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Cabinet d'Avocats, Jean-François CARLOT
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LE RISQUE SPORTIF
ET SON ASSURANCE
5 Octobre 2005
S O M M A I R E
I - ELARGISSEMENT DE LA RESPONSABILITE CIVILE DANS LE DOMAINE SPORTIF
A - ELARGISSEMENT DE LA RESPONSABILITE CIVILE DES JOUEURS
B – ELARGISSEMENT DE LA RESPONSABILITE CIVILE DES GROUPEMENTS SPORTIFS
C – RESPONSABILITES PENALES
1 – RESPONSABILITE PENALE DES JOUEURS
2 – RESPONSABILITE PENALE DES CLUBS
3 - RESPONSABILITE PENALE DES DIRIGEANTS DE CLUB
II – LA RESPONSABILITE DES GROUPEMENTS SPORTIFS POUR DEFAUT D'INFORMATION DE LEURS ADHERENTS
1.
L'article 1er de la Loi du 16 Juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives considère que celle-ci "sont un élément fondamental de l'éducation, de la culture et de la vie sociale ... contribuant à l'équilibre, à la santé et à l'épanouissement de chacun".
Le texte ajoute que "le sport de haut niveau est source d'enrichissement et de progrès humain. Le sportif de haut niveau joue un rôle social, culturel et national de première importance".
Le développement de ces activités est donc "d'intérêt général" et incombe à l'Etat ainsi qu'aux groupements sportifs constitués des Associations et des Fédérations Sportives.
Cette déclaration de principe tend à donner aux groupements sportifs un rôle social et éducatif de plus en plus important dans la civilisation des loisirs.
2.
Dans le même temps, la nécessité de protection des victimes s'est heurtée aux principes traditionnels d'acceptation des risques qui permettaient aux participants de se livrer avec ardeur à une compétition sportive sans crainte d'engager leur responsabilité en cas de blessure causée à d'autres joueurs.
Cette atténuation des principes traditionnels nécessitait une meilleure protection des personnes exposées à une dette de responsabilité civile.
C'est pourquoi l'article 37 de la loi précitée a institué une obligation d'assurance couvrant la responsabilité civile de l'organisateur, de leurs préposés et celle de tous les pratiquants du sport.
3.
Par ailleurs, l'article 38 du même texte a mis à la charge des groupements sportifs l'obligation d'informer leurs adhérents "de leur intérêt à souscrire un contrat d'assurance de personne ayant pour objet de proposer des garanties forfaitaires en cas de dommages corporels".
Le texte précise que "les groupements sportifs doivent tenir à la disposition de leurs adhérents des formules de garantie susceptibles de réparer les atteintes à l'intégrité physique du pratiquant."
Il s'agissait d'inciter les joueurs à souscrire des garanties d'assurance individuelle accident, en cas de blessure causée à l'occasion de la pratique du sport.
Curieusement, la loi du 13 juillet 1992 a permis expressément aux licenciés de refuser d'adhérer au contrat d'assurance collectif souscrit par les fédérations sportives, ce qui va à l'encontre du but incitatif…
De plus, la souscription d'une police d'assurance par une fédération peut présenter des effets pernicieux, dans la mesure où elle tire les garanties vers une uniformisation par le bas.
En effet, le coût des garanties individuelles souscrites par les groupements sportifs est souvent mal accepté par les adhérents qui ont tendance à souscrire les garanties les moins onéreuses possibles.
C'est pourquoi, dans un souci de ne pas laisser les victimes d'accident sportif sans indemnisation, la jurisprudence a évolué dans deux directions différentes :
I - En élargissant le domaine de responsabilité du risque sportif ;
II - En sanctionnant des groupements sportifs qui laissent leurs adhérents sans couverture d'assurance individuelle suffisante.
I - ELARGISSEMENT DE LA RESPONSABILITE CIVILE DANS LE DOMAINE SPORTIF
1.
La réparation des dommages corporels par l'assurance de personne a le plus souvent un caractère forfaitaire qui ne permet pas de réparer les dommages aussi efficacement que le droit commun.
C'est ainsi que ne sont pas indemnisés par les contrats d'assurance de groupe, les préjudices dit personnels, à savoir pretium doloris, préjudice d'agrément, préjudice esthétique, sans oublier la gêne ressentie pendant la durée de l'ITT.
