Édition de l’Inter-Réseaux des professionnels du Développement Social Urbain.
Directeur de publication / JP ROGER.
Rédaction / CA de l’Inter-Réseaux,
Fabrication et Distribution / Marc VALETTE - Stéphane HAUDEBOURG
Tirage 2000 ex. en 1ère diff.
N°49
Avril 2003
Corpus DSU
Bulletin de liaison des professionnels du Développement Social Urbain
Merci de diffuser largement
Pour être sur la liste : envoyez un mail à
[BREVES]
INTER-RÉSEAUX DSU
DATES DES PROCHAINS CA DE L’IR DSU
Vendredi 25 avril 2003 à Paris
Vendredi 23 mai 2003 à Paris
Vendredi 4 juillet à Paris
Le CA réunit les deux représentants de chacun des 18 réseaux qui constituent l’IR DSU.
Pour assister au CA : contact <02 40 89 10 18>
et Alain Arnaud (Président) <04 77 10 19 80> ENQUETE POUR LE DÉVELOPPEMENT
des reseaux L’Inter-réseaux des professionnels du DSU souhaite développer les associations régionales comme moyen de renforcer les échanges entre professionnels. Pour cela il lance une enquête pour mieux cerner leurs besoins.
Vous recevrez bientôt par mail un petit questionnaire confidentiel. Les conclusions du travail seront disponibles sur le site < www.irdsu.net >.
Merci de prendre 5 minutes pour y répondre (avant la pause café ou après la réunion d’équipe)
Tiphaine IGIGABEL - Étudiante en 4ème année d’école de commerce - Stagiaire en étude de développement
En collaboration avec Marc VALETTE, chargé de développement pour l’IR DSU
contact@irdsu.net
vie des réseaux RÉGIONAUX
ILE DE FRANCE
Prochaines réunions 2003 :
23 avril 2003
21 mai 2003
18 juin 2003
Contact
50 propositions pour des villes solidaires
MODE D’EMPLOI POUR PARTICIPER
Le texte intermédiaire est en ligne sur le site www.irdsu.net en page d’accueil pour provoquer le débat, les réactions et contributions complémentaires… dans les réseaux et aussi auprès de toute personne intéressée
Nous travaillons à une version courte de ce texte pour une diffusion aux décideurs début mai 2003.
Marc Valette (Chargé développement) <02 40 89 10 18>
Extrait de notre texte intermédiaire qui a mobilisé une trentaine de rédacteurs dans les réseaux.
1 - Des projets territoriaux de solidarité efficaces
ou comment
consacrer la démarche de projet de territoire et le contrat
Depuis le lancement de la démarche de développement social des quartiers, la notion de territoire est au cœur de la politique de la ville. C’est à partir d’un quartier bien identifié et dans un mouvement ascendant que le projet s’élabore. La démarche part d’un diagnostic partagé, débouche sur un projet et un plan d’actions actés dans un contrat.
Pour nous cette démarche reste la meilleure méthode :
Elle oblige à prendre en compte spécifiquement chaque territoire alors que l’action publique ordinaire est conçue comme devant être la même partout.
Elle permet un regard global et une action intégrée entre différents acteurs pour mieux appréhender les réalités. Et La plupart des problèmes ne peuvent être traités durablement que par des coopérations nouvelles entre acteurs.
Elle fonctionne sur une logique de responsabilités partagées et d’engagements formalisés, elle donne la parole aux gens concernés et renforce leurs capacités d’action.
Mais l’échelle du quartier touche ses limites pour traiter des problèmes dont la solution se trouve ailleurs (emploi, habitat…). Il devient ainsi nécessaire de permettre des articulations entre cette politique à l’échelle des quartiers et les politiques menées à l’échelle des villes et des agglomérations, surtout depuis les dernières évolutions législatives qui ont confié une “ compétence ” politique de la ville aux communautés d’agglomération (ce qui pose problème car une compétence ne constitue pas une politique).
En outre, il existe de fortes inégalités entre territoires, inégalités de situations, inégalités de ressources et de moyens. Le risque est alors de demander à la politique de la ville de faire du rattrapage sans lui en accorder les moyens.
