La cuisine est presque installée. Joëlle semble ravie. Pour ma part, je suis toujours un peu effrayé par la disproportion entre les sommes dépensées et les avantages obtenus. Il est vrai que j'ai toujours eu tendance à négliger le nécessaire au profit du superflu et que je fais un peu facilement abstraction du cadre matériel. Il faut dire aussi que je n'aurais peut-être pas le même point de vue si je m'occupais un peu plus des tâches domestiques.
Les problèmes que j'ai rencontrés en voulant installer une nouvelle version de logiciel m'ont conduit à réfléchir sur mon utilisation de l'informatique incité à réviser les choix que j'avais faits. Après m'être dispersé et avoir voulu tout embrassé, j'ai décidé de faire un tri et de travailler plus à fond certains logiciels dont l'utilisation présente un intérêt majeur pour moi. Je gaspille mon temps et les moyens dont je dispose en essayant de participer à une course effrénée dont l'issue pour moi ne peut être que négative. J'ai besoin d'un bon traitement de texte, d'un gestionnaire de bases de données, d'un tableur et d'un générateur d'hypertexte. En ce qui concerne la programmation, un peu d'assembleur me rendra service, mais je n'ai de toutes façons pas l'étoffe d'un grand programmeur. L'important pour moi, c'est finalement de gérer mon patrimoine culturel plus que de faire de l'informatique. En effectuant une sélection des applications à conserver qui tiennent compte de ces données, je devrais y gagner un confort d'utilisation appréciable. J'en ai assez de courir après le temps et la place et de tout faire à moitié.
Dimanche 11 octobre 1992 (20h.51)
De nouveau, j'ai laissé passer plusieurs jours sans enregistrer dans ce Journal les événements, impressions et réflexions survenus dans ma vie quotidienne. Vendredi, c'est une soirée passée chez Yasmina, collègue de Joëlle, qui ne m'a pas permis d'écrire. Hier, j'ai consacré ma journée au traitement de texte et aux bases de données, ce qui m'a permis de faire de notables progrès dans la connaissance de ces deux systèmes de traitement de l'information, mais a encore aggravé mon retard en matière de gestion et de rangement. Je suis toujours aux prises avec les problèmes financiers et les soucis qu'ils entraînent. Il me reste encore au moins deux ou trois mois difficiles à passer.
Hier matin, nous avons été sortis du lit par un appel téléphonique de Lionel qui s'excusait d'avoir fait faux bond à Joëlle la semaine dernière et de l'avoir laissée tapisser seule sa cuisine. Aurore est repartie de Saint-Fons et Lionel ne semble pas vouloir comprendre qu'il faudrait la laisser seule et, pour cela, quitter l'appartement de Saint-Fons. Aujourd'hui, nous avons vu Aurore qui se plaint de l'attitude incohérente et souvent violente de Lionel. Voilà une affaire qui n'est pas près d'être réglée!
Nous étions aujourd'hui à Saint-Fons, où nous sommes allés déjeuner avec ma mère et mettre son chauffage en route, et nous en avons profité pour aller faire un tour à la braderie annuelle. Nous y avons trouvé le cadeau d'anniversaire de Blandine: un blouson de cuir qui, malgré son prix "promotionnel" a encore accentué mon déficit: il fallait bien trouver une idée, et, actuellement, il semble que ce soit ce qui pouvait le mieux lui convenir.
La semaine consacrée à l'Espagne par France-musique m'a permis d'effectuer quelques enregistrements originaux et intéressants (José de Nebra, Anselm Viola, Felipe Pedrell...). Mais il va falloir maintenant exploiter tout ce matériau, alors qu'il me restait encore beaucoup à faire avec ce que j'avais précédemment engrangé. Il me faudrait bien une année sabbatique pour me remettre à niveau, mais il n'y faut certainement pas penser.
Mercredi 14 octobre 1992 (19h.26)
Les jours passent et m'emportent avec eux. Lundi, c'était le vingt-quatrième anniversaire de notre mariage. En raison de l'absence de Joëlle, qui était à la Maison de la Culture, nous avons attendu hier pour aller au restaurant. Etant donné notre situation économique actuelle, il n'était pas question, de toutes façons, de célébrer l'événement à grands frais. L'année prochaine, peut-être...
