Erda ou le savoir



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2.11.Le complexe de Wotan


Vivre, c'est choisir à chaque instant un comportement déterminé, alors qu'en nous était inscrit la possibilité de faire exactement le contraire. Je fuis, mais j'aurais pu faire front ; j'aime mais j'aurais pu haïr ; je mens, mais j'aurais pu dire la vérité. Et si dialectique il y a, elle échappe totalement à notre claire conscience. Nous le savons, c'est l'homme que Wagner visait à travers Wotan, et le maître de Bayreuth nous donne à réfléchir, concernant ce jeu des opposants, sur la contradiction la plus profonde qui mine le cœur de l'homme (ou sa conscience), celle qui fait de l'Autre l'ennemi à abattre, et l'ami nécessaire. Le Ring est l'histoire d'un anneau ; mais n'est-ce pas là un prétexte futile ? D'ailleurs cet anneau, Wotan, ne le désire et ne le possède qu'un très court instant, le temps exact qui s'écoule sur scène ; autrement dit l'importance de la Tétralogie est ailleurs, dans la conscience de Wotan justement, c'est-à-dire dans la nôtre. Qui n'a pas désiré accomplir de grandes choses, avec tout ce que le mot « choses » a de vague et d'inconsistant ; aussi vague et inconsistant d'ailleurs que le mot « grandes ». Car en vérité, nous savons rarement ce que nous voulons ; et lorsque nous le savons nous avons honte d'avoir des ambitions qui sont bien au-dessus de nos capacités. Alors naît chez l'homme cette volonté seconde : ce qu'il ne peut pas être - ou faire - lui-même, il doit permettre à un autre de l'accomplir. Mais comment accepter cette délégation qui prive l'individu de cette dimension essentielle qui est l'avenir de son être propre ? En s'en remettant au destin ; et tricher s'il le faut. Car Wotan ne cesse de tricher ; il a beau s'écrier « Comment pourrai-je, / rusé, me mentir », il ne cesse de ruser, de se mentir. Il joue à exercer sa puissance, mais aide au déroulement du plan diabolique qui doit aboutir à sa fin. J'ai longuement insisté sur la façon dont le dieu, tout en feignant abandonner son héros à lui-même, guide chacun de ses pas. Ainsi naît l'être libre qu'il rêvait d'être, sans même que son cœur puisse connaître la joie de la réussite ; alors que son héros triomphe, il ne reste plus à lui, le dieu déchu qu'à attendre la fin au milieu des ruines de son univers.

3.Chapitre V




4.La fin d'un rêve




4.1.Introduction

Des générations d'enseignants ont rêvé d'une école authentiquement démocratique, c'est-à-dire permettant à tous de réussir. Ce n'était pas vraiment un rêve, plutôt une illusion. Cette illusion a, aujourd'hui les dimensions d'un mythe ? Autrement dit, c'est une belle histoire à laquelle plus personne ne croit.

Il y a un demi-siècle le doute était encore permis. Avec un peu d'aveuglement quand même, il était possible de croire que les différences individuelles, et en particulier l'écart observé les aptitudes, étaient dû au milieu social, que les échecs scolaires pourraient donc être diminués par une pédagogie mieux adaptée aux enfants vivants au sein de familles en grandes difficultés. Mai 68 a fait naître des positions encore plus radicales puisque certains iront jusqu'à affirmer que tous les individus possèdent à la naissance les mêmes aptitudes et que les inégalités sont dues uniquement aux conditions d'existence rencontrées par l'enfant au cours de ses premières années. Donnons à chacun les mêmes conditions initiales, et tous les enfants partiront sur la même ligne de départ.

Inutile d'insister sur l'incohérence d'un tel projet, qui ne tient aucun compte de l'état réel de la société, des mentalités dominantes d'une part, et de la psychologie humaine d'autre part.

Il suffit d'avoir vécu intimement le drame de ses propres insuffisances pour comprendre que tout projet éducatif visant de donner à chacun les moyens de se réaliser selon ses désirs ou ambition est une consternante utopie. Consternante parce qu'elle nie les évidences, mais bien plus gravement parce qu'elle ne tient aucun compte de la réalité humaine. Chacun peut évoluer, s’améliorer mais dans les limites étroites de ses constitutions psychiques et somatiques. Sans doute un individu peut-il progresser indéfiniment, mais de façon asymptotique, c'est-à-dire qu'il existe une limite, qui, parce qu'on a le sentiment qu'elle est éloignée donne l'illusion d'être à l'infini.

A quoi riment alors les discours lénifiant sur le projet d'une école offrant à tous une égalité des chances ? Le but est le même dans tous les secteurs de l'activité humaine : bercer d'illusions l'immense majorité des individus, toutes races confondues toutes citoyennetés confondues, afin que l'infime minorité des privilégiés puissent tranquillement toucher les dividendes du progrès ; je veux dire, bien évidemment du progrès technique. Naguère encore il existait un extérieur de la communauté humaine, un réservoir de richesse dans lequel même les plus déshérités pouvaient puiser. Ce temps là est révolu. Le monde terrestre n'a plus d'extérieur. Une partie de l'humanité doit pomper sur l'autre pour posséder toujours plus. Qu'est-ce que l'école peut bien apprendre d'intéressant à nos enfants sinon les méthodes pour se trouver du bon côté, c'est-à-dire celui des exploiteurs. Une fois de plus les USA sont là pour nous donner le bon exemple. Construire autant d'écoles que de prisons, en sachant, pour respecter l'équilibre qu'il faudra, à surface égale mettre cinq fois plus de personnes dans les prisons. Le monde, le vrai monde, celui auquel nous devrons préparer nos enfants, sera celui que nous laisse entrevoir l'Amérique toute puissante368, et en passe d'imposer son modèle à la terre entière : une élite protégée par des murailles de béton, gardées par les flics, et l'immense troupeau des individus désormais inutiles vivant des déjections des privilégiés. Une humanité comportant alors trois classes: celles des nantis, porteuse de progrès s'acheminant vers un modèle humain qu'on ne peut même pas imaginer tant il s'écarte du concept d'Homme qui a dominé les deux premiers millénaires de notre civilisation369,




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