Les collectivités, communes, agglomérations,sont les maîtres d’ouvrage de leur projet. Cependant comme la complexité s’accroît, des villes moyennes aux grandes agglomérations jusqu’à l’extrême enchevêtrement de la région parisienne qui constitue un problème spécifique à elle seule, il faut inventer des méthodes et dispositifs techniques, financiers et démocratiques en rapport avec la taille et la complexité des problèmes.
En conséquence, la voie d'une réforme de l’Etat et d’une décentralisation “ faisant le pari ” de la responsabilisation des élus, décideurs et agents publics à tous les niveaux est la condition première de la démarche de projet.
Propositions
Au plan national
1-Réaffirmer la responsabilité partagée des élus locaux et du Préfet dans le pilotage du projet, pour en fédérer les partenaires et les acteurs.
La décentralisation n’établissant pas de hiérarchie entre les collectivités, la notion de chef de file doit être légitimée par les différents partenaires. Selon nous le chef de file devrait être une collectivité locale. En dernier lieu, par défaut de chef de file effectif, l’Etat local doit pouvoir prendre la main pour ne pas laisser de territoires en déshérence.
2-À court terme et dans la perspective de la nouvelle étape de la décentralisation, il nous semble important de faire évoluer le rôle du Ministère de la Ville, du CIV et de la Délégation Interministérielle à la Ville :
Rattacher le Ministre de la Ville auprès du Premier Ministre et repositionner la Politique de la Ville et le DSU comme priorité interministérielle. Élargir l'objet de la politique de la ville qui ne devrait pas être exclusivement les "quartiers en difficultés" et la rénovation urbaine mais aussi le développement solidaire des territoires.
fusionner à moyen terme la DIV et la DATAR pour accompagner la nouvelle décentralisation, (voire d’autres services centraux de l’Etat comme la Direction centrale des collectivités locales) et créer un ministère d'Etat chargé du développement des territoires placé auprès du Premier Ministre.
3-Réformer les mécanismes de péréquation fiscale et les modes de répartition des crédits.
Nous pensons, comme le CNV, qu’une réforme structurelle des dotations de péréquation depuis les communes riches vers les communes pauvres est nécessaire.
En attendant qu’une telle réforme soit décidée, nous préconisons une politique de la ville différenciée selon la situation des territoires, ce qui implique une posture différente pour l’Etat :
Une priorité absolue d’affectation des moyens sur les territoires qui vont le plus mal. Ces sites seraient le laboratoire de la réforme de l’action publique pour territorialiser les interventions sectorielles (sortir de la norme pour faire mieux). Ils seraient particulièrement renforcés en ingénierie.
Une intervention différente sur les territoires en développement. L’Etat y serait plus en retrait, consacrerait moins de moyens mais resterait en veille pour garantir que les quartiers soient réintégrés dans la logique de développement.
Une intervention également différenciée selon la nature du problème à traiter sur les différents territoires : actions de réparation ou actions de prévention.
4-Arrêter la production de dispositifs qui suppléent l’absence de mobilisation des politiques de droit commun et limiter la production des circulaires nationales à la seule définition des grands objectifs :
Créer les conditions d’une dynamique : la confiance, la responsabilisation, la qualification et le soutien aux acteurs locaux.
Donner toute latitude aux représentants de l’Etat local pour adapter leurs engagements aux nécessités du projet local (par une déconcentration importante des responsabilités et des moyens des administrations centrales).
5-Donner tout son sens à l’engagement contractuel pluriannuel :
En obligeant à préciser les engagements de chacundans son contenu (y compris financiers) : les dispositifs de pilotage politique et technique, l’évaluation et son partage mais aussi les procédures d’appel et de recours en cas de non-respect. Il ne doit pas être un catalogue d’intentions mais un projet de territoire alimenté par des diagnostics croisés, pouvant être renouvelés de manière constante.
