Peut-être l'URSSAF de la Nièvre va-t-elle devenir plus accueillante: un nouveau directeur prendra ses fonctions le premier juin. Aussi le prochain Comité technique se tiendra-t-il finalement à Lyon, ce qui m'arrange. En tout cas, ce n'est pas moi qui regretterait monsieur Jézéquel.
Mardi 19 mai 1992 (15h.47) Entre Nevers et Lyon.
Nul doute que le manque d'hospitalité de l'URSSAF de la Nièvre ne soit dû à son directeur. Le responsable du Contrôle, monsieur Lambert, m'a invité à déjeuner aujourd'hui, au terme de la formation que j'étais venu assurer. Je ne suis pas convaincu qu'il réussisse à obtenir de sa direction la prise en charge des frais (au demeurant modestes) de ce repas à trois. A moins que la perspective de son départ ne change le point de vue de monsieur Jézéquel...
J'ai fini l'"Histoire du Juif errant" de Jean d'Ormesson. Livre prodigieux et éblouissant. Au-delà de l'exploit que représente cette somme, on est fasciné par ce récit aux multiples prolongations et où chacun peut privilégier l'aspect qui lui convient le mieux. On se prend au jeu et, au fil des pages, on s'aperçoit que ce n'est pas seulement un jeu. C'est tout à la fois une méditation philosophique, un poème, une épopée, une fresque (en trompe-l'oeil)...
Dans une heure, je serai à Lyon. Ma vie n'a jamais été aussi passionnante.
Jeudi 21 mai 1992 (18h.53)
Heureusement que je ne vais pas à Nice pour le soleil, car j'eusse été déçue, et il ne faisait ni plus chaud ni plus sec là-bas qu'à Lyon où le temps s'est gâté hier. Ces déplacements que le travail me procure plus qu'il ne me les impose sont surtout pour moi une occasion de revoir Philippe et Arnaud. Cette fois encore, j'ai été pris en charge dès mon arrivé à l'aéroport où m'attendait mon chauffeur. Nous sommes allés poser mes bagages à l'appartement, et, en chemin, Philippe m'a annoncé qu'Arnaud ne viendrait pas dîner avec nous. Il avait des occupations prévues et, apparemment, avait d'autant moins envie de sortir que Philippe, sans s'occuper des goûts de son compagnon, avait décidé que nous irions manger un couscous, ce qui n'emballait pas Arnaud. J'étais un peu déçu, mais je ne l'ai pas trop montré, pour ne pas vexer mon hôte. Nous avons d'ailleurs retrouvé après le repas Arnaud qui était resté à la maison devant son téléviseur, mais ce n'est pas comme si nous avions passé la soirée tous les trois ensemble. Au demeurant, comme Arnaud avait l'air fatigué, il se peut que sa conversation eût été moins brillante et moins intéressante qu'en d'autres occasions. Ce n'est de toutes façons que partie remise, du moins je l'espère.
Mardi soir, "Pandora" de Jean-Christophe Bailly, au TNP. Ce n'est pas une oeuvre facile que cette pièce diablement intellectuelle qui mêle les mythes antiques et les réflexions philosophiques, l'évocation de la Renaissance et les notations d'actualité, la fiction et la réalité. A dire vrai, je n'étais pas trop dépaysé pour ma part, sortant du livre de d'Ormesson où j'avais dû également enfourché bon nombre de mythes de toutes les époques. J'étais fasciné par le spectacle, mais je conçois que certains aient pu être déroutés ou agacés par une oeuvre étrange et fort peu conventionnelle.
J'avais deux micro-ordinateurs à la maison; j'en ai maintenant deux au travail. Plus personne ne voulait du Logabax du secrétariat que j'étais pratiquement le seul à utiliser encore. Je ne me suis pas fait prier lorsque l'on m'a demandé de bien vouloir le récupérer: non seulement j'y gagne un disque dur et une mémoire plus importante que sur mon vieux coucou (qui me rend encore bien des services, au demeurant), mais surtout je bénéficie en même temps de l'imprimante laser qui y était connectée, une Hewlett-Packard de qualité, ce qui va me permettre d'effectuer de belles impressions. Il ne me manquera plus que d'installer un bon traitement de texte sur cette machine et le roi ne sera pas mon cousin.