Lundi soir, j'ai emmené ma mère chez le docteur Casenaz, et j'en ai profité pour faire brûler la verrue plantaire que j'ai rapporté d'Espagne. De ce fait, la soirée a été courte, même si je ne me suis pas attardé à Saint-Fons, après avoir réglé le niveau du chauffage.
Et pendant ce temps-là, le monde continue de tourner. A Séville, l'Expo a fermé ses portes et l'on s'interroge sur ce qu'il va advenir des installations coûteuses qui ont été réalisées à cette occasion. Des esprits chagrins, d'habitude mieux inspirés (Tahar Ben Jelloun), critiquent la manifestation et ceux qui y ont participé. Il n'en restera pas moins pour beaucoup un souvenir ébloui et un émerveillement qui n'est pas sans raisons.
Notre session de formation se poursuit, sans problèmes mais sans enthousiasme. En fait, notre cours n'est pas adapté à ce public, pour la plupart déjà initié et pratiquant depuis plus ou moins longtemps le système que nous sommes censés leur faire découvrir. Il nous semblait pourtant que nos objectifs avaient été clairement annoncés.
Ce soir, Joëlle est restée à Oyonnax, où elle anime une formation tous les jours de cette semaine. Je sens que le mois d'octobre va se terminer avant que nous ayons pris contact avec Véronique. J'ai déjà trop insisté et je ne peux plus relancer Joëlle qui, outre qu'elle n'a guère envie de sortir ou de recevoir les fins de semaine, ne doit pas souhaiter que je vois trop souvent mes nièces.
Jeudi 15 octobre 1992 (20h.36)
Différant mes obligations professionnelles, j'ai passé presque toute la journée à approfondir ma connaissance de DBASE, ce qui n'a qu'un rapport assez ténu avec mon travail, mais m'intéresse au plus haut point actuellement. Et comme je ne peux guère travailler les hypertextes au CIRTIL... C'est à la fois un grand avantage et un danger d'être ainsi livré à soi-même et de pouvoir faire presque ce que l'on veut. J'ai si peu de courage et de goût pour mon travail qu'après ces trois jours de tension, j'éprouvais le besoin de profiter de ma liberté et de me plonger dans des activités à ma convenance. Demain, je reprendrai la liste des instances et j'essaierai de secouer ma torpeur, de m'activer et de reprendre contact avec les personnes qui comptent sur mon assistance. Si seulement je pouvais consacrer mon temps et mes connaissances à des sujets plus captivants! Lorsque je crois à ce que je fais, je suis - comme beaucoup de personnes - capable de déployer une activité intense et de mettre en sommeil ma paresse naturelle (qui est plutôt de l'indolence). Mais si je n'ai pas un but à ma hauteur, tout effort me pèse et je cherche tous les moyens possibles pour échapper à mes obligations. Il est vrai que la tendance de mon caractère est aussi de me renfermer dans ma coquille et de fuir tout ce qui me distrait du dialogue avec moi-même. Le renoncement et l'inaction ont toujours été ma tentation suprême. Je n'ai jamais été ce qu'il est convenu d'appeler maintenant un battant. Je suis un "aquaboniste" atteint du "taedium vitae", incapable de grandes choses, faute de foi et d'idéal.
J'ai reçu, en réponse à mon envoi de photos, une lettre de mademoiselle Germano qui m'a beaucoup touché. Etrangeté des relations humaines: sans monsieur Henry, rien ne m'aurait particulièrement attiré en elle, et, de son côté, elle ne m'eût jamais dévoilé que sa dureté n'était qu'apparente. Et maintenant, nous sommes prêts à communier dans le souvenir d'un être que nous ne voulons pas oublier.
Vendredi 16 octobre 1992 (19h.36)
J'ai déjeuné avec Yaël, de passage à Lyon pour des problèmes d'archets. Nous sommes allés dans un petit restaurant de Saint-Fons, un peu trop bruyant et peuplé, mais où nous avons mangé très correctement. Repas détendu où nous parlons des rapports familiaux, de la nouvelle vie de Joëlle, de Lionel, de Blandine, qui, visiblement, impressionne sa soeur.
