IV. La mutation des contenus et Žvolution des techniques
Dans la phase de dŽveloppement (aprs 85 environ), deux domaines se distinguent :
- l'interactivitŽ : un point clŽ de la bataille des standards a ŽtŽ le statut du "geste graphique" et la norme a favorisŽ le dŽveloppement de terminaux graphiques interactifs et la conception des interfaces utilisateurs
- la synthse de l'image : algorithmes et modles, sous hŽgŽmonie "outre Atlantique".
IV.1. L'interactivitŽ
L'Žvolution des machines graphiques et les choix effectuŽs lors de la bataille des standards ont posŽ les conditions de l'interactivitŽ contemporaine, sur laquelle ont pu se construire toutes les innovations telles que celles menŽes chez Xerox PARC. En effet, un des points clŽs de la standardisation a ŽtŽ la position du geste dit "graphique" dans le logiciel graphique. Le choix a ŽtŽ celui de l'intŽgration du geste graphique dans le logiciel graphique de base, ˆ prŽsent intŽgrŽ en standard dans toutes les machines informatiques. La France n'a jouŽ aucun r™le dans ces innovations, bien que les chercheurs franais aient ŽtŽ trs moteurs dans le dŽveloppement des premires machines graphiques (le terme "infographie" a ŽtŽ dŽposŽ en France en 1974 par la sociŽtŽ BENSON).
IV.2. La synthse de l'image
La synthse de l'image a explosŽ0 successivement sur les thmes scientifiques suivants :
- tout d'abord la modŽlisation de la forme
- puis la modŽlisation de la couleur et de la lumire
- enfin la modŽlisation et le contr™le du mouvement
a. La reprŽsentation numŽrique des formes spatiales
La reprŽsentation numŽrique des formes spatiales s'est tout d'abord intŽressŽe ˆ la description de formes volumiques manufacturables ou manufacturŽes aux gŽomŽtries simples (cubes, sphres...) ainsi que leur assemblage. Toutes ces recherches ont ouvert le domaine de la CFAO, Conception et Fabrication AssistŽe par Ordinateur.
Elle a abordŽe ensuite la description de formes dites "libres" dŽfinies par leur contour, comme les formes aux lignes souples des objets naturels (corps humain, vŽgŽtaux...), ou bien des objets manufacturŽs obtenus par emboutissage, pressage, ou moulages (carrosserie de voiture, pices mŽcaniques complexes, formes d'artisanat...). C'est un franais, Pierre BŽzier, ingŽnieur chez Renault, qui s'est illustrŽ dans ce domaine ds la fin des annŽes 60. Le mode de raisonnement qu'il a suivi est ˆ noter comme exemple fondateur de la relation "art et science" : en observant les artistes maquettistes et stylistes qui mettent au point les formes externes des carrosseries de voitures et obtiennent ainsi des formes douces et lisses non descriptibles par des formes gŽomŽtriques standard, Pierre BŽzier a mis pragmatiquement au point un formalisme mathŽmatique permettant de dŽcrire ce type de courbes et de surfaces et de les manipuler par dŽformation locale de la mme manire qu'un styliste.
C'est le secteur de la CAO (Conception assistŽe par ordinateur) qui a tirŽ tout le domaine, secteur dans lequel l'industrie et la recherche franaise ont d'indŽniables lettres de noblesse avec une figure comme P. BŽzier et des logiciels tels EUCLIDE ou CATIA dŽveloppŽs par les grands groupes privŽs (Renault et MATRA), ˆ partir des recherches de Brun au LIMSI pour EUCLIDE.
-> les logiciels de synthse d'images actuels sont dans une grande proportion basŽs sur ces concepts. -> On peut alors se poser la question de savoir pourquoi ces logiciels n'ont pas donnŽ lieu ˆ des outils pour la production artistique et culturelle alors que leurs concepts sont ˆ la base de tous les logiciels de synthse d'images actuels, en particulier ceux utilisŽs dans les applications artistiques et culturelles.
b. La reprŽsentation numŽrique de l'apparence lumineuse, surfacique et colorŽe des objets
Cette prŽoccupation s'est fait jour un peu avant les annŽes 80. Lˆ encore, la recherche des laboratoires franais s'illustre avec l'algorithme de Gouraud, l'un des plus utilisŽ. Le terme anglais "rendering" utilisŽ pour dŽsigner cette partie de la recherche en synthse d'image, et traduit en franais par "rendu", dŽcrit bien la faon dont l'image Žtait considŽrŽe ˆ l'Žpoque : l'image finale est obtenue en appliquant ˆ l'objet spatial une sorte de cosmŽtique de surface. Elle a donnŽ lieu ˆ ce que l'on a appelŽ du placage de texture, nec plus ultra des annŽes 80, qui, comme son nom l'indique consiste ˆ "coller" sur le pourtour des formes gŽomŽtriques des motifs permettant de donner un aspect marbrŽ, granitŽ ou tissŽ ˆ l'objet. Ce procŽdŽ est trs limitatif en ce qui concerne la reprŽsentation fine de la surface des objets - effet "papier cadeau" - mais il est d'une incontestable efficacitŽ. Puis ce secteur de recherche s'est considŽrablement enrichi et a trs vite donnŽ lieu ˆ de nouvelles faons de voir ainsi qu'ˆ de nouveaux procŽdŽs de modŽlisation de la matire des objets et de son interaction avec la lumire, produisant des images d'une finesse de plus en plus grande : prise en compte de l'Žtat de surface des objets (modŽlisation de la rŽflexion spŽculaire, diffuse...), prise en compte de la rŽaction du matŽriau ˆ la lumire (rŽfraction, absorbsion...), prise en compte de la nature du milieu ambiant (traversŽe d'un vitrail, d'une couche de fumŽe, d'un nuage...).
c. La reprŽsentation numŽrique du mouvement
Aux c™tŽs de la forme, de la couleur et de la lumire, le troisime attribut de l'image est le mouvement.
