ˆ mme d’en tirer parti dans les dŽlais impartis par la concurrence. La structure franaise de R&D est donc handicapŽe par trois facteurs connexes : les rŽsultats de la recherche sont destinŽs ˆ la publication et non ˆ l’entreprise; un tel dispositif allonge ˆ l’excs les dŽlais entre la dŽcouverte et son exploitation, ce qui introduit une inertie dans le dŽveloppement. L’obligation de publicitŽ est contraire aux objectifs de l’entreprise dont l’avance technologique repose sur le secret.


La France octroie un statut mŽdiocre ˆ ses chercheurs qui bŽnŽficient peu des retombŽes de leurs dŽcouvertes, alors que l’Etat s’approprie la majeure partie des revenus issus des brevets. Cette situation n’incite gure les chercheurs ˆ se rapprocher de l’industrie. Le monde de la recherche appara”t aux yeux des industriels ˆ la fois comme puissant et repliŽ sur lui-mme. Se pose donc le problme de l’incitation ˆ la recherche qui, en France, est plut™t sanctionnŽe par la publication que par la reconnaissance d’une dŽcouverte effective. Le chercheur est reconnu quand ce qu’il dŽcouvre passe dans le domaine public, non lors de la mise en application. A certains moments, la recommandation de grands organismes scientifiques Žtait de publier et de laisser les industriels prendre des brevets.
Il faut mentionner que la lŽgislation franaise empche de prendre un brevet sur un procŽdŽ ˆ partir du moment o il est publiŽ. Or la prise d'un brevet est une opŽration lourde et problŽmatique. Aux Etats-Unis, au contraire, l'auteur d'une invention dispose d'une annŽe ˆ partir de la publication pour dŽposer une demande de brevet: la publication lui permet de prendre date, de protŽger et de signer son innovation, et il a le loisir d'Žvaluer si une prise de brevet est souhaitable compte tenu de l'investissement qu'elle reprŽsente. Il semble donc que la lŽgislation franaise (et europŽenne) pŽnalise les chercheurs de ce point de vue: ce problme devrait tre ŽtudiŽ.

“ Interval Research ” (Californie, financŽ par Paul Allen), qui reprŽsente aujourd’hui un des groupes de recherche mondiaux les plus en vue, a pris en compte ces considŽrations et les a inscrites dans sa structure. Il s’agit d’un groupe privŽ, financŽ principalement par Paul Allen, fondateur de Microsoft et qui dispose d'une fortune personnelle: ainsi le groupe n’a pas ˆ rŽpondre de son activitŽ devant des actionnaires. Ce groupe privilŽgie la recherche fondamentale, ˆ long terme, sans se fixer initialement des objectifs de recherche appliquŽe. La recherche s’effectue dans le secret et n’a aucune obligation de divulguer ses rŽsultats. Cette recherche fait appel ˆ des artistes d’avant-garde, ˆ des artistes pop, ˆ des ingŽnieurs, ˆ des sociologues, ˆ des Žconomistes et des chercheurs ˆ temps partiel. On ne dŽveloppe l’innovation que lorsqu’elle est mžre, sans subordonner la recherche ˆ une quelconque orientation par l’aval. Lorsqu’une innovation est parvenue ˆ maturitŽ, “Interval Research ” crŽe une sociŽtŽ de type “ start up ” ou “ spin off ”. (On relvera qu’ˆ l’origine, Intel, Microsoft, Apple avaient une structure de start up). Mais il faut noter une particularitŽ troublante: les personnes qui travaillent chez Interval ont une consigne absolue de secret vis-ˆ-vis de l'extŽrieur: ils ne peuvent mme pas mentionner le thme de leur travail, ceci pour Žviter les fuites et le pillage - ou l'utilisation extŽrieure, mme non frauduleuse - des innovations proposŽes.


Une telle consigne de secret est problŽmatique - surtout pour des chercheurs qui sont tenus de publier : mais elle tire la leon de l'expŽrience de Xerox PARC (Palo Alto Research Center). Dans les annŽes 70, Xerox a financŽ des recherches qui ont abouti ˆ des rŽsultats remarquables, notamment la mise au point de la souris et des fentres informatiques (avec la participation dŽcisive d'Allan Kay). Mais la compagnie n'a pas exploitŽ ces possibilitŽs nouvelles, qui Žtaient publiŽes et prŽsentŽes aux visiteurs. Steve Jobs a compris le potentiel de ces innovations et il les a mises en Ïuvre plus tard de faon remarquable dans son Macintosh, le premier ordinateur personnel convivial.
Le transfert de ce modle en France supposerait que l’effort de la recherche tende davantage ˆ son exploitation par l’entreprise et non seulement ˆ une course ˆ la publication, que l’articulation de la recherche et du dŽveloppement soit conue autrement que sur la base des archa•smes de la valorisation, que l’Etat crŽe un organisme dont l’autoritŽ soit reconnue et qui soit apte ˆ communiquer l’information utile aux entreprises.
L’incitation ˆ la dŽcouverte devrait avoir pour contre-partie un droit relatif ˆ l’Žchec, car les innovations dans les entreprises se traduisent parfois par des Žchecs qui ne sont pas dŽfinitifs. Apple a fait exploser le domaine des ordinateurs personnels avec Apple II, qui fut une rŽussite, puis a poursuivi par Elisa (concept de fentres et de souris issu des recherches de Xerox PARC), qui fut un Žchec en raison d’une mise sur le marchŽ mal conue. L’erreur ne doit pas tre fatale. Elisa, dont le projet Žtait conu pour rivaliser avec les gros ordinateurs, fut relayŽe par Macintosh, dont la conception d'un ordinateur personnel convivial eut des dŽbouchŽs mondiaux. Certains Žchecs peuvent ainsi tre corrigŽs et conduire ˆ des rŽussites. En France, les Žchecs sont lourdement pŽnalisŽs par l’Etat et sont sanctionnŽs par une baisse des subventions.
Les administrations de valorisation sont parfois efficaces, parfois inadaptŽes. Les services de valorisation d'un grand organisme de recherche posent des conditions d’accs aux inventions qui sont souvent trop contraignantes pour les industriels. Les royalties demandŽes aux industriels sont parfois dissuasives.