Ce caractère forfaitaire peut même présenter un aspect dérisoire dans le cas de préjudice corporel grave.
C'est pourquoi, l'évolution d'une jurisprudence toujours plus sensible au sort des victimes a tendance à permettre à celle-ci d'obtenir réparation selon les règles du droit commun, en élargissant les domaines de responsabilité des joueurs, ainsi que ceux des groupements sportifs.
A - ELARGISSEMENT DE LA RESPONSABILITE CIVILE DES JOUEURS
1.
Traditionnellement, la jurisprudence permet aux participants à une compétition sportive de s'exonérer de la responsabilité mise à leur charge sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, du Code Civil en invoquant l'acceptation des risques des autres participants à la compétition sportive (1).
Mais la théorie du risque accepté suppose que les règles du jeu soient observées et n'est applicable qu'aux dangers normaux et prévisibles du jeu (2).
Dès lors, le comportement anormal d'un joueur qui transgresse les règles du jeu, ou qui fait preuve de brutalité volontaire et de déloyauté, constitue une faute dont les conséquences ne peuvent avoir été acceptées par avance par les autres participants (3).
De plus, certains risques ne sont pas acceptables, tels celui de mort.
Seront donc seules susceptibles d'être acceptées par avance, quelle que soit la gravité de leurs conséquences, les fautes banales de maladresse et d'imprudence pouvant survenir inopinément à l'occasion de la pratique loyale de la compétition sportive.
C'est ainsi qu'un coup de pied dans le genou d'un adversaire constitue un incident fréquent sur les stades.
2.
Le gardien de but n'est pas responsable des dommages corporels causés par un dégagement du ballon, sans faute de sa part, alors qu'au cours d'un jeu collectif comme le football, qu'il soit amical ou pratiqué en compétition, tous les joueurs ont l'usage du ballon, et nul n'en a individuellement le contrôle et la direction.
Le fait qu'un joueur dispose un bref instant du ballon ne lui confère pas la qualité de gardien, dans la mesure où le but du jeu est de le renvoyer immédiatement.
-
Cass. Civ. II, 13 janvier 2005, 03-12.884 ; Dalloz 2005, I.R. p.317 ; JCP 2005, G, IV, 1354 - Voir également : S.Gobert "La violation des règles du jeu sportif", L'Argus de l'Assurance n°6916, p.33 ; Revue Lamy Droit Civil, mars 2005, p.16 ; R.C. et Ass. 2005, com.n°78.
3.
Il en est tout à fait différemment lorsque le jeu dégénère en combat et que le rixe prend la place du fair-play, en contradiction totale avec l'esprit "sportif".
Le Juge Civil conserve la possibilité d'apprécier si le comportement d'un sportif a constitué une infraction aux règles du jeu de nature à engager sa responsabilité, quelle que soit l'appréciation de l'arbitre chargé de veiller à l'application des règles du jeu. (Chute de cheval au cours d'un match de Polo).
Cass. Civ. II, 10 juin 2004, n°02-18.649; Dalloz 2004, IR, p.1937 ; G.P. 12 décembre 2004, p.8, note P. Polère.
C'est pourquoi la jurisprudence s'attache aux éléments de fait permettant de déterminer l'intention de l'auteur de la blessure.
Elle fait donc appel aux témoignages des autres compétiteurs, des spectateurs ou de l'arbitre.
Elle s'intéressera aux feuilles de match, aux articles de Presse, ainsi qu'aux procédures disciplinaires et aux sanctions qui seront infligées.
Elle sera liée par l'interprétation du juge pénal, lorsque l'auteur des coups, poursuivi à la suite d'un dépôt de plainte, ou d'une citation directe du Parquet, sera condamné pour le délit d'atteinte à la personne d'autrui.
La notion d'acceptation des risques pose donc, avant tout, une question de fait, qui laisse aux Juges un pouvoir souverain d'appréciation.
C'est surtout à l'occasion d'un tâcle, qui consiste, pour un joueur, à se lancer les deux pieds en avant afin d'intercepter le ballon, que se pose le problème de l'appréciation de la faute. En effet, soit ce "tâcle" aura un caractère dangereux, notamment lorsqu'il aura lieu par l'arrière, et il sera considéré comme fautif, soit il s'inscrit dans le cours normal du jeu, et les dommages qu'il aura pu causer seront considérés comme purement accidentels.