En donnant toute son importance à l’évaluation, notamment celle qui est prévue à mi-parcours en 2003, cela doit être l'occasion à minima d'une "relecture collective" de l’ensemble des travaux qui fondent, sur un territoire, la politique de la ville. L’évaluation est un levier majeur. En dernier recours, sans volonté d’évaluer de la part des acteurs locaux, l’Etat doit se retirer du contrat.
Au plan local
6-Réaffirmer l’importance d’une équipe technique de projet adaptée à la dimension des objectifs du contrat :
Constituer des équipes projet efficaces susceptibles d’intervenir à plusieurs niveaux : quartiers, villes et agglomérations avec les spécialistes thématiques nécessaires. Equipes renforcées du point de vue de leurs compétences et intégrant des savoir-faire particuliers en ingénierie administrative et financière. Ces équipes doivent être intégrées et pluridisciplinaires, dotées de moyens équilibrés entre l’ingénierie sociale, économique et urbaine. Elles comprennent des partenaires des services de droit commun.
Légitimer ces équipes par un co-mandatement explicite définissant leurs missions, y compris pour leur permettre de coordonner les engagements de droit commun sur un territoire, et d’en signaler les dysfonctionnements. Cela suppose notamment de systématiser les lettres de mission qui définissent le cadre, les objectifs et les moyens de la mission assignée à l’équipe.
Cofinancer systématiquement les équipes projet sans tenir compte de la nature de l’employeur (fonctionnaires ou non) parce qu’elles sont responsables techniquement des résultats auprès de la maîtrise d'ouvrage collective.
Renforcer le positionnement du "chef de projet" tant auprès des élus que des directions administratives. Sa légitimité tient à son rôle technique d'aide à la décision et de management de la mise en œuvre générale du projet sans se substituer aux décideurs, techniciens et autres acteurs.
Promouvoir localement les groupements d’intérêt public comme support partenarial de pilotage stratégique du projet et pour développer la mutualisation des crédits permettant ainsi de se consacrer exclusivement à la stratégie du projet, sans perdre de temps sur les montages financiers et administratifs.
Systématiser des observatoires sociaux, urbains et économiques (ou fédérer les observatoires thématiques existants) pour croiser les différents indicateurs disponibles. La connaissance objectivée des dynamiques des territoires permettra de qualifier les diagnostics pour fonder de bons projets.
7-Soutenir les pôles politique de la ville au sein de l’Etat local :
Nommer les Sous-Préfets Ville en fonction de leur parcours et de leurs motivations.
Renforcer les moyens humains des Missions Villes et des services déconcentrés de l’état, conforter le rôle d’animation interministérielle de l’Etat local auprès du Préfet avec les sous-préfets d'arrondissements.
Renforcer les moyens des SGAR au niveau régional.
D’un point de vue général
8-Permettre à l’ensemble des acteurs de terrain d’avoir les moyens de s’investir dans les démarches de développement social urbain :
Reconnaître et rendre obligatoire un "temps de travail partenarial" pour tout agent public, modulable selon sa fonction. L’inscrire dans les fiches de poste et dans les projets de service. Intégrer l’investissement “ politique de la ville ” des agents publics dans leur évaluation.
Faire valider par les comités de pilotage le travail en réseau comme indispensable à l’enrichissement des démarches de projet : commissions thématiques inter partenaires, conseil local de développement social, plateau technique pour l’habitat, commission des acteurs de l’emploi…
Faire reconnaître par les employeurs le droit et l’obligation faits aux professionnels de se former en permanence. La formation de personnes d’origines différentes est un moment essentiel d’échange sur les pratiques et la connaissance du territoire.
Budgétiser la possibilité de recours à des experts extérieurs pour accompagner les équipes dans leurs pratiques (supervision et “ coaching ”)
9-Adapter les cadres d’emploi de la Fonction Publique de l’Etat et de la Fonction Publique Territoriale aux nouveaux enjeux du développement :
Inscrire le développement territorial, la conduite de projet et le management participatif dans les programmes des concours, les formations initiales et continues des agents publics.