Dimanche 24 mai 1992 (22h.34)
Je me demande parfois si je n'ai pas présumé de mes forces et si cette aventure ne confine pas à la folie. J'ai beau m'efforcer de mettre de l'ordre dans ma vie, je me débats toujours au milieu de problèmes techniques et je passe de plus en plus de temps devant mes ordinateurs. Un jour tout marche bien et je projette toutes sortes d'applications. Le lendemain, rien ne va plus et je cherche en vain ce qui a mis à bas tout mon fragile édifice. Et bien souvent, plus je cherche et moins je trouve. Vendredi, j'ai perdu des heures à essayer, au travail, de configurer mon imprimante pour l'utiliser avec un logiciel et, à la maison, de mettre en place l'hypertexte que je venais de recevoir. Je suis allé me coucher découragé. Le lendemain, tout s'éclairait et je trouvai la solution de mes deux problèmes. Aujourd'hui, de nouveau, après quelques modifications du système, je me trouve confronté à des incidents inédits. Il est difficile dans ces conditions d'avoir l'esprit serein, même si l'expérience m'a appris que l'on finissait toujours par se sortir des difficultés.
Comme nous n'avons pas réussi à trouver un restaurant qui nous convienne pour répondre à l'invitation de ma mère à l'occasion de l'anniversaire de Joëlle, nous avons différé cette sortie et, comme nous n'avions pas envie de descendre à Saint-Fons, nous avons proposé à ma mère et à Monique de monter déjeuner avec nous aujourd'hui. Ce fut, comme on pouvait s'y attendre, parfaitement navrant et ennuyeux. Comme nous avions, Joëlle et moi, beaucoup de travail à faire, nous aurions aimé les voir repartir tôt, mais, comme elles n'avaient toutes deux aucune obligation, elles n'étaient pas pressées de s'en aller. Enfin, en milieu d'après-midi, elles se sont décidées à redescendre à Saint-Fons, et comme Joëlle, dont l'ardeur au travail domestique diminue en même temps que ses charges, s'était plainte des tâches domestiques, j'ai fait la vaisselle avant de me remettre au travail. Le résultat, c'est que je n'ai pas touché à mon cours de micro-informatique que j'avais l'intention d'avancer un peu. Et demain Joëlle ne sera pas là lorsque les Roumains qu'elle a tenu à recevoir arriveront. Aussi ne suis-je pas particulièrement de bonne humeur, d'autant plus qu'à tous ces facteurs d'énervement s'ajoute la fatigue accumulée. Enfin, comme Blandine est prise la fin de semaine prochaine, nous n'irons pas à Saint-Michel et je ne peux pas insister, car Joëlle aurait vite fait de me reprocher mon envie de revoir Aline. Tant pis, je profiterai du temps ainsi libéré pour avancer dans mon travail. Déjà ce soir, j'ai laissé Joëlle, qui part de bonne heure demain matin, se coucher seule, pendant que j'essaye de finir ma tâche.
Lundi 25 mai 1992 (21h.34)
La journée avait mal commencé. Je me sentais las et d'humeur sombre. Il est vrai qu'il y avait de quoi être fatigué, vu l'heure à laquelle je m'étais couché. Il est vrai aussi que, par tempérament, je ne suis pas du matin et que je suis toujours long à démarrer. J'ai tendance à traîner toute la matinée et ce n'est que dans l'après-midi que je deviens vraiment efficace. De toute façon, la semaine s'annonçait mal pour moi: une formation que je n'ai pas préparée et qui ne m'enchante pas, la préoccupation d'avoir à jouer les amphitryons avec des inconnus et alors que j'ai d'autres soucis, un retard considérable dans mon travail, tant au CIRTIL qu'à la maison, beaucoup de problèmes techniques que je n'arrive pas à résoudre et qui altère la confiance que j'avais en moi...C'est donc sans enthousiasme que je suis parti travailler, et, d'emblée, j'ai retrouvé les ennuis. Une fois de plus rien ne me réussissait et tout allait de travers. Puis, au fil des heures, les choses se sont arrangées. Les obstacles prenaient des proportions moins inquiétantes. Cet après-midi, la première demi-journée de formation s'est très bien déroulée et je n'ai pas trop été assailli d'appels. Même la Roumaine qui nous a échu est très agréable et comprend assez bien le français.
J'ai changé de traitement de texte. J'avais commencé hier soir d'étudier la possibilité de transférer mon Journal, autant à titre d'exercice que pour profiter des apports d'un logiciel plus sophistiqué, et ce soir j'ai franchi le pas, ce qui m'a obligé à revoir mon texte et à procéder à quelques aménagements. Il faudra tout de même que je songe à imprimer ces pages, ne serait-ce que pour juger de l'effet.
