Erda ou le savoir



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1.4.Retour du mythe51


Laissons l'homme commun et ses mythes de consolation...dans les ténèbres...et revenons au royaume de la science et de la connaissance, en compagnie de quelques "grands" penseurs.

Commençons par E Morin52, qui intitule l'un des paragraphes de son livre (opus cité page141, « Les idéo mythes ». Cet extrait d'abord d'une lettre de Freud à Einstein :

« Peut-être avez-vous l'impression que nos théories sont une sorte de mythologie...Mais est-ce que toute science de la nature ne se ramène pas à une sorte de mythologie? Aujourd'hui en va-t-il autrement de la physique?»53. Revenons quelques lignes plus haut :

«On a pu s'étonner de la résistance des grandes religions et même de leurs contre-offensives victorieuses sur les terres désolées du désenchantement et du nihilisme. Mais il faut surtout voir ce que n'avait pas vu Max Weber : La réinvasion du mythe et même de la religion dans les systèmes d'idées apparemment rationnels.» Puis :

« Tout passage à l'être d'un système d'idées comporte un potentiel mythologisant. Toute idéalisation/rationalisation doctrinaire tend à auto transcendaliser le système. Dés lors le mythe peut s'installer au noyau du système et diviniser les idées maîtresses[...] Les thémata sont des idées obsessionnelles qui tendent à se charger de forces mystiques[...]Le mythe a envahi ce qui lui semblait le plus hostile et qui était censé l'avoir liquidé(page 143) [...] Dés lors, l'idéologie contient souterrainement en son cœur les structures de la pensée symbolique-magique - mythique, cachées sous celles de la pensée logique-empirique-rationnelle.(page 144) »

*

L'un des buts déclarés de la science est la libération de l'esprit humain enchaîné à des croyances brisant ses élans vers la liberté. Malheureusement, cette vérité la science est incapable de lui donner un contenu clair aux yeux qui n'appartiennent pas à part entière à l'univers scientifique ; elle se laisse seulement deviner ; ce qui est loin d'être suffisant pour donner aux hommes du commun le sentiment, que sur ce plan, la science peut être à la hauteur de ses ambitions. Sait-on exactement de quels carcans elle doit nous libérer ? Certes les arguments ne manquent pas qui glorifient le rôle de la science, et le catalogue de ses bienfaits est bien rempli. Mais est-il sûr que cette avalanche de biens diminue globalement les contraintes qu'elle fait aussi naître54 ?



La science s'impose aujourd'hui à l'homme comme un irrésistible destin. Non seulement pour les multiples chemins qu'elle a permis d'ouvrir dans le domaine du savoir, mais parce qu'elle est devenue indispensable à l'humanité pour la maîtrise d'un environnement qu'elle a largement contribuer à perturber (pour ne pas dire plus !). Les nostalgiques d'un soi-disant âge d'or, où l'homme faisait corps avec la nature, où justement le discours mythique répondait à toutes les interrogations fondamentales, n'ont plus à rêver, c'est vers une nouvelle alliance qu'il faut évoluer, au-delà, peut-être du discours scientifique, mais sans lui tourner le dos, car les vérités dont il a permis l'éclosion ne pourront plus jamais s'éteindre, en dépit des efforts de certains courants de pensée dont l'inconsistance - et l'inconséquence - est dramatique55. Mais le combat contre l'obscurantisme - il s'agit bien de cela même si l'expression est désuète et sent un peu le dix-neuvième siècle - est loin d'être gagné, car si la science a ruiné la quasi totalité des croyances mythiques, celles qui sont communes à toutes les civilisations y compris la nôtre, couvent, et même battues en brèches, renaissent, comme l'a souligné E Morin, à partir des secteurs les plus avancés de la science. Cette difficulté de la science à se débarrasser des vieux démons qui la hantent était déjà soulignée par E Cassirer à qui nous avons déjà largement mis à contribution :

