359 S'il s'agit de l'émergence d'un souvenir, il n'est jamais revécu de la même façon. La meilleure est que lorsque nous évoquons des souvenirs nous les enjolivons peu à peu, ce qui fait sourire ceux de notre entourage qui se rendent rarement compte qu'ils se comportent exactement de la même manière
360 Tout cela est certainement très discutable, mais c'est presque un raisonnement par l'absurde qu'il faudrait mener. Pour que la conscience agisse sur le cerveau, il faudrait qu'une entité immatérielle communique de l'énergie ; l'admettre c'est renoncer aux axiomes physiques les mieux établis. C'est pourtant le pas que franchit, par exemple Bergson qui tente un rétablissement en écrivant (L'énergie spirituelle, page 35): « Il est d'ailleurs bien possible que si la volonté est capable de créer de l'énergie, la quantité d'énergie créée soit trop faible pour affecter sensiblement nos appareils de mesure». Le philosophe met cependant ainsi en évidence, la difficulté de l'idée de dualité cerveau/conscience.
361 InterEditions, 1996
362 Il s'appuie pour cela sur le fameux théorème de Gödelque nous avons déjà évoqué.
363 Gödel a construit pour cela, à l'intérieur d'un système logique assez puissant pour fondre l'arithmétique, une proposition qui dit d'elle-même qu'elle n'est pas dérivable dans la théorie, exactement comme Epiménide affirme de lui-même qu'il ment.
364 Si on examine attentivement l'antinomie du menteur, lorsque celui-ci dit : je mens, on constate qu'il suffit, pour lever le paradoxe, de considérer le « je » comme un « il » ; Autrement dit que le menteur prenne un point de vue sur lui-même, exactement comme lorsque l'on a commis une gaffe on se dit à soi-même, « Quel imbécile je fais». Et c'est peut-être ce que ne peut pas faire une machine, qui est un système fermé ne pouvant se voir entrain de fonctionner. La machine écrit : soit A la proposition « la proposition A est fausse», et elle est prise à un piège dont elle ne peut sortir. Pour éviter ce genre de piège, la logique est construite de façon à ce qu'aucune définition circulaire ne puisse être posée. Une ne doit pas s'utiliser pour se définir. Il n'en reste pas moins que si l'on veut construire un système totalement fermé sur lui-même, le système doit avoir les capacités internes de se créer ; autrement dit est bien obligé de parler de lui-même. D'où le théorème de Gödel.
365 A titre personnel, et comme beaucoup de personnes s'intéressant à la mathématique longuement méditée sur les paradoxes de l'infini ; j'ai le sentiment que lorsque la situation devient périlleuse l’esprit abandonne la partie en fuyant un état de conscience devenu insupportable. Alors la grande différence entre un ordinateur et notre cerveau n'est-elle pas la capacité de ce dernier d'éteindre lui-même l'appareil qu'il est ?
366 Il existe de nombreux cas où des mathématiciens ont découvert de grands théorèmes, donc des vérités mathématiques tout en en donnant des démonstrations fausses, ou au moins notoirement insuffisantes.
367 J'ai le souvenir très vif d'un camarade de classe, jugé mauvais élève en mathématiques par les professeurs, mais dont j'étais, moi bon élève, terriblement jaloux, car lui trouvait la solution de problèmes de géométrie avec une dérisoire facilité, là où il me fallait faire de cruels efforts. Mais comme ce garçon était incapable de rédiger correctement une solution, il avait continuellement des mauvaises notes.
368 Marc Augé, dans la 321e conférence de l'université de tous les savoirs, cite D.Rothkoff : « Il y va de l'intérêt économique et politique des Etats-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l'anglais ; que s'il s'oriente vers des normes communes en matière de communication, de sécurité et de qualité, les normes soient américaines ; que, si ses différentes parties sont reliées par la télévision, les programmes soient américains ; et que, si s'élaborent des valeurs communes, ce soient des valeurs dans lesquelles les américains se reconnaissent ». On ne peut être plus clair : ce que vont rechercher les américains, c'est la domination de la planète dans tous les domaines.
369 Il faut quand même remarquer que pour les grecs la partition de la société en maîtres et en esclaves était chose naturelle, et ne choquait en aucune manière les plus brillants esprits comme Platon et Aristote
370 Qui forme les formateurs ? En fait des gens qui, promoteurs des méthodes nouvelles n'ont pas la plupart du temps d'expérience pédagogique. Je reviendrais sur ce point un peu plus bas en illustrant mes propos avec la réforme ratée de l'enseignement des mathématiques, expérience que j'ai vécu de très près.
