Gaston Bardet



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LE SERPENT D'AIRAIN.


Nous nous trouvons face à un tas de décombres.

Certes, on ne pouvait rien attendre de supérieur du Hatha­-Yoga, qui s'efforce de transmuer son énergie sexuelle en énergie dite spirituelle, de mettre des ailes à son linga, com­me dans le culte de Mithra. Il est au niveau de Freud, dans l'infer. Pourtant, certains Occidentaux, lourdement matéria­listes, ont découvert par le Hatha-Yoga... et un dédoublement auquel ils ne s'attendaient guère, qu'ils avaient une âme in­dépendante de leur corps. Mais pour eux, Dieu reste une vi­bration ; ils sont incapables de s'élever au-dessus de ce qu'ils voient « subtilement » et de ce qu'ils sentent sensiblement.

Il est évident que les meilleurs d'entre les Yoguins restent dans les IVmes Demeures, comme l'a démontré, il y a quinze ans, le P. Garrigou-Lagrange. On pouvait s'attendre à mieux des jnanins, car enfin la voie de jnana est un tel à-pic que Ra­makrishna déclarait qu'à peine un yoguin par siècle pouvait arriver par cette voie 248.

Hélas, « l'illumination » n'arrive pas à l'union des trois puissances avec Dieu, la seule mémoire-du-soi coïncide avec la mémoire du Père. Il s'agit, là encore, d'une erreur techni­que. Par une invraisemblable confusion, pour résorber la dua­lité, le jnanin a commencé par se couper en deux, par cliver le tronc : sa mémoire de ses branches : intelligence-volonté.

Loin d'atteindre à la non-dualité finale, il a exacerbé la dua­lité maximum, là où l'être se scinde de l'Etre, là où la créa­ture se scinde de son Créateur. Par un renversement infernal, l'expérience de l'Un-sans-Second est en réalité celle de Deux séparés.

Les conceptions initiatiques primordiales ont été totalement faussées par l'Inde, remarque Gordon. «L'Etre est un dynamisme pur, un prodigieux torrent d'amour, grâce auquel l'existence et la connaissance circulent éternellement à travers une multitude pratiquement indéfinie de personnes, sans qu'aucune de celles-ci cherche jamais à en conserver par devers elles une parcelle. Dès qu'un Je vise à retenir l'être qui lui est départi au lieu de le redonner en totalité, il se scinde ipso facto de l'exis­tence véritable. Il ralentit le mouvement torrentiel et en immo­bilise les éléments » 249.

Comment les hindous, qui n'ont jamais cessé de connaître et d'expérimenter les « vibrations » par lesquelles l'Etre se manifeste en notre corps, n'ont-ils pas compris cette impossi­bilité de « couper le courant » sans se couper de l'Etre ? Com­ment les jnanins ont-ils pu croire que le sommet de l'expé­rience consistait à conserver pour eux-mêmes cette parcelle d'Etre qui leur était départie - la présence d'immensité ­- alors qu'il s'agit d'obtenir la présence d'inhabitation la plus actualisée possible, autrement dit de faire passer au travers de notre « Je » la plus grosse veine possible du torrent d'a­mour ? Le moindre bhakta l'a compris... par son humilité.

Cependant, quelques grands jnanins, après avoir réalisé Brahman sans attribut, après le moksha, reviennent à l'ado­ration d'un Dieu personnel. Tout jnanin qui ne devient pas bhakta : « il aurait mieux valu qu'il ne fut pas né ». (Marc 14.21).

Quant aux bhaktas, il faut qu'ils se dégagent complètement de la conception « magique » des mantras, dont les meilleurs ne sont pas arrivés à se débarrasser. Qu'ils sachent aussi que la maîtrise de la respiration est, sans doute, un bien pour tout organisme exubérant, mais que ce n'est qu'un exercice pré­ventif de peu d'importance vis-à-vis de la simple prière conti­nuelle d'adoration pure. Toute domination doit se faire par le haut ; pour dompter un cheval, il faut rester en selle et non descendre à terre pour le cravacher. Il serait souhaitable que tous les efforts des occidentaux portent non point sur des confrontations métaphysiques, mais sur la rectification de la voie de bhakti. Il est nécessaire de retrouver la source pri­mitive de l'union de type-chrétien, il faut purifier la bhakti­-margâ... et laisser la Grâce agir.

A l'issue de ces deux chapitres si délicats sur les yogas, nous pouvons cependant constater que, si l'on veut s'en don­ner sérieusement la peine - et avec la grâce de Dieu - il est possible d'opérer toutes les distinctions souhaitables, même en matière de phénomènes corporels. .

L'opposition entre les techniques du plein et du vide, don­nant la première « l'extase» et le « transformé », la seconde les « enstases » et le « délivré », est parfaitement claire. L'op­position entre l'aspiration du feu-d'en-bas par le feu-du-ciel et la conjonction des deux pranâs lunaire et solaire l'est éga­lement.