Ex.:
En "taclant" un adversaire par derrière avec un pied décollé du sol alors que son action avait pour but de provoquer la chute de son adversaire, un joueur de football commet un acte de violence volontaire en violation des règles du jeu.
Dans ces conditions, le joueur a incontestablement agi avec intention de nuire quand bien même il n'aurait pas mesuré toutes les conséquences de son geste.
Le fait que son acte se soit déroulé dans une phase de jeu ne saurait enlever le caractère délictueux à l'acte commis, le tacle irrégulier ayant été effectué à un moment où le ballon ne pouvait plus être atteint (4).
* * *
Dans l'incapacité de caractériser une faute du joueur assaillant, le Juge aura donc tendance à mettre la charge de la réparation sur le groupement sportif.
B - ELARGISSEMENT DU DOMAINE DE LA RESPONSABILITE CIVILE DES GROUPEMENTS SPORTIFS
Les groupements sportifs sont organisés sous forme d'Associations, souvent locales, regroupés dans des Fédérations.
1.
Dans l'Arrêt BLIECK du 29 mars 1991, l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation avait retenu la responsabilité sans faute d'une Association chargée de l'accueil et de l'hébergement de jeunes handicapés mentaux, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, du Code Civil (5)
Cette jurisprudence était fondée sur le fait que ces Associations exerçaient un pouvoir de garde et de direction permanent des personnes qui leur étaient confiées, et qu'il était donc anormal d'obliger les victimes a établir une faute de surveillance à leur encontre (6)
Ce principe de responsabilité générale des associations du fait d'autrui était cependant cantonné aux personnes dangereuses (7).
2.
Dans deux Arrêts du 22 mai 1995 (8), la deuxième Chambre de la Cour de Cassation a posé le principe selon lequel :
Les Associations Sportives, ayant pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres au cours des compétitions sportives auxquelles ils participent, sont responsables au sens de l'article 1384, alinéa 1, du Code Civil des dommages qu'ils causent à cette occasion.
Les associations sportives doivent ainsi répondre du fait de leurs adhérents, même si l'auteur du dommage est indéterminé au sein du groupe.
Ces Arrêts ont sanctionné les Cours d'Appels qui avaient retenu cette même responsabilité sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du Code Civil, c'est-à-dire en qualité de commettant.
-
Désormais, le principe précité est donc applicable à tous les groupements sportifs, qu'il s'agisse de clubs amateurs ou professionnels.
-
Il n'est pas exigé que les membres de l'association ait eu un comportement "dangereux" (9).
Il est bien évident que cette solution est rendue possible par l'obligation d'assurance mise à la charge des groupements sportifs par l'article 37 de la loi de 1984.
Néanmoins, le joueur professionnel salarié qui cause un dommage à une autre participant par sa faute caractérisée par une violation des règles du jeu, engage la responsabilité de son employeur sur le fondement de l'article 1384, al.5, du Code Civil.
-
Cass. Civ. II, 8 Avril 2004, 03-11.653; Dalloz 2004, Jur. p. 2601, note Y-M. Serinet
Mais un joueur, ne pouvant jouer pour raison médicale, ayant agi en dehors de toute activité sportive et ayant commis volontairement une agression caractérisée à l'encontre d'un autre joueur, ne peut engager la responsabilité civile de son association sportive.
-
CA Aix en Provence, 10e Chb., 16 mars 2004: R.C. et Ass. 2004, n°248, note C.Radé.
3.
Les juristes se sont inquiétés de cette évolution jurisprudentielle qui semblait condamner le « vieux » principe de l'acceptation des risques.
Toutefois, dans les deux Arrêts de principe en question, le jeu avait été qualifié par les arrêts d'appel comme "anormalement dur" ou "dangereux", ce qui pourrait avoir conduit la Cour de Cassation a écarter la notion d'acceptation des risques.
En réalité, la jurisprudence ne faisait que rendre responsables des blessures causées à l'occasion d'une compétition sportive les groupements sportifs censés répondre des faits de leurs adhérents.
La victime pourra ainsi demander réparation à la fois au joueur fautif et à l'Association, obligatoirement assurée, à laquelle il appartient.