Si les grandes inventions (par exemple la biologie molŽculaire) sont en gŽnŽral bien brevetŽes, les petites innovations sont par contre nŽgligŽes, car on leur applique des critres trop massifs alors qu’elles exigent une gestion plus lŽgre qui doit permettre une avancŽe rapide. On peut estimer qu’en France la politique de valorisation sur les petites Žchelles n’est pas satisfaisante. Les administrations franaises appliquent des rgles gŽnŽrales qui ne sont pas adaptŽes ˆ la rŽalitŽ micro-Žconomique et micro-technique du tissu industriel.


Dans le domaine du multimŽdia, il serait intŽressant de faire collaborer les concepteurs avec les chercheurs, les universitaires et les artistes, dont les Žtudes sur les concepts tels que celui de l’interactivitŽ sont plus avancŽes. L’interactivitŽ concerne non seulement le support de nature hypermŽdia, mais aussi le contenu, phŽnomne dont les industriels n’ont pas tous pris conscience. La prise en compte de cette double interactivitŽ au niveau de la conception est nŽcessaire ˆ la mise en place d’applications rŽellement interactives, dont on peut espŽrer qu'elles concernent un trs large public. Une telle rŽflexion sur les contenus au sein du groupe France TŽlŽcom devrait l'aider ˆ dŽterminer ceux parmi les dix projets multimŽdia actuellement en cours qui rŽussiront dans les deux annŽes ˆ venir. Les industriels abordent le marchŽ du multimŽdia sous l’angle des cožts et des parts de marchŽ et ont tendance ˆ nŽgliger la conceptualisation du contenu.
De ce point de vue, il conviendrait d’engager une rŽflexion de fond sur l’interactivitŽ et sur l’Žmergence des nouvelles technologies qui aboutisse ˆ la mise en place d’une structure de coordination entre dŽcideurs et organismes de traitement de l’information, structure qui fait actuellement dŽfaut. En effet, la dŽfinition des programmes et des projets ne suffit pas ˆ Žcarter les risques d’une rŽalisation devenue invendable car mal conue.
Si l’Etat n’a pas ˆ peser sur les dŽcisions des industriels, il peut, par contre, faciliter celles-ci en crŽant des mŽcanismes qui permettent de collecter, de cribler, d’Žvaluer, d’interprŽter et de diffuser l’information. Cette diffusion et cette interprŽtation de l’information permettraient d’Žlaborer une logique industrielle liŽe ˆ une technologie et ˆ un procŽdŽ.
On ne peut pas imputer un dŽficit de conception ˆ toutes les industries. Dans le cas de l’industrie pŽtrolire, Schlumberger dispose d’une avance technologique de trois ou quatre ans que lui procure son centre de R&D de Palo Alto. Les erreurs de Schlumberger n’ont pas tenu ˆ une conception dŽfaillante, mais ˆ une dispersion de ses choix industriels sur des activitŽs qui ne reposaient pas sur les nouvelles technologies. Le cas du secteur des tŽlŽcommunications est diffŽrent : Innovacom pratique une “ veille technologique ” incontestable, mais ses liens avec les pouvoirs publics, l’UniversitŽ et le CNRS sont peu apparents. France TŽlŽcom n’a pas prŽvu le dŽveloppement d’Internet. Par contre la France a dŽpensŽ 10 millions de dollars pour vendre le minitel aux Etats-Unis. L’Etat pourrait se dispenser d’intervenir dans les stades de fabrication, de mise en Ïuvre ou de contr™le.


IV.3. L’avance technologique, les programmes industriels et le marchŽ

L’industrie informatique ˆ ses dŽbuts s’est concentrŽe sur la rŽalisation de t‰ches simples – stockage, filtrage, restitution de l’information. Elle s’oriente aujourd’hui vers des dŽbouchŽs nouveaux, le multimŽdia et les tŽlŽcommunications. Il y a ds maintenant des crŽneaux prometteurs, comme celui de la photo numŽrique, qui correspond ˆ un Žnorme marchŽ. Le ressort de l’innovation consiste ˆ mettre sur le marchŽ de nouveaux produits qui puissent rŽpondre par avance ˆ des besoins qui n’ont pas encore apparu sur le marchŽ. Une industrie qui serait capable d’intŽgrer, entre autres, les nouvelles applications MicroSoft, les nouvelles puces Intel, les nouveaux microprocesseurs, les nouvelles dŽfinitions graphiques et sonores, les nouvelles interfaces, les besoins des consommateurs citadins dans 10 ans, s’assurerait une avance technologique et commerciale incontestable et la ma”trise du marchŽ ˆ venir. La conception d’un nouvel ordinateur susceptible d’intŽgrer ces donnŽes rŽpondrait ˆ la dŽfinition d’un support interactif pleinement effectif. La construction, il y a 30 ans, d’un ordinateur par IBM, rŽpondait ˆ un dessein technologique et ˆ des Žtudes de marchŽ trs prŽcises. Aujourd’hui, l’innovation technologique doit prendre en compte non seulement la nouveautŽ technique et les Žtudes de marchŽ, mais de plus elle doit inclure dans son programme industriel une prŽvision des besoins ˆ long terme du consommateur.


