II. RŽactions politiques, institutionnelles et sociales
II.1. La recherche scientifique publique
Aprs l’Žchec des annŽes 78, les laboratoires de recherche publics franais subsistent mais se replient sur eux-mmes, dŽmoralisŽs et faute de moyens. La recherche continue nŽanmoins de manire souterraine. L'hŽgŽmonisme amŽricain en matire de recherche est trs fort. On peut parler d'extrme arrogance idŽologique et technique. A l'une des premires Žditions de Imagin le prŽsident du MIT ˆ a tenu un discours ultra - futuriste et ultra - hŽgŽmonique, en fait peu crŽdible, sur la conqute amŽricaine sur toute les activitŽs en matire de synthse d'image et de communication homme-machine.
Il est extrmement difficile pour les chercheurs franais et europŽens, de publier dans l'impressionnant SIGGRAPH.
II.2. L'alternative franaise : le plan Recherche Image, l'agence OCTET, l'Agence De l'Informatique, le CNC-nouvelles technologies
Devant la poussŽe scientifique et mŽdiatique de l'image de synthse, et ˆ la suite d'un rapport du Ministre de la communication en dŽcembre 1981, intitulŽ "enjeux de la recherche image et propositions de dŽveloppement en France" un groupe interministŽriel est crŽŽ en 1982 en France, sous le nom de Plan Recherche Image. PlacŽ sous la responsabilitŽ du Ministre de la recherche et de l'industrie et du Ministre de la communication, il rŽunit Žgalement le Ministre de la culture; le Ministre des postes et tŽlŽcommunications, et le Ministre de l'Žducation nationale (lettre de mission du 16 avril 1982). Ce groupe remet en aožt 1982 un rapport intitulŽ "LA RECHERCHE IMAGE : enjeux et propositions de dŽveloppement".
Une dŽlŽgation de visite aux laboratoires et entreprises nord-amŽricaines est organisŽe. A son retour, les conclusions de la dŽlŽgation sont formelles : les amŽricains considŽrent qu'il n'y a plus de recherche fondamentale ˆ faire en graphique (sauf en ce qui concerne le hardware pour la visualisation) ; tous les problmes scientifiques sont rŽsolus ou en passe de l'tre ; le marchŽ dŽcolle trs vite ; les USA se lancent dans la valorisation, intensives des rŽsultats de recherche au sein d'entreprises privŽes qui se sont attachŽs les meilleurs chercheurs (Evans et Sutherland, Rank Xerox, Lucasfilm).
-> La recherche Image franaise subit le contrecoup avec une incitation "morale" de la part de ces dirigeants politiques ˆ crŽer des sociŽtŽs qui effectuerait du transfert de logiciels amŽricain
Deux dŽboires caractŽrisent cette pŽriode :
- le premier est le rŽsultat dŽcevant pour la France d'une des premires actions mŽritoires du Plan Recherche Image ; l'organisation, avec le soutien du secrŽtariat franais au commerce extŽrieur, de la participation d'industriels et de chercheurs franais, au SIGGRAPH en 1985, pour tenter d'amorcer une diffusion et une implantation commerciale. Les USA sont en pleine phase de valorisation de procŽdŽs graphiques (dont beaucoup viennent de recherches franaises). Ces procŽdŽs sont poussŽs ˆ un degrŽ de dŽveloppement extrme. Mais simultanŽment, on constate la disparition d'informations prŽcises pour des raisons Žvidentes de secret indsutriel et de protectionnisme.
-> De ce fait, la dŽlŽgation franaise au SIGGRAPH se trouve confrontŽe de plein fouet au protectionnisme amŽriacain Les produits franais sont systŽmatiquement dŽvalorisŽs, voire tournŽs en dŽrision, dans le journal quotidien de l'exposition.
- Le deuxime est la chute rapide de beaucoup de ces sociŽtŽs amŽricaines nouvellement crŽŽes en synthse d'images (Cranston Csuri Productions, Abel Image Research, Pacific Data Image, Digital Effects...), tant dans le domaine technologique des matŽriels et des logiciels que dans le domaine du service (productions de films publicitaires...), au profit de quelques - unes (Lucas Film, Silicon Graphics, Alias Research qui s'allie ˆ Wavefront, Pixar...). Les tentatives franaises de crŽation de sociŽtŽ Žchouent. Lˆ aussi, seules subsistent soit les plus anciennes comme Getris Image par exemple (malgrŽ leur petite taille, leur produit vient d'une recherche franaise bien assise et d'une connaissance intŽrieure des besoins), soit les plus soutenues par l'Žtat, comme TDI, Thomson Digital Image, crŽŽ par Thomson et l'INA avec le soutien du Plan Recherche Image.
Une deuxime action, trs forte, du Plan Recherche Image a ŽtŽ le financement des opŽrations visant l'incitation ˆ crŽer un marchŽ et ˆ intŽresser des producteurs. Du fait de la participation importante de l'INA et du CNC, ce marchŽ et ces producteurs se sont situŽs dans le champ de la production cinŽmatographique et tŽlŽvisuelle :
• tentative de mettre en place de gros centres de production : Images et Ordinateur ˆ Angoulme par exemple ;
• soutien ˆ la crŽation de studios privŽs de production ;
• soutien ˆ l'informatisation de studio de dessins animŽs pour favoriser le retour en France de la production de dessins animŽs ŽmigrŽe en Asie.
