Gaston Bardet



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VERS LA MAGIE.


Les premiers soufis durent emprunter non seulement le manteau de laine blanche (souf) aux moines et ascètes chré­tiens, mais leur ascèse, que le Coran (ayant refusé le péché originel) n'impliquait pas.

El Hallaj reste le prince des mystiques musulmans. Né vers 244 de l'Hégire (soit 858) il apporte expérimentalement la solution correcte du problème mystique qu'il définit : « une identification intermittente du sujet et de l'objet, du mystique et de son Dieu, qui ne se renouvelle que par une transposition incessante et amoureuse des rôles entre eux deux, par un alter­nance vitale comme la pulsation, se surimposant de façon surhu­maine et transcendante, sans jamais se stabiliser normalement ni de façon permanente ici-bas, pour un cœur d'un quelconque sujet humain » 405.

Mettant en danger la religion légale, qui ne légifère pas pour le for interne, il fut accusé de blasphème et d'hérésie, mis en prison pendant huit ans, flagellé, mutilé, exposé au gibet pour être finalement décapité et brûlé, le 26 mars 922. Il mourut en criant sa joie d'avoir atteint et possédé « Celui qui est au fond de l'extase » ! Les travaux de Louis Massi­gnon sur ce sujet sont trop connus pour que nous y insistions.

Il faut attendre deux siècles pour que Al Ghazali (né en 450 de l'Hégire) le plus grand théologien orthodoxe, ose re­prendre la question, à la lumière d'ailleurs, d'exemples extra­islamiques, chrétiens, israélites, platoniciens et même hindous.

Car hélas, entre Al Hallaj et Al Ghazali s'était introduit le poison du yoga. Le célèbre ascète Boirouni, (mort en 440 = 1048), avait étudié et traduit les Yoga-Sutra de Patanjali et, par lui, la recherche du fana ou anéantissement devint désormais le but des soufis. On vit rapidement les fruits de la technique du vide. Certains soufis se jugèrent dispensés des œuvres extérieures, d'autres, les mala-matyva (ou blâma­bles) affirmèrent qu'au lieu de lutter contre les penchants déréglés, il vaut mieux s'abandonner... afin d'en éprouver la vanité et de s'en détacher plus aisément. On reconnait là l'Illuminisme de toutes les époques... et les psychanalystes d'aujourd'hui.

Mais surtout, faisant de la « sortie » une fin (et non un moyen) nombre de soufis, délaissant la pratique des vertus, étendirent à des collectivités la technique (personnelle) du mantra-yoga. Ce fut le dhikr ou psalmodie collective et solen­nelle de certains passage du Coran, ou litanies des 99 noms d'Allah, qui prétend amener l'âme à un dialogue avec Dieu 406. En fait, cette pratique d'oraison collective aboutit, com­me dans le shamanisme, ou certains revivals gallois, à déclen­cher des états cataleptoïdes ou somnambuloïdes (les yeux se ferment chez les uns, s'écarquillent chez les autres), à une pseudo-extase où l'anesthésie est confondue avec l'union. A partir du XIIIme siècle, s'ajoute - toujours sous l'influence hindoue - l'emploi d'excitants et de stupéfiants comme le haschisch, le café, l'opium. La poursuite forcenée de la transe amène quelques ordres religieux à pratiquer la « danse de jubilation » ; d'autres le « déchirement des vêtements » sans parler des Aissaouas, qui continuent la tradition des prêtres de Baal.

Chaque confrérie possède ses formules spéciales de dhikr, autrement dit de glorification d'Allah, répétées dans un ordre déterminé, soit mentalement, soit avec des mouvements respiratoires et des gestes appropriés ; le sang noir, infusé tou­jours plus profondément dans l'Islam, accroissant le délire rythmique, voire orgiaque. Le dhikr le plus célèbre est la danse des derviches-tourneurs, qui (jadis) ont peut-être con­nu d'effectifs états d'union par le dhikr dit du cœur 407.

Toutefois la récente publication d'un texte soufi sur la prière du cœur dû au cheikh Muhammad Amîn al-Kurdt al Shâfi'ï al Naqs-hahandî (mort.en 1332) montre une topogra­phie symbolique des centres subtils qui ressort nettement aux pratiques de sorcellerie.

Le premier center subtil, le « cœur » est considéré comme se situant à deux largeurs de doigt sous le sein gauche, le second « l'esprit » à deux largeurs de doigt sous le sein droit, puis c'est le « secret » deux largeurs de doigt au-dessus du sein gauche, et le « caché » au-dessus du sein droit. Enfin, « le plus caché » est au milieu de la poitrine... sa lumière est verte !

