« Quand un Newton a une idée géniale, il tombe dans les pommes ».
« Il n'est pire sourd que celui qui ne peut pas entendre ».
« Celui qui a quelqu'un dans le nez ne l'a pas dans la bouche. »
« Plus j'aime à recevoir des coups et plus je marche les yeux fermés dans le noir. »
« Tout corps plongé dans un abîme de génuflexion recevra un coup de pied de bas en haut qui le remettra dans la position verticale au poids du derrière déplacé. »
Mais puisque nous avons trouvé, sans les avoir cherchés des scientifiques qui semblent nous donner raison, nous nous empressons de les annexer. Personnellement, j'estime capital le passage : « Dans la dialectique, l'instabilité, à la limite, l'incertitude entre ce qui dans l'homme est sapiens et ce qui est demens ». Nous allons d'ailleurs y revenir à propos de nouvelles pratiques car il nous faut revenir maintenant « dialectiquement » à notre quotidienneté.
Mais pour rester dans une tonalité sérieuse, je cite auparavant la lettre d'un camarade de la commission « Formation Permanente » de la Pédagogie Freinet. Ce qui me saisit, c'est qu'il travaille dans une prison. Et il me dit combien notre « créadultivité » y pourrait être utile. Pourtant, il n'avait participé qu'à une seule séance d'expression écrite dans un congrès Freinet. Et ça lui avait suffi pour en saisir les principes.
Il avait d'abord essayé de répondre à la demande des prisonniers en les aidant honnêtement à progresser sur le plan de l'orthographe avec l'aide de fichiers auto-correctifs, de dictées, etc. Mais ca avait été vite balancé. Ca, ce pouvait être fait dans la cellule. Mais c'est d'expression en groupe que ces hommes avaient fondamentalement besoin.
« Là comme dans nos classes ou dans n'importe quelle situation d'éducation, il apparait évident que les progrès de l'enseigné ne passent pas par l'acquisition de « contenus » déversés par l'enseignant, mais que ces progrès ne seront possibles (et presque sans le secours du maître) que lorsque l'individu aura découvert et développé sa propre valeur, sa propre potentialité au sein d'un groupe.
J'ai lancé l'idée d'un déblocage de l'expression par des techniques vécues en stage Ecole Moderne. Et, oh ! surprise, l'idée a été acceptée avec enthousiasme et les résultats ont dépassé en valeur de forme et de fond tout ce qu'on pouvait en attendre - a priori - avec de tels groupes »
Georges
Un autre camarade a conduit la même expérience dans les mêmes conditions. Un autre essaie dans un H.P. D'autres, avec des ados en difficultés, des cas sociaux, des gitans dans une cité de transit, des adultes dans un foyer de jeunes travailleurs, des adolescents dans des L.E.P...
C'est vrai, partout il y a aussi cette bataille à mener et à gagner : celle de la levée de la parole. Et nous devons y prendre part. Le moment est peut-être venu où de nombreux opprimés pourraient retrouver une voix. Déjà de nombreuses paroles se sont fait entendre. Mais il reste encore beaucoup à faire. Si tant de personnes ont choisi de parler par la maladie, la folie, la marginalité, la fuite, l'agressivité, la délinquance, c'est parce qu'elles n'avaient pu obtenir le droit à leur vraie parole, à une parole écoutée.
Et même dans la vie dite normale, tout le système est construit pour que des millions d'enfants et d'adolescents soient dans le même cas. Ces jeunes parleront autrement, c'est sûr. Ils ont déjà commencé. Evidemment, ils en pâtiront. Mais ils ne seront pas les seuls.
« La plupart des faits divers qui du futile au dramatique composent notre existence quotidienne sont des histoires d'amour vécues à rebours. La tendresse qui n'étreint pas étouffe avec rage. Que de caresses refoulées dans la série monotone des lassitudes, des mélancolies, des heurts, des sectarismes, des mépris, des haines, des coups, des meurtres »
Raoul VANEIGEM
Cependant, cette situation n'est pas irrémédiable. On y peut quelque chose. C'est pourquoi nous avons à travailler sur le plan de l'acceptation d'un peu plus de demens puisque ce demens est normal. Puisque c'est la moitié de l'homme.
Mais il y a également à remettre en question des pratiques anciennes et mutilantes. Et à proposer de nouvelles techniques sur le plan même du travail sérieux. A ce sujet, nous pouvons dire comment nous avons découvert le bilan tournant.
Un jour, notre institution I.U.T. poussa la dégradation de sa pédagogie jusqu'à demander que chaque étudiant présente le bilan de ses activités dans l'atelier qu'il s'était choisi. Comment allions-nous parer ce mauvais coup ? Pouvions-nous accepter de laisser salir et tuer notre écrit qui s'étouffe dès qu'on lui place un point de passage obligé dans l'avenir. De plus, moi, l'enseignant, je pensais depuis longtemps que lorsqu'on fait un boulot par devoir, il est quasiment inutile pour soi. Il sert tout au plus à combler le besoin de puissance des représentants de l'institution. C'est, à tout le moins, un travail peu rentable. Lorsqu'on travaille en fermeture, même avec courage, même en se tenant la tête à deux mains et en se bouchant les oreilles pour s'isoler du bruit extérieur, le rendement est toujours faible. Ça n'accroche pas. Alors que si l'on travaille sur ses questions , en ouverture, en décontraction, sans négliger les temps de rire, on avance beaucoup plus vite. Et on retient sans effort. C'est pourquoi je voulais protéger les étudiants de ce travail artificiel de figement de la pensée. Mais comment faire ? C'est alors que tout naturellement, quelqu'un proposa de faire tourner également le bilan.
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