Une des caractŽristiques essentielles de cette action a ŽtŽ son orientation vers la production et le poids de l'aval constituŽ ˆ l'Žpoque par les cha”nes de tŽlŽvision.
D'une part, malgrŽ le dŽp™t de dossiers assez nombreux de la part des laboratoires dont certains souhaitaient participer activement ˆ ce mouvement vers la production et la crŽation culturelle, ˆ notre connaissance aucun laboratoire de recherche ou assimilŽ (Strasbourg, ACROE,...) n'a ŽtŽ financŽ. Le grand espoir que la communautŽ de recherche franaise en informatique graphique avait placŽ dans le Plan Recherche Image a ŽtŽ dŽu, en particulier en ce qui concerne le lien entre les laboratoires universitaires et les applications culturelles (le cinŽma et la tŽlŽvision, la publicitŽ...).
Cette faiblesse du soutien de la recherche en informatique graphique n'a ŽtŽ qu'en partie compensŽe par l'ADI, Agence De l'Informatique, crŽŽe ˆ la mme Žpoque et qui comptait parmi ses missions le financement de projets de recherche en informatique en France. L'ADI a pilotŽ de 1981 ˆ 1985 un appel d'offre "Image et Informatique". Elle a donc ŽtŽ pour partie le complŽment "recherche" au Plan Recherche-Image.
D'autre part, les enjeux culturels des nouvelles images ainsi que les applications en "art et ordinateur" tiennent une place assez faible dans le rapport d'aožt 82 du groupe de recherche image.
Le Plan Recherche-Image Žtait un groupement sans forme juridique et il a ŽtŽ relayŽe par l'Agence OCTET (1984 - 1985), structure juridique de type association 1901, puis par le service Nouvelles Technologies au CNC.
-> La politique du Plan Recherche Image, relayŽe ensuite par l'agence OCTET et par le CNC-Nouvelles Technologies, est sans conteste ˆ l'origine de l'existence aujourd'hui d'une industrie et d'une formation en image numŽrique en France.
Une consŽquence involontaire et peu visible de cette politique :
-> la conjonction entre les difficultŽs de la recherche franaise et la politique du Plan Recherche Image, ont probablement involontairement accentuŽ la sŽparation de la recherche et de la production en France, sŽparation inexistante aux USA.-, et qui est aujourd'hui un point faible de la situation dans le domaine AST - Image.
Les soutiens ont ŽtŽ ensuite relayŽs par deux autres vecteurs de financement :
• le Club Investissement Media (avec forte participation de l'INA)
• Les Programmes europŽens MEDIA et CARTOON
Ces vecteurs se sont orientŽs essentiellement vers l'aide ˆ la production :
• Un des premiers grands axes a continuŽ ˆ tre le rapatriement en France de la production de dessins animŽs de sŽrie pour alimenter les cha”nes de tŽlŽvision. L'informatisation pouvait tre un atout pour ce rapatriement.
• Le deuxime grand axe est l'intervention dans la formation - Žcole d'art et de cinŽma publiques ou privŽes -par le soutien ˆ des actions de formation.
II.3. ConsŽquences
Le secteur concurrentiel de l'image de synthse en France commence ˆ vivre ainsi que les Žcoles de formation ˆ la production (les Žtudiants de SupInfoCom de Valenciennes ont obtenu deux prix ˆ IMAGINA 98).
Les sociŽtŽs franaises de production d'effets spŽciaux et d'images par ordinateur commencent ˆ se multiplier et pour certaines ˆ tre compŽtitives :
• DURAN/DUBOI
• Fant™me
• Ex-Machina
• MacGuff Ligne
• Trimaran
• MŽdialab
• Sparx
• 2001
• ZA Productions
• XD Productions
• L'Usine ˆ Image
• Gribouille
Mais :
-> Si la "French Touch" commence ˆ tre sollicitŽe dans les productions, les propositions franaises n'intŽgrent pas aussi vite que les productions outre-atlantique l'innovation scientifique en synthse d'images. -> De ce fait, elles ont peu d'avance et restent donc fragiles, puisque c'est un secteur ˆ mutation technologique trs rapide.
Ainsi, les producteurs de Toy Story (J. Lasseter, Pixar) intŽgrent immŽdiatement dans leur film les innovations les plus rŽcentes des chercheurs amŽricains. Les productions mobilisent un taux trs important de jeunes dipl™mŽs (PhD). Les animateurs conventionnels ont ŽtŽ trs vite intŽgrŽs dans une structure de production en synthse d'images (cas de J. Lasseter dans la sociŽtŽ Pixar, cas du film canadien Tony de Peltry...)
En France, les producteurs et les formations professionnelles ouvertes aux nouvelles technologies de l'image ne sont pas en relation avec la recherche et ne viennent pas vraiment chercher la technologie et le savoir-faire dans les laboratoires. RŽciproquement, les laboratoires franais produisent surtout pour les sciences dures : CAO mŽcanique, gŽosciences, mŽdical, robotique,...
-> Pourtant et malgrŽ tout, la recherche franaise a un niveau excellent avec de trs belles figures qui ont laissŽ leur nom aux algorithmes les plus utilisŽs dans tout logiciel d'images numŽriques, notamment P. BŽzier dans les courbes et surfaces, H. Gouraud pour la lumire, et avec des innovations de plus en plus utilisŽes (tels que le modle physique par exemple).
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