III. 3. Nombre de composantes mentionnées
Le tableau (1) ci-dessous indique le pourcentage de nos sujets qui se sont référés de manière explicite aux quatre composantes centrales :
Composantes
|
3/4 ans
(N=14)
|
5 ans
(N=20)
|
7 ans
(N=12)
|
10/11 ans
(N=12)
|
Adultes
(N=12)
|
|
I
|
7
|
55
|
67
|
83
|
92
|
II
|
21
|
40
|
67
|
92
|
100
|
III
|
-
|
5
|
33
|
66
|
100
|
IV
|
-
|
5
|
17
|
75
|
83
|
Tableau (1) : Pourcentage de sujets qui se réfèrent de manière explicite aux quatre composantes centrales.
Les résultats du tableau (1) montrent tout d'abord une augmentation du nombre de mentions explicites aux quatre composantes centrales en fonction de l'âge. Ils montrent également un niveau de difficulté croissant allant de la composante I à la composante IV, puisque la composante I obtient - à l'exception des 3/4 ans - un fort pourcentage de mentions dans toutes les tranches d'âge : respectivement 7% (3/4 ans), 55% (5 ans) et 67% (7 ans) ; la continuation de la recherche (composante II) obtient 92% de mentions explicites chez les 10/11 ans ; enfin, chez les adultes, on compte 100% de mentions explicites de la résolution du problème (composante III) et 83% pour les formules de résumé (composante IV).
Un coup d'oeil rapide aux enfants de 3/4 ans permet de constater qu'ils ne sont pas capables d'encoder la recherche de manière continue. 7% d'entre eux mentionnent les composantes I et II, mais la référence à la recherche de la grenouille s'arrête là. On peut d'ailleurs se poser la question de savoir si les enfants de 3/4 ans ont vraiment la notion d'une "recherche". En effet, la plupart d'entre eux, présentent les événements les uns après les autres et les tentatives du garçon comme des déambulations d'un endroit à un autre sans but précis. Pour les autres, plus avancés, le problème se pose de manière différente. Dans leur cas, les outils qu'ils utilisent ne sont pas assez explicites pour être considérés comme des mentions des différentes composantes. Ils ne sont donc pas encore en mesure de réaliser un discours assez clair pour l'auditeur. Ils font référence à un certain nombre d'actions du garçon telles que crier ou faire ouh ouh mais n'encodent pas clairement l'objet de la recherche.
La comparaison des résultats obtenus par les 5 et les 7 ans révèle un changement considérable dans le système de ces enfants. Alors que seulement 55% et 40% des plus jeunes sujets encodent les composantes I et II, 67% des 7 ans le font. En fait, le profil de certains 5 ans ressemble à celui des 3/4 ans, alors que d'autres sont plus proches des 7 ans qui commencent à montrer une capacité à comprendre l'existence d'un problème au départ, à établir une trame narrative globale et à la maintenir au moins sur un certain nombre d'images. Mais en progressant dans l'histoire, les 5 ans oublient d'encoder la continuité de la recherche, ce qui les conduit dans la plupart des cas à ne pas mentionner la résolution du problème : la redécouverte de la grenouille par le garçon à la fin de l'histoire. C'est ce que confirment les résultats obtenus par les 7 ans pour les composantes III et IV. Seulement 33% encodent la résolution de la trame et moins de 20% la composante IV. Les résultats sont encore plus faibles quant il s'agit des 5 ans. Seulement 5% des enfants de cette tranche d'âge mentionnent la résolution du problème et utilisent des formules de résumé.
Observons maintenant les résultats des sujets les plus âgés. Les résultats des 10/11 ans sont proches des résultats des adultes, avec 83% contre 92% pour la composante I, 92% contre 100% pour la composante II et 66% contre 100% pour la composante III. Pour ce qui est de la composante IV, c'est-à-dire les formules de résumé, celle-ci n'apparaît que chez les plus âgés (75% chez les 10/11 ans et 83% chez les adultes).
Enfin, le tableau (1) montre encore que tous les adultes n'encodent pas la composante I puisqu'on obtient seulement un pourcentage de 92%. En fait, il s'agit d'un seul sujet adulte qui ne parle pas de la prise en compte de la fuite de la grenouille par le garçon mais qui mentionne directement la recherche de la grenouille sans passer par la première étape, comme le montre l'exemple (9) :
(9) 26;00c 3a 010 et il cherche la grenouille partout dans ses vêtements dans ses dans ses chaussures !partout partout!. -
Si l'on compare maintenant nos résultats avec ceux de Berman & Slobin (1994:48) dans cinq autres langues, on remarque une certaine uniformité au travers des langues et des âges. Toutefois, les données françaises semblent à première vue présenter un certain nombre de spécificités. La première chose à noter, est le plus faible pourcentage obtenu en français par rapport aux autres langues pour les composantes I, II et III (Berman & Slobin ne traitent pas de la composante IV). Cette remarque est encore plus motivée lorsqu'il est question des plus jeunes. Seulement 7% des francophones de 3/4 ans et 55% des francophones de 5 ans contre 17% à 50% et 78% dans les autres langues encodent le début de la trame narrative. Les données révèlent également des différences considérables chez les plus jeunes pour ce qui est de l'encodage explicite de la résolution du problème. Aucun 3/4 ans de notre échantillon ne mentionne cette composante contre 10% à 28% dans les autres langues. De plus, seulement 5% des 5 ans en français la mentionnent contre 41% dans les autres langues considérées dans leur ensemble. Rappelons ici que c'est chez les plus jeunes sujets que Berman & Slobin relèvent la plus grande variabilité. Celle-ci peut expliquer les différences relevées chez nos plus jeunes sujets mais elle ne peut expliquer en aucun cas celles que nous notons chez les plus âgés. Deux autres explications sont envisageables. La première possibilité consiste à dire que la capacité à se référer de manière explicite aux composantes de base d'une narration se développe plus lentement en français que dans les autres langues pour des raisons culturelles. La deuxième possibilité tient compte d'éventuelles différences dans le codage. Nous nous basons bien entendu sur le codage de Berman & Slobin pour analyser nos propres données, mais il est toujours très difficile de se conformer à un système sans en dévier de temps en temps, sans durcir certains critères de sélection ou au contraire en assouplir d'autres. Dans la mesure où les habitudes scolaires auxquelles sont soumis nos sujets ainsi que ceux de Berman & Slobin sont comparables, et que d'autre part, nos résultats montrent un développement cohérent, nous sommes plutôt en faveur de la seconde hypothèse, à savoir un codage aux critères plus stricts.
Cette première analyse nous pousse d'une part à conclure à un développement translinguistique quasi-identique de la capacité à établir une trame narrative globale et à maintenir une continuité thématique de la part des francophones en comparaison avec les sujets des autres langues étudiées. En effet, cette analyse montre une augmentation du nombre de mentions explicites aux quatre composantes de base en fonction de l'âge ainsi qu'en fonction de la nature de la composante à encoder. Il existe donc un certain nombre de différences en termes de nombre de mentions entre les tranches d'âge, mais qu'en est-il exactement des types de structures employées ? C'est ce que nous abordons dans la suite de notre propos.
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