4.
Les principes fondamentaux de la notion d'acceptation des risques ne sont pas remis en cause.
Ainsi qu'en témoignent les défaites successives de la CPAM de Haute-Savoie, qui a vainement tenté d'obtenir de groupements sportifs le remboursement de prestations versées à l'occasion d'accidents survenus sur des terrains de football, en invoquant la jurisprudence de 1995 (10).
Dans ces hypothèses, le montant des réclamations était minime, il n'y avait aucun fait volontaire et aucun joueur ne réclamait réparation personnellement.
Les juges n'ont donc pas accepté de déplacer la charge de la réparation de l'organisme social, financée par la collectivité, à l'Association sportive ou à son assureur, financée par ses seuls adhérents (11).
Si les Cours d’Appel se montrent encore réticentes à adopter cette nouvelle Jurisprudence, celle-ci vient d’être rappelée une nouvelle fois par la Cour de Cassation dans un Arrêt du 3 février 2000 :
Les associations sportives ayant pour objet d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres au cours des compétitions sportives auxquelles ils participent sont responsables, au sens de l'article 1384, al.1, du Code Civil, des dommages qu'ils causent à cette occasion. ( 12)
5.
La Cour de Cassation a cependant apporté un tempérament attendu, en mettant une condition à la responsabilité de plein droit des associations sportives du fait de leurs joueurs : la faute.
La responsabilité des associations sportives du fait de leurs membres, même non identifiés, sur le fondement de l'article 1384, al.1, du Code Civil, est subordonnée à la preuve d'une faute caractérisée de ces derniers résultant d'une violation des règles du jeu, et excédant les risques normaux de la compétition.
-
Cass. Civ. II, 20 novembre 2003, 02-13.653; Dalloz 2003, IR 3009, note ; JCP 2004, G, II, 10017, note J.Mouly.
Cette décision apporte un tempérament aux arrêts des 22 mai 1995 et 3 février 2000, étendant aux associations sportives la jurisprudence Blieck du 29 mars 1991. Elle valide la théorie de la notion "d'acceptation des risques" en ne mettant à leur charge les conséquences des dommages causés par leurs membres, que si ceux-ci ont un caractère fautif.
Une association sportive n'est donc pas responsable des dommages subis par un gardien de but du fait d'un heurt avec un de ses attaquants, en l'absence de preuve de comportement fautif de ce dernier.
-
Cass. Civ. II, 13 janvier 2005, 03-18.617 ; JCP 2005, G, IV, 1355 ; R.C. et Ass. 2005, com. n°81.
La responsabilité des associations sportives ayant pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres, ne peut être engagée, sur le fondement de l'article 1384, al.1, du Code Civil, que si une faute caractérisée par une violation des règles du jeu est imputable à l'un de ses membres, même non identifié, au cours d'un entraînement de rugby.
-
Cass. Civ. II, 21 octobre 2004, 03-17.910; Dalloz 2004, IR, p.2973 ; Revue Lamy Droit Civil, Décembre 2004, p.18 ; Dalloz 2005, Jur. p.40, note J.B. Laydu.
Rappelons que cette solution avait déjà été donnée en matière de compétition.
-
Cass. Civ. II, 20 novembre 2003; Dalloz 2004, Jur. p.300, note Bouché - Cass. Civ. II, 8 avril 204, IR, p.2601 et RTDC 2004, p.517, note P.Jourdain.
C - RESPONSABILITE PENALE
1 - RESPONSABILITE PENALE DES JOUEURS
1.
Il convient d'insister sur le fait que des faits volontaires, témoignant d'une intention de nuire, caractériseront le délit d'atteinte à la personne d'autrui, susceptible d'entraîner le joueur devant les juridictions pénales (agression caractérisée, coups volontaires etc...)
Lors d'un match de football, un joueur avait "taclé" irrégulièrement un adversaire alors qu'il n'était plus en mesure de jouer le ballon. Il ne s'agissait pas d'un simple accident survenu lors d'une phase régulière de la partie, mais d'un acte caractérisé d'anti-jeu ayant occasionné des blessures à la victime.
Sur plainte de cette dernière, le Procureur déclencha les poursuites pénales à l'encontre du joueur.