Le souffle retenu doit descendre du cerveau jusqu'à l'épau­le droite pour aller dans le centre « esprit », de là on le fera couler jusqu'au « petit point noir du cœur ». Puis le dhakîr relâchera son souffle... Il recommencera vingt et une fois, alors apparait le résultat du dhikr du cœur... ! Non un éva­nouissement prétendument « extatique » mais tout simple­ment une syncope.

Les dix autres règles sont un démarquage du yoga, le mot cheikh y remplaçant celui de guru.

Lorsque Jean Gouillard nous déclare « aucun des textes chrétiens en notre possession ne peut rivaliser avec [ce texte] pour le caractère didactique, l'étendue et la précision des dé­tails » ajoutons : Et pour cause, car toutes ces chinoiseries sont anti-chrétiennes par essence et ne conduisent qu'à l'illu­minisme le plus dangereux 408.

Toutes ces déviations proche-orientales 409 conduisirent les théologiens d'occident à condamner en bloc l'oraison hésy­chaste souvent confondue avec le palamisme, alors qu'il est nécessaire de bien dissocier la Prière et les techniques, com­me l'a souligné Théophane le Reclus (1815-1894) dans sa Dobrotalioube.

Saint Ignace, lui, dans ses Exercices Spirituels, saura sépa­rer le bon grain de l'ivraie.

« La seconde manière de prier, consiste à genoux ou assis, selon que l'on s'y trouve plus incliné ou selon que l'on y trouve plus de dévotion, tenant les yeux clos ou fixés sur un point, sans regarder çà et là, à prononcer le mot Pater et à réfléchir sur ce mot aussi longtemps qu'on y trouvera des sens nouveaux, des comparaisons, du goût et de la consolation dans la considération de tout ce qui est contenu dans ce mot ».

La fixation sur un point ne fera pas classer saint Ignace parmi les omphaloscopes... Mieux vaut garder les paupières closes, mais pour éviter le sommeil, chez certains la fixation de l'attention... sur un bouton, comme chez Kant, est parfois nécessaire.



La troisième manière de prier, trop peu enseignée et sur­tout trop peu pratiquée, consiste elle, « à chaque inspiration ou expiration, à prier mentalement en pro­nonçant chaque mot du Pater Noster ou de toute prière, qu'on réci­tera en ne prononçant qu'un mot entre l'une ou l'autre respiration ; et dans l'intervalle du temps d'une respiration à l'autre, on s'atta­chera surtout à considérer soit le sens de ce mot soit la personne à qui la prière s'adresse, soit sa propre bassesse, soit la distance qu'il y a entre une telle altesse et une telle bassesse ».

En bref, cette Troisième manière de prier consiste à mettre en veilleuse le corps, en priant très lentement, en respirant lentement, et à amorcer le nécessaire pianissimo prépara­toire à la contemplation.

Son disciple, le Vénérable Luis de la Puente (1554-1624) précisera mieux encore comment la prière est « collée » à la respiration comme disait saint Jean Climaque. « La troisième manière de prier consiste en des aspirations ou des sentiments qui correspondent à chaque souffle de la respiration. Cette sorte d'oraison convient principalement à ceux qui sont parvenus à la voie unitive et qui aspirent ardemment à l'union actuelle avec Dieu. Ils n'ont rien tant à cœur que de prier le plus souvent possible, parce qu'ils savent que l'oraison est aussi nécessaire pour la perfection de la vie spirituelle que la respiration pour la vie des corps, selon cette parole de David : « J'ai ouvert la bouche et j'ai attiré le souffle divin, brûlant du désir de garder vos commande­ments ô mon Dieu ».

On comprend mieux les déviations provenant d'une méta­physique naturaliste du souffle en rappelant que l'Amour de Dieu est souffle : Spiritus - par analogie avec notre propre souffle ou esprit vital 410.

C'est pourquoi « le Saint-Esprit qui est Amour, Se com­pare ainsi en l'Ecriture Sainte à la brise par ce qu'il procède comme un souffle du Père et du Fils » 411. Une contempla­tive retrouvera d'elle-même l'expression en nous confiant « j'ai eu tellement de « brise » [sur le visage, avant cette grâce] que je croyais vivre dans un courant d'air » !

La prière de Jésus semble renaître actuellement en Angle­terre 412, mais sa diffusion européenne vient surtout d'une œuvre littéraire du XIXme siècle, frappante par sa fraîcheur, sa simplicité, dont l'origine est inconnue et que l'on attribue à un moine du Mont Athos.



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