La formation à la micro-informatique que je dois assurer la semaine prochaine se met en place progressivement. Ce n'est peut-être pas du goût de tout le monde: Rivoiron m'a fait quelques réflexions aigre-douces que j'ai préféré prendre comme des plaisanteries. Il doit trouver que je marche sur ses brisées, sans penser que, malgré ses connaissances - que je ne nie pas - il serait sans doute bien en peine d'assurer une formation.
Jeudi 28 mai 1992 (21h.05)
Cette semaine que je redoutais se déroule finalement mieux que je ne l'escomptais. La formation à l'URSSAF de Lyon est terminée, et, si elle ne me laissera pas un souvenir impérissable, elle ne m'a posé aucun problème. Oana, notre Roumaine, s'est avérée ouverte et sympathique, et son passage ici aura été aussi léger que bref. Enfin, ces derniers jours, j'estime avoir bien travaillé à la maison, au point que j'en ai quelque peu négligé ce Journal. Après toutes ces journées de tâtonnement, c'est réconfortant d'avoir enfin le sentiment de progresser et de recueillir le fruit de ses efforts.
Malgré tout, j'ai encore beaucoup de difficulté à gérer ma vie. J'ai plus de projets que de temps pour les réaliser, et, au CIRTIL, je suis constamment poursuivi par des tâches que je n'arrive pas à liquider. C'est épuisant et, à plusieurs reprises, je me suis senti sur le point de m'effondrer, tant physiquement que nerveusement. Je sais que j'en fais trop, mais une vie intéressante est à ce prix.
J'ai essayé de téléphoner à Marcel, mais, à l'AEIO, on m'a appris qu'il était toujours en arrêt de maladie.
Dimanche 31 mai 1992 (21h.22)
A mesure que la date de la formation que je dois assurer approche, je me sens de plus en plus inquiet des résultats, et je crains de ne pas avoir le temps de me préparer correctement. J'y passe actuellement tout mon temps et j'en néglige mes autres tâches, tant au CIRTIL qu'à la maison. J'ai sans doute tort de m'inquiéter et, vu le niveau des participants, je ne devrais pas avoir de problèmes, mais j'aime bien avoir toujours une marge suffisante pour ne pas me trouver en difficulté. En outre, dans ce domaine, il suffit de peu de choses pour mettre par terre une présentation.
J'ai donc passer la plus grande partie de mon temps d'hier et d'aujourd'hui à travailler pour cette session d'initiation qui commence jeudi. En outre, la semaine prochaine, le Comité technique et la présentation de la nouvelle version du système national vont me prendre deux jours. Il ne me restera donc que demain pour finir de mettre au point mon cours, et je sais, par expérience, comme le temps passe vite, lorsque je suis dans mon bureau, pour peu que je me laisse distraire par un problème ou par un essai à réaliser.
Aujourd'hui, nous sommes allés déjeuner chez Aurore, qui nous avait invités, à l'occasion de la fête des mères. Elle a offert à Joëlle, suivant ma suggestion, un lecteur de disque laser portatif. Pour ma part, je pensais pouvoir profiter de l'absence de ma mère, partie à Marseille avec Monique, pour échapper à l'obligation de marquer l'événement, mais Lionel nous a dit qu'il l'avait rencontrée ce matin, et je n'ai pu faire autrement que de lui téléphoner.
J'ai enfin pu joindre Marcel, qui va mieux et doit reprendre le travail dans une semaine. Danièle et lui viendront le 12 juin pour la fête des Pennons.
Vendredi 5 juin 1992 (18h.50)
Nous voici au bout d'une semaine fatigante mais intéressante. Lundi, j'ai travaillé activement à la préparation tant du Comité technique que de la formation micro-informatique. Pour une fois, je n'ai pas, au CIRTIL, gaspillé le temps qui me restait et, dès le matin, je me suis astreint à ne pas me laisser détourner de mes objectifs. Malgré cela, j'ai dû poursuivre cette tâche à la maison le soir.
Le lendemain, grâce au travail que j'avais fourni, la présentation de la nouvelle version s'est bien déroulée. Le mercredi, je pensais être plus tranquille et n'avoir à intervenir que ponctuellement lors du Comité technique. Mais Lassonde, qui a ouvert la séance, s'est longuement absenté le matin, puis de nouveau l'après-midi, me laissant conduire la séance qui s'est prolongée jusqu'à cinq heures.