Rendre possible les passerelles entre ces deux fonctions publiques afin d’enrichir l’efficacité collective (ex : Professionnels DSU intégrés auprès des Sous-Préfets et des SGAR)
10-Structurer les métiers du développement social urbain :
Généraliser les formations en alternance avec stages en situation réelle et accompagner la décentralisation et la réforme de l’Etat d’un plan national et de plans locaux pluriannuels de formation des acteurs locaux, notamment pour les élus et les agents publics.
Associer les organisations professionnelles de développeurs territoriaux dans la définition des contenus, dans les jurys et comme intervenants dans les formations.
Valider les expériences professionnelles exercées dans le DSU pour ouvrir l’accès aux emplois supérieurs des fonctions publiques et du privé (ouvrir le corps des ingénieurs et des administrateurs territoriaux aux développeurs).
Constituer un “ vivier ” de professionnels du développement territorial favorisant leur mobilité pour une meilleure adéquation entre offre et demande (bourse d’emploi dynamique, quel que soient les statuts, les types d’employeurs et de territoires).
Engager une démarche de qualification et de certification des professionnels reconnue à partir des référentiels métiers. Ce vivier de professionnels certifiés permettra d’améliorer la définition des missions et des profils souhaités par les employeurs (lettres de mission) pour améliorer la qualité du projet. Il devra être animé dans une logique partenariale avec les professionnels du DSU. Nous sommes prêts à y travailler activement.
11-Afficher clairement l’importance de la formation dans les modes opératoires de la Politique de la Ville :
Financer sur site des formations inter-services et inter acteurs (ouvertes aux habitants impliqués). Exiger un volet “ formation accompagnement" dans chaque Contrat.
Consolider les plates-formes régionales de formation pour qualifier les acteurs dans une logique à la fois partenariale et propre à chaque organisation.
Capitaliser les pratiques professionnelles spécifiques de la conduite de projet de territoire en milieu urbain en lien avec le milieu professionnel regroupé au sein de la plate-forme nationale animée par l'Unadel.
Créer des centres ressources régionaux voire départementaux et les élargir au champ du développement territorial (exemple : quartiers et territoires d’Aquitaine). Pérenniser leur financement en les inscrivant dans la compétence formation professionnelle des régions.
AUTRES PARTIES
2 - METTRE EN œuvre LA PARTICIPATION DES HABITANTS OU COMMENT DÉMOCRATISER L’ACTION PUBLIQUE
3 – revisiter les politiques sectorielles ou comment le dsu doit inspirer de nouvelles pratiques AVIS DU CONSEIL NATIONAL DES VILLES Le CNV, réunion en AG à Bordeaux les 13 et 14 mars 2003 a adopté la motion suivante :
Les finances locales
Le CNV ne peut que rappeler, encore une fois, l’impasse dans laquelle se trouve un certain nombre de villes (environ 400). La pauvreté y est structurelle, le rapport ressources/charges et besoins totalement déséquilibré ; avec la TPU, des communes ont perdu un outil de rééquilibrage. La politique de la ville ne peut les “ remettre en égalité ” : dérive et exclusion s’y poursuivent inexorablement.
Le CNV s’inquiète de ce que le renouvellement urbain risque d’absorber tous les crédits de la Politique de la Ville (droit commun et spécifique) au détriment du fonctionnement des quartiers et de la gestion de proximité.
Le CNV appelle donc solennellement le gouvernement à changer “ structurellement ” les finances locales et notamment les politiques de droit commun : la réforme de la DSU et de la fiscalité locale, sans cesse annoncée et sans cesse repoussée doit être menée à bien avec courage et sans retard ; il ne faut pas limiter la redistribution à la même “ enveloppe ”, il faut agrandir l’enveloppe !
Prenant acte du consensus sur ce point, le CNV, toutes tendances confondues, appelle les Parlementaires à déposer une proposition de loi inter-groupes en ce sens. Il mandate ses membres parlementaires à intervenir auprès des différents groupes pour ce faire.
Prévention de la délinquance
En 20 ans, les caractéristiques de la délinquance ont changé, les comportements se sont radicalisés. les professions chargées de lutter contre la délinquance, éducation spécialisée, policiers et gendarmes, justice, ont évolué. De nouveaux métiers sont apparus (ALMS), les profils de ces professionnels et leurs pratiques ont évolué avec plus ou moins de cohérence. Récemment, le Ministre de l’Intérieur a appelé les forces de police à se repositionner sur “ leur cœur de métier ”.