C’est dans ces conditions que l’avance technologique peut reprŽsenter un immense avantage pour l’entreprise, qui peut prŽserver cet avantage en Žvitant les erreurs de gestion. Par exemple, une communication tŽlŽphonique par l’intermŽdiaire de l’ordinateur peut cožter moins cher que le recours ˆ la ligne tŽlŽphonique usuelle lorsque l’ordinateur est reliŽ ˆ des rŽseaux plus rapides que le RTC (RŽseau tŽlŽphonique CommutŽ) tels que NumŽris, des liaisons spŽcialisŽes (LS), le c‰ble ou le satelliteÉ
Si l’innovation technologique doit intŽgrer une prŽvision commerciale dans sa dŽfinition, inversement, l’innovation technologique peut tre moteur de l’expansion commerciale dans le cas notamment des systmes d’information, des systmes de paiement et de la sŽcurisation des donnŽes. Bell Computer conna”t une croissance de 20% par an en vendant la moitiŽ de ses ordinateurs sur Internet, et l’autre par fax. On peut en donner un exemple du r™le commercial des nouvelles technologies dans un domaine artistique qui ne fait pas appel ˆ des technologies rŽcentes pour les procŽdŽs de fabrication: la compagnie franaise Opiocolor a pu s'ouvrir de nouveaux marchŽs en prŽsentant gr‰ce ˆ Internet divers produits d'artisanat cŽramique sous forme virtuelle ˆ des clients asiatiques, qui pouvaient ainsi choisir le modle qu'ils souhaitaient non pas sur pices, mais sur simulation.
Les erreurs stratŽgiques peuvent s’Žviter par une meilleure apprŽciation de la rŽalitŽ du marchŽ et par une meilleure prise en compte des besoins ˆ venir des consommateurs. La nŽgligence de ces facteurs a conduit ˆ une opŽration de prestige non rentable comme Concorde, ou ˆ la rŽalisation sans exploitation commerciale appropriŽe de la Caravelle. Les choix politiques qui ont pesŽ dans la dŽcision industrielle, les raisons de prestige conjuguŽes ˆ une rŽticence ˆ s’allier ˆ l’Žtranger, ont pu conduire ˆ des erreurs stratŽgiques. Ces erreurs sont dues ˆ des failles de raisonnement concernant la rŽalitŽ du marchŽ, l’apprŽciation des cožts et des besoins, et l’Žvaluation de la demande. Elles rŽsultent Žgalement d’une nŽgligence dans la prise en compte des rapports entre la technologie, le marchŽ et les applications. Devant rŽpondre ˆ des impŽratifs de rentabilitŽ, l’entreprise est partagŽe entre les nŽcessitŽs de la rentabilitŽ et celles de l’investissement indispensable ˆ cette rentabilitŽ. Elle pondre et oriente ses recherches en explorant les possibles applications de cette recherche et leur adŽquation au marchŽ. La matrice BCG (Boston Consulting Group) explore tous les cas de figure du couple rentabilitŽ/investissement. L’innovation technologique illustre un cas de figure “ dilemme ” selon la matrice BCG, et requiert de ce fait une dŽtermination plus fine des relations entre les paramtres de conception que celle que peut effectuer une simple analyse marketing.

L’une des clŽs de l’innovation technologique rŽside dans l’ajustement Žtroit des critres de la technologie et du marketing. A cet Žgard, il conviendrait de mettre en rapport, ds le stade de la conception, les normes de la technologie et les impŽratifs d’adŽquation au marchŽ. Les plus grandes erreurs stratŽgiques sont en fin de compte imputables ˆ des dŽficits de conception. Il conviendrait de radicaliser et de gŽnŽraliser les activitŽs de conception. La production doit intŽgrer l’activitŽ rŽflexive et aboutir ˆ une coordination planifiŽe. La cŽramique, par exemple, est un matŽriau de plus en plus utilisŽ dans les ŽlŽments mŽcaniques. Les moteurs efficaces ne chauffent plus. Toutefois, la pure insertion technologique de la cŽramique dans la mŽcanique ne suffit pas ˆ produire une nouvelle voiture qui, dans sa conception, requiert une Žtude des besoins fondamentaux du transport ainsi qu’une sociologie de la voiture. Une analyse sociologique de la voiture doit permettre de mesurer l’adŽquation d’une invention ˆ la rŽalitŽ d’un besoin. La production de l’espace Renault a ŽtŽ retardŽe de dix ans faute d’une Žvaluation rationnelle des besoins des consommateurs.