En ce qui concerne Lionel, je lui ai téléphoné, et c'est quelqu'un de très conciliant et raisonnable que j'ai trouvé, tout à fait l'opposé de ce qu'Aurore nous dépeint. Est-ce une attitude ou le fruit d'une évolution? Il est décidé à laisser l'appartement à Aurore et à s'installer à Vénissieux avec son père. C'est ce que je me proposais de lui suggérer. Reste à voir s'il mettra ses projets à exécution.
J'ai lu en deux jours un roman de Simenon, "Un échec de Maigret". Une histoire policière dans la ligne des récits de Simenon: une intrigue qui est surtout destinée à mettre en relief la psychologie de personnages ordinaires et, au-delà, à réfléchir sur la condition humaine. A la bibliothèque de l'URSSAF, j'ai emprunté une autre livre de Simenon, "Le testament Donadieu", oeuvre apparemment plus ambitieuse, en tout cas plus volumineuse. Dans un tout autre domaine, j'ai pris également "Yavana", roman historique de Patrick Carré centré sur le personnage du philosophe Pyrrhon. Il me reste aussi à finir "La dérive des sentiments", d'Yves Simon. Côté musique, deux disques de Pavarotti et un choix de morceaux classiques sortant un peu de l'ordinaire.
Blandine a réussi son entrée en supérieur au conservatoire. Son quatuor, par contre, bat de l'aile, après la défection d'Angelita, premier violon, qui vient d'être admise au conservatoire de Boulogne et dont le remplacement suscite des discordes au sein du groupe. Comme, par ailleurs, il y a des problèmes pour la voltige au club équestre, on ne peut pas dire qu'elle soit gâtée par ses activités.
Dimanche 18 octobre 1992 (21h.03)
Nous avons fêté aujourd'hui l'anniversaire de Blandine, en compagnie de ma mère, de Monique, Aurore, Lionel et Grégory. Au départ, Aurore devait venir seule. Mais c'est elle même qui nous a demandé de les inviter tous les trois, Lionel après qu'ils aient convenu que Lionel resterait à Saint-Fons les fins de semaine où il aura Grégory.
Blandine aura donc seize ans demain. On ne le dirait pas, tout d'abord en la voyant, car elle a gardé une allure enfantine et un naturel qui la font paraître plus jeune. Mais ce qui fait également douter de son âge, c'est que, jusqu'à maintenant, nous avons échappé aux crises et conflits qui accompagnent habituellement l'adolescence, au point que nous avons l'impression d'avoir toujours avec nous la petite fille qui n'a pas encore rompu ses amarres. Pourtant, elle est par ailleurs beaucoup plus mûre que beaucoup d'enfants de son âge et elle a depuis longtemps affirmé son autonomie. Je ne sais ce que deviendront nos relations au fil des années, mais j'espère que son humour permettra d'éviter beaucoup de heurts et de disputes. Je regrette certes sa froideur et son indifférence, mais il est possible que ces distances qu'elle a toujours maintenues entre nous aient contribué à aplanir les frictions et les dissensions. A cela, il faut ajouter que le fait d'avoir depuis longtemps été assez libre ne l'a pas obligé à s'opposer à nous pour s'affirmer. Il n'en reste pas moins que nous pouvons considérer que nous avons de la chance, car toutes ces conditions favorables ne devaient pas forcément suffire à nous épargner des exigences et des résistances que nous ne sommes surpris de ne pas rencontrer. Sans compter sa faculté de travail et sa volonté de réussite. Je ne pense pas être de parti pris quand j'exprime ainsi mon estime et mon admiration pour notre dernière fille qui a, à la fois, plus de dons que sa soeur aînée et plus de ténacité que Yaël.