Le CNV rappelle qu’il appartient aux Maires de jouer leur rôle de “ conduite politique ” dans ce domaine, d’organiser la cohérence dans l’action de tous en animant une réflexion de fond sur les principes communs pour l’action de chacun : la relance des CLS associant prévention et répression et des CLSPD comme cadre de concertation doit se faire de toute urgence.
Pour “ asseoir ” et conforter ces démarches locales, le CNV estime indispensable, au moment de la 2ème étape de la décentralisation, que l’Etat confirme les principes directeurs pour l’action dans ce domaine (priorité et références communes, éthique, répartition des rôles…). Le CNV demande au Premier Ministre d’organiser, avec l’aide du Ministre de la Ville, un séminaire interministériel sur la prévention de la délinquance, associant l’Intérieur, la Défense, la Justice, les Affaires Sociales, l’Éducation Nationale et Jeunesse, la Santé, le Logement, les Sports ainsi que les Conseils Généraux, les associations d’élus et les organisations professionnelles.
Parallèlement, il propose au Ministre de la Ville que CNV et DIV co-organisent au niveau national des ateliers des métiers de la lutte contre la délinquance : coordonnateurs CLSPD, nouveaux métiers de la médiation, prévention spécialisée, gardien d’immeubles, police, gendarmerie et justice.
le développement social urbain / la lutte contre l’exclusion
Le CNV ne peut que s’inquiéter de l’amoncellement de “ mauvaises nouvelles ” concernant le soutien aux actions DSU : suppression des emplois jeunes et réduction des emplois aidés, gel des crédits de fonctionnement et incertitude sur les subventions aux associations, réduction importante des crédits FASILD, CAF et FSL, limites portées à la CMU…
Le tout dans un contexte de chômage en pleine reprise et de tensions internationales qui ne peuvent laisser indifférents.
Il redoute l’effet de ces mesures sur les populations les plus fragiles et affirme avec vigueur qu’aucune stratégie de renouvellement urbain, aussi forte et efficace soit elle, ne parviendra à enrayer seule une nouvelle dérive des quartiers et des populations.
Il rappelle aux pouvoirs publics les principes républicains et donc leur impérieux devoir de rétablir des égalités et des protections des plus exposés.
Rappelant que la prévention est toujours moins coûteuse que la réparation, le CNV demande en conséquence que soit élaboré un “ Plan d’urgence pour le développement social urbain ” qui dans le contexte de 2ème étape de décentralisation mette en cohérence et remette à niveau tous les besoins liés à la prévention de la délinquance, à la lutte contre l’exclusion et au fonctionnement du dispositif de développement social dans les villes les plus pauvres.
En conclusion, le CNV demande en urgence une audience au Premier Ministre, son président, pour l’entretenir de l’ensemble de ces questions.
REFLEXIONS DU RÉSEAU RHONE-ALPES
SYNTHESE DE LA JOURNEE DU 18 mars 2003 à Grigny (69)
Après la présentation de la journée, le tour de table et le rappel de l’actualité budgétaire (annonce de diminution de crédits pour le FSL, baisse importante des crédits du FAS, …), les animateurs du réseau en ont précisé l’enjeu : aider à constituer un ensemble de propositions en réponse au Ministre de la Ville. Deux thématiques de réflexions ont été choisies : sens et territoire d’une part ou comment articuler les différentes échelles de la politique de la ville entre quartier, ville et agglomération ; ingénierie et collectivités d’autre part ou comment situer les professionnels de la politique de la ville dans cette multiplication des échelles. Les échanges ont porté sur le passage des contrats de ville à l’échelle intercommunale et des modifications de pratiques que cela induit. La question est de savoir d’une part comment penser les échelles et les compétences, pour construire du sens au niveau de l’agglomération, et d’autre part quelle ingénierie développer, comment s’organiser pour intégrer les objectifs du contrat de ville dans un véritable projet de territoire.