Le mardi soir, j'avais organisé une sortie au restaurant à l'intention des participants qui souhaiteraient se retrouver ensemble. Mais, pour des raisons diverses, en dehors des personnes de Moulins et de Nevers, qui, de toutes façons, devaient rester sur place, les convives furent des personnes du CIRTIL (dont Lassonde) et nous étions six, au total, à l'Ombrelle.
Mercredi soir, c'était le dernier film espagnol de notre abonnement à La Doua: "Réquiem por un campesino español" de Francesc Betriu, d'après le roman de Ramón J. Sender. Autant l'oeuvre littéraire était dense et forte, autant le film, trop proche du roman, se traîne en longueur et se dilue, simple mise en images pour une brochettes d'acteurs fameux, mais pas forcément employés à bon escient.
Hier soir, Blandine et moi avons dîné avec Aurore à la pizzeria proche de chez elle. Je tenais à regarder à la télévision l'émission consacrée à une famille que nous avions connue à Grenoble et dont deux enfants, hémophiles, ont été contaminés par le virus du sida lors de transfusions sanguines. Un documentaire aussi fort que sobre qui risque de peser lourd sur le procès qui devra statuer sur les responsabilités de l'utilisation, en connaissance de cause, de sang contaminé.
La première session d'initiation à la micro-informatique a débuté hier. Tout s'est bien passé, mais je me suis aperçu que mon programme était très ambitieux, et j'ai eu quelque difficulté à le réaliser dans les délais. Il faudra peut-être que je modifie un peu mes plans si je dois assurer d'autres sessions. En attendant, je poursuis mes recherches personnelles. J'ai récupéré un nouveau logiciel de génération d'hypertexte. A la bibliothèque, j'ai pris des livres sur le système DOS et sur de nouveaux utilitaires. Au travail, j'ai eu quelques inquiétudes avec le disque dur de mon Logabax, mais je crois être arrivé à résoudre tous les problèmes. Je n'ai par contre toujours rien reçu de l'Espagne et je désespère de voir un jour les frontières s'ouvrir.
Mardi 9 juin 1992 (19h.03)
Vendredi dernier, je me suis couché à trois heures du matin: j'ai voulu aller jusqu'au bout de la tâche que j'avais entreprise et profiter des disquettes que m'avait prêté Bernard Sanlaville pour remettre de l'ordre dans les logiciels sur lesquels je rencontrais des problèmes. De toutes façons, je n'aurais pas pu dormir si j'avais laissé ce travail inachevé. Mais le lendemain, il fallait se lever tôt, car nous avions promis aux Machi d'être chez eux pour déjeuner et la route est longue jusqu'en Alsace. Malgré le mauvais temps, Joëlle a réussi à faire le trajet en moins de cinq heures, ce qui n'a pu se faire qu'au prix de quelques excès de vitesse.
Notre première journée alsacienne nous a permis de faire un pèlerinage goethéen: une visite guidée par le pasteur de Sesenheim sur les lieux de l'idylle avec Frédérique Brion. En fait nous avons eu droit à autant de détails sur la religion en Alsace que sur la vie à la fin du dix-huitième siècle, mais c'était aussi sympathique qu'intéressant. Le soir nous avons fait un dîner de tartes flambées, comme aux plus beaux jours d'hiver.
Le lendemain, le Comité des sports et loisirs d'Herrlisheim organisait un tour du canton de Bischwiller à bicyclette: soixante-dix kilomètres sur terrain plat. Cela ne nous a pas semblé irréalisable, mais c'était oublier que nous manquons d'entraînement et que, pour ma part, je n'ai pas fait vraiment de bicyclette depuis deux ans, l'hernie discale ne m'ayant permis, l'année dernière, que deux ou trois sorties très limitées. J'étais pourtant bien parti, et durant les trente premiers kilomètres, j'ai bien tenu ma place. Mais il aurait fallu que la promenade s'arrêtât là, car après je n'ai fait que me traîner, bientôt rejoint par Joëlle et Antoine qui ont souffert autant que moi. Aussi nous sommes nous arrêtés à Bischwiller, soit dix kilomètres avant l'arrivée. Malgré tout, les organisateurs nous ont décerné notre diplôme (non mérité) et offert la chemisette rappelant notre participation.