Les problmes de l’innovation technologique ne se situent pas au niveau d’une sociŽtŽ mais au niveau de la plante. La construction et le dŽveloppement du tissu industriel dŽpendent d’une compŽtitivitŽ ˆ un niveau planŽtaire. La conservation de l’avantage concurrentiel dŽpend de l’innovation technologique. Cette innovation ne concerne pas seulement la grande industrie mais concerne Žgalement les petits mŽtiers qu’il faut inciter ˆ se perfectionner et se moderniser. Pour crŽer de la valeur ajoutŽe, il faut conserver l’initiative et donc la ma”trise de la conception. Or des secteurs entiers de l’industrie franaise dŽpendent du capital Žtranger, qui dŽtient la ma”trise des technologies de conception et restreint l’industrie franaise ˆ des t‰ches d’exŽcution, d’application et de distribution. Ainsi de l’imprimerie, et en particulier de l’encre. Dans les annŽes 70, les constructeurs europŽens dominaient le marchŽ de la moto. Aujourd’hui, la moto est japonaise. L’innovation technologique a consistŽ dans la fabrication d’une moto propre, sans projection d’huile. Honda s’est emparŽ du marchŽ en France, des petits modles aux plus gros. Il conviendrait de s’interroger sur les raisons du retard que la France a pris dans ce domaine alors qu’elle disposait d’une avance il y a 30 ans.


IV.4. Inerties, rŽsistances et alibis

Les USA ont une avance dans le domaine de la conception du logiciel. La Silicon Valley recrute les chercheurs de trs haut niveau en les rŽmunŽrant et en leur offrant des moyens de recherche sans structure Žtablie. On leur offre Žgalement les moyens de mettre leurs dŽcouvertes en application au sein d’une structure d’entreprise souple qui les intŽresse au dŽveloppement de leurs dŽcouvertes. Il en va de mme dans la zone appelŽe route des nouvelles technologies prs de Boston, o 4000 entreprises ont ŽtŽ crŽŽes depuis trois ans, et au Canada, o les jeunes crŽateurs d'entreprise se voient actuellement offrir des conditions trs favorables, avec des garanties en cas d'Žchec qui les incitent ˆ prendre des risques. Le systme d’Žvaluation trop sectorisŽ, le systme de recrutement, l’absence de dŽbouchŽs, le blocage des carrires, le prŽlvement de l’Etat sur le produit de la dŽcouverte, le dirigisme, les pesanteurs bureaucratiques, la gestion administrative, les dysfonctionnements et la mŽdiocritŽ du systme de valorisation de la recherche, l’incitation ˆ la publication et non ˆ la dŽcouverte, les faibles rŽmunŽrations et le manque de coordination entre la recherche et l’industrie constituent en France autant de freins ˆ l’innovation technologique.


ElŽments additionnels (Jean-Claude Risset)

On notera que ces conclusions recoupent les recommandation d'Henri Guillaume dans son rapport de mission de mars 1998 sur la technologie et l'innovation:


- Le rapport Guillaume trouve insuffisante la part des recherches pluridisciplinaires. La sectorisation excessive, fondŽe sur les disciplines scientifiques constituŽes, est inappropriŽe pour la recherche technologique. Les instances d'Žvaluation, trop sectorisŽes, tendent ˆ renforcer une hyperspŽcialisation dommageable. Cela est particulirement sensible pour les recherches AST, souvent examinŽes sous un angle trs Žtroit. Ainsi l'informatique relve au ComitŽ National du CNRS de la section 7, l'acoustique de la section 9, toutes deux du SPI (Sciences Pour l'IngŽnieur), et les aspects artistiques relvent de la direction SHS (Sciences de l'Homme et de la SociŽtŽ), certaines recherches sur la perception importantes pour les arts relevant de la direction SDV (Sciences de la Vie): or il est inhabituel et extrmement mal commode de faire Žvaluer ses travaux par plusieurs sections - et cela favorise rarement le chercheur.
- La tendance actuelle dans les UniversitŽs et les Žtablissements publics de recherche est de favoriser les grandes unitŽs. Or la dimension est au dŽtriment de la souplesse et de la rŽactivitŽ. Les innovations vraiment significatives surgissent trs souvent dans les trs petits groupes - voire chez les individus. Les aspects pointus sont diluŽs dans les grandes Žquipes, les spŽcificitŽs marginalisŽes, les dŽlais de rŽaction allongŽs, la visibilitŽ diminuŽe. Cf. par exemple http://alphalma.cnrs-mrs.fr/, le site web du Laboratoire de MŽcanique et d'Acoustique, un grand laboratoire propre du CNRS dans lequel le signataire du prŽsent rapport dirige une Žquipe d'informatique musicale.
La prŽsentation gŽnŽrale des activitŽs du Laboratoire les classe suivant quatre axes: 1) MŽcanique,modŽlisation et comportement, 2) Acoustique, vibrations et contr™le, 3) Propagation, 4) Gense et perception des sons. Un paragraphe dŽcrit les activitŽs suivant chaque axe; voici celui consacrŽ au dernier axe, dans lequel est classŽe la recherche musicale: "L'axe "Gense et perception des sons" recouvre d'une part des Žtudes de psycho-acoustique fondamentale et d'autre part des travaux sur l'interaction homme-machine dans le domaine instrumental. Les premires visent ˆ prŽciser les caractŽristiques de la fonction auditive qui reste in fine juge de la qualitŽ d'un son, de la nuisance d'un bruit, du confort apportŽ par un dispositif anti-bruit. Les seconds s'appuient sur la modŽlisation des signaux complexes que sont les sons musicaux ˆ l'aide des mŽthodes les plus rŽcentes d'analyse-synthse de signaux." On peut constater que l'existence d'une recherche liŽe ˆ la crŽation musicale n'appara”t pas de faon saillante. A lire le texte, on pourrait croire que les sons musicaux soient bŽnŽficiaires des dŽveloppements du traitement du signal, alors que les Žtudes d'informatique musicale ont contribuŽ de faon significative ˆ ces dŽveloppements et les ont introduits dans le laboratoire.
La mme remarque vaut pour l'ACROE, dont les activitŽs et caractŽristiques spŽcifiques ont ŽtŽ rendues peu lisibles dans des Laboratoires d'accueil comme le groupe Communication parlŽe de l'ENSERG (Ecole Nationale SupŽrieure d'ƒlectronique et de RadioŽlectricitŽ de Grenoble), le LIFIA (Laboratoire d'Informatique Fondamentale et d'Intellignece Artificielle) puis le CLIPS (Communication Langagire et Interaction Personne-Systme), ces deux derniers laboratoires associŽs Žtant partie de la FŽdŽration IMAG.
- Le rapport Guillaume dŽplore les cloisonnements entre enseignement supŽrieur et grands organismes de recherche; entre grands organismes de recherche eux-mme; entre universitŽs et Žcoles d'ingŽnieurs. On notera que certaines Žcoles d'ingŽnieurs bŽnŽficient d'un prŽjugŽ d'excellence qui n'est pas forcŽment justifiŽ par l'originalitŽ, l'ouverture ou la pertinence des recherches qu'elles soutiennent. Ces critiques sont particulirement pertinentes dans le domaine AST. On a souvent l'impression que diffŽrentes institutions choisissent - d'une faon partiellement arbitraire - des rgles administratives qui fonctionnent ensuite comme des marquages de territoire: faire fonctionner ensemble ces institutions dans le vŽritable maquis procŽdural ainsi instaurŽ demande des efforts considŽrables. Tout effort de collaboration devient dŽmesurŽ. Faire intervenir les aspects artistiques en plus se heurte ˆ une rŽsistance culturelle qui va du scepticisme au rejet.
