Gaston Bardet



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I LE FEU DU CIEL


« Et parce que ce qui est rare et dont on n'a pas beaucoup d'expérience semble merveilleux et bien souvent incroyable ... je ne fais nul doute que plusieurs personnes qui ne l'entendront pas, faute de science, ou qui ne sauraient ce que c'est faute d'expérience, ne le voudront point croire, ou penseront que ce sont des hyperboles, et que la chose n'est pas aussi grande qu'elle est en soi. »

JEAN DE LA CROIX. Vive Flamme (1. 3)

Elie le Thesbite, Elie « L'homme vêtu de poil et ceint d'une ceinture de cuir autour des reins » priait sur le Carmel. Le roi Ochozias envoya vers lui un chef de cinquante avec ses cinquante hommes. Celui-ci monta vers Elie, qui se tenait assis au sommet de la montagne, et lui dit : « Homme de Dieu, le roi a dit : Descends » !

Le prophète, qui avait (déjà) vaincu les quatre cent cinquante prêtres de Baal et les avait occis de sa propre main, au torrent de Cison, se contenta de répondre en ces termes : « Si Je suis un homme de Dieu, que le Feu du ciel descende et te dévore, toi et tes cinquante ». « Et le Feu du ciel descendit et le dévora avec ses cinquante » !

« De nouveau, le roi envoya vers Elie un chef de cinquante avec ses cinquante, qui monta et lui dit : « Homme de Dieu, ainsi parle le roi : Vite, descends ». Elie lui répondit en ces termes : « Si je suis un homme de Dieu, que le Feu du ciel descende et te dévore, toi et tes cinquante ». « Et le Feu descendit du ciel et le dévora avec ses cinquante » !

Une troisième fois, Ochozias, envoya une troupe de cinquante - chiffre symbolique parfait - mais le troisième chef, en arrivant, fléchit les genoux devant Elie, et demanda la vie sauve pour lui et ses cinquante. Le Thesbite la lui accorda et descendit avec lui vers Ochozias... Ceci nous est rapporté par le Deuxième Livre des Rois (I, 9 et seq.).

Obtenir par la prière que le Feu descende du Ciel, tel est, en effet, le sceau de l'Homme de Dieu 11.

Mais, que peut signifier aujourd'hui ce mot de feu dans l'esprit de celui qui se contente de tourner un commutateur pour s'éclairer et qui vit dans l'atmosphère desséchée d'un radiateur ? Que peut-il éveiller maintenant que le silence et la nuit ont été vaincus, chassés, tout au moins dans les villes ? 12 N'en reste-t-il point cependant quelque chose dans les grands mythes modernes de nos surhommes ? Fut-ce par hasard, seulement, que pour Roosevelt comme pour Staline : électricité + socialisme voulut dire paradis terrestre ?

Et chaque jour davantage, la matière n'apparait-elle pas comme un tissu de vibrations, un tissu de radiations, un tissu de lumière dont la vitesse sert à mesurer les espaces (fussent-ils illimités), du Cosmos, car la lumière « coud ensemble Ciel et Terre ».

« Dans la dissémination sans limite qui disperse la Matière en îlots que séparent d'immenses gouffres vides, et à l'intérieur même de chacun de ces îlots, deux objets ne se connaîtraient pratiquement jamais s'ils étaient seulement sensibles à la résultante anonyme d'attractions ou de répulsions, d'ailleurs colossalement affaiblies aux grandes distances ».

« Mais il est un commis, inimaginablement rapide, qui frappe ou quitte à chaque instant chaque point matériel, tendant au travers du Monde un prodigieux réseau de messages individuels entrecroisés et permettant par là en tous lieux une perception séparée de ces divers points, déterminant enfin par surcroît, au sein de la Matière, les réactions nécessaires à la Vie et à la Pensée ».

« Ce Messager subtil, cet Eveilleur qui donne une âme à l'Univers, et découvre à nos yeux mortels un peu de la splendeur des Cieux et de la Terre, c'est la Lumière » 13.

Telle est cette lumière dont le prophète Baruch (III, 3) dit : Dieu « l'envoie et elle part, l'appelle et elle lui obéit en tremblant ».