Vendredi soir, j'ai installé la nouvelle version de EXCEL que je dois à Bernard Sanlaville. J'ai eu quelques difficultés, non seulement de place, mais aussi de taille mémoire, d'autant plus que je n'avais pas gardé la nouvelle version de WINDOWS. Il a tout de même fallu que je récupérasse le nouveau gestionnaire de mémoire. Maintenant, tout semble fonctionner, mais je me pose des questions sur l'évolution des logiciels et les répercussions qu'elle entraîne. Il y a une escalade que j'ai quelque peine à suivre et à maîtriser pour des raisons économiques, mais dont je soupçonne qu'elle laisse techniquement à la traîne de nombreux utilisateurs dont ces produits sophistiqués dépassent largement les besoins.
Mardi 20 octobre 1992 (21h.59)
Hier, j'aurais eu le temps d'écrire, mais, en y réfléchissant, j'ai trouvé que je n'avais rien de particulier à noter: la routine d'une journée de formation, un trajet sous la pluie, aucune lecture importante... A quoi bon prendre la plume, pardon: le clavier? En cherchant, j'aurais pu trouver quelque sujet de méditation, quelque réflexion pertinente, quelque souvenir oublié. Mais c'eût été du remplissage, écrire pour écrire. Il y a certes le précepte du diariste:
nula dies sine linea. Mais j'y ai suffisamment dérogé pour ne plus m'en faire une obligation. J'ai donc choisi d'occuper autrement ma soirée, les centres d'intérêt ne manquant pas. D'ailleurs,
une fois de plus, nous nous sommes couchés à une heure bien plus tardive que ne l'aurait voulu la raison et nos obligations professionnelles.
La journée d'aujourd'hui n'a guère été plus originale et ne m'a pas apporté beaucoup de sujets de dissertation. Etant très pris par mon travail, je passe la majeure partie du temps qui me reste à mes explorations informatiques. Cela va forcément au détriment de la lecture ou de l'écoute musicale. Mais je ne désespère pas de retrouver un peu de liberté et de pouvoir un peu mieux répartir mon activité.
Jeudi 22 octobre 1992 (21h.05)
Nous sommes tout de même arrivés au bout de ce stage qui me paraissait interminable parce que je n'y ai pas mis autant d'ardeur et d'enthousiasme que dans les précédents. Notre auditoire n'était pas moins intéressant et sympathique que ceux auxquels nous avons eu affaire jusqu'à maintenant et, lors du bilan, tout le monde s'est déclaré satisfait, ce qui prouve que l'expérience peut remplacer le labeur et que nous pourrions, pendant quelques temps, nous reposer sur nos lauriers et profiter de nos acquits. Mais le coeur n'y est plus, pour moi en tout cas, et ce sera bien assez d'assurer les trois sessions que l'on nous demande.
Hier soir, nous avons revu "Espérame en el cielo", le film d'Antonio Mercero que nous avions déjà vu deux fois, mais auquel nous prenons toujours autant de plaisir. Je suis de toutes façons convaincu qu'il faut revoir les films, comme il faut relire les livres. Hier encore, nous avons découvert nouvelle matière à réflexion dans cette oeuvre en apparence légère et anodine, mais dont une seule vision ne permet pas de saisir toutes les implications.
Gilles, un élève de Joëlle à la Maison de la Culture, m'a rapporté de Séville un exemplaire de la revue informatique espagnole à laquelle je n'est pas réussi à m'abonner. J'ai été un peu déçu par ce numéro, peut-être parce que j'en attendais trop et que les difficultés que j'avais eu à me la procurer lui avaient conféré le prestige de l'inaccessible. Je n'y trouve pas d'articles de fond aussi significatifs que ceux des deux numéros que j'avais rapportés de Séville. Il me reste la langue, mais je commence déjà à être familiarisé avec le vocabulaire technique et l'apport est forcément moins grand maintenant.
Une journée de beau temps, au milieu d'une semaine pluvieuse. Encore faisait-il froid ce matin et, ce soir, cela a commencé de se gâter.
Je devais récupérer ce matin mon imprimante (non réparée), mais la femme de ménage n'était pas là lorsque l'on est venu me l'apporter. Ce n'est que partie remise et, après toutes ces péripéties, je ne désespère plus de revoir mon matériel. Il restera encore à la faire réparer.
