Gaston Bardet


LES RÉCITS DU PÈLERIN RUSSE



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LES RÉCITS DU PÈLERIN RUSSE.


A en juger par nos observations, la lecture des fameux Récits du Pèlerin Russe est la manière la plus vivante de faire comprendre à vos amis l'utilité de la Prière perpé­tuelle 413.

Vous savez qu'il s'agit d'un paysan russe, pauvre bien que sachant lire, parcourant la Russie en cherchant quelqu'un qui puisse lui expliquer ces paroles de saint Paul : « Soyez toujours joyeux, priez sans cesse » (1. Thes. V. 16-17), « priez par l'Esprit en toute occasion » (Ephès. VI. 18), « éle­vez en tout lieu des mains suppliantes » (I. Thim. II. 8), sans parler de l Pierre (4.7) et (5.8) ni de Luc (XVIII. 1). « J'ai entendu beaucoup d'excellents sermons sur la prière. Mais ils étaient tous des instructions sur la prière en général : ce qu'est la prière, pourquoi il est nécessaire de prier, quels sont les fruits de la prière. Mais comment arriver à prier véritablement, là-dessus on ne disait rien. J'entendis un sermon sur la prière en esprit et sur la prière perpétuelle : mais on n'indiquait pas comment parvenir à cette prière. Aussi la fréquentation des sermons ne m'avait pas donné ce que je désirais. Je cessai donc d'aller au Prêche et je dé­cidai de chercher, avec l'aide de Dieu, un homme savant et expé­rimenté qui m'expliquerait ce mystère ».

Après avoir consulté bien des savants ou pieux personna­ges qui « n'expliquaient rien », se basant sur la spéculation intellectuelle et non sur l'expérience, il trouve enfin un sta­rets, ou ermite orthodoxe, qui lui expose la « prière de Jésus » toujours vivante en Russie.

Depuis le Moyen âge, les moines byzantins se servent d'un rosaire de cent grains, perles ou nœuds d'étoffe, aussi le sta­rets de lui dire : « Voici un rosaire avec lequel tu pourras faire, au début, trois mille oraisons par jour. Debout, assis, couché ou en marchant, dis sans cesse « Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi », doucement et sans hâte. Et récite exactement trois mille oraisons par jour sans en ajouter ou en retrancher aucune. C'est ainsi que tu par­viendras à l'activité perpétuelle du cœur ».

Notre Pèlerin, muni du rosaire de laine de son père spiri­tuel, retourne à sa cabane. Donnons, in-extenso, son évolu­tion : « Je me mis à faire exactement et fidèlement ce qu'il m'avait enseigné. Pendant deux jours, j'y eu quelque difficulté, puis cela devint si facile que lorsque je ne disais pas la prière, je sentais comme un besoin de la reprendre et elle coulait avec facilité et légèreté sans rien de la contrainte du début. Je racontai cela au starets qui m'ordonna de réciter six mille oraisons par jour et me dit : « Sois sans trouble et efforce-toi seulement de t'en tenir fidèle­ment au nombre d'oraisons qui t'est prescrit : Dieu te fera miséricorde. Pendant toute une semaine, je demeurai dans ma cabane solitaire à réciter chaque jour mes six mille oraisons sans me sou­cier de rien d'autre et sans avoir à lutter contre les pensées ; j'essayais seulement d'observer exactement le commandement du starets. Qu'arriva-t-il ? Je m'habituais si bien à la prière que, si je m'arrêtais un court instant, je sentais un vide comme si j'avais perdu quelque chose ; dès que je reprenais ma prière, j'étais de nouveau léger et heureux. Si je rencontrais quelqu'un, je n'avais plus envie de parler, je désirais seulement être dans la solitude et réciter la prière : tellement je m'y trouvais habitué au bout d'une semaine... »

Par obéissance, il passera ensuite à douze mille oraisons jaculatoires par jour ; ces douze mille : « Kyrie eleison » grecs dont la Messe latine garde la triple trace trinitaire. Puis au bout d'une semaine, la prière est comme intégrée à à lui. « Un matin de bonne heure, je fus comme réveillé par la prière... », ainsi parlait Osuna.

« Au bout de quelque temps, je sentis que la prière passait d'elle-même dans mon cœur, c'est-à-dire que mon cœur, en battant régulièrement, se mettait en quelque sorte à réciter en lui-même les paroles saintes sur chaque battement, par exemple : 1 - Sei­gneur ; 2 - Jésus ; 3 - Christ et ainsi de suite. Je cessai de remuer les lèvres, me rappelant combien c'était agréable, au dire de mon défunt starets ».

Qu’est-ce à dire ? Notre pèlerin, qui priait vocalement com­me les simples, a enfin retrouvé la prière mentale inconnue de l'Antiquité ; il a trouvé également son rythme propre, celui du cœur.

Or, si vous essayez de faire oraison malgré le tic-tac d'un métronome, vous vous apercevez très vite qu'il est pratique­ment impossible d'être en quiétude au delà du largo, c’est’­à-dire 40 à 60 battements à la minute 414. Cette expérience souligne que les anciens balanciers d'horloge (battant la se­conde) n'étaient point gênants ; elle explique, au contraire, pourquoi les pièces qu'ils ornaient étaient accueillantes, cal­mantes, tandis que les mouvements à ancre actuels (battant la demi-seconde, soit l'allegretto), et accélérant notre allure par mimétisme, sont incompatibles avec l'écoulement lent de la vie de la grâce. Si, dans la vie courante, le rythme cardia­que de 70 à 80 est compatible avec la prière syllabique, pour se mettre en veilleuse durant l'oraison, il faut tendre à des­cendre bien au-dessous et à s'harmoniser au rythme (végé­tatif) de la respiration, 12 à 15 à la minute, comme l'a con­seillé saint Ignace.

