Gaston Bardet



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LA GARDE DU CŒUR.


Le secret de l'efficacité de la prière perpétuelle, des invo­cations qui coulent comme de l'huile, c'est la garde du cœur, comme l'a si bien vu Jean Climaque († 649) qui est réalisée par le contrôle de nos pensées, car nos pensées - bonnes ou mauvaises - viennent du cœur (Matth. XV. 19).

S'imaginer que l'on puisse, même en assistant tous les ma­tins à la messe et en y communiant, même en priant plusieurs fois par jour, tenir toute la journée, face aux tentations, sé­ductions et déviations, surtout dans le contexte historique moderne, est proprement insensé.

Notre situation psychologique de « vase d'argile », après le péché originel l'a suffisamment démontré (cf. chap. VI).

A l'heure actuelle nos premiers mouvements viennent, désormais, toujours et immanquablement du Sens. Ils doivent donc être toujours freinés jusqu'à ce qu'intervienne la volon­té (ou l'appétit rationnel) c'est-à-dire la préférence du supé­rieur à l'inférieur. Ce freinage, cette domination obligatoire de l'Esprit sur le Sens, ne peut se réaliser d'une façon dis­continue, alternative, périodique, elle doit être perpétuelle, continuelle, ininterrompue comme une coulée d'huile.

C'est ce qu'avaient bien compris les auteurs sinaïtes, par opposition au monachisme cénobitique inspiré de l'esprit basilaire. Pour rétablir l'intelligence dans son rôle maître, il faut l'instaurer continuellement en la Mémoire de Dieu. « Agissant sur le relais, ou mieux la charnière disposée entre la sensibilité et la volonté, vous fai­tes coup double. Les impressions de la sensibilité sont amor­ties, freinées, tamisées par le passage dans le relais plongé en la mémoire de Dieu. Tandis que la volonté est comme fixée par l'intelligence en cette mémoire ».

D'après M. Jackson, nos actes sont hiérarchisés sur trois niveaux principaux, celui des réflexes simples, celui des actes automatiques, celui des actes volontaires.

Les réflexes sont la réponse de l'être vivant à un stimulus extérieur simple ; les mouvements volontaires résultent, après délibération, d'une prise de position et d'une action volontaire.

Les actes automatiques sont intermédiaires entre les ré­flexes et les mouvements dits machinaux et les actes volon­taires : ils sont volontaires à l'origine et involontaires dans leur déroulement. L'apprentissage des automatismes est né­cessaire pour toute activité où le corps doit être totalement dominé par l'esprit et ne le gêner en aucune façon, par exem­ple pour la lecture, l'écriture, le calcul, la musique.

La musique, par exemple, « exige une aisance manuelle tel­lement parfaite que l'artiste dépasse tout souci mécanique d'exécution pour concentrer son attention sur le plus pré­cieux de son art : retrouver, revivre, recréer l'inspiration même de ceux qu'il interprète. « Si je cesse de travailler un jour » disait Paderewski « je le sens le lendemain ; huit jours après les connaisseurs s'en aperçoivent; au-delà de quinze le public s'en rend compte » 392.

Dans la prière perpétuelle, au début, il s'agit de faire des gammes, afin que le mental soit totalement habitué à cette répétition qui paraît monotone et que nos autres activités corporelles, nécessitant une attention latérale, ne l'interrompent pas. Puis la prière s'incorpore à nos propres actions, à tel point qu'elle jaillit d'elle-même dès qu'un acte rythmique se présente, or nos principaux gestes humains sont des gestes pendulaires par suite de la disposition de nos muscles ten­deurs et fléchisseurs. Enfin, elle s'incorpore surnaturellement. Certes les débutants éprouvent des difficultés à maintenir une attention soutenue au début, mais cette attention devient bientôt très faible comme chez celui qui lit ou écrit. Certes le va-et-vient de l'imagination ne manque pas mais il est sans importance comme dans la quiétude car ce qui doit être fixe, c'est la fine pointe de l'âme, la volonté pure 393.