Poursuivi, celui-ci fut condamné pénalement pour coups et blessures volontaires au vu d'un enregistrement vidéo de la rencontre et d'un rapport de l'arbitre (13).
Dans ce cas, le caractère volontaire de l'infraction privera le joueur d'une garantie personnelle d'assurance responsabilité civile, conformément aux dispositions de l'article L 113-1 du Code des assurances, relatif à l'exclusion légale du fait intentionnel (14).
2.
Cette garantie demeurera acquise si le joueur est condamné pour des simples faits de blessures involontaires visés à l'article 320 du Code Pénal.
La victime devra donc être prudente dans sa mise en mouvement de l'action publique si elle envisage de recourir contre l'assureur personnel du responsable.
Toutefois, il est constant que le fait volontaire du joueur laisse subsister la garantie d'assurance responsabilité civile de l'association qui doit en répondre.
2 - RESPONSABILITE PENALE DES CLUBS
L'article 121-1 du Code Pénal ne retient la responsabilité des personnes morales que :
- si l'infraction a été commise pour le compte de la personne morale
- si elle a été commise par un organe ou un représentant de la personne morale.
C'est ainsi que les agissements du capitaine d'une équipe peut engager la responsabilité pénale de l'association si, par ailleurs, il exerce des fonctions de représentant du club : corruption, incitation des joueurs à la violence et à la déloyauté, etc...(15).
3 - RESPONSABILITE PENALE DES DIRIGEANTS DE CLUB
1.
L'article 37 de la loi du 16 Juillet 1984, modifié par la loi du 13 Juillet 1992, punit pénalement "quiconque" n'aura pas souscrit l'assurance obligatoire de responsabilité garantissant les activités des groupements sportifs.
Pour ce motif, le dirigeant d'un club, personnellement tenu de veiller au respect de la réglementation par son club, peut être poursuivi pénalement.
2.
Sauf à se rendre personnellement coupable d'une action personnelle de corruption, de coups et blessures volontaires sur un stade, ou de complicité avec un joueur fautif, la responsabilité pénale d'un dirigeant n'est pas susceptible d'être engagée du fait des agissements délictueux des membres de l'association.
* * *
Dans leur souci de parvenir à tout prix à la réparation, les juridictions n'ont pas hésité à rechercher la responsabilité personnelle des groupements sportifs et de leurs dirigeants lorsque ceux-ci n'ont pas mis en mesure leurs adhérents de connaître l'étendue de leur garantie d'assurance individuelle accident.
II - LA RESPONSABILITE DES GROUPEMENTS SPORTIFS POUR DEFAUT D'INFORMATION DE LEURS ADHERENTS
1.
Le maintien de la jurisprudence traditionnelle sur l'acceptation des risques a pour contrepartie nécessaire une couverture d'assurance individuelle suffisante de chaque joueur exposé aux risques.
De plus, le mécanisme de réparation par l'assurance de responsabilité laisse sans garantie les dommages que le sportif s'est causé à lui-même.
C'est pourquoi, l'article 38 de la loi du 16 juillet 1984 dispose que :
"Les groupements sportifs sont tenus d'informer leurs adhérents de leur intérêt à souscrire un contrat d'assurance de personne ayant pour objet de proposer des garanties forfaitaires en cas de dommages corporels."
Le texte précise que :
"Les groupements sportifs doivent tenir à la disposition de leurs adhérents des formules de garantie susceptibles de réparer les atteintes à l'intégrité physique du participant".
Enfin, l'article 18.3 de la loi du 13 juillet 1992 ajoute que :
"Lorsque les fédérations sportives... proposent à un licencié de souscrire simultanément à la délivrance de la licence et à un contrat d'assurance collectif qu'elles ont négocié, le prix de cette souscription doit être indiqué distinctement et le licencié à la possibilité de refuser de souscrire au contrat."
Cette garantie individuelle ne joue donc qu'un rôle complémentaire et facultatif.
2.
Les groupements sportifs ont non seulement l'obligation d'attirer l'attention de leurs adhérents sur leur intérêt à souscrire une assurance de personne couvrant leurs dommages corporels, mais encore celle de leur proposer plusieurs formules de garantie leur permettant, s'ils estiment utile de contracter une telle assurance, de choisir la garantie la mieux adaptée à leurs besoins (16).
