Gaston Bardet


VOUS SEREZ COMME DES ANGES



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VOUS SEREZ COMME DES ANGES...


Le jeune et brillant cavalier Thomas d'Aquin venait de recevoir l'habit des Frères Prêcheurs. Ce n'était pas du goût de sa mère, ni de ses frères qui le capturèrent et l'enfermè­rent dans la forteresse du Mont Saint-Jean, près de Roccasec­ca. Pour le détacher de sa vocation, son frère Réginald ima­gina tout simplement d'introduire dans la chambre de Tho­mas, une « jeune et jolie fille, parée de tous les charmes de la galanterie ». Celui-ci... ne pouvant fuir comme Napoléon... bondit, prit un tison enflammé, en chassa la tentatrice et tra­ça, avec le tison, le signe de la croix sur la porte.

Comme le novice qui devait devenir le « bœuf muet » n'é­tait point un lymphatique, à qui sa constitution ne posait point de problèmes... il supplia Dieu de lui venir en aide. Et l'on sait que deux anges vinrent le ceindre du célèbre cordon - préfiguré par la ceinture égyptienne - et qu'il ignora dès lors, par grâce angélique, tout mouvement de la chair.

Même aventure arriva à Jean de la Croix, avec l'une de ses jolies admiratrices entrée, pour le séduire, dans la chambre d'auberge où il s'était arrêté. Mais Jean, lui, était à cette épo­que, transformé. Il n'eut pas besoin de tison ; il se contenta de parler doucement à la tentatrice et elle repartit en larmes... Ne s'est-il point souvenu de cet incident lorsqu'il écrit :

Dans cet état, (l'âme) est d'une certaine manière comme Adam dans l'état d'innocence, quand il ne savait pas ce qu'était le mal, si innocente même qu'elle ne comprend pas le mal et ne juge nulle chose à mal ; elle entendra parler de choses très mauvaises, les verra de ses yeux et elle ne pourra comprendre le mal qui est là, parce qu'elle n'a plus en soi d'inclination au mal, par où elle le reoonnaîtrait en autrui » 373.

C'est l'oubli total, l'une des expériences surprenantes de la transformation. En bref disons que le sommet du Carmel vous apporte des lumières inattendues sur la circumincession trinitaire, les dons du Saint-Esprit et leur rejaillissement impré­vu sur le corps, enfin cette innocence qui vous fait réaliser la chasteté absolue, la pauvreté en esprit totale et l'obéissance totale envers le magister romain, autrement dit les trois vœux, « en esprit et en vérité ». .

Thomas, lui, n'oubliera jamais la grâce angélique ; aussi, lorsqu'il voudra expliquer ce qu'est la connaisance par con­naturalité, prendra-t-il pour exemple précisément la chasteté :

« Il y a deux moyens, dit Saint Thomas, de juger par exemple des choses de la chasteté : avoir dans notre intelligence la science morale qui crée en nous une proportion intellectuelle aux vérités concernant cette vertu, et qui, si l'on nous interroge sur celle-ci, nous fait répondre juste en consultant purement l'objet ». « Ou avoir dans nos facultés de désir la vertu même de chasteté, avoir cette vertu incarnée, inviscérée en nous, ce qui nous permet de répondre juste par mode, non plus par science, mais d'instinct en consultant notre inclination, notre connaturalité avec la chas­teté » 374.

Obtenir rapidement et sûrement l'union d'amour avec Dieu requiert deux attitudes fondamentales : l'humilité de l'esprit, la chasteté du corps - qui ont un lien mystérieux entre elles. L'humilité de l'esprit, qui en douterait ? Il convient d'insister sur la chasteté, à notre époque qui a perdu de vue ce que pratiquait toute l'antiquité, en dehors de ce peuple hébreu dont la fonction très spéciale, était d'engendrer le Messie.

Parmi toutes nos fonctions naturelles, le Christ n'en a con­damné qu'une seule : la reproduction. Il ne s'occupe ni d'une discipline de la respiration comme les yoguins, ni d'une régle­mentation de la nutrition comme les pharisiens, et renverse nos petits jugements en ce qui concerne l'excrétion,... car ce n'est pas ce qui sort du corps qui souille, « mais ce qui sort de la bouche [c'est-à-dire du cœur] de l'homme ». (Matth. XV. 10).

Il ne vient pas, comme Jean-Baptiste, vêtu de poil et se nourrissant de sauterelles. Il se réjouit de manger à la table des pêcheurs, n'hésite pas à transformer l'eau en vin, symbole de son sang ; donne comme preuve de sa Résurrection l'inges­tion « d'un peu de poisson rôti et d'un rayon de miel ». En­fin, il reviendra, manger et « boire le fruit de la vigne » avec nous.

Avec ses amis, même attitude ; il se délecte de Gertrude qu'elle dorme, mange ou boive. Sa délicatesse lui fera placer en Italie, des harengs frais (miraculeux) dans un tonneau de sardines, pour satisfaire un désir de Thomas d'Aquin, ou une botte d'asperges, sur un rocher, pour réjouir Jean de la Croix.