- Le rapport Guillaume juge qu'il n'existe pas assez d'UMR avec l'industrie - une seule en SPI. De mme il n'existe pas assez d'UMR associant le CNRS et le Ministre de la Culture - une seule en SPI, alors que dans plusieurs Žquipes se dŽploient des activitŽs touchant de prs la crŽation artistique. Il faut que ces unitŽs mixtes soient rŽellement pluridisciplinaires et qu'elles ne plient pas les prŽoccupations artistiques ˆ une logique de pure ingŽnierie. Le rapport Guillaume recommande d'augmenter les activitŽs menŽes dans des groupements de type GIP.
- Le rapport Guillaume fait remarquer que les financements concernent surtout de grands groupes, et qu'ils ne couvrent pas suffisamment de thmes. Il est certain que dans le passŽ certains grands groupes franais ont abusŽ de leur position dominante et ont fait preuve de rigiditŽ, de dŽsintŽrt et de lenteur de rŽaction vis-ˆ-vis de problŽmatiques nouvelles et porteuses (par exemple au moment du dŽveloppement informatique dans les Žcoles dans la premire moitiŽ des annŽes 80 - tel grand groupe a traitŽ avec arrogance certains projets d'informatique sonore qui Žtaient ˆ l'Žpoque nouveaux et prometteurs). Aux Etats-Unis, l'innovation la plus porteuse appara”t dans des entreprises qui sont au dŽpart de trs petit volume.
- Le rapport Guillaume insiste sur le fait qu'il faut faciliter le rapprochement des chercheurs et du milieu industriel. Il faut que les chercheurs ou enseignant-chercheurs puissent crŽer leur compagnie, qu'ils puissent pratiquer la consultance et plus gŽnŽralement participer ˆ l'activitŽ d'une entreprise dans le cadre de leur statut. Ces recommandations sont particulirement pertinentes dans le cadre AST. Dans la Silicon Valley, les relations entre enseignants-chercheurs - notamment de l'UniversitŽ Stanford - et entreprises sont extrmement fortes. Il en va de mme au M.I.T., particulirement au Media Laboratory.
- Le rapport Guillaume insiste aussi sur le r™le du capital risque. Comme il est indiquŽ par ailleurs, les conditions extrmement favorables consenties actuellement aux jeunes chercheurs et crŽateurs d'entreprise suscitent une prŽocuppante "fuite de cerveaux" vers les Etats-Unis et le Canada dans le domaine de la recherche musicale (rŽcemment Jean Laroche et Jean-Marc Jot ˆ EMU-Creative, Santa Cruz, et Marc-Pierre Verge, Pascal Derogis au QuŽbec).
A ces facteurs gŽnŽraux s’ajoute, dans le domaine de l’art, le mŽpris dans lequel la production artistique et la recherche artistique sont institutionnellement tenues. Ce mŽpris est entretenu par l’inculture. Les efforts de l’Education Nationale et des organismes publics de recherche (CNRS, INRIA) en ce domaine sont trop sporadiques pour tre significatifs.
Le dŽveloppement insignifiant de la recherche artistique rŽsulte pour une part des carences de l’enseignement primaire et secondaire, mais aussi d’une politique dŽlibŽrŽe de l’Etat qui a nŽgligŽ et discrŽditŽ la recherche artistique et plus gŽnŽralement le domaine de la production savante en matire artistique. La survalorisation des pratiques amateurs et de la musique de rue ne prŽpare pas nŽcessairement le grand public ˆ la comprŽhension de l’innovation esthŽtique ni ˆ la ma”trise des outils artistiques qui restent l’objectif unique et lŽgitime des politiques publiques visant ˆ la dŽmocratisation culturelle. Les ftes organisŽes ne sauraient servir de substitut ni d’alibi ˆ une carence gŽnŽrale de formation en matire d’art.
L’actuelle politique du spectacle vivant et du patrimoine rend peu visible la recherche musicale dans les organigrammes du Ministre de la Culture. Inversement, la recherche musicale a trop servi de justification ˆ une politique indigente de la crŽation - chaque domaine attendant de l’autre la solution de ses problmes. La confusion des genres n’a pas contribuŽ au dŽveloppement respectif de la recherche et de la crŽation, mais ˆ leur entrave mutuelle dans la justification de progressives restrictions budgŽtaires. Pour organiser rationnellement le domaine AST, il faudrait commencer par reconna”tre ˆ la recherche artistique le statut d’une recherche autonome, spŽcifique, de type scientifique, ne se confondant pas avec la crŽation artistique proprement dite. Il faudrait Žgalement rŽexaminer les mythes scientistes qu’a produits une recherche artistique parfois tentŽe de se substituer ˆ l’art. Le soutien de l’Etat ˆ la crŽation artistique et ˆ la recherche artistique ne saurait nourrir les confusions entre les domaines ni s’autoriser de ces confusions pour lŽgitimer les rŽductions de l’aide publique au motif qu’il s’agit d’une enveloppe commune.