C'est au souscripteur de l'assurance de groupe qu'il appartient d'informer les adhérents dans la remise d'une notice définissant les garanties du contrat et leurs règles de fonctionnement.
Il résulte de ces dispositions que :
- Cette assurance individuelle est facultative.
- L'obligation d'information pèse sur les groupements sportifs, les associations sportives de base ou clubs.
- Le sportif reste libre du choix de son assureur.
- Pour le cas où le sportif ne ferait pas l'effort de s'assurer en dehors de l'association sportive, cette dernière doit avoir souscrit pour son compte un contrat d'assurance de groupe auquel il aura la faculté d'adhérer.
- Si le sportif décide d'adhérer au contrat d'assurance de groupe souscrit par l'association, celui-ci doit couvrir la réparation des atteintes à l'intégrité physique, c'est-à-dire doit offrir des garanties suffisantes tendant à la réparation intégrale de son préjudice.
3.
L'obligation d'information continue cependant de peser sur le club.
En tout état de cause, en souscrivant un contrat d'assurance de groupe dont les garanties sont insuffisantes pour réparer les atteintes à l'intégrité physique du pratiquant, et en créant une fausse sécurité, la Fédération manque gravement à son obligation d'information et de conseil si elle n'attire pas l'attention des licenciés sur le caractère insuffisant de ses propres garanties (17).
Ces principes ont donné lieu aux applications jurisprudentielles suivantes :
-
Cass.Civ. I, 19 mars 1996, arrêt n°651 :
Une élève, membre de l'Association Sportive d'un établissement d'enseignement, a été blessée au cours d'une compétition de gymnastique.
Le directeur de l'établissement scolaire et Président de l'Association Sportive a été déclaré responsable de la négligence commise "en n'avertissant pas les parents de la jeune fille de leur intérêt à souscrire pour leur enfant une assurance individuelle contre les accidents corporels".
De plus, cette décision a débouté ce Président de son recours contre l'assureur garantissant les dommages corporels subis par les élèves lorsque la responsabilité de l'établissement était engagée, au motif que ce contrat ne couvrait pas les conséquences des erreurs commises dans la gestion administrative.
-
Cass.Civ. I, 4 février 1997, n°214 :
La Fédération Française de Hand-Ball a été déclarée responsable de n'avoir pas informé ses adhérents de l'étendue de la garantie d'assurance de personne souscrite pour leur compte, ainsi que de leur intérêt à souscrire une garantie plus étendue, ni tenir à la disposition de ceux-ci des formules de garantie susceptibles de réparer les atteintes à l'intégrité physique des pratiquants.
Elle devra réparer la perte de chance subie par son adhérent d’avoir été correctement assuré (18).
-
Cass. Civ. I, 13 février 1996, B.I, n°374 (19) :
L'adhérente d'un club équestre fut victime d'une grave chute lors d'une reprise de manège.
Le contrat souscrit par la fédération nationale comportait, pour le cas d'invalidité, un capital de 200.000 F.
Aucune information n'avait été fournie à l'adhérente, ni par le club, ni par la Fédération.
1.
Tous deux sont condamnés in solidum à réparer le préjudice de la victime, constituant en la perte de chance d'avoir été assurée dans des conditions suffisantes (20).
La loi du 16 juillet 1984 fait obligation aux groupements sportifs, non seulement d'attirer l'attention de leurs adhérents sur leur intérêt à souscrire une assurance de personne couvrant leurs dommages corporels, mais encore de leur proposer plusieurs formules de garantie leur permettant, s'ils estiment utile de contracter une telle assurance, de choisir la garantie la mieux adaptée à leurs besoins.
Une Fédération Nationale n'a pas à garantir les dirigeants d'un groupement sportif, compte-tenu de leur autonomie à son égard, au regard de leurs obligations de conseil et d'information envers les adhérents.
Il appartient donc aux groupements sportifs de base de communiquer les conditions du contrat souscrit par la Fédération, et de remettre personnellement sa notice à ses adhérents.
2.
La simple mention sur la licence selon laquelle "le titulaire déclare avoir pris connaissance... des conditions du contrat" ne satisfait pas aux exigences de la loi (21).