Point de faux-angélisme, nous ne saurions trop le répéter; la vie mystique sur terre, comme la Nouvelle vie après la Résurrection des corps, n'a pour but que de réjouir le corps par sa soumission à l'esprit.

« Et ainsi cette partie sensitive, avec toutes ses puissances, forces et faiblesses, en cet état, est désormais soumise à l'esprit. D'où vient qu'il y a là une vie heureuse,semblable à celle de l'état d'innocence, où toute l'harmonie et l'habileté de la partie sensitive de l'homme lui servait pour une plus grande récréation et une plus grande aide de connaissance et amour de Dieu, en paix et concorde avec la partie supérieure » 375.

Si tout l'humain - sauf l'acte génésique - doit être assu­mé par ce chef-d'œuvre qu'est le composé humain, il doit y avoir une bien profonde raison pour qu'en l'âge de la Grâce, en la Fin des Temps où l'Esprit nous a été envoyé, Jésus nous conseille de « nous faire eunuque » !

Quelle régression lorsqu'on peut lire dans les Etudes Carmélitaines, qu'un certain psychanalyste (préfabriqué) de Bourg-en-Bresse traite « d'infantiles » les adjurations de saint Jérôme sur la chasteté 376. Il n'y a point d'exemple, dans la plus haute antiquité, d'une absence de liaison entre la continence et la vie psychique supérieure. Les Romains même s'approchaient chastement des dieux, et quels dieux pourtant !

Hélas, l'hérésie matriarcale, le culte de la Mère Divine est venu tout corrompre et l'attitude de la Bible envers les Noë­mah de la lignée caïnite est compréhensible. Les hiérogamies naturalistes où la Mère Divine réclame son parèdre sont les dégradations de l'union spirituelle de Yahweh avec son Peu­ple, - préfiguration de l'obombration de Marie. Les organes externes : phallus et kteis, linga et yoni sont substitués aux organes internes de reproduction dont les anciens n'ignoraient nullement la fonction énergétique générale. Et pourtant la distinction est claire. Il suffit d'observer que Jésus est sorti du sein de Marie, comme il est entré au Cénacle, portes fermées. Il suffit de réfléchir que si Jésus nous demande de nous faire eunuque, ce n'est point castrat. La castration est une hérésie condamnée, et la virilité est réclamée de tout clerc, et vérifiée chez le Pape en particulier. Au contraire la circon­cision - donnée comme gage d'Alliance - s'attaque à l'or­gane externe ; elle symbolise le renoncement à la dispersion de l'énergie, qui doit être conservée pour « aimer de toutes nos forces » 377.

Certes, nous avons vu quelles aberrations cette vérité pro­fonde a engendré dans le tantrisme, mais nous n'ignorons pas que l'Inde est le conservatoire des déformations et des inversions les plus déroutantes. Au contraire, « tout ce que nous savons aujourd'hui du rôle des glandes génitales comme organe de sécrétion interne rend compte de la suractivité physique ou intellectuelle des continents totaux ou rela­tifs » 378.

Certes la montée de Kundalini n'est qu'une naturalisation dangereuse et prématurée de l'expérience mystique, mais en soi, elle révèle une conception autrement juste de l'énergéti­que humaine générale que son utilisation aphrodisiaque par en-bas. La flamme qui monte de la bûche embrasée porte, jus­qu'au ciel, toutes nos énergies les plus puissantes, lorsqu'elles sont totalement purifiées. Nous aimons, nous prions avec tout notre corps, comme avec tout notre esprit. Ah ! le trans­formé n'est pas un dévirilisé, (viri contemplativi, dit saint Thomas), bien au contraire, mais sa virilité n'est plus sexuel­le ; elle est une surélévation interne générale de toute son activité intellectuelle et volontaire. Il n'y a pas « sublima­tion » d'une énergie sexuelle mais utilisation de toute notre énergie générale sans gaspillage vers le bas. Et nos séminaris­tes (qui discutent du mariage des clercs...) devraient com­prendre qu'ils seront incapables de remplir, effectivement, leur tâche écrasante sans cette super-qualification de leur énergie vitale généralisée 379.

Laisseront-ils aux seuls sorciers de village, l'utilisation des forces non dépensées grâce à la continence 380, alors qu'il s'agit de chasteté, c'est-à-dire non de privation, mais de don total.

Et Gandhi de nous confier : « S'il est exact que depuis 1901, je m'étais déjà exercé à l'ascétisme, je n'avais jamais conçu de liberté et de joies pareilles à ce que je ressentis, en 1906, après avoir prononcé le vœu de continence. Désormais mon serment était un bouclier contre la tentation. La continence n'avait plus rien d'un chemin de croix, c'était au con­traire un sujet de consolation et de joie, et chaque jour m'en révé­lait une beauté nouvelle. Cette conviction que la parfaite observance du brahmachava (continence) permet d'atteindre au Brahman (vie unitive) je ne l'ai pas due à l'étude, elle s'est imposée à moi et ce fut à la faveur de l'expérience. Au premier abord, ce qu'en disaient les Livres Sacrés me semblait une louange extravagante. Dorénavant, bien au con­traire, et avec une clarté aveuglante, j'y voyais une vérité absolue et d'ordre expérimental ».

