Documents de l’educateur 172-173-174 Supplément au n°10 du 15 mars 1983 ah ! Vous ecrivez ensemble ! Prat ique d’une écriture collective Théor



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MICHELINE
« Comme tu le sais, l'atelier de l'écrit a été un passage important pour moi. Quand je demandais aux vieux de l'I.U.T. ce que c'était, ils me disaient : -Tu verras, c'est spécial, c'est une surprise ; on ne peut en parler comme cela. Et c'est vrai. Maintenant, quand j'en parle, je dis : c'est un endroit où l'on rit souvent, où l'on pleure parfois, où on se vide, où on se remplit, où on se découvre, où l'on découvre, où l'on s'aime, où l'on crée, où l'on comprend et bien d'autres choses encore. C'était difficile au début. Je n'osais pas écrire ce qui me venait par la tête ; c'était tellement absurde, ridicule, bête, mal élevé ; mais par rapport à qui ? par rapport à quoi ? Par rapport au ridicule, à la bêtise, à l'absurdité ; alors pourquoi ne pas l'écrire ? Et j'ai écrit plein de choses et j'ai ri avec les autres et les autres m'ont acceptée telle que j'étais, alors j'ai accepté les individus du groupe et le groupe tout entier. Nous avons fait des romans où nous avons découvert notre imagination et nous avons trouvé que nous en avions beaucoup, plein, plein, la tête et dans le coeur. Par la suite, les poèmes sont venus avec l'amour dans le groupe. Eh oui, nous faisions l'amour par écrit. C'était extraordinaire. Je me sentais bien devant cette grande assemblée d'intellectuels, soi-disant. Je n'avais plus honte de prendre la parole. J'écoutais les autres aussi, ce qui est important dans l'atelier. Aujourdhui je n'ai plus la trouille devant les autres, la trouille du ridicule, terminée, finie. Celui qui pense au ridicule devrait écrire avec nous. Je ne suis plus à Rennes mais, quand j'écris, il y a toujours le groupe avec moi. Même quand j'écris seule. Toutes ces phrases ne sont pas forcées, ni recherchées. C'est ce qui m'est venu tout de suite en écrivant, dans ma tête ».
Ce que Micheline ne dit pas c'est qu'à l'école elle avait été placée sur la voie de garage du Certificat d'Etudes. Et à quatorze ans, elle était rentrée dans la production. Aussi, quand elle s'est retrouvée dans l'enseignement supérieur avec des bacheliers et même des licenciés, il était normal qu'elle fasse des complexes intenses. D'autant plus qu'elle avait connu la vie misérable d'une famille portugaise, proche du lumpen-proletariat, dans une banlieue dangereuse.
Et c'est bien pourquoi je cite sa lettre. Pour que l'on comprenne pourquoi je travaille avec tant d'intensité dans ces ateliers de « rattrapage ». Et surtout pour qui. Le plus étonnant c'est qu'elle soit devenue un tel élément moteur. Elle avait déjà fait une utilisation inattendue de l'écrit dans des groupes d'adolescents difficiles. Mais maintenant, c'est d'un atelier d'écriture d'adultes qu'elle est responsable dans une structure de formation de la région parisienne. Le gène s'est transmis et il a phénoménalisé des potentialités. Elles sont immenses et partout latentes.
- Ce qui me chiffonne un peu, c'est qu'elle a l'intention d'introduire, l'an prochain, un thérapeute dans son groupe. Alors, ce ne sera plus notre écrit de libre épanouissement mais autre chose. Mais après tout, pourquoi pas ? On n'est tout de même pas condamné à rester dans des formes définitives. Il y a encore beaucoup de voies différentes à explorer. Et beaucoup de groupes différents.
Dans un autre atelier de la même région, on s'est mis à imprimer les textes produits, après sélection. Ma première réaction a été négative : - Si on considère à nouveau la production, on va replacer les participants dans les circuits anciens. Comment écrire librement quand il y a en bout de séance une telle fermeture de l'avenir ? Comment ne plus avoir souci de la forme et du fond ?
Mais après tout, pourquoi pas ? D'ailleurs cette impression des textes ne sera sans doute qu'un moment. Et c'est avec une conviction renforcée que l'on reviendra au souci exclusif de vivre des moments. Et puis, si ce groupe a encore besoin de créer des florilèges ! On est libre, non ?...

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