-
Cass. Civ. I, 19 mars 1997, B.I, n°318 :
Une Fédération a été condamnée pour n'avoir pas "pris ses dispositions pour que chaque participant soit personnellement informé qu'il avait intérêt à s'assurer, et qu'il n'était pas établi que des documents en ce sens aient été diffusés." (22)
3.
Toutefois, le préjudice subi par un joueur du fait d'un défaut d'information du groupement sportif, ou l'absence de garanties contractuelles suffisantes, ne correspond pas à l'indemnisation de son préjudice corporel à laquelle il pourrait prétendre en droit commun.
La Cour de Cassation ne retient actuellement qu'une perte de chance pour la victime d'avoir été correctement assurée selon un contrat d'assurance de personne à garantie forfaitaire (23).
4.
Il résulte donc de ces décisions :
-
que c'est au club qu'il appartient de vérifier que tous ses joueurs sont correctement assurés.
-
que le groupement sportif de base n'est pas délié de ses obligations par l'existence de l'assurance de groupe souscrite par la Fédération.
-
que ses obligations sont autonomes, et par conséquent, il doit lui-même tenir à la disposition de ses membres un contrat d'assurance comportant des garanties forfaitaires "suffisantes".
-
la faute éventuellement commise par la Fédération quant à la souscription d'une garantie d'assurance insuffisante n'autorise pas le groupement de base à rejeter sur elle les conséquences de sa propre faute.
-
s'agissant de la Fédération, elle n'est tenue que du devoir d'information propre au souscripteur, lequel s'exécute par la remise d'une notice, remise dont elle doit pouvoir apporter la preuve.
5.
Les clubs sportifs, même amateurs, sont considérés comme des professionnels à l'égard de leurs adhérents réputés profanes.
La Cour de Cassation considère que la simple mention portée sur la licence selon laquelle "le titulaire déclare avoir pris connaissance des conditions du contrat" n'est pas suffisante pour mettre à la charge de la victime la preuve d'un manquement à l'obligation de renseignement du club.
Il appartient donc au club de se préconstituer la preuve de la bonne exécution de son obligation de renseignement.
Il résulte de l'article 1315 du Code Civil que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de celle-ci.
Seule la remise à son adhérent par le groupement sportif d'une notice résumant de manière très précise ses droits et obligations fait preuve de l'exécution par le souscripteur de l'obligation d'information mise à sa charge par la loi du 16 juillet 1984.
-
Cass. Civ. I, 14 janvier 2003; Dossiers Juridiques de l'Argus de l'Assurance n°6823, p.3 et 4; Lamy Asurances, avril 2003, p.1, note A.Marchand.
Le simple affichage des conditions de la police dans les locaux n'est donc pas suffisant.
La preuve de l'obligation d'information et de la remise de la notice ne peut résulter, à mon sens, que d'un récépissé signé par l'adhérent selon lequel celui-ci reconnaît expressément :
-
d'une part, avoir reçu une copie de la notice d'assurance souscrite pour son compte par la Fédération.
-
d'autre part, avoir été informé de la nécessité de souscrire une assurance de personne avec des garanties suffisantes.
L'idéal serait que l'adhérent appose sa signature sur une copie de la notice d'assurance de groupe, et établisse une attestation manuscrite selon laquelle il reconnaît avoir été informé de l'opportunité de souscrire une assurance présentant des garanties suffisantes.
* * *
C O N C L U S I O N
Les exigences de la jurisprudence en faveur de la protection et de l'information des victimes rejoint les préoccupations du droit économique en faveur des consommateurs.
-
De toute évidence, la vieille notion traditionnelle d’acceptation des risques est sur le point de voler en éclat, notamment sous la pression des victimes et d’une partie de la doctrine, et on doit s’attendre à un revirement prochain de la Cour de Cassation.
-
En tout état de cause, la Cour de Cassation ne cesse de renforcer la Jurisprudence qu’elle a initiée dans ses arrêts de 1995, selon laquelle la responsabilité du Club sportif est engagée du fait de ses joueurs, sur le fondement de l’article 1384, al.1, du Code Civil.
La seule façon d’éviter l’extension du domaine de la responsabilité civile, serait la conclusion de contrats d'assurance-groupe de personnes par les Fédérations, présentant des garanties sérieuses, quasiment équivalentes aux barèmes d'indemnisation en droit commun.
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