Formation d’une equipe de recherche commune insa-eas

Problématique de recherche : Projet et connaissance

Notre problématique de recherche veut expérimenter une mise en relation épistémo­logique d’investigations complémentaires sur la forme et le sens de l’espace architec­tural et urbain avec la dimension projectuelle. Il s’agit notamment d’étudier :

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  le projet architectural et urbain comme processus qui à la fois mobilise et met à l’épreuve des savoirs déjà constitués, engendre des significations sociétales diverses et débouche sur la formulation de questionnements producteurs de connaissances nouvelles sur lui-même et sur ses objets (genèse du sens et des lieux par le processus de projet) ;
  

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  le projet architectural et urbain comme méthode d’investigation permettant la mise à jour d’articulations – réelles et potentielles - entre les échelles spatiales et temporelles en relation avec l’organisation et la dynamique des villes et des territoires (le projet comme processus cognitif et son rapport avec la morpho­genèse urbaine).
  

Méthodes de recherche envisagées

Pour mieux comprendre le projet comme processus producteur de sens, il convient de considérer la pluralité des démarches de projet selon leurs relations à des corpus de connaissances théoriques en voie d’élaboration et en perpétuel remaniement. Ces corpus permettent de situer, de préciser et de faire évoluer les questionnements thématiques, variés et localisés, auxquels se rattachent différentes doctrines conceptuelles. La démarche de projet n’est donc pas approchée comme une simple pratique fonctionnelle ou artistique, mais comme espace de représentations à la fois conceptuelles et iconiques où s’organisent des processus cognitifs qui dépassent les réponses singulières aux demandes, et qui incluent un effort d’évaluation et d’intégration rendant possible la progression du travail de conception à l’intérieur d’une même démarche de projet comme d’une démarche à l’autre.

Le renouvellement des savoirs peut être appréhendé à partir de l’analyse de l’évolution des démarches de projet par lesquelles les architectes et les urbanistes parviennent, en élaborant des dispositifs spatiaux, non seulement à intégrer, à interpréter et à mettre en relation un ensemble complexe de paramètres, mais également à situer, à élargir et à approfondir un nombre de thèmes, de valeurs, de représentations doctrinales et de questionnements leur permettant une mise en relation des démarches de projet successives ou entreprises simultanément. L’approche envisagée vise ainsi à faire apparaître le développement de séquences thématiques et programmatiques, y compris idéelles, comportant des échelles spatiales et des temporalités multiples, à l’intérieur d’une même démarche de projet et/ou reprises et transformées de projet en projet. Ces séquences constituent de véritables séries problématiques, productives de savoirs nouveaux.

L’explicitation de telles séquences veut répondre à la question de savoir si la démarche de projet peut être entendue non seulement comme un mode de production de connaissances, mais aussi comme une façon d’inscrire le Sujet dans l’espace. Fondée sur plusieurs outils, la critique génétique, l’anthropologie de l’espace et du projet, la sémiotique de l’espace et les sciences cognitives, cette approche interdisciplinaire s’intéresse prioritairement aux phases de progression des démarches de projet, aux valeurs sociétales qu’elles mobilisent, aux intentions politiques et stratégiques qui les fondent et les valident, aux projections dans le temps qu’elles impliquent et à leurs formes de valorisation diverses. L’approche est complétée par l’analyse des processus de travail individuel et/ou collectif qui s’appuient sur des séries de projets développés par variantes et variations, et continuellement évalués, ainsi que sur la convocation de savoirs et méthodes lors de ces développements et évaluations consécutifs, et enfin sur les modes de représentation comme éléments d’un processus cognitif.

L’intérêt de cette double approche est de constituer un corpus de savoirs théoriques issus de l’examen des articulations multiples entre échelles spatiales et temporelles, lesquelles peuvent être établies entre des propositions singulières ou successives, des démarches individuelles ou collectives, de projet et des mises en forme de l’espace progressivement approfondies dans un processus de conception.

En ce qui concerne la question de l’interaction entre le projet et l’espace urbain existant, il est indispensable de bien saisir la complexité du rapport entre les structures dites « de surface » et les structures dites « profondes », organisatrices des agglo­mérations et des territoires. Les premières relèvent d’une temporalité événementielle qui se déroule sur des durées relativement courtes. Elles concernent l’édification des formes architecturales, la conception et la réalisation des projets architecturaux et urbains avec leurs logiques d’acteurs, leurs séquences thématiques et projectuelles, leurs valeurs et leurs représentations conceptuelles et iconiques. Elles font l’objet d’une planification consciente et profitent des opportunités foncières présentes dans la ville. Ce sont des structures spatiales qui s’offrent à l’observation immédiate, des formes d’occupation réalisées ou projetées qu’étudie l’approche précédemment décrite du projet comme processus producteur de sens.

Les secondes structures spatiales relèvent pour leur part d’une temporalité plus fondamentale et se développent dans les longues durées déjà reconnues en histoire par Fernand Braudel. Elles composent des « macro-structures » dont la genèse est auto-organisée et produit des discontinuités et des segmentations de l’espace qui résultent des multiples interactions entre les acteurs sociaux qui cherchent à s’approprier et à occuper des positions dans l’espace global des agglomérations urbaines et des territoires.

L’étude de la morphogenèse de telles structures profondes revêt une importance toute particulière pour la compréhension des projets architecturaux et urbains, puisqu’elle fait ressortir la façon dont ces projets s’inscrivent dans la spatialité et les temporalités urbaines, quels rapports de concordance ou de discordance ils entretiennent avec cette spatialité et ces temporalités, quelles évaluations du projet on peut formuler à partir de cette connaissance et quels peuvent être ses apports dans des formes de conception renouvelées. Cette approche morphogénétique est particulièrement appropriée pour traiter de la question des innovations typologiques et du développement durable, dans la mesure où celles-ci ne peuvent véritablement prendre toute leur portée que dans les temps longs et les échelles globales des structures urbaines profondes.