Certes, la chasteté est un mystère. Un mystère que l'on vérifie par l'expérimentation, mais un mystère. A ses disci­ples, qui regrettent le divorce mosaïque, Jésus répond : « Tout le monde ne comprend pas cette parole, mais ceux-là seuls à qui il a été donné. Il y a en effet des eunuques qui le sont de naissance, il y en a d'autres qui le sont devenus par le fait des hommes, il y en a d'autres enfin qui le sont deve­nus de leur propre fait à cause du Royaume des Cieux. Com­prenne qui pourra ! » (Matth. XIX. 20). L'Epoux « paît son troupeau parmi les lis » (Cant. des Cantiques II. 16) 381.

Et ce n'est pas, par hasard, si, à ce moment, « on lui a mené de petits enfants pour qu'il leur imposât les mains et les bé­nît »... Il dut calmer, à nouveau, ses pauvres (aveugles de) dis­ciples : « Laissez tranquilles les petits enfants et ne les empê­chez pas de venir à moi, car le Royaume des Cieux appartient à qui leur ressemble ». Nous sommes loin des complexes en­fantins : génital, buccal, sado-anal... inventions des boucs freudiens, qui projettent leurs propres obsessions d'humains régressés sur l'âme de ceux dont « les Anges voient sans cesse la Face du Père ».

La chasteté est un mystère, l'un des plus étonnants (tou­chant le corps) et que seule la Vive Flamme éclaire définiti­vement. Elle est pourtant le couronnement normal de la plé­nitude des Temps. Après le « Multipliez-vous » de la Genèse, c'est le Décalogue et les 6me et 8 me commandements ; Yahweh tolère, encore, la polygamie et le divorce à Moïse, Jésus spé­cifiant bien que « c'est à cause de la dureté de votre cœur ». Il insiste : « Mais au commencement, il n'en était pas ainsi » 382. Et c'est alors, qu'après avoir établi la monogamie, d'un coup d'aile, il inaugure le célibat ou plutôt le super-mariage avec le Saint-Esprit.

Sans la chasteté, d'ailleurs, nous ne pourrions aimer la Sain­te Humanité de Jésus, totalement, comme Il nous aime. Le transformé - s'il vient du siècle - a parfois peur de trop aimer, trop charnellement, oubliant qu'il y a un charnel chaste, un charnel glorifié qui est aux antipodes du charnel sexualisé d'avant la Vive Flamme.

Il y a hiatus total entre les consolations sensibles et les consolations volontaires, entre les goûts (même spiritualisés) du sens et de l'imagination et l'amour purement spirituel où la volonté s'embrase des flammes même de la Colombe d'A­mour. C'est un amour de Colombe, impossible à com-prendre pour qui n'a retrouvé l'innocence adamique - ce qui excuse un peu les balourdises des psycho-thérapeutes.

La chasteté est un mystère, Jésus s'est laissé insulter de toutes façons, traiter de fou, de blasphémateur, d'ivrogne, de démoniaque... Jamais il n'a permis la moindre calomnie, ni le moindre soupçon relativement à sa pureté. Même la Première Tentation, au désert, portant sur la convoitise de la Chair, ne concerne qu'une faim de pain.

C'est un mystère, mais qui s'éclaire face à cette objection (lunaire) de la Sourate VI du Coran : « Comment concevoir que Dieu ait un fils, quand il n'a point de compagne ? » Face à la paternité charnelle des hiérogamies mésopotamiennes, c'est toute la paternité spirituelle qui doit être ici évoquée. C'est pour nous faire, plus encore, à l'image de Dieu. C'est pour nous faire engendrer comme le Père engendre, que Jésus nous conseille de nous faire eunuque en esprit et en vérité.

Et c'est pourquoi la mystérieuse « petite sœur » du « Canti­que des Cantiques » est « celle qui a trouvé la paix » ; elle est un « mur » qui n'a besoin d'être scellé en même temps qu'une fontaine d'amour « dont les seins sont comme des tours »... Puissance d'amour et chasteté sont complémentaires.

La chasteté est un mystère dont la virginité est le som­met 383. Jean le vierge, l'apôtre Bien-Aimé qui pouvait poser sa tête sur la poitrine du Seigneur, vit, dans son Apocalypse, l'Agneau « debout sur le Mont-Sion, accompagné des cent quarante quatre mille qui portaient son nom et le nom de son Père inscrits sur leur front ».

« Ils chantaient un cantique nouveau... Personne ne pouvait apprendre ce cantique à l'exception des cent quarante quatre mille, les rachetés de la terre : ce sont ceux qui ne se souillèrent point avec des femmes, car ils sont vierges, ceux qui suivent l'Agneau partout où il va, et ils furent rachetés d'entre les hommes pour être une oblation pour Dieu et pour l'Agneau et dans leur bouche on n'a pas trouvé de mensonge : ils sont sans tache ».

Et ce n'est pas sans un regret douloureux qu'Augustin l'Africain, malgré tout son amour, et sa connaissance profon­de de la Trinité, a dû apprendre qu'il n'appartiendrait pas à la garde d'honneur.


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