371 J'ai été incorporé dans les parachutistes d'outre-mer, le 2é RPIMA, les durs de durs, ceux d'Indochine. Bigeard commandait le 3é .
372 Elle pèsera particulièrement lourd lors de mon retour en France. Je rentre d'Algérie le 22 décembre 1961. Tempête durant la traversée. Je n'ai pas dormi depuis deux nuits, et nous devons dès la descente du bateau parcourir au pas de course les 1500m qui nous sépare du train, en gare de Marseille qui doit nous ramener à Paris. Le gouvernement de l'époque craint les manifestations, et nous effectuons ce parcours entre deux rangées de CRS menaçant de leur matraque les traînards. Tiens, un dernier détail ; nous devons arriver à la gare d'Austerlitz, où nos familles nous attendent. Mais au dernier moment le train est détourné vers la gare de Lyon. Les familles attendent en vain personne ne viendra les prévenir. Harassé de fatigue, comme mes camarades, nous sommes bons pour le métro, les trains de banlieue. Merci la patrie reconnaissante.
373 Une anecdotique amusante : j'ai parcouru des centaines de kilomètres dans la campagne algérienne sans jamais être inquiété. Mais en m'entraînant, en France, en forêt de Taverny, un policier en civile à déchargé sur moi son revolver, en prétendant qu'il m'avait surpris entrain de roder autour d'une voiture piège (il y avait à cette époque pas de vol dans cette forêt. L'enquête a prouvé que compte tenu de la topographie des lieux, et contrairement à l'affirmation du flic, celui-ci m'avait bien visé en plein corps. Croyant avoir à faire à un cinglé j'avais jugé plus prudent de prendre la fuite au moment de la rencontre. Une course rapide, négociée en zigzag. J'avais vaguement reconnu entre les mains du cinglé une arme de petit calibre, un 7.65 probablement. J'ai porté plainte, mais on m'a aimablement fait comprendre qu'une action en justice ne pouvait que me causer de sérieux ennuis. J'étais jeune marié, bientôt père, j'ai lâchement laissé tombé. Décidément la patrie ne se montrait guère reconnaissante ; et les choses n'allaient pas s'arranger, mais c'est une autre histoire !
374 Hachette, 1987.
375 Le compte-rendu se trouve dans Théories du langage, Théories de l'apprentissage, Points seuil, 1978.
376 Au siècle dernier, un roi ou un empereur avait fait mener une curieuse expérience à des psychologues. Ce brave monarque voulait démontrer que la langue de Dieu était le sanscrit. Un enfant fut donc élevé sans contact verbal avec quiconque. Normalement l'enfant aurait du alors parler spontanément le sanscrit. En fait l'enfant resta muet, incapable par la suite de parler un seul langage. Les zones cérébrales concernant le langage, en l'absence de toutes sollicitations avaient dégénérées.
377 Nous y reviendrons bientôt. La logique mathématique élémentaire est bivalente, c'est-à-dire ne connaît que le Vrai et le Faux, et l'usage des quantificateurs ; «il existe un objet x tel que A, soit xA (la proposition est vraie s’il existe un objet possédant cette proposition), tous les objets x sont tels que A, A étant une propriété que peut posséder ou non l'objet x, soit xA» (la proposition est vraie si tous les objets possèdent la propriété A).Mais on définit des trivalentes, multivalentes, des logiques modales avec les notions de nécessité, de possibilité, et de contingence. Ces logiques sont aussi sous-jacentes au langage quotidien, mais ne sont pas à la base du raisonnement proprement dit. La catégorie du possible, par exemple ne permet que des déductions par définition incertaines, la notion de nécessité n'ajoute rien au définitions du vrai et du faux : dire d'une proposition qu'elle est nécessairement fausse, c'est dire qu'elle est fausse, même chose pour le vrai. Les mathématiques dans leur démarche déductive ne connaissent qu'une logique, mais il est bien évident que le langage courant nécessite une souplesse que lui donne l'utilisation la plupart du temps implicite de toutes les formes de logique. Ainsi une affirmation est tenue généralement pour, soit vraie, soit fausse, soit incertaine, ce qui nous donne une logique trivalente.
378 Il y a la cas exceptionnel de Wittgenstein qui a échoué lamentablement lorsque pour approfondir ses thèses sur la connaissance à été instituteur durant, trois, il me semble.
379 Je pense en particulier à Schwartz et Lichnerovicz. Voulant écrire qu'ils étaient parmi les plus grands mathématiciens du siècle, j'ai vérifié s'ils avaient connu le troisième millénaire. En fait, ils ont disparus respectivement en 2002 et 1998. Je ne prête qu'une attention limitée aux informations, sachant qu’elles n'ont pas de rapport avec l'importance réelle des événements. Je n'ai pas le souvenir que la mort des ces deux grands savants aient été évoquées. Sans doute ces jours là, Zidane, ou un individu de son importance médiatique avait eu un petit problème.