«Toute théorie qui vise à expliquer le monde trouve sur sa route dés son apparition une autre force spirituelle, celle du mythe [...] Pour se défendre vigoureusement contre elle, la philosophie et la science doivent non seulement remplacer dans le détail les explications mythiques par d'autres explications, mais encore contester et condamner dans sa totalité la conception mythique de l'être et de l'événement.»56

Cette « conception mythique de l'être », justement, non seulement échappe aux coups de la science qui, ne répond, normalement qu'aux comment, mais envahit le domaine des pourquoi qui s'inscrit en filigrane dans le discours scientifique qui se trouve « infecté » malgré ses efforts. Gardons-nous cependant des faux procès. Même si l'on ne peut accorder à la science une confiance aveugle et absolue, il n'en est pas moins vrai qu'elle est et restera la seule source de vérité57 concernant notre univers Ce qu'elle ne découvrira pas personne ne le découvrira à sa place. Un domaine de connaissance refusant toute confrontation avec un domaine scientifique traitant des mêmes questions se condamne à errer dans les zones ténébreuses d'une mauvaise métaphysique.

Il ne s'agit pas ici de mettre en concurrence science et religion ; quoi qu'en pense M Planck (voir ci-dessous), chacune ont des démarches qui sont sans commune mesure, et une unité ne peut se faire qu'à l'intérieur des consciences individuelles qui pour des raisons tenant en grande partie à l'éducation et d'une façon générale, aux influences subies dans l'environnement familial-social-intellectuel, ont dû chercher à se construire une philosophie propre à harmoniser en eux des convictions contradictoires. On ne peut même pas parler d'opposition, car il faudrait qu'il y ait pour cela un espace commun où la confrontation des idées puisse avoir lieu. Or, il y a dés le départ des présupposés totalement contradictoires :

- d'un côté, avec la science, le refus méthodologique des causes finales, le rejet, par principe de toute téléologie58.

- de l'autre les tenants de croyance en une transcendance dominant la matière et imprimant un mouvement à l'évolution.

C'est peut-être cette incommunicabilité radicale qui fait qu'un individu peut être un parfait scientifique et un croyant convaincu59 ; l'univers mental d'un tel homme est en quelque sorte coupé en deux, les deux parties ne communiquant pas. Cette coupure n'a d'ailleurs rien d'étonnant, on la retrouve dans tous les domaines d'exercice théorique de la pensée. Dans son effort pour comprendre l'univers le théoricien travaille dans des espaces de représentation60. Celui-ci « comprend » une évolution à l'intérieur du cadre théorique, mais cette compréhension ne lui donne généralement que peu d'informations -quand elle lui en donne - sur la réalité physique elle-même. S'il veut réfléchir sur celle-ci, il lui faut changer de décors, autrement dit de mode de pensée. Berkeley disait : « Penser avec ceux qui savent, mais parler avec le peuple». Participer, donc au discours théorique, mais revenir ensuite au langage direct des sens. Le drame de la science moderne, c'est qu'une telle pratique est désormais impossible, car l'essentiel de la connaissance scientifique est devenu incommunicable. L'est-elle seulement à l'intérieur d'un même individu ? Autrement dit la rupture est double, intérieure pour le théoricien qui ne peut pas utiliser ses modèles formels pour se représenter la réalité, extérieure, puisque, le « parler comme le peuple » n'est plus possible, et que le langage commun (ou plutôt les concepts qu'il permet de représenter) peut seul nous donner une image de la réalité61.

C'est à l'intérieur même de la science que se tient le double discours, il s'instaure entre les scientifiques eux-mêmes qui utilisent le double langage pour tenter de se comprendre, mais sans plus vraiment espérer se faire comprendre des autres. Il faut faire partie du sérail pour percevoir les liens de plus en plus lâches qui unissent l'univers des représentations et celui des sens, celui de l'incertaine réalité. L'épistémologie dont l'une des vocations est de traiter des problèmes relationnels entre les deux univers appartient désormais au corpus de la science. Autrement dit, elle est du ressort des scientifiques.




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