Remarques supplŽmentaires sur la non-reconnaissance des arts dans le milieu universitaire (Jean-Claude Risset)
La France bŽnŽficie d'une tradition dŽjˆ ancienne et d'une recherche musicale forte, avec le r™le de prophte d'Edgard Varse, l'activitŽ de pionnier de Pierre Schaeffer, la dŽvolution par Pierre Boulez des moyens importants d'une institution musicale ˆ la recherche, la dŽfense de la recherche musicale au Ministre de la Culture par Maurice Fleuret et Michel Decoust, l'activitŽ de pionniers comme Barbaud, Xenakis... Il y a eu aussi en France des activitŽs novatrices importantes en synthse d'image, en rŽalitŽs virtuelles, en animation, en architecture.
Mais la reconnaissance dans le milieu universitaire se fait mal, et les secteurs nouveaux art-science-technologie ne trouvent pas leur place ˆ l'UniversitŽ ou au CNRS. Les applications artistiques n'apparaissent pas comme sŽrieuses ou lŽgitimes ; d'autres applications sont bien mieux admises alors que leur impact Žconomique potentiel est bien moindre - sans parler de l'aspect culturel.
Sans doute l'attitude des crŽateurs romantiques, disqualifiant la science en tournant le dos ˆ l'attitude qui prŽvalait en Grce antique et au Moyen Age, y est-elle pour beaucoup. Cependant le facteur dŽcisif en France est sans doute le fait que les enseignements artistiques ont ŽtŽ pris en compte, en France ˆ l'Žpoque de la rŽvolution, par des Ecoles d'art et des Conservatoires indŽpendants des UniversitŽs, et que les arts n'ont pas ŽtŽ reconnus comme disciplines unversitaires. Au LycŽe, l'enseignement d'histoire des arts est souvent assurŽ par des professeurs de lettres ou d'histoire. Certains pensent que cent heures de formation suffisent pour habiliter les instituteurs ˆ assurer un enseignement de musique. (La formation de musiciens intervenant vise ˆ remŽdier ˆ ce problme).
Quoi qu'il en soit, la pratique artistique n'est pas chez elle dans l'UniversitŽ franaise - ˆ la diffŽrence notamment de l'Angleterre et des Etats-Unis. Les normes unversitaires ne sont pas gŽnŽreuses - et surtout elles sont trop normatives pour pouvoir tenir compte de la spŽcificitŽ de certaines activitŽs comme les activitŽs artistiques. Le signataire de ce rapport, invitŽ ˆ enseigner dans une UniversitŽ californienne au printemps 1998, s'est vu attribuer un bureau insonorisŽ avec un piano ˆ queue et un systme haute fidŽlitŽ. On n'ose pas rver d'un Žquipement semblable en France: les dŽpartements de musique des UniversitŽs sont misŽrables. Il est extrmement difficile d'utiliser les budgets de convivialitŽ pour organiser des prestations artistiques lors de colloques - mme si les thmes de ces colloques concernent l'art.
Les applications d'une recherche paraissent en France peu sŽrieuses ds qu'elles se rŽfrent ˆ l'art. Du seul point de vue Žconomique, il y a lˆ une erreur de jugement grave. Mme si on ne va pas vers "la fin du travail", il appara”t certain que les loisirs joueront un r™le croissant dans l'emploi du temps et le budget des individus et des mŽnages - actuellement c'est la musique qui est en tte du budget des loisirs. Au dŽbut des annŽes 1970, l'Etat franais a consacrŽ un financement important aux recherches sur la parole (synthse, reconnaissance) en insistant sur leurs potentialitŽs industrielles. A part le cas d'espce de l'IRCAM, il Žtait ˆ cette Žpoque trs difficile d'obtenir un financement pour des recherches visant des applications musicales: or le marchŽ potentiel des dispositifs techniques est considŽrablement plus importants pour la musique que pour la parole, comme les dŽveloppements ultŽrieurs l'ont dŽmontrŽ. La France a alors pris un retard considŽrable vis-ˆ-vis des Etats-Unis (o des recherches musicales Žtaient financŽes de faon substantielle par les UniversitŽs, la National Science Fondation, et aussi diverses fondations privŽes comme la Systems Development Foundation) et surtout du Japon (qui exploitait activement les recherches Žtrangres et menait des recherches actives dans les entreprises).
Parmi les nombreuses Žquipes reconnues au CNRS en synthse d'images, trs peu (deux ou trois) ont des liens avec les Žcoles d'art. Dans les nŽgociations actuelles de contractualisation, les UniversitŽs prennent la main. Mme dans les cas o le Ministre de la Culture est le vŽritable promoteur, il n'est pas officiellement consultŽ. Au moment de la rŽdaction de ce rapport, le DŽpartement SPI du CNRS n'est pas disposŽ ˆ considŽrer la crŽation de nouvelles unitŽs mixtes avec le Ministre de la Culture, considŽrant qu'une seule UnitŽ mixte (le Laboratoire d'Acoustique Musicale de l'UniversitŽ Paris VI/CNRS/Ministre de la Culture) suffit. Certes, de telles Žquipes ne comprennent pas d'agents CNRS - mais un tel argument ne tient pas si l'on veut que le CNRS s'ouvre aux nouvelles thŽmatiques de recherche: le CNRS devrait au contraire flŽcher des postes pour les thŽmatiques AST et les Žquipes appropriŽes.
En fait les innovations apportŽes par la recherche artistique - notamment la recherche musicale - ont ŽtŽ maintes fois exploitŽes par d'autres disciplines: mais trop souvent l'origine de ces innovations est oubliŽe, voire occultŽe - l'activitŽ AST est rŽcupŽrŽe sans tre crŽditŽe. Les acteurs d'AST, spŽcialement dans le domaine SPI, peuvent souvent trouver des contrats susceptibles d'apporter des moyens non nŽgligeables: mais de tels contrats hypothquent les ressources de recherche, et ils tendent ˆ inflŽchir les travaux vers des applications ne concernant pas les industries culturelles (par exemple l'industrie automobile, la marine ou l'aviation). Les collaborations avec des domaines scientifiques reconnus se font souvent au dŽtriment de l'activitŽ AST: les diffŽrences sont rŽelles du point de vue des fins et des moyens. Dans certaines disciplines constituŽes, la structuration et le financement de la recherche sont assurŽs: il n'en va pas de mme pour les chercheurs AST, et leurs prŽocuppations artistiques restent marginales - regardŽes comme un simple "supplŽment d'‰me" que l'on se dispense aisŽment de financer, de soutenir et de dŽvelopper.
Le Ministre de la Culture tente d'aider le dŽveloppement de ces secteurs, mais sans moyens suffisants, et sans statuts adŽquats pour les acteurs. Un prix de Conservatoire National SupŽrieur de Musique est reconnu comme Žquivalent bac plus 3 ou 4, ce qui n'est absolument pas convenable. Les instances d'Žvaluation ont du mal ˆ apprŽcier des activitŽs par essence pluridisciplinaires.
Du fait du partage des compŽtences et des tutelles, l'intersection ne se fait jamais. Le partage entre les Ministres sous la forme actuelle ne permet pas d'identifier et de prendre en compte les nouveaux secteurs de compŽtence, ni de les organiser en une communautŽ structurŽe. Entre les organismes, il y a actuellement des cloisons Žtanches en ce qui concerne les idŽes et les concepts; les reconnaissances de dipl™mes; les rgles administratives. Cela pose notamment problme au niveau de l'Žvaluation. Un chercheur ne devrait pas avoir ˆ travestir son activitŽ pour la prŽsenter diffŽremment ˆ la Culture et ˆ la Recherche. L'Žvaluation doit tre exigeante sur le niveau, mais tenir compte pour la trop quantitŽ du travail de la spŽcificitŽ d'une recherche unique et plurielle (sans attribuer un poids excessif au critre quantitatif du nombre de publications dans des revues dites ˆ comitŽ de lecture: il existe trs peu de telles revues dans les domaines Žmergents comme Art-Science-Technologie).
Les milieux artistiques ont quant ˆ eux une vision plus claire des objectifs et de la validitŽ de la crŽation artistique. C'est du Ministre de la Culture que viennent les incitations et les dŽveloppements artistiques. L'intervention de ce Ministre est donc dŽcisive pour les recherches AST: soucieux de maintenir un cap et une exigence, il peut influencer des Žtudes scientifiques et techniques en s'assurant que les arts n'y sont pas que prŽtexte.
Il faut donc dŽfinir une recherche artistique dans un cadre vŽritablement interministŽriel - Žtablir des relais dans les universitŽs, les grands Žtablissements et dans le monde industriel avec la participation des instances de la culture, reprŽsentŽes ˆ un niveau suffisant pour qu'elles puissent vŽritablement avoir une influence.
Outre les dŽveloppements futurs souhaitables, il importe actuellement d'aider ˆ faire survivre et fonctionner les groupes et les enseignements existants et hors-norme, dans lesquels les acteurs s'Žpuisent ˆ assurer des fonctionnements ˆ contre courant (Cf. ci-dessus, problmes spŽcifiques et propositions d'organisation).


