Fonction palier Il n'est pas rare de voir des personnes entrer en panique dès qu'elles se trouvent en présence de plus de deux ou trois interlocuteurs. Et il leur faut un très long apprivoisement de leurs peurs avant d'être à l'aise dans des assemblées plus nombreuses. Mais si elles ont un jour la chance d'appartenir à un groupe d'écriture, elles atteignent beaucoup plus rapidement le palier de la sécurité. En effet, lorsqu'on crée ensemble, dans la joie, lorsqu'on peut se frotter aux autres sans éprouver aucune blessure, alors on peut commencer à croire qu'il pourrait être intéressant de s'ouvrir à une plus grande communication. L'aspect libérateur du groupe est incontestable. Parfois, il a son unité. Et il évolue comme une personne : l'une des parties de chacun s'accordant à la même partie des autres. Et c'est comme une résonance amplificatrice. Parfois, au contraire, il est traversé de contradictions. Et c'est tout bénéfice parce que « les contradictions sont le moteur du développement ». Mais c'est surtout sur l'audace que s'applique l'amplification. Il suffit d'un pas de plus de l'un des participants pour que le groupe rentre en résonance surenchérissante. Et cela provoque le déchirement du filet des contraintes.
Mais je crois que l'élément fondamental c'est l'absence de culpabilisation : personne ne peut se sentir coupable puisque personne ne peut être tenu pour responsable de la création collective. Puisque personne n'est repérable. Et c'est vrai aussi dans l'autre sens si quelqu'un se hasarde sur le plan de la tendresse ou de la confidence, cela peut gagner l'ensemble du groupe et créer un climat de confiance inespéré. Et, là encore, personne ne pourra être moqué sur son désir « impudique » de tendresse puisque le seul responsable, c'est le groupe tout entier. Cet évitement de la culpabilisation est étonnant, c'est si rare de pouvoir faire quelque chose qui ne puisse vous être imputé à défaut ou à crime.
Mais il est un autre point aussi surprenant et qui le rejoint d'ailleurs un peu : l'acceptation des personnes. J'ai personnellement longtemps cherché à en savoir les raisons. Je crois avoir enfin compris : les jugements ne peuvent être que positifs.
En effet, il y a dans le groupe une grande diversité de personnalités, une infinité de références personnelles, une grande variété de perceptions. Et ce n'est pas étonnant qu'à un moment ou un autre, quelqu'un puisse se reconnaître dans ce que l'un ou l'autre a écrit. Et qu'il puisse y réagir positivement. Songeons par exemple, que dans un groupe de quinze personnes, le vers tournant fait écrire quinze lignes à chacun. Et comme il y a quatorze écoutes différentes, c'est bien le diable si l'une de ces lignes ne trouve pas un écho. Et dans la séance initiale, on écrit une soixantaine de lignes. Il est totalement impensable qu'au moins une de ces productions ne soit accueillie favorablement. Et on se rassure si facilement du moindre indice d'acceptation de soi.