Gaston Bardet


« BON A MANGER, AGREABLE A REGARDER ET DESI­RABLE POUR ACQUERIR L'INTELLIGENCE »



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« BON A MANGER, AGREABLE A REGARDER ET DESI­RABLE POUR ACQUERIR L'INTELLIGENCE ».


La convoitise ou concupiscence est la tendance de l'homme, déchu en Adam, à se complaire dans les biens d'ordre humain (sensible ou rationnels) mais, et c'est en quoi elle est déréglée, au mépris des biens de l'ordre spirituel. Car si la hiérarchie des biens est respectée, ni le désir ni la jouissance ne sont cou­pables. La super-jouissance des créations de l'Artiste Suprê­me par le transformé en est la preuve. La convoitise est une « extase retournée » observe Grégoire de Nysse, une sortie de l'homme pour se mettre en la Bête.

L'Apôtre saint Jean, dans sa Première Epître (2.16) nous rappelle que cette convoitise est triple : concupiscence de la chair, concupiscence des yeux, orgueil de la vie.

La convoitise de la chair se traduit par le désir de friandi­ses : aliment, boisson, tabac ; de paresse ; de mollesse (confort exagéré) ; de volupté : entretiens ou divertissements... de corps ou de consentement. La convoitise des yeux pousse à la délectation, « à savoir des choses cachées ou secrètes, à avoir des choses précieuses ou chères, à voir des choses belles ou rares » observe saint Bonaventure 316. Autrement dit, la convoitise des yeux rend l'âme propriétaire par cupidité, avarice ou curiosité : l'imagi­nation est sa grande pourvoyeuse. Quant à la concupiscence de l'esprit, l'orgueil de la vie, c'est le désir d'autonomie et de liberté sans limite par le refus du don des facultés supérieu­res. Il se traduit par « le désir de la faveur, le goût de la louange, l'appétit des honneurs ».

La convoitise de la chair, c'est la satisfaction des épider­mes 317 ; la convoitise des yeux. c'est l'avoir-ice, la possession sous toutes ses formes ; l'orgueil de la vie c'est la vanité qui pousse à la volonté de puissance 318.

Le péché originel était lui-même triple, il satisfaisait aux trois convoitises, le fruit était « bon à manger, agréable à re­garder, et désirable pour acquérir l'intelligence » (Gen. 3.6), Il ne peut en être autrement, car il s'agit d'une désobéissance filiale, d'un refus d'amour envers les Trois Personnes de la Trinité : infirmité, ignorance et malice sont représentées.

La convoitise de la chair est le suprême mépris des biens plus spéciaux du Père : Pur Principe ; la convoitise des yeux, c'est le mépris des biens du Fils : Sagesse Suprême ; l'orgueil de l'esprit est le mépris de l'Esprit d'Amour lui-même qui est Don Total. Seul le troisième mépris : le péché contre l'Esprit n'est pas pardonné car impardonnable, la créature s'étant, elle-même, coupée du courant de miséricorde.

Ces trois convoitises correspondent aux trois niveaux du Çà, du Moi et du Surmoi ; à elles devra donc se rattacher toute classification des instincts.

Ainsi, le Professeur Tchakotine, disciple de Pavlov et so­cialiste-marxiste, a proposé (il y a quinze ans) une « analyse spectrale » de l'âme dans laquelle il a fait entrer parmi les grands « instincts », non seulement ceux détectés par Freud et Adler, mais par Karl Marx. Il rattache à la faim, l'écono­mique, le désir de possession et d'absorption, comme se rap­portant au besoin de nutrition. Il y a là une vue profonde de l'auteur du « Viol des Foules ». Elle explique la grande diffu­sion du marxisme qui provient non seulement du désir de puissance de ses dirigeants et du ressentiment des foules, mais encore du désir de possession, jumelé avec l'instinct de nutrition, de conservation de l'individu. Le marxisme jumelle ainsi la convoitise de la chair et celle des yeux, sans parler de l'orgueil de l'esprit chez les meneurs. Quel beau « com­plexe » diraient les spécialistes !

A la convoitise de la chair se rattache donc non seulement Freud et son pansexualisme, Adler et sa lutte pour la vie, mais Karl Marx et son désir d'absorbtion. A la convoitise des yeux, Karl Marx prend la tête avec l'instinct de possession. A l'orgueil de l'esprit, s'étale l'autodivination (Gottähnlichkeit) d'Adler, la Volonté de puissance de Nietzsche, le Savoir de puissance s'y rattache lorsqu'il monte comme du vin cuit (sapa) des yeux au cerveau de nos scientistes.