Dimanche 25 octobre 1992 (20h.56)
Vendredi, le Logabax que j'utilisais au travail a rendu l'âme.
plus exactement, le disque dur a été détruit par un atterrissage des têtes. Cela faisait longtemps que ce disque avait des difficultés à démarrer et qu'il fallait pour le mettre en marche donner un coup sur le côté de l'ordinateur. Vendredi, ce fut le coup de grâce. Comme il n'est pas question de le faire réparer, je devrai désormais me contenter d'un micro à deux disquettes, sur lequel, il est vrai, j'ai récupéré l'extension mémoire de celui qui vient de me faire défaut. La réorganisation de mon travail en fonction de ces nouvelles données techniques m'a pris une bonne partie du temps de ma journée, mais je suis assez satisfait de constater que, grâce aux sauvegardes que j'effectuais périodiquement, je n'ai rien perdu des informations que je conservais sur mon disque. Cette fin de semaine, j'ai travaillé à la maison pour reconstituer les applications budgétaires de Declat, de sorte que, dès que Lassonde lui aura trouvé un micro, il pourra poursuivre son travail.
Hier soir, nous sommes allés voir, avec Blandine, "Un coeur en hiver", un film de Claude Sautet qui a pour cadre les milieux musicaux et, plus particulièrement, le monde de la lutherie. C'est une oeuvre sombre et inquiétante où Daniel Auteuil, acteur comique, parvient à la prodigieuse composition d'un personnage introverti et buté qui surprend de sa part. L'ensemble du film est une étude psychologique, bien dans le goût français, où abondent les caractères originaux. Si l'auteur avoue avoir pris le point de départ de son sujet dans Lermontov, il y a surtout du Pouchkine dans cette histoire d'un homme qui, tel Eugène Onéguine, découvre trop tard l'amour qu'il éprouve pour la femme qu'il a repoussée et humiliée. Mais Stéphane n'est pas un cynique, c'est un écorché qui s'est barricadé dans le refus des sentiments et qui fuit la vie et les épreuves qu'il redoute.
Lionel est venu nous débarrasser des meubles que Joëlle a enlevés de la cuisine. Il est toujours à Saint-Fons et Aurore n'arrive pas à obtenir qu'il se décide à partir. Ils en sont maintenant aux chipotages sordides et leur "divorce" s'enlise dans les complications matérielles. Le problème, c'est que Lionel parle beaucoup, mais agit peu. Il entreprend mais s'arrête en chemin et ne va jamais jusqu'au bout. C'est sans doute pour cela qu'il n'a jamais rien construit. En outre il est d'une grande négligence et n'est pas de parole. Nous craignons d'avoir beaucoup de difficultés à récupérer notre caravane ou l'argent qu'il promettait de nous donner en échange. Comme il a également ma perceuse en sa possession, nous n'en avons pas fini de sitôt avec lui.
Mardi 27 octobre 1992 (20h.31)
Hier, j'ai fini "La dérive des sentiments" d'Yves Simon. Roman très attachant, très romantique dans le fond, malgré sa modernité. Il y a beaucoup de personnages mémorables dans ce livre riche, pas toujours construit avec rigueur, mais bien écrit et dont les différentes facettes se reflètent comme des miroirs.
L'ambiance du CIRTIL s'est encore détériorée. Declat s'emporte contre Lassonde dont le comportement est imprévisible et, trop souvent, aberrant. Quant à moi, pour l'instant, je reste dans mon coin où je travaille tantôt pour moi, tantôt pour les autres. Malgré la perte de mon disque dur, je continue à travailler sur mon Logabax et, les difficultés stimulant mon imagination, j'essaie d'en tirer le meilleur parti. C'est incroyable ce que l'on peut arriver à faire avec un matériel obsolète et limité!
J'ai porté ce soir mon imprimante à réparer. Dans combien de temps pourrai-je la récupérer? Cela va faire bientôt quatre mois que j'en suis privé. Heureusement que je parviens encore à me servir de celle que j'ai au CIRTIL.