1.SENS ET TERRITOIRE
Pour commencer, la réalité même de l’agglomération en tant qu’échelle de référence a été discutée. Depuis le quartier à la ville puis à l’agglomération, on constate des distorsions importantes dans les diagnostics réalisés à ces échelles. Les diagnostics restent faisables à l’échelle du quartier, plus complexes à l’échelle communale, souvent inexistants à l’échelle de l’agglomération. Pour certains participants, le contrat de ville d’agglomération n’est que la juxtaposition de contrats de ville communaux ce qui rend encore plus difficile les diagnostics. Certains sites se sont engagés dans des démarches intercommunales par le biais contractuel pour ensuite engager des diagnostics à l’échelle des quartiers. La notion même de compétence à l’échelle de l’agglomération interroge : D’une part, il ne s’agit pas d’une compétence exclusive, d’autre part, les agglomérations prennent-elles une compétence ou s’engagent-elles dans de véritables politiques ?
Les procédures de renouvellement urbain (à travers les GPV et ORU) questionnent elles aussi. Elles obligent à un resserrement de la géographie prioritaire qui peut se faire au détriment des petits sites : ne va-t-on pas vers une politique de la ville à deux vitesses ? Les participants ont le sentiment d’une dilution de la question territoriale dans cette multiplication d’échelles et ces variations de label qui rendent la définition même de la politique de la ville plus complexe. Pourtant, un dispositif comme l’ORU peut être un outil du repositionnement des questions de territoire et de proximité dans la mesure même où partant d’une échelle territoriale bien précise (un quartier) il permet de réinterroger la solidarité, le développement économique, les questions d’habitat à l’échelle même de l’agglomération.
Le passage à l’agglomération rend possible la mise en œuvre de politiques thématiques (mixité sociale, peuplement, parcours insertion-formation-emploi ...) et donc de sortir d’une logique trop locale, de quartier, qui ne permet pas de trouver des réponses et d’activer des systèmes se trouvant hors les territoires prioritaires. Mais c’est bien l’entrée quartier qui permet cette remontée à l’agglomération. Celle-ci est évidemment inégale suivant les sites et le positionnement des professionnels. Un chef de projet porteur d’un contrat de ville d’agglomération peut plus facilement jouer des échelles territoriales qu’un agent de développement missionné sur un quartier pour qui les logiques d’agglomération sont assez lointaines. Au delà de la multiplicité des positionnements institutionnels, la faiblesse des diagnostics partagés semble favoriser l’instrumentalisation des politiques. Ainsi sur un site, la priorité était d’élargir la géographie prioritaire, le diagnostic venant après cette priorité. Sur d’autres sites, ce n’est pas le diagnostic partagé entre professionnels qui est au cœur de la logique de projet mais la procédure de renouvellement urbain qui constitue la locomotive. Que le projet urbain soit la locomotive du développement local apparaît regrettable à certains participants : c’est le retour de l’appareil urbain et de ses ingénieurs contre le réseau de la politique de la ville. Du coup, il est plus facile de faire remonter à l’échelle de l’agglomération des questions proprement urbaines que des questions sociales relatives au vécu des populations. A l’échelle de l’agglomération, le seul diagnostic existant reste celui du PLH. Aujourd’hui sur de nombreux sites, on constate une grande faiblesse de données sociales consolidées à des échelles intercommunales. On dispose d’un nombre important de données partielles, thématiques, d’enquêtes de satisfaction habitante, de tableaux de bord de quartier ; autant d’éléments qui restent difficiles à agréger pour avoir une lecture plus solide des agglomérations.
Le diagnostic légitime la procédure
Mais là encore, le diagnostic à différentes échelles, nécessaire en tant que préalable à l’action reste bien souvent un diagnostic “ de légitimité ” pour aller chercher un nouveau dispositif ou une nouvelle procédure plutôt qu’un diagnostic qui poserait un véritable état des lieux de l’existant. En même temps, certaines communes voient bien la nécessité de repartir de diagnostics affinés. Ainsi la ville de Lyon avec la mise en place d’un Projet Educatif Local. Les expertises mobilisées autour de ce projet permettent de venir reformuler les projets de quartier.
