A Naples, quelques jours après le 8 septembre, quelques militants reconstruisent le PRI, sans prendre contact avec les Républicains romains82, ou avec d'autres Républicains dans les régions voisines83. . Le dernier secrétaire de la section républicaine lors de l'interdiction du parti réunit d’anciens militants qui décident de former un comité républicain provisoire chargé de prendre contact avec les anciens membres et sympathisants pour obtenir leurs adhésions. Ils répètent en fait une première tentative faite en 1938, qui avait tourné court après l’arrestation de l’un des leurs.Cette reprise républicaine s'ancre dans une tradition locale qui remonte à 1860, quand existait une importante association républicaine. C'est à Naples qu'en 1864 se tint le congrès des "società operaie repubblicane", premier embryon d'organisation du mouvement ouvrier [Bevilacqua, 1981], mais le début du siècle n'a pas permis au Parti républicain de s'implanter durablement.
Ces refondateurs napolitains ont eu des attitudes très différentes devant le fascisme : le dernier secrétaire de section, Vincenzo Dattilo, est inscrit au PNF de 1924 à sa dissolution84 tout comme Corrado Mastrocinque dont la femme, juive, sera licenciée de l'instruction publique quinze ans plus tard85. Pourtant ce n'est pas ce passé contrasté qui crée des conflits dans la section de Naples, mais des conflits de pouvoir. Les tensions personnelles l'emportent : "peu après, sans convocation d'assemblée et sans avertissement préalable donné à l'intéressé, Ferdinando De Marco fut destitué, et aux côtés des quatre autres membres restés en charge, furent intégrés au Comité Directeur l'avocat Francesco Musmanno et le commerçant Isodoro Odin. Une telle méthode créa des tensions qui nuirent au parti au point de pousser de nombreux adhérents à espacer leur présence aux réunions, puis à ne plus y prendre part"86.
Certains membres quittent la section de Naples, mais restent membres du PRI, ainsi Ferdinando De Marco dirige la section de Salerno en mars 194587. Mais cette crise et le faible dynamisme du parti n'encouragent pas les adhésions : trente membres appartiennent alors à la section de Naples. Cette faiblesse numérique et l'isolement se ressentent sur la vie locale du parti. Les actions des Napolitains sont peu nombreuses : Vincenzo Dattilo en octobre 1943 lance un appel à Radio Napoli pour que les anciens militants rejoignent le nouveau parti. Mais cela se produit alors que le Comité de Libération Nationale est déjà formé et exerce une réelle propagande. Le PRI est l'un des derniers partis à se réorganiser à Naples, avec lenteur.
Ce n'est que dans les premiers mois de 1944, que les Républicains constituent officiellement la section "Mario Pagano", qui accueille une organisation pour les jeunes et une association pour les femmes. La structure organisationnelle progresse, mais les actions se limitent à la célébration de la mort de Mazzini par une conférence le 10 mars, et à une réunion publique dans la Galleria Umberto avec les PCI, PSIUP et Pd'A le 12 mars 1944 [Bevilacqua, 1981]. Pour les carabiniers, "dans l'action politique anti-nazifasciste de ces derniers temps, il n'a eu aucune activité et sa reconstruction fut connue par un article inséré dans Risorgimento par le professeur Vincenzo Dattilo"88. Le manque d'adhérents et le peu d'activité freinent la reprise républicaine, et le financement pose problème : le parti n'a pas de local pour se réunir, si bien que Musmanno accueille les réunions à son domicile. Cette question matérielle explique en partie la crise qui secoue la direction et l'arrivée des deux nouveaux membres contestés : Francesco Musmanno et Isidoro Odin, "avec leurs solides moyens, contribuèrent à sauver le parti"89. Ces nouveaux venus sont peu motivés par les idées des Républicains si l'on en croit la police. Francesco Musmanno, membre du PSI avant 1926, ne gagna pas les rangs du fascisme mais c'est par "ambition de devenir un responsable plutôt qu'un simple militant qu'il s'est inscrit maintenant au PRI plutôt qu'au parti socialiste"90, tandis qu'Isidoro Odin "s'est inscrit au PRI pour défendre son propre capital"91.
Pour la police, "les hommes membres du Conseil directeur ne possèdent pas la culture politique nécessaire pour être pris en considération. Tant que durera cet état de chose, qui inspire une faible confiance aux masses, le PRI ne pourra pas, au moins pour l'instant, espérer résoudre la crise politique dans laquelle il est tombé"92. Néanmoins, ces Républicains napolitains essaient de développer le parti. "Avant même la libération de Rome, les Républicains de Naples tentent de fonder des groupes et des sections dans les villes de Campanie, Calabre, Sicile, Pouilles et Lucanie, mais avec peu de résultats"93.
Le caractère particulier de la refondation à Naples se traduit dans l'attitude adoptée par la direction centrale et la Voce repubblicana : lorsque le dirigeant national Giovanni Conti vient à Naples le 17 décembre 1944, et aborde la position du PRI face à la question méridionale, l'article qui rend compte de son voyage ne fait aucune mention du lieu du discours, de la présence de spectateurs et de l'existence d'une section du parti dans cette ville94.
En fait, une reprise en main a: la direction romaine, selon la police, modifie les structures du parti napolitain, si bien que les "dirigeants de l'organisation locale insèrent leur action dans le chemin tracé par le centre"95. En février 1945, la nouvelle direction est profondément remaniée lors de l'assemblée générale de la section présidée par Luigi Cuccurullo. Dans le nouveau comité directeur siègent Colucci, Cosentino, De Caterina, Del Torto, Minervini, Michelangelo Ragni, Pasquale Vitiello, et deux hommes qui seront candidats aux élections de 1946, Oreste De Cicco et Alfredo Olivieri. Trois hommes sont nommés à la direction de la section, Ermanno Ercolino, Pernice et Ruffini. Il s'agit donc d'hommes de second plan, alors que les premiers reconstructeurs, Vincenzo Dattilo, Francesco Musmanno, Isodoro Odin, demeurent dans la section et assistent à l'assemblée générale sans être retenus pour participer au comité directeur96. Mais leur éclipse est de courte durée, les deux premiers sont candidats républicains sur les listes du PRI lors des élections de juin 1946. A Naples, la reconstitution et la vie du Parti sont rendues difficiles à cause de problèmes d'argent, des rivalités de personnes "embarrassées par leurs compromissions avec l'ancien régime"97.
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