Telle est cette lumière, analogué éblouissant de la Lumière divine. Car, comme le Principe Un renferme en Lui tous les possibles, fondus sans être confondus, la blanche lumière peut se développer en toutes les diaprures de l'arc-en-ciel aux coloris complémentaires.


LA PURIFICATION PAR LE FEU.


Si le grand péché actuel est le péché de tiédeur, n'est-ce point parce que les hommes ont perdu le sens total de ce feu que le Christ est venu jeter sur la Terre ? Feu qui est Amour incréé dans le plan surnaturel mais qui, en sa manifestation terrestre, est aussi un feu-lumière-électricité qu'une époque comme la nôtre doit être à même de com-prendre, ou mieux de re-trouver pour le ré-intégrer dans le champ de nos connaissances.

Si Dieu n'est qu'Amour, « fa tutto che d'amore » pour Sainte Catherine de Sienne, il est aussi, ne l'oublions pas, un « Feu dévorant » dans la Bible, (Deut. IV. 24, Mal. III. 23, Hébr. XII. 29, Apo XXI. 27) parce qu'il est Jaloux à la mesure de son Amour, autrement dit : infiniment.

C'est un Amour dont « la colère s'embrase » à Tabherah, après le départ du Sinaï, contre le peuple qui murmure :

« Le peuple se mit à se plaindre amèrement aux oreilles de Yahweh. Lorsque Yahweh l'entendit, sa colère s'enflamma et le feu de Yahweh s'alluma contre eux et dévorait déjà l'extrémité du camp. Le peuple cria vers Moïse, et Moïse intercéda auprès de Yahweh, et le feu s'éteignit » (Nombres XI, 1-3).

Sa colère s'élèvera de même contre les deux cent cinquante hommes de Coré qui ont osé vouloir offrir l'encens à la place d'Aaron : « Un feu sortit de devant Yahweh et les consuma ». (Nombres XVI. 35).

Il n'est point d'intervention céleste sur notre Terre qui ne soit signée, pour ainsi dire, par le feu 14. Lors de l'Alliance avec notre Père Abraham, « un tourbillon de fumée et une torche de feu passèrent entre les morceaux des victimes » coupées en deux 15.

Lorsque Gédéon demandera un premier signe - avant la rosée sur la célèbre toison - il recevra un signe igné : « l'ange de Yahweh étendit l'extrémité du bâton qu'il avait en main », toucha l'offrande de Gédéon, « et le feu monta de la pierre et consuma la chair et les azymes ». (Juges VI. 21). Bien plus, lorsqu'il annonça la naissance de Samson, à Manoah et sa femme, « l'Ange de l’Eternel monta aussi avec la flamme de l'autel ». (Juges XIII. 15.23). Jean de la Croix y verra la figure de la Vive Flamme remontant notre âme vers Dieu.

Si Moïse et Elie sont plus spécialement apparentés au feu (ne sont-ce point eux qui, lors de la Transfiguration sur le Thabor, conversèrent avec Jésus) obtenir, par la prière, que tombe le feu du Ciel est la marque des amis de Yahweh.

David invoqua l'Eternel « qui l'exauça par le feu qu'il fit tomber des cieux sur l'autel de l'holocauste ». (I. Chroniques XXI. 26). Son fils Salomon pria, lors de la dédicace du Temple de Jérusalem, et « le feu descendit des cieux et consuma l'holocauste ». (II Chron. VII. 1).

Pourquoi tant d'holocaustes, de victimes brûlées, de sacrifices d'agréable odeur avant que le culte ne devienne intérieur ? Tous ces actes bibliques inspirés n'ont de sens profond que si nous n'oublions pas qu'on brûle les offrandes pour réintégrer par le feu ces objets du monde phénoménal, du monde psychique, du monde des sensations et de la quantité, dans le monde surnaturel.

Tous ces sacrifices ignés - depuis le premier d'Abel que « Yahweh regarda avec bienveillance » (Genèse IV) - ne sont que les figures annonciatrices de la conflagration de l'univers à la fin des Temps et, (observez qu'on ne dit pas de l'Espace) de sa purification par le feu : « Les cieux enflammés se dissoudront et les éléments embrasés se fondront » pour être remplacés par « des Cieux nouveaux et une Terre nouvelle, où la justice habite ». (II. Pierre III. 12, 13).