L'éveil organo-végétatif provoqué, antécédent, conduit à la voyance ; l'éveil organo-végétatif par aspiration, conséquent à la transformation, conduit à la « subtilisation » du corps, en une période où précisément les ravissements, les visions sont devenus rares, exceptionnels ; Mère Thérèse en est l'exemple­-type. Les phénomènes même les plus singuliers, comme l'hyperthermie superficielle, n'appartiennent en principe qu'au progressant, lorsque le feu-d'en-haut consume le bois avec beaucoup de fumée, et non plus au transformé, intérieurement brûlé par la Vive Flamme, sans élévation épidermique.

Quant au « frisson sacré », qui semble commun à toutes les formes du sacré, la distinction reste cependant nette entre les rapides frissons, de peur ou d'enthousiasme, et les caresses du Saint-Esprit, douces mais insistantes, périodiques et si déli­catement « énamourantes ». Parfois, cependant, il s'agit au contraire, d'une emprise douloureuse soit au dos des mains ou des pieds, soit à la couronne de la tête. Dans les récentes discussions sur les stigmates visibles, il semble bien que l’on ait oublié de se rapporter aux témoignages des « stigmatisés invisibles » qui font parfaitement saisir ce processus « d'iden­tification » inattendu et nullement imaginé 250.

Qu'on ne nous rebatte plus les oreilles avec le « message de l'Inde à l'Occident ». Vous pouvez être certains que tous les phénomènes préternaturels valables - c'est-à-dire d'ori­gine surnaturelle - chez certains yoguins sont connus du mystique chrétien, et à une toute autre échelle ; et qu'en ou­tre le mystique chrétien qui pratique l'exercice d'amour unis­sant est préservé de tout ce qui est démoniaque, périlleux ou simplement extravagant.

Terminons par une mise au point bien nécessaire.

« Le grand Dragon 251, le serpent primitif, appelé Diable et Satan, le séducteur du monde entier » comme dit Jean dans l'Apocalypse reste le prince de ce monde hindou qu'il possède quasi entièrement. Par ignorance (non invincible cette fois), nous voyons des hommes (comme Jung lui-même) s'imaginer possible une ambivalence du serpent et une utilisation hu­maine des forces qu'il représente. Non, seul Dieu commande aux forces d'en-bas et aux esprits mauvais, seul Il peut faire servir le Mal et transmuer en énergie spirituelle les énergies vitales. Le sorcier, lui, est toujours dévoré par le diable, et il n'y a pas de « bon serpent » même d'airain.

Il n'y a point d'ambivalence du serpent, comme voudraient le faire croire des hommes-doubles. Aucun symbole n'est am­bivalent, s'il est parfois surdéterminé, il ne peut s'inverser. Le serpent - qu'il s'agisse de l'ophidien des cultes chtoniens, de la Serpente lovée dans le périnée, des reptiles de la première vision de Swedenborg, du serpent entré dans le sein du Jeune-Parque - Valéry ou sorti de la bouche de Plotin mori­bond - incarne toujours le mal. Il signifie la convoitise, la triple concupiscence de la chair, des yeux et de l'esprit, (Jean I. Ep. 2.16), opposée au Pur Principe, à la Sagesse suprême, au Don total.

« Le serpent d'airain 252, pendu à un poteau « par Moïse dans le désert (Nomb. 21.9) en signe de salut, ne figure pas le Christ, c'est au contraire le Christ « fait péché » qui est élevé comme le serpent 253.

Le Christ-en-Croix du Vendredi-Saint n'est plus dans l'état du Christ d'avant l'Agonie « qu'on ne peut convaincre de péché ». Le Christ-en-Croix, « fait péché pour nous » (2 Cor. 5.21), c'est le Malfaiteur, le « puni » d'Isaïe (53.4), c'est-à-dire toute l'humanité antérieure et postérieure à laquelle Il s'est identifié, pour laquelle Il s'est chargé de tous les péchés du monde ; c'est ainsi que « le plus beau des enfants des hom­mes » est devenu le « ver de terre » du Psaume 21. Sans s'être dénudé de sa divinité, de son impeccabilité, de sa pureté, le Christ a comme quitté sa robe nuptiale pour se revêtir de la peau du Tentateur et être pendu au bois. Ce qui est crucifié, ce n'est pas Jésus-impeccable, c'est Jésus « fait péché », revêtu de tous nos péchés, de toutes les conséquences de nos convoi­tises, de tous nos déréglements, de tout ce qui est maudit. Ce qni est crucifié pour nous, à notre place, c'est la concupiscen­ce imposée sur un seul homme, le Seul Homme - comme sur le bouc émissaire - c'est le feu-d'en-bas symbolisé par le Ser­pent, Léviathan.

Et c'est en ce Dieu déjà venu « dans une chair semblable à celle du péché », qui se travestit encore volontairement et par amour en Malfaiteur, que nous devons croire « pour avoir la vie éternelle » (Jean 3.15). Jésus s'est mis à la place du « serpent brûlant » pour expier ce que le serpent avait causé ; il est mort, « abandonné » par (et non de) son Père, « livré » comme un malfaiteur. Le Saint-Esprit pourra venir, le Feu d'en-Haut étant désormais pour tous et non plus réservé à quelques prophètes conducteurs.



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