Tous ces instincts déréglés ne peuvent se résorber que dans un seul instinct supérieur qui est l'instinct filial 319. Lorsque Jung retrouve « l'enfant éternel » (puer eternus) au fond de toutes ses analyses, il ne fait que retrouver notre structure fondamentale ; nous sommes « enfants du Père ».

Ce n'est que par théomorphisme que nous projetons autour de nous notre besoin de « docibilitas », le besoin le plus pro­fond au cœur de l'homme sain, celui d'être enseigné. Lorsque l'individu refuse de satisfaire cet instinct premier, il se dérè­gle totalement. C'est la révolte et le despotisme en acte ou la névrose. C'est le protestant à la pseudo-Réforme, c'est le car­tésien « qui refuse de se laisser enseigner » (Gide), ce sont le « moderniste » et le « surhomme » actuels, l'activiste qui se substitue au Père, terrains propices à la névrose comme on le vérifie tous les jours.

Et nous sommes conduits à faire remarquer que lors­qu'Etienne de Greeff (plein de bonnes intentions en apparen­ce), accorde une place fondamentale à l'instinct de paternité... il inverse, pour se justifier, l'instinct filial ; ne croyant point en la réalité de Satan, il est amené, évidemment, à faire com­me lui.

L'instinct de paternité, qui risque de se répandre à la faveur des mouvements familiaux, est un succédané de la volonté de puissance. Comme Albert Thibaudet le faisait finement observer : La Comédie humaine de Balzac pourrait s'appeler l'Imitation de Dieu-le-Père. Le mythe de la paternité y est absolument central, et l'auteur souffre comme Goriot ou Vau­trin, dans ses désirs de père. Mais vouloir être le Père de ses personnages, de ses enfants, ou de ses créations quelconques, n'est-ce pas - lorsqu'on n'est que fils - se croire et se faire démiurge, comme le Père.

Le psychanalyste, sur qui se fait le « transfert du Père », se pose en singe de Dieu.

Ce qui résulte clairement de l'analyse de ces trois convoi­tises, c'est qu'il ne s'agit pas seulement du serpent « spinal » qui déclenche les appétits animalo-végétatifs, les réflexes de faim et de désir sexuel, mais encore de la convoitise des yeux qui n'appartient pas seulement au niveau de l'animalité, mais où, déjà, l'esprit est engagé. Enfin l'orgueil de la vie constitue l'impardonnable péché, la véritable scission d'avec l'Etre, la coupure irrémédiable, d'où la dissociation névrotique.

Le corps, l'âme et l'esprit sont en cause, ce n'est pas un simple duel entre conscient et inconscient, et nous verrons nos analystes se mettre à multiplier des sous-sous-personnali­tés pour essayer d'en rendre compte.

Ce n'est pas seulement le serpent « spinal » qui est en cause, il faudrait n'avoir qu'une psychologie de vétérinaire pour croire cela, c'est le Serpent avec un grand S, tout ce qui est symbolisé par le Serpent : les trois convoitises de plus en plus désordonnées, de plus en plus déréglées de l'individu. Il faut un organisme biologiquement fragile pour faire une névrose par privation et regret d'une véritable faim sexuelle ou ali­mentaire 320 ; la convoitise des yeux est déjà beaucoup plus détériorante ; il suffit de penser à l'Avare, ainsi qu'à toutes les souffrances des « âmes-propriétaires » dans les Nuits. Mais les névroses sont déclenchées, avant tout, par le dérèglement de l'esprit, par le dérèglement de l'énergie la plus hautement qualifiée, dérèglement qui n'est qu'un « refoulement » (c'est le cas de le dire ici) de la source de créativité, d'amour, de don qui a été insufflé en notre motte d'argile rouge.

Nous ne sommes plus au Moyen âge, ni même à la Renais­sance, où la saignée et la flagellation étaient nécessaires pour calmer des vitalités hypertrophiées. Bien loin de là, nos corps sont dégradés par la vie urbaine et artificielle, un confort anémiant, une nourriture dévitalisée, des radiations qui brû­lent nos cellules et détraquent nos organismes. Ce n'est pas la chair qui risque de faire sombrer l'esprit ; chez les individus normaux c'est l'esprit qui est incapable de s'élever jusqu'à son Principe premier, l'Amour ; c'est l'esprit qui est désincar­né et, par ce faire, refuse l'exemple de son frère : le Dieu-­Homme.

C'est bien ce que seront forcés de constater les analystes lucides - et non préfabriqués par Freud - Annibal - Hercule au « pipi » triomphant 321 !


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