380 J'ai entendu dire que Schwartz enseignait en propédeutique dans le but de trier quelques surdoués qui puissent ensuite devenir pour lui des assistants de valeurs. En 1968, bien qu'engagé à l'extrême gauche Schwartz à été conspué, devant mon étonnement c'est la réponse qui m'a été donnée.
381 A charge égale, un agrégé gagne deux à trois fois plus que ses collègues qui enseignent au même niveau. On va m'accuser de régler des comptes, mais j’affirme qu’en trente cinq d'années de carrière, les agrégés, imbus de leur personne réussissaient plutôt moins bien que leurs collègues souvent bien plus proches des difficultés des élèves. Le fait que des agrégés (j'ignore ce qui se passe maintenant, mais c'était vrai voilà encore dix ans) puissent continuer à enseigner dans le premier cycle, était scandaleux ; sans doute ces prof étaient-ils en mesure de construire des cours parfaits, mais la plupart du temps incompréhensibles au élèves. Je me permets ici une petite anecdote. Nous sommes au début des années 70, et je donne des cours particuliers à une élève de première S ; il est convenu avec la mère que je me borne à faire des exercices, l'adolescente est une élève sérieuse et suit convenablement les cours. Un jour cependant l'élève me demande de lui refaire le cours. Mes souvenirs sont précis ; il s'agit de présenter la notion d'espaces vectoriels. Ce n'est guère difficile, car à ce niveau d'étude l'élève à déjà rencontré la notion, mais d'une façon implicite. Justification de la gamine : notre prof passait son épreuve orale du CAPES (pour devenir professeur certifié), il y avait un inspecteur et il a été obligé (le prof lui-même avait prévenu les élèves), de faire le cours comme on lui avait demandé de le faire durant ses cours de formation. Comme me confiait un agrégé de math au début de ma carrière : « Je ne refais jamais mes cours, même si les élèves n'ont rien compris, car ils sont parfaits ». Comme ceux du prof dont les élèves passant le BEPC, n’avaient pas compris le premier mot de ce qui leur était enseigné.
382 Cette main invisible me remet en mémoire un épisode des aventures de Zadig. Au cours de son vagabondage, celui-ci rencontre un ermite à la barbe blanche, avec qui il poursuit son chemin. Un soir, l'asile leur est offert par un hôte raffiné qui les comble d'attention. Le lendemain, l'ermite retrouve Zadig de très bonne heure et lui déclare vouloir remercier leur hôte du chaleureux accueil qu'ils ont reçu. Puis saisissant une torche il met le feu à la maison dont il ne reste aussitôt qu'un tas de cendre. Scandalisé, mais subjugué, Zadig continu son chemin avec l'ermite et le soir venu, ils sont hébergés chez une « veuve charitable et vertueuse qui avait un neveu de quatorze ans, plein d'agréments et son unique espérance »... Le jeune neveu raccompagne les deux compères pour leur éviter les embûches d'un pont chancelant : « venez », dit l'ermite « il faut que je marque ma reconnaissance à votre tante ». Il saisit alors l'adolescent par les cheveux et le précipite dans la rivière. « O monstre ! O le plus scélérat de tous les hommes ! S'écrit Zadig». Et l'ermite de répliquer : « Vous m'aviez promis plus de patience, apprenez que sous les ruines de la maison où la providence a mis le feu, le maître a trouvé un immense trésor, apprenez que le jeune homme, dont la providence a tordu le cou, aurait assassiné sa tante dans un an ». Puis l'ermite se métamorphose, il est l'ange Jesrad, envoyé de Dieu. Etonnant de la part du libre penseur qu'était sensé être Voltaire ; mais là n'est pas la question. On trouve ici le maître argument de tous les mystificateurs de l'humanité : vous pensez que nous agissons mal, mais en fait la souffrance que nous vous infligeons apportera le bien... plus tard ! La version moderne de la maison incendiée est la suivante : le propriétaire périt dans les flammes ainsi que ses héritiers ; un promoteur achète la ruine et les terres qui l'entourent pour une bouchée de pain. Il y construit un immense complexe de maisons d'hôtel et de commerces et réalise ainsi une colossale fortune. Et tout cela grâce à la main invisible.