Et saint Thomas d'Aquin, de gloser (Quest 74, art. 2) :

« Le déluge purifia le monde de la seule souillure du péché, et surtout du péché de convoitise auquel l'eau convenait bien comme élément purificateur. La purification finale ayant pour objet la souillure du péché et l'impureté du mélange des éléments, [entraînées par le péché d'Adam], le feu paraît mieux convenir que l'eau. Celle-ci est plus apte à amalgamer qu'à désagréger, et donc moins capable de séparer les éléments pour les purifier. D'autre part, à la fin du Monde, devenu vieux, pour ainsi dire, le grand péché, ce sera la tiédeur: « La Charité d'un grand nombre se refroidira » (Mat. 24. 12). Il convient donc qu'il soit purifié par le feu » 16.

Et plus loin (Quest. 74, art. 8) : Comme feu, celui-ci produira « les mêmes effets sur tous les hommes, bons et méchants, qu'il trouvera encore vivants : il réduira leurs corps en cendres. Comme instrument, il produira des effets sensibles différents. Les méchants en subiront toutes les rigueurs. Les parfaits, qui n'auront rien à purifier, n'en ressentiront aucune douleur par un miracle semblable à celui des trois enfants dans la fournaise, bien qu'à la différence de ceux-ci, leurs corps deviennent la proie des flammes. Les bons, qui auront besoin d'être purifiés, le seront par des souffrances qu'il leur infligera, plus ou moins vives selon qu'ils l'auront mérité. Après le jugement ce feu n'agira que sur les réprouvés, car tous les élus auront des corps impassibles ».

Nous le verrons, les parfaits ont, en effet, dès ici-bas, le corps littéralement consumé par la Vive Flamme, une « vraie flamme » observe sainte Thérèse de l'Enfant Jésus. Si leur corps grossier (celui que nous voyons avec nos sens ordinaires) n'apparait guère changé, le secteur végétatif et sensible, la psyché de leur âme intellectuelle a subi de profondes modifications intérieures. Perfection se dit consummatio.

C'est ce que nous expose, en figure, le Lévitique, dans le cas - non de l'holocauste où tout est offert et consumé mais du sacrifice pacifique, où nous voyons le sang répandu « sur l'autel tout autour » tandis que la graisse est « placée sur le bois qui est sur le feu ». Le sang, auquel est attribué le siège de l'âme spirituelle (la rouah, le pneuma) est répandu [comme celui d'Abel, comme celui du Christ] mais la graisse - siège de la part végétative, inférieure de l'âme, (la nephesh, la psyché) - est brûlée. La graisse ainsi définie : celle « qui recouvre les entrailles et toute celle qui y est adhérente, les deux rognons avec la graisse qui les enveloppe ainsi que celle des muscles lombaires et l'amas de graisse enfin qui est sur le foie, et qu'on détachera près des rognons » (Lév. 3.4).

Et Pierre Gordon d'expliciter, à sa manière, que le « sacrifice igné des graisses » (ishah ha-halabim) a toujours une odeur agréable à Dieu, parce qu'il porte sur des chairs tenues pour les parties les plus intimes de l'être et les plus directement modifiées par l'incorporation liturgique à la radiance 17.

Il s'agit en effet des entrailles, de ce qui est sous le diaphragme, de ce qui porte aux comportements végétatifs et animaux les plus inférieurs, dont nous sommes le moins maîtres, autrement dit : de l'habitacle de la Kundalini, dont la domination et l'orchestration est l'un des principaux buts de la technique des yoguins.

Or, si depuis le Christ, dans le Saint-Sacrifice de la Messe, on ne répand que le Sang de l'Agneau, si l'on ne mange que Sa Chair, le rôle de la graisse ne doit point être oublié. La consummation de la graisse, aujourd'hui, c'est la chasteté, c'est le jeûne de tous les désirs du bas-ventre. Et si, pendant des millénaires, les Hébreux et d'autres peuples ont brûlé la graisse, ce fut pour nous graver en mémoire le chemin ouvert par la grâce, à savoir la chasteté. « Qui a des oreilles entende » !