Remarques supplŽmentaires sur la non-reconnaissance des arts dans le milieu universitaire (Patrick Callet)

Les rŽsistances au dŽveloppement du domaine AST viennent aussi de l’intŽrieur des structures d’enseignement. Dans son immense majoritŽ le corps enseignant, qui se perpŽtue lui-mme, n’est pas trs accueillant pour les personnes ayant des parcours non-acadŽmiques. Les artistes comme toute personne ayant une expŽrience du travail dans l’industrie ne sont que trs rarement admis comme ayant un cursus compatible ou sujet ˆ Žquivalence de dipl™me permettant leur intŽgration dans le corps enseignant. De toute Žvidence il est plus aisŽ de n’avoir jamais quittŽ le systme scolaire pour pouvoir, trs officiellement, y former tous ceux qui en sortiront pour l’industrie. Cette auto-Žvaluation et auto-reconnaissance de la valeur d’un enseignant comme Žtalon de savoir acquis et seul savoir valable (le plus souvent livresque) ˆ transmettre contribue ˆ la fermeture du systme Žducatif ˆ tous ceux dont l’expŽrience est autre, mme s’ils jouissent d’une notoriŽtŽ et d’une grande reconnaissance nationale ou internationale.


Tout projet ˆ dominante pluridisciplinaire (au sens large, faisant connexion entre science dure et science douce par exemple) se trouve soumis au regard critique et au systme d’Žvaluation de commissions n’ayant pas la compŽtence pour cette Žvaluation. Des commissions rŽgionales mixtes culture-Žducation, pourraient alors constituer des p™les d’Žvaluation des projets. Les rŽsistances se manifestent, outre par les Ç tolŽrances È ˆ la chose artistique hŽbergŽe en milieu scientifique ou technologique, par des rŽaffectations de crŽdits pour certains DEA vers d’autres DEA plus conventionnels, plus acadŽmiques. Les chercheurs, enseignants et Žtudiants qui s’y investissent se retrouvent alors marginalisŽs avant mme la phase terminale du processus que constitue leur Žlimination du systme qui les a Ç supportŽ È. Ce manque de moyen contribue ˆ discrŽditer ces formations aux yeux des Žtudiants. Ils participent ainsi eux-mmes ˆ la dŽvalorisation de leur propre pratique et de leurs acquis par la crainte de s’engager pleinement, dans un enseignement qui devient pŽriphŽrique, optionnel et qui conduit dans de nombreux cas ˆ l’absence mme de la mention d’activitŽ artistique dans leur CV (une UV Ç qui ne fait pas sŽrieux È dŽvalorise le candidat).
Dans certaines grandes Žcoles, l’arrivŽe imminente des sciences humaines dans la formation des ingŽnieurs est annoncŽe depuis 20 ans ; les hybridations de domaines ne sont que textuelles, trs loin des moyens humains et des pratiques rŽelles.
Le manque de pleine reconnaissance acadŽmique des DEA et DESS ˆ dominante artistique inquite les professionnels des entreprises des secteurs culturels qui doutent des compŽtences technologiques acquises par les candidats ; de plus, ils demeurent inquiet quant aux dŽbouchŽs qui leur sont offerts. Cela est renforcŽ par le fait que les professionnels n’ont pas voix au chapitre dans les programmes d’enseignement ni dans la dŽfinition des orientations de recherche. Le plus souvent ils se sentent (et ils n’ont pas tort !) utilisŽs comme source de moyens financiers ou matŽriels (taxe d’apprentissage, Žquipements, etc.) et comme opportunitŽ de fournir des stages. Les industries de la culture ont besoin de personnels de grande crŽativitŽ ma”trisant les outils technologiques contemporains et ne trouvent pas les formations rapidement adaptŽes ˆ leurs divers secteurs professionnels.
Il ne semble pas qu’il y ait de vrai partenariat avec les industries du secteur culturel ; mais parler de mŽcŽnat technologique serait Žgalement excessif. Cette situation du r™le institutionnel o des Ç fournisseurs d’emplois È participeraient aux dŽcisions et orientations sŽduit une partie du corps enseignant alors qu’elle semble simultanŽment dŽcharger l’ƒtat et ses institutions de leurs r™les traditionnels.

V. L’interactivitŽ et son Žvolution technologique



V.1. La recherche dans le multimŽdia :

Il est important de souligner qu’une meilleure comprŽhension de l’interactivitŽ et de son Žvolution technologique par les concepteurs multimŽdias Žviterait les bouillons financiers rŽcurrents dans ce domaine.


L’interactivitŽ en multimŽdia se rapporte ˆ l’accs interactif aux donnŽes ainsi qu’ˆ l’interactivitŽ entre personnes.

L’accs interactif aux donnŽes indique la possibilitŽ pour l’utilisateur de choisir l’ordre dans lequel il va accŽder ˆ l’information, sans devoir parcourir linŽairement le document (ou l’application) qu’il examine. Cette interactivitŽ est liŽe ˆ la nature mme du support. Le support est destinŽ ˆ tre lu linŽairement, ou se compose d’outils permettant de “zapper ” d’une information ˆ une autre dans le cas d’un environnement multimŽdia.

L’interactivitŽ entre personnes dŽfinit un mode conversationnel qui lie l’utilisateur du programme au concepteur ou rattache les utilisateurs connectŽs en rŽseau.


V.1.1..Logiciels pŽdagogiques :

Il existe des logiciels pŽdagogiques dont la destination aux utilisateurs est mal formatŽe. Il faut sŽparer les notions de documentation/banque de donnŽes/archivage et les notions de formation.

C’est dans le domaine ludique que le mŽcanisme d’apprentissage est le mieux pris en compte. De mme, il semble que la vŽritable crŽativitŽ est exploitŽe dans le domaine des logiciels de jeux, o l’effet artistique recherchŽ est la surprise et l’Žmerveillement.


V.1.2..Evolutions techniques vers une plus grande interactivitŽ :




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