383 La situation semble actuellement se dégrader, mais la faute en incombe à la formation des maîtres qui ne semble plus adaptée à la situation. Mais je ne juge pas nécessairement en connaissance de cause n'ayant plus de contacts directs avec les milieux enseignement. Je me borne donc à répéter ce que j'entends dire.
384 J'ai eu une collègue, agrégée de lettre classique et néanmoins à demi folle, se lamenter de devoir commencer par désapprendre à ses élèves le peu qu'ils savaient de latin ou de grec, car elle ne voulait pas construire sur de mauvaises bases. Elle avait présenté une thèse de doctorat, un joli pavé de plus de mille page sur un vague auteur présocratique qu'elle avait tenu à sortir de l'ombre. Dans le métro, un collègue lui suggère de condenser sa thèse pour la rendre plus abordable, et qui sait, ne pas rejoindre les dizaines de milliers d'ouvrage qui pourrissent dans les caves des universités. Elle s'écria alors : « Comment, vous voudriez que je me prostituasse ! », semant un léger trouble parmi les voyageurs.
385 Cette institutrice est ma propre femme.
386 J'ai sur la question un souvenir amusant d'Algérie. Il y avait à Blida une unité de maîtres chiens. Les animaux étaient généralement des Bergers allemands dont la formation coûtait très cher. J'appartenais à l'époque à un groupe d'intervention, et nous faisions pas mal de patrouille de nuit. Nombreux sont ceux qui ont péris dans des embuscades et nous demandions souvent des chiens de combat qui tombaient en arrêt si un danger était détecté. Un jour, lassé de nos demandes répétées l'adjudant responsable du chenil refusa de laisser partir ses animaux : « Faites faire les patrouille par des appelés, on en a tant qu'on veut, et s'ils se font buter ça coûte moins cher qu'un chien ». Ce qui était tout à fait exact, car l'armée soucieuse des deniers de l'état, n'envoyait en mission dangereuse des militaires qui auraient pu coûter très cher en pension pour veuve et enfants. Un appelé célibataire ne coûtait effectivement rien qu'une médaille militaire et éventuellement une légion d'honneur. De toute façon, si la famille voulait la médaille comme colifichet, il fallait la payer.
387 Il ne faut oublier non plus que ce pays, soucieux de la liberté des peuples a aidé les dictatures les plus sanguinaires, comme celle des généraux argentins. Une gâterie qu'Hitler n'a pas utilisée et qui était monnaie courante en Argentine était de jeter les condamnés, c'est-à-dire les opposants au système, d'un avion. Il faut dire que les alliés ayant totalement détruit l'aviation allemande, ce jeu innocent n'était pas à la portée des tenants d'une humanité forte et sans défaut.
388 Mémoires d'Einstein.
389 On raconte l'anecdote, fausse, du polytechnicien à qui on demande d'étudier le mouvement d'une automobile sur une trajectoire rectiligne et sans dénivellation, sans tenir compte des frottements et de la résistance de l'air. Soit un problème du niveau de cinquième. Notre savant considère un véhicule de n roues, circulant sur un trajectoire quelconque dans un espace à p dimensions, fait 300 pages de calculs, puis pose n=4, suppose la trajectoire rectiligne, uniforme, dans un espace euclidien de dimension p=3.
390 Cet éminent scientifique a eu à cette époque la fâcheuse idée de faire un exposé devant des professeurs d'une université soviétique. A la fin l'un des ses derniers devant esquisser une réponse critique a simplement déclaré : « Votre exposé comprend deux parties : la première est un tissu de banalités vieilles de vingt ans, la seconde est une vision erronée de la question ». Ce que notre homme savait pertinemment, si bien qu'il ne fut nullement ébranlé par ce jugement.
391 A sa décharge il faut dire qu'il a opté pour une carrière administrative, ne se sentant pas de dispositions particulières pour la recherche. Dans le fond s'était un comportement bien plus honnête que celui de ceux, et ils sont nombreux, qui sévissent dans les organismes de recherche, non seulement sans rien trouver, mais sans même chercher.
392 J'ai connu deux cas où le système a donné la possibilité à des hommes, perdus sans cela, de trouver une place : l'un, brillant ingénieur a été victime d'un jeu vraiment dans l'atelier dont il était responsable, il y avait une longue tige de bakélite beige permettant de replacer sans risque des câbles électriques à 30 000V. Des garçons facétieux ont peint une tige métallique de la même couleur. Un comma profond, puis un réveil sans dommages irréversibles au cerveau. Nous lui avions donné le surnom amical de baise-mouche, mais je ne sais pas pourquoi. Le second surnommé Pingoup's, de pingouin, pour son étrange démarche, avait, toujours après de brillantes études, été victime d'une méningite.