« Au bout de trois semaines, je ressentis une douleur au cœur, puis une tiédeur agréable et un sentiment de consolation et de paix... la douce chaleur de mon cœur se répandait dans tout mon être et je sentais avec émotion la présence innombrable du Sei­gneur... »

« Après cinq mois solitaires dans ces travaux et dans ce bon­heur, je m'habituais si bien à la prière du cœur que je la prati­quais sans cesse et qu'à la fin je sentais qu'elle se faisait d'elle­-même sans aucune activité de ma part : elle jaillissait dans mon esprit et dans mon cœur, non seulement en état de veille, mais même pendant mon sommeil et ne s'interrompait plus une seconde ».

« Si je travaille, la prière agit d'elle-même dans mon cœur et mon travail va plus vite, si j'écoute ou lis quelque chose avec attention, la prière ne cesse pas et je sens au même moment, l'un et l'autre, comme si j'étais dédoublé ou que dans mon corps se trouvent deux âmes ».

Le pèlerin a compris pourquoi saint Paul associait : Soyez toujours joyeux ; priez sans cesse ; il a retrouvé, expérimen­talement, la distinction anima-animus ou psyché-pneuma de tout mystique. Autrement dit, l'âme et ses puissances agis­santes : Marthe, et « la fine pointe » ou cîme de l'âme : Marie, qui repose en paix, quelle que soit l'activité nécessaire de Marthe.

C'est pour négliger « la fine pointe de l'âme », le pneuma qui baigne dans la paix quels que soient les désordres cor­porels, voire mentaux, les luttes intérieures, les mouvements réflexes, qui peuvent se produire au cours des Nuits, que les psychologues restent à la porte des expériences mystiques. Ils traitent du psychique, de la psyché et non du noūs éclairé par le pneuma.

Ne croyons pas que la « chaleur dans le cœur » soit réser­vée aux Orientaux. Le saint le plus aimable, Philippe Neri la connaissait fort bien... ainsi que ses amis.

Comme saint Thomas d'Aquin sa lecture préférée était celle des Pères du Désert ; il pratiquait leur forme de prière, telle était la raison du véritable brasier qu'il portait en sa poitrine.

« Innombrables sont les témoignages de ceux qui affirment avoir senti matériellement, dans l'étreinte de Philippe, la présence de ce brasier intérieur. Le saint, d'ailleurs, voulait-il calmer les tenta­tions obsédantes, apaiser les angoisses d'une âme troublée ? Il appuyait la tête de son pénitent contre sa poitrine et la simple approche de ce feu mystérieux éclairait et purifiait les conscien­ces ». Nous résumons là simplement les témoignages du procès de canonisation 415.

La preuve est bien faite, par Philippe, qu'on peut mener la vie érémitique nocturne la plus poussée et la vie séculière diurne la plus joyeuse, voire la plus humoristique. Le Père de l'Oratoire offre le plus bel exemple de vie spirituelle con­venant aux laïcs des Derniers Temps.

Par ailleurs, nous avons montré en « Pour toute âme » com­ment le frère Belge Mutien-Marie de Ciney contrôlait les pulsations de l'Esprit-Saint en lui.

Alors qu'un mantra-yoguin peut (paraît-il) répéter menta­lement 21.600 fois par vingt-quatre heures, « Aham-sah, so-­aham », soit une fois toutes les quatres secondes ; que le pèlerin russe répète vocalement 12.000 fois par jour son oraison, soit un rythme identique, nous atteignons avec le Frère Mutien-Marie de 8 à 10 aspirations par seconde. Il nous pré­cise bien : « Continuellement, je faisais des actes d'amour, mais comme il y avait en ces moments [de peines intérieures, d'impuissance mo­rale] plus d'activité personnelle et moins de grâce infuse, ce me semble, je ne faisais que 12.000 à 15.000 actes d'amour pendant une heure, alors que pendant d'autres, plus uni à Dieu par des grâces infuses, j'en fis jusqu'à 25.000, 30.000 et même 36.000 en une heure ».

Le passage de l'action naturelle (du moine byzantin ou du yoguin) à l'intervention du surnaturel qu'il affirme éclate aux yeux. Neuf cents aspirations à l'heure, c'est le rythme de la respiration, 4.800 celui des battements du cœur, 36.000 n'est plus un rythme biologique, ne peut plus se référer à un rythme biologique. C'est un rythme électrique dix fois plus accéléré que nos rythmes physiologiques. Or, nous con­naissons un tel rythme, celui des ondes α enregistrées à l'en­céphale, d'environ 10 à la seconde. C'est un rythme qu’un individu ne peut ordonner lui-même. C'est bien l'Esprit de Vie qui spire. C'est la fréquence des vibrations d'amour de l'Esprit-Saint qui prie à travers lui, que l'humble frère contrôle. C'est la fréquence à l'état normal, sans intervention de notre part, de l'éternelle spiration d'Amour du Père vers le Fils et du Fils vers le Père, lorsqu'elle se temporalise pour vivifier notre chair. Frère Mutien-Marie l'a décelé au XXme siècle comme l'auteur du Nuage de l'Inconnaissance, au XIVme siècle 416.


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