Vendredi 30 octobre 1992 (22h.03)
De nouveau trois jours sans écrire: une fois de plus, c'est la faute de l'ordinateur. Les acrobaties auxquelles j'ai été amené par suite de l'incident survenu à mon Logabax m'ont ouvert de nouveaux horizons, et j'ai appliqué à mes ordinateurs personnels des solutions que j'avais expérimentées au CIRTIL. Cela m'a obligé à revoir mes fichiers d'initialisation, ce qui prend toujours beaucoup de temps et de patience. C'est monsieur Declat qui en a bénéficié en premier, car j'ai appliqué mes découvertes à l'ordinateur qu'on lui a confié depuis mercredi et pour lequel il a fait appel à mon assistance. En contrepartie, j'ai récupéré sur son système et sur celui de Françoise Rives des jeux qui ne sont pas sans intérêt, au moins pour nos jeunes visiteurs. Cela fait donc trois soirs que je consacre à des expérimentations et à des aménagements de système, au détriment d'autres activités, à commencer par la lecture, malgré le roman de Simenon que j'ai commencé la semaine dernière. Malgré tout, je lis durant mes trajets, ce qui m'a permis de savourer le discours de Vaclav Havel pour sa réception à l'Académie
des Sciences, ainsi qu'une série d'articles d'"El País" consacré à l'Expo qui vient de fermer ses portes (avec beaucoup de regrets et de nostalgie, apparemment). Malgré un programme de travail relativement chargé, j'ai pris le temps, cette semaine, d'étudier de près quelques logiciels d'hypertexte, sujet très important pour moi et sur lequel j'espère bien pouvoir travailler à fond. J'aimerais bien pouvoir reprendre mes formations micro-informatique, mais les circonstances ne semblent pas tellement favorables.
A ma grande surprise, j'ai récupéré aujourd'hui mon imprimante qui semble fonctionner correctement. Il ne me manque qu'un câble pour pouvoir la brancher en même temps sur les deux ordinateurs et tout sera au point.
Profitant des congés scolaires, Blandine est chez Aurore depuis mardi. Elle m'a téléphoné ce soir pour annoncer qu'elle rentrerait demain matin. Ce soir, nous sommes allés dîner, Joëlle et moi, à la pizzeria qui est près de chez nous.
Hier soir, c'était l'anniversaire de Yaël. Joëlle l'a appelée, mais elle n'était pas chez elle et nous lui avons laissé un message sur son répondeur.
Joëlle a enfin obtenu l'autorisation de travailler à temps partiel. Elle sera libre le jeudi et le vendredi, ce qui va peut-être nous permettre de mener une vie moins perturbée. Dommage que je ne puisse pas en faire autant.
Lundi 2 novembre 1992 (22h.33)
Une fois de plus, nous avons passé une fin de semaine trépidante, et le dimanche soir est arrivé sans que nous ayons réalisé la moitié de nos projets, malgré un coucher tardif. Je désespère de voir avancer mes travaux et je rêve de fins de semaine tranquilles où nous pourrions prendre le temps de vivre.
Hier, nous sommes allés déjeuner avec ma mère, mais nous ne nous sommes pas attardés, prétextant le travail de Blandine. Le soir, nous sommes allés au cinéma, voir "Les enfants volés" de Gianni Amelio, film bouleversant qui réussit à montrer l'évolution intérieure de trois êtres simples, un adulte et deux enfants, tout au long d'un périple à travers l'Italie.
Je dois tout de même reconnaître que, bien que je n'aie pas eu autant de temps que je l'aurais souhaité, j'ai fait du bon travail, notamment avec mon imprimante, que je redécouvre et dont j'ai exploré de nouvelles possibilités. Je suis arrivé à résoudre des problèmes qui m'avaient détourné de certains logiciels que j'avais, un peu hâtivement, déclarés incompatibles avec mon matériel. Un travail que j'ai effectué pour Joëlle m'a même permis de trouver la solution pour imprimer les caractères étrangers à partir de mon traitement de texte.