A évoquer la recherche de légitimité du diagnostic, on tombe vite sur les logiques financières de guichet et plus largement sur la technicisation de plus en plus importantes des questions sociales, ce qui peut entraîner leur dépolitisation. Ainsi de la Dotation de Solidarité Urbaine : comment garantir sa bonne utilisation ? Ainsi du droit commun et de son opacité actuelle. Bien souvent celui-ci n’est pas assuré et les dispositifs de la Politique de la ville compensent leurs déficits, ainsi de la Gestion Sociale et Urbaine de Proximité qui vient compenser le non entretien de certains bailleurs.
Le passage à l’agglomération permet pourtant, en termes de financements, de raisonner plus à partir des publics prioritaires que des territoires prioritaires. Ainsi peuvent être financés des actions hors territoire contrat de ville mais qui participent à développer la mobilité et la mixité sociale. Le niveau agglomération permet donc à la politique de la ville d’élaborer de nouvelles réponses pour le développement solidaire du territoire intercommunal dans son ensemble. On remarque cependant la difficulté de certaines agglomérations à construire un véritable projet de “ cohésion territoriale et de solidarité ”, soit parce qu’elles sont constituées de plusieurs villes de taille importante qui ne veulent pas se dessaisir de leurs prérogatives (exemple : Nord Isère), soit parce qu’une ville-centre domine et se sert de l’opportunité de l’agglomération pour répartir ses charges sans partager son pouvoir (elle reste le pilote du projet). Deux risques majeurs sont alors identifiés avec le passage à l’agglomération :
–que les élus locaux prennent trop de pouvoir et instrumentalisent le contrat de ville dans une optique politicienne,
– qu’il y ait dilution du projet de quartier dans le projet municipal, la politique de la ville deviendrait alors plus de la gestion sociale que du développement local.
Les négociations en cours autour des contrats d’agglomération montrent également la possibilité d’un troisième risque :
- celui d’une déconnexion des questions sociales d’avec les logiques d’agglomération. Comment les professionnels sont-ils associés à la négociation de ces futurs contrats ? Comment leur expertise est-elle mobilisée ?
Pour finir, la question du contrat a été évoquée : qui est engagé par le contrat de ville ? Qui le garantit ? Dans la pratique, on constate souvent que les partenaires du contrat sont devenus des financeurs qui n’ont qu’un rôle assez faible en termes d’aide à la méthodologie. De même, certains exemples de comité de pilotage qui ne se réunissent pas ou les nombreuses difficultés autour des objectifs du PLH montrent bien la labilité des engagements contractuels et la faiblesse des portages politiques de ces contrats.
Face à cela, l’État a un rôle important de garant des principes et objectifs de la politique de la ville. Il doit afficher fortement le partenariat et l’aspect contractuel de cette politique pour éviter l’hégémonie de la ville et l’instrumentalisation du contrat de ville. D’autre part, il doit veiller à la prise en compte effective et particulière des besoins des populations des territoires en contrat de ville.
2.Quelle ingénierie ?
Dans un contexte d’agglomération, les équipes des contrats de ville doivent d’autant plus se re-centrer sur les objectfis premiers de la politique de la ville :
identifier et hiérarchiser les enjeux et les besoinsprioritaires (cela implique de faire son deuil de certaines actions),
rester dans une logique de mission (limitée dans le temps) et d’expérimentation pour développer de nouvelles réponses,
ne pas s’enfermer dans une logique de gestion des dispositifs mais conserver un rôle fort d’interpellation du droit commun, d’impulsion et d’accompagnement des initiatives locales.
Pour cela, il est nécessaire de simplifier les procédures de financement-programmation afin de décharger les chefs de projet de tâches administratives qui les éloignent de leur fonction d’animateurs et de relais auprès des habitants. On observe en effet une “ technocratisation ” du poste du chef de projet d’agglomération qui perd son lien au “ terrain ”.