En notre siècle de sexualité et d'impuissance entremêlées, le rappel de cette distinction entre le dessus et le dessous de la ceinture est fondamental. Tous les efforts d'ascèse - en toute civilisation, et avant les dégradations religieuses phalliques - visent à atténuer, sinon à supprimer, l'influence du bas-ventre sur la poitrine. Les prêtres chaldéens ou crétois avaient le torse nu et les jambes recouvertes d'une robe faite de peau de bête, que symbolisera le centaure hellénique. L'égyptien portait, lui, un tablier en peau d'agneau blanche couronné par une ceinture, « véritable cercle fortement magnétisé », chargée d'empêcher les vibrations de l'inférieur, d'entraîner, par leur pesanteur, les vibrations supérieures - les hindous diraient le prâna et l'apâna. Le dessin de ce tablier, en forme de flèche dirigée vers le haut, indiquait même la volonté d'utiliser cette puissante énergie vitale du bas au service de la partie supérieure 18.

Et c'est pourquoi les différentes unions, « les contacts les plus intimes » 19 que certains mystiques chrétiens ont avec le Verbe-Epoux, concernent-elles l'union des cœurs, l'union des poitrines, l'union des têtes. Aucune vision « intellectuelle ou imaginaire » au-dessous de la ceinture, qui puisse alimenter le ricanement de nos psychiâtres au petit pied.

Si l'union avec le Saint-Esprit irrigue toutes les cellules du corps, et même les os, « avec les ruisseaux d'eau vive » (Jean VII. 38) qui jaillissent comme du puits de Jacob, rien qui puisse cependant alimenter l'imagination 20. Les artistes ont représenté le Père d'après le Fils, ils n'ont jamais donné figure humaine à cette communication toute intérieure du Saint-Esprit 21.

C'est bien pourquoi plus une âme est immaculée, moins elle a l'expérience de l'amour humain, moins elle hésite à employer les mots les plus ardents, les symboles les plus intimes, qui sont, théomorphiques et dont l'amour humain, (disons-le sans fard), n'est qu'une faible copie et trop souvent qu'un ersatz... !

La connaissance expérimentale, clinique de ces distinctions et unions avec les diverses Personnes éviterait aux psychologues de l'infer leur propre « confusionisme » qu'ils attribuent eux, dans leur ignorance, aux mystiques...

Qu'à la résurrection générale, nos âmes séparées revêtiront à nouveau un « Corps de Lumière », que « les justes brilleront comme le soleil » (Matth. XIII. 45) 22 comme le Christ au Thabor, cela place cet élément classique bien au-dessus des trois autres : air, eau, terre et en fait véritablement la substance première directe animée par le Verbe, que nous devons saintement désirer. Toutefois, le Prince des anges déchus étant Lucifer - l'ange commis à la marche du feu en ce monde et qui s'est condamné avec ses anges « au feu éternel » (Matth. XXV. 41) - a trop souvent conduit les esprits à assimiler feu et châtiment, alors que nous devons, nous, en premier toujours unir feu et glorification. Si le feu éternel désagrège, il ne consume que l'impur, s'il sert de prison, s'il provoque une « ligature » - selon saint Thomas - provisoire aux âmes du Purgatoire et définitive aux auto-damnés, c'est parce que ces âmes ne peuvent le pénétrer sans souffrance, sans être paralysées, tandis que le parfait, qui est « nu » (II Cor. 5.3), y trouve accroissement de sa propre flamme d'amour.

Ajoutons en outre que le feu de l'enfer, réel, corporel, de même nature que le feu terrestre, est obscur, sans flamme, ni fumée. C'est un feu-chaleur, une fièvre, qui brûle intérieurement sans consumer, par opposition au feu-lumière des corps glorieux.

Si Dieu est « un feu dévorant » - et Paul y insiste dans son Epître aux Hébreux - nous ne sommes plus sous l'Ancienne Alliance, mais sous la Nouvelle, non sous la loi de crainte mais d'Amour. Aspirons donc à ce feu dévorant qui est, avant tout, un feu d'amour et ne foudroie que ceux qui pèchent contre l’Eprit. Pour cela, essayons de le mieux connaître en sa manifestation terrestre de feu - lumière - électricité.


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