7. Abdel Kader Azouz : un humaniste insatiable
En créant le magazine Vouloir, à l’intention des personnes handicapées, Abdel Kader Azouz relevait un défi en Algérie où la solidarité nationale reste à créer. Sa démarche est fortement inspirée de la ligne de ETRE Handicap Information. Portrait “multiface” du directeur de publication.
« Je suis une personne valide, jusqu’à preuve du contraire. » Abdel Kader Azouz tient à dissiper d’emblée toute équivoque. Non, le fondateur et actuel directeur de la publication Vouloir, premier magazine algérien consacré aux personnes handicapées, n’est pas lui-même handicapé. C’est un profond humanisme et une énergie hors normes qui le poussent à s’engager en faveur de l’intégration de ses compatriotes handicapés. « J’ai maintenant la quarantaine et j’ai investi l’énergie de mes 25 dernières années dans les mouvements associatifs. »
Son français chante l’arabe quand il évoque son parcours personnel. « Pendant mes années universitaires, j’ai rassemblé les énergies des autres étudiants pour venir en aide à des familles qui en avaient besoin, en organisant des collectes, des visites dans les hôpitaux, des sorties pour des enfants handicapés… »
Il monte une association en 1992, l’AHIS (Association pour les personnes handicapées et l’insertion sociale), soutenue par la wilaya (la préfecture) d’Alger, la capitale algérienne. « Après le recensement des personnes et de leurs besoins, nous avons rapidement entamé différentes activités : la distribution de matériel orthopédique, de vêtements et de denrées alimentaires, l’organisation d’expositions et de tournois sportifs… Après deux années d’activités, nombre d’adhérents, en particulier des personnes handicapées, se sont manifestés pour donner un autre objectif à l’association qui a fini par se faire connaître sur tout le territoire. » L’association prend alors une dimension nationale deux ans après sa création. « Au nord du pays, sur la côte méditerranéenne, des structures de prise en charge existent. Mais dans le Sud, notamment dans les villes de Tamanrasset, Ouargla, Hassi Messaoud, c’est le grand désert. Nous organisons le transport pour faire monter des gens du Sud de l’Algérie sur Alger, par avion ou par la piste. » Sachant que la distance entre Tamanrasset, la principale ville du Sud, et Alger est de 2 000 kilomètres, dont l’essentiel est un désert de sable !
Traversée du désert
Parmi ses nombreuses prouesses, Abdel Kader Azouz est fier d’avoir organisé un voyage touristique pour 45 personnes en fauteuil roulant qu’il a emmenées au sommet de la chaîne du Hoggar, jusqu’à l’Assekrem, un pic rocheux qui domine la vallée de Tamanrasset, le lieu où se retira le père Charles de Foucauld. « Durant la période estivale, des camps de vacances étaient organisés pour permettre à des personnes handicapées de découvrir le plaisir de sortir, de nager, de veiller… »
La voix d’Azouz s’emballe pour évoquer l’étape suivante, la création de la revue Vouloir. « Les personnes handicapées, qui ne quittent pratiquement jamais leur domicile, voulaient un moyen de communiquer et d’échanger leurs expériences, et apprendre à mieux vivre avec leur handicap. Tout cela semblait tellement important qu’une revue était le seul moyen de les réunir et surtout de les enrichir à travers des découvertes, des astuces que chacun pourrait transmettre aux autres. »
Abdel Kader se lance alors dans la conception de sa revue. « Nous sommes allés chez nos voisins tunisiens, au Portugal et en France, un pays qui nous a encouragé à aller de l’avant. Certains directeurs de revue nous ont même permis de leur emprunter quelques-uns de leurs articles. Anne Voileau, la rédactrice en chef de ÊTRE Handicap Information, rencontrée à Paris il y a plus de dix ans, suivait depuis un moment mon parcours. Elle m’a incité à créer mon propre magazine ; “Il est temps pour toi, m’a-t-elle dit. Elle m’a beaucoup soutenu dans mes démarches pour la création de Vouloir, elle m’a parrainé en me donnant des idées et des articles. »
Vouloir, une revue à tout prix
Il faut dire que le parcours était complexe. Pour créer un journal en Algérie, il faut un agrément et le directeur doit avoir une formation journalistique. Abdel Kader Azouz ne se laisse pas abattre. Il s’engage dans le parcours administratif. Et, parallèlement, entame une formation pour devenir journaliste.
Aujourd’hui, Vouloir est un trimestriel. « Je rêve qu’un jour la revue devienne un quotidien pour les personnes handicapées. Les problèmes des personnes handicapées reviennent tous les jours. Évidemment, tout dépendra des moyens, une revue comme la nôtre coûte très cher. Pour tout ce qui concerne le financement, c’est grâce aux pages publicitaires qu’on arrive à subvenir à toutes nos charges et à la réalisation de la parution. »
Ce journal, Abdel Kader Azouz le porte à bout de bras, épaulé par quatre collaborateurs. Et même s’il y a encore quelques défaillances techniques, la parution – en couleur et sur papier glacé – est déjà une véritable prouesse. Avec, qui plus est, une particularité : elle est bilingue, en français et en arabe.
Le journal compte actuellement 450 abonnés, mais plus de 5 000 lecteurs. Il s’adresse en priorité aux personnes handicapées, à leurs parents et leur entourage, ainsi qu’aux secteurs hospitaliers et aux centres spécialisés.
L’ensemble des rubriques permet d’avoir un aperçu sur les problématiques des handicaps : vie pratique et informations utiles pour simplifier le quotidien ; accessibilité des aménagements pour rendre la ville, l’emploi, les loisirs accessibles à tous ; insertion et emploi ; sport et loisirs ; recherche médicale pour faire le point sur les avancées et les voies de l’avenir.
« Notre ligne éditoriale consiste à faire connaître ce qui se fait de positif dans le secteur du handicap, à lutter contre l’exclusion, établir le dialogue entre les personnes valides et handicapées, les milieux médicaux, les responsables d’institutions... Ainsi, chacun peut connaître et mieux comprendre les différences, leurs causes, la complexité de ce qui fait la vie, pour approfondir ensemble l’humanité. »
Dostları ilə paylaş: |