L’importance durôle de l’agent de développement dans les équipes MOUS est à nouveau soulignée : il permet au chef de projet de rester connecté avec les populations et de rester informé des réalités et potentialités des territoires prioritaires.
De plus, l’intégration d’une équipe Mous au niveau des services de l’agglomération permet d’éviter qu’elle ne soit perçue comme un service pouvant entrer en concurrence (sur les moyens) ou en opposition (sur les principes) avec les services du droit commun des municipalités ; ainsi elle se trouve positionnée plus clairement sur une fonction d’ingénierie, d’appui et de dynamisation du droit commun.
Il serait intéressant à ce sujet, pour conforter cette fonction d’impulsion et d’accompagnement d’initiatives locales de rendre les procédures et financements plus souples et de créer des“ fonds de développement local ” (mis à disposition par les institutions) : mobilisables facilement, hors contrainte de la programmation, afin de s’adapter au rythme et besoins des associations et des habitants.
Cependant, ces différents principes butent sur certaines inquiétudes professionnelles. N’assiste-t-on pas à de nouvelles dichotomies entre urbain et social avec l’émergence de directeurs de GPV ? Aujourd’hui, les professionnels de la politique de la ville constituent différentes figures professionnelles. Ainsi quoi de commun entre l’agent de développement sous statut emploi-jeune et le directeur de GPV ? Cette diversité ne participe-t-elle pas de l’éclatement de la lisibilité des équipes?
En outre, les recompositions des équipes amènent certains chefs de projet à de nouvelles fonctions de management d’équipe. Alors même que ce qui faisait le charme de la fonction de chef de projet résidait dans le non-hiérarchique, dans sa capacité à bousculer les systèmes hiérarchiques, les appareils municipaux et étatiques pour développer de nouveaux réseaux de partenaires et de nouvelles logiques d’action, les changements en cours obligent les chefs de projet à se confronter à la question hiérarchique. Le vieil appareil urbain relooké ne reprendrait-il pas le pouvoir sur les réseaux sociaux et les dynamiques militantes ? Là encore la réalité des sites montre une grande diversité : entre l’intégration forte dans les services municipaux ou intercommunaux comme à Grenoble et des équipes plus “ électron libre ” à l’articulation des différents services sur l’agglomération lyonnaise. En outre, la multiplication des dispositifs (CEL, CTL, CLSPD, …) et leurs coordonnateurs vient aussi interroger le positionnement des équipes et leur lien avec ces coordonnateurs. Dans ces reconfigurations en cours, propres à chaque collectivité et souvent changeantes, il reste difficile de trouver une communauté de positionnement. Le principal risque de ces transformations en cours semble être pour les professionnels la perte de lisibilité d’un projet de développement social au détriment d’un affichage des transformations urbaines. L’exemple de l’agglomération lyonnaise et des différents projets de démolition est ici pertinent : il reste difficile pour une équipe quartier de faire l’analyse à l’échelle de l’agglomération des conséquences sociales des projets de démolition. De même sur les questions de la jeunesse, les équipes sont parfois démunies tant, du côté du travail social, l’accompagnement de ces populations jeunes s’avère de plus en plus compliqué.
Tout se passe comme si les équipes semblaient tendues entre “ l’ en bas ” et les difficultés de coordination des actions sociales (l’exemple des intervenants sur le champ de la jeunesse est emblématique) et “ l’en haut ” et les projets de transformations urbaines qui leur échappent peu à peu. Certains évoquent alors la nécessité de re-missionner clairement (à travers des lettres de mission) ce qui est attendu des EMOUS tant politiquement que techniquement.
Pour synthétiser les débats, dans ce qui apparaît comme une dilution de la question territoriale (ou plus exactement, une multiplication des échelles territoriales qui complexifie toute lecture et définition de la politique de la ville), c’est toujours l’entrée par les publics et les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville qui doit constituer le sens des interventions professionnelles. Du côté des positionnements multiples des équipes, la question aujourd’hui est leur capacité à pouvoir jouer un rôle d’interpellation aux différents échelons territoriaux.
Ou pour le dire autrement quel peut être l’avenir de la politique de la ville dans les projets d’agglomération ?