A midi, Joëlle est venue me rejoindre, et nous sommes allés déjeuner à Casino. Au Cirtil, je suis pris par une fièvre de rangement et je fais le vide dans mon bureau en expédiant tous les papiers accumulés pendant ces années d'assistance qui m'encombrent et ne peuvent plus me servir. Je commence à respirer. Il faudrait bien faire le même genre d'action à la maison, mais il y a tout de même une proportion de déchets beaucoup plus faible et je crains de ne pas arriver de cette façon à résoudre mes problèmes de place.
Jeudi 5 novembre 1992 (21h.19)
J'ai donné ce soir à Lionel son premier cours d'informatique. Cela faisait quelques temps déjà qu'il m'avait sollicité pour que l'initie au maniement de l'ordinateur en prévision de ses projets de travail, mais ce ne semblait être, jusqu'à maintenant, qu'une de ses nombreuses vélléités. Il s'est décidé hier, et nous avons convenu d'un cours hebdomadaire d'une heure et demie qui aura lieu le jeudi. Cela va me donner un peu de travail et me prendre du temps pendant deux mois, mais c'est une expérience intéressante qui me permettra de me préparer pour d'autres contextes.
J'ai eu, cette semaine, beaucoup de travail, pour préparer une présentation d'applications bureautiques que je dois faire demain et qui m'ont demandé des recherches et de multiples essais, tant au CIRTIL qu'à la maison. Ce fut une bonne occasion d'approfondir mes connaissances du logiciel Works et un pas de plus dans la reconnaissance officielle de mes compétences en la matière. La seule ombre au tableau, c'est que, depuis le début de la semaine, je ne fais presque rien d'autre en rentrant le soir.
Une exception a été faite mardi où je suis sorti avec Blandine. Nous sommes allés écouter un altiste, Pierre Lenert, et un pianiste, Emmanuel Strosser, qui nous ont interprété des oeuvres de Bruch, Schubert, Weber et Brahms. L'altiste avait une excellente technique, mais manquait un peu de passion pour ces oeuvres romantiques. Le pianiste m'a semblé avoir beaucoup de personnalité, et la sonate de Brahms lui a donné l'occasion de montrer qu'il n'était pas seulement un accompagnateur.
Dimanche 8 novembre 1992 (21h.32)
Encore une fin de semaine où je n'ai pas réalisé mes objectifs. Mes hypertextes sont toujours au point mort, et c'est à peine si j'ai saisi quelques expressions espagnoles glanées au cours de mes lectures de la semaine. Il est vrai que j'ai reçu de l'association OUF trois disquettes de logiciels que j'ai mis en place, ce qui m'a accaparé la majeure partie de mon temps. L'avenir dira si la moisson justifie tous ces efforts et si je récupère dans mes activités ces efforts consacrés à la technique. Je me promets toujours de mettre un peu plus d'ordre dans ma vie, de m'en tenir à mon plan de travail et de faire passer les objectifs avant les moyens, mais je crains que ce ne soit que des vélléités, car
je suis pris dans un engrenage, et il faudrait beaucoup de volonté pour me limiter et me réfréner. En outre, la fatigue accumulée durant la semaine ne me pousse pas tellement à la rigueur le samedi et le dimanche.
Vendredi, la présentation bureautique s'est bien déroulée, même si la journée a été rude et s'est terminée tard. Ce n'est pas facile d'expliquer une utilisation avancée d'un logiciel que la plupart de mes auditeurs ne connaissent que très superficiellement. Nul doute qu'il y aurait beaucoup à faire chez nous dans le domaine de la formation à la micro-informatique!
Samedi, nous sommes allés déjeuner avec ma mère dans un nouveau restaurant qui s'est ouvert à Vénissieux. Bien que nous ne nous soyons pas attardés après le repas, cela nous a pris une grande partie de l'après-midi, d'autant plus que, pour rentrer, nous sommes passés par le centre ville, Joëlle ayant un achat à faire, et la circulation était aussi dense qu'au moment de Noël, comme si les gens avaient déjà commencé de faire leurs achats.
Pour mettre au point ses outils de lecture rapide, Joëlle commence à se mettre sérieusement à l'informatique et à porter un autre regard sur mes activités dans ce domaine. Cela aura été long à venir, mais il ne fallait pas désespérer, et nous commençons à collaborer.