Par ailleurs et contrairement à l'hypothèse de Breuer, lors­que vous prenez une conscience plus aiguë de cet automatis­me qu'est la prière perpétuelle (durant l'oraison par exem­ple ou dans un moment de calme de la journée) bien loin que cette prise de conscience gêne en quoi que ce soit l'auto­matisme psychique, elle le renforce. Il ne s'agit pas ici d'un habitus somatique, d'une gamme de musicien débutant.

Ajoutons une précieuse remarque du P. Ludovic de Besse. « Certaines personnes hésitent à répéter à Notre-Seigneur, ces mots : « Je vous aime, Je vous aime ». Elles craignent de n'être pas sincères. C'est qu'elles confondent l'amour spirituel avec l'amour sensible. « On n'est pas sincère si on fait une déclaration d'amour à une personne antipathique, parce qu'il s'agit d'un amour de nature. Mais on est sincère quand, dans l'oraison de foi, on dit à Dieu : « Je vous aime » puisque Dieu nous demande alors un amour de volonté.



« On a cet umour dès qu'on le veut, la volonté ne pouvant pas, à la même minute, vouloir et ne pas vouloir. Ecartez donc ce scru­pule. Dites et redites loyalement à Dieu : « Je vous aime » 394.

On sait que les psychanalystes ont été forcés de découvrir dans la vie psychique « une tendance irrésistible à la repro­duction, à la répétition, tendance qui s'affirme sans tenir compte du plaisir, en se mettant au-dessus de lui ». Nous al­lons en comprendre le sens profond.

Le « secret » des Pères du Désert apparaît à première vue comme un secret d'atelier. En vrai il ne vise pas seulement l'utilisation psychologique de la répétition chez un être aussi instable et fragile que l'homme.

Il faut voir plus haut. La vision béatifique est intuitive et immédiate. C'est un acte unique en un unique instant. C'est un unique regard en un éternel présent. C'est un acte punctiforme (pour emprun­ter une comparaison spatiale) ; se rapprocher - autant que faire se peut - de cet acte punctiforme, c'est se rapprocher de la vision béatifique 395. Rappelons que déjà durant l'exta­se une personne peut avoir une suspension de deux ou trois heures solaires, cela ne représente pour elle qu'un seul ins­tant spirituel, de ces instants de temps discontinu ou discret commun aux anges et aux âmes séparées. C'est pourquoi saint Augustin, parlant de notre vie bienheureuse, déclare que toute notre action sera un Amen, un Alléluia. Nous ne sau­rons que répéter Amen ou Alléluia. En fait, nous ne pour­rons pas exprimer notre contemplation en une seule parole, pas même une parole intérieure, un verbe mental, car un seul Verbe peut exprimer parfaitement l'essence divine. C'est le Verbe lui-même.

Mais cette contemplation admirative sera comme une suc­cession ininterrompue d'Amen. Et Bossuet de gloser : « Ainsi nous dirons effectivement Amen, mais avec une satiété insatiable, avec satiété, parce que nous serons dans une parfaite abondance ; mais avec une satiété toujours insatiable, si l'on peut parler ainsi - parce que ce bien, toujours satisfaisant, produira en nous un plaisir toujours nouveau. Autant donc que vous serez insatiablement rassasié de la vérité, autant direz-vous par cette insa­tiable vérité : Amen, il est vrai... Reposez-vous et voyez, ce sera un sabbat continuel » 396.

Reproduire sur terre cette succession ininterrompue d'Amen, tel est le principe de la prière perpétuelle. L'analo­gie est valable puisqu'elle est contresignée par Dieu. Au bout d'un certain temps de répétition, s'il plait à Dieu, vous entrez effectivement en suspension ou dans un seul instant spirituel votre esprit reste fixé en une seule pensée scandée par les pulsations bio-électriques de votre cerveau, auquel vous êtes (encore) rattaché.



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