Pendant longtemps, jusque vers le milieu des annŽes 80, donc bien aprs les percŽes en reprŽsentation des formes, couleurs et lumires, l'animation par ordinateur a consistŽ ˆ copier le procŽdŽ cinŽmatographique image par image. La mŽthode consiste ˆ calculer non pas une forme, mais un ensemble de formes et ˆ les mettre en succession. Puis l'animation a consistŽ ˆ appliquer "a posteriori" ˆ des objets rudimentaires (sphres, parallŽlŽpipdes...) des dŽplacements mathŽmatiquement simples tels que des translations et des rotations. On a vu alors planer dans l'espace sphres et parallŽlŽpipdes aux mouvements de travelling rudimentaires. Dans ces cas extrmement restreints, la forme et le mouvement peuvent tre pensŽs indŽpendamment et appliquŽs l'un ˆ l'autre lors de deux Žtapes successives. Ces procŽdŽs sont similaires au placage de texture, et on pourrait parler de "placage du mouvement".
Comme en gŽnŽral il n'y a pas indŽpendance entre forme et mouvement, dans l'idŽe mme de dŽformation, ces procŽdŽs sont trs limitatifs. Ce n'est donc que vers le milieu des annŽes 80 qu'une vŽritable recherche sur la reprŽsentation et le calcul numŽrique des images en mouvement s'amorce d'une manire gŽnŽrale avec l'apparition de diffŽrents modles de reprŽsentation des dŽformations et des transformations. Les deux voies nouvelles qui s'ouvrent alors sont la modŽlisation physique des corps en mouvement et les processus de morphogense ou de vie artificielle.
La encore, les pionniers sont en France. L'ACROE pratique des modles de dŽformations par modles physiques ds le dŽbut des annŽes 80 (sous contrat Agence De l'Informatique et aprs rejet des projets de films sur cette technique par le Plan Recherche-Image) alors qu'elles n'apparaissent en recherche aux USA que vers les annŽes 85-86.
d. Le contr™le du mouvement numŽrique
Une forme complexe ne peut tre dŽfinie manuellement point ˆ point. C'est cela qui a conduit au dŽveloppement d'interfaces conviviales permettant aux utilisateurs de manipuler des entitŽs gŽomŽtriques et spatiales d'une certaine complexitŽ. Mais il est encore plus difficile de ma”triser point ˆ point et instant aprs instant une forme en mouvement. C'est lˆ une des difficultŽs majeures du cinŽma d'animation. Le saut scientifique et technologique est ici encore plus rŽcent, vers le dŽbut des annŽes 90.
Une premire gŽnŽralisation a consistŽ en la notion de fonction d'Žvolution. PrŽsente dans les travaux de pionniers ds les annŽes 70, comme ceux de F. Martinez ˆ l'IMAG ˆ Grenoble, l'un des fondateurs de la sociŽtŽ GETRIS Image, la fonction d'Žvolution est une description de l'Žvolution au cours du temps d'un paramtre quelconque d'une image (couleur, taille, forme, position...).
Elle se continue dans un courant en vogue actuellement, celui de la "capture du mouvement", o le vŽritable bouleversement vient du fait de l'introduction explicite du geste comme ŽlŽment de communication avec les objets numŽriques (appelŽs aujourd'hui "virtuels"). Par ce biais, l'instrumentalitŽ "live", apanage du jeu musical, fait intrusion dans les arts de l’image par le biais de l'image de synthse. Les procŽdŽs de "capture du mouvement" s'introduisent progressivement dans les outils de synthse d'images et seront trs vite une modalitŽ courante de ma”trise des mouvements. Des nouvelles installations artistiques interactives (ZKM, ZA Production...) vont d'ores et dŽjˆ dans ce sens.
La mise en mouvement d'objets virtuels trouve son expression la plus sophistiquŽe et la plus aboutie dans la manipulation gestuelle ˆ retour d'effort. Dans ce cas, ˆ l'instar du marionnettiste, du sculpteur ou de l'instrumentiste musicien, non seulement, l'animateur "conduit" ses acteurs et objets virtuels : mais, par le fait qu'il peroit leur comportement de manire corporelle et proprioceptive, ces conduites s'effectuent "en connaissance de cause physique", c'est ˆ dire en aprrŽciant la matŽrialitŽ des objets. C'est ainsi que les mouvements peuvent tre plus fins et les articulations dynamiques plus expressives. Ces outils d'interaction gestuelle diffusent actuellement rapidement dans les centres de recherche et les laboratoires et dŽfinissent la base d'une nouvelle race de machines, "les simulateurs instrumentaux", intŽgrant synthse d'images, contr™le gestuel et synthse de sons. De nombreux simulateurs d'apprentissage de t‰ches dextres (telles que des t‰ches chirurgicales) sont en cours d'expŽrimentation dans les laboratoires de recherche.
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