L'après-midi, après un bäckeofe que j'ai dévoré avec un appétit décuplé par l'épuisement, nous sommes allés nous remettre en forme aux thermes de Caracalla à Baden-Baden. Bains froids, bains chauds, bains à remous, sauna et bains de vapeur nous ont fait oublier nos épreuves de la matinée, et il faut croire que notre fatigue s'était dissipée, car, après le dîner, nous avons trouvé le moyen de discuter jusqu'à plus de minuit.
Hier matin, nous sommes restés tranquillement à la maison à regarder des photos ( la Hongrie contre Séville). Après le déjeuner, nous avons repris la route, à l'issue d'un séjour bref mais bien rempli. Joëlle était tellement fatiguée qu'après une centaine de kilomètres elle m'a demandé de prendre le volant. Contrairement à nos appréhensions, il n'y avait pas beaucoup de monde sur les routes, et à huit heures nous étions à la maison.
Comme l'informatique ne m'abandonne jamais et que je suis toujours à l'affût des informations qui peuvent me servir pour mon travail ou pour mes formations, j'ai rapporté de Bischwiller deux revues qu'Antoine m'a données et sur lesquelles j'avais trouvé des articles relatifs à l'évolution des micro-ordinateurs dans les années à venir. Le soir, j'ai eu encore le temps de préparer des disquettes pour pouvoir poursuivre mes recherches aujourd'hui au CIRTIL, et je dois avouer que je suis assez content de ce que j'ai fait, tant hier qu'aujourd'hui. Pendant ce temps, administrateurs et directeurs discutaient des mérites comparés des deux candidats à la succession de monsieur Henry. Je n'ai pas bien aimé le sourire qu'arborait Lassonde à l'issue de cette confrontation, mais il ne s'agissait peut-être que d'une façade.
Dimanche 14 juin 1992 (20h.33)
Je néglige vraiment ce Journal qui, si je n'y prends pas garde, va bientôt devenir un "semainier". Il faut dire que nous sommes sortis deux soirs de suite cette semaine, sans compter le temps passé devant mes écrans à préparer la suite de la formation micro-informatique.
Dans l'attente du Conseil d'Administration qui, mardi prochain, doit décider de la nomination de notre directeur, tout le monde essaie d'interpréter les signes qui permettraient de déterminer de quel côté penche la balance. l'absence de monsieur Magnol à une réunion, la façon du Président de s'adresser à monsieur Lassonde, les rumeurs venant de l'extérieur, tout est passé au crible pour anticiper l'annonce d'une décision qui n'est peut-être pas encore arrêtée. Pour ma part, à mesure que s'approche l'échéance, je suis de moins en moins sûr de voir adopté le choix que j'appelle de tous mes voeux. Et je prépare déjà mon esprit à accepter une situation que je redoutais et avec laquelle il faudra bien que j'apprenne à vivre si mes sombres pressentiments viennent à se réaliser.
Pour l'instant, je poursuis ma tâche, sans savoir quel sera l'avenir, qui, de toutes façons, dépend aussi de mon action présente. Mardi et mercredi, j'ai expérimenté les logiciels que j'avais préparés la veille, et j'ai eu le plaisir de voir que je n'avais pas travaillé pour rien, mon vieux matériel du CIRTIL supportant des produits que je craignais de devoir réserver à l'usage de la maison. Jeudi, je me suis rendu à Mâcon où mon intervention avait été sollicitée pour résoudre des problèmes relatifs au Contrôle, ainsi que d'autres difficultés. J'ai réussi, avant d'y aller, à terminer un travail qui m'avait été demandé lors du Comité technique, mais j'ai de plus en plus de mal à m'intéresser aux problèmes du système national, dont la multiplication me déprime et dont l'étude m'éloigne de mes centres d'intérêt actuel. Ayant rempli ma tâche de formateur, j'aimerais pouvoir tirer un trait sur ce domaine, et laisser les techniciens étudier les anomalies auxquelles les utilisateurs sont confrontées chaque jour. Je n'ai même plus envie de m'occuper de Mâcon, où l'autoritarisme de Marie-Odile me pèse de plus en plus et où il y a décidément eu trop de bavures.
Vendredi, j'ai pris une demi-journée de congé pour aller voir l'exposition organisée à la halle Tony Garnier par Apple. Bien que je ne sois pas utilisateur de Macintosh, je tenais à voir les réalisations de ce constructeur dans un domaine qui m'intéresse particulièrement et où il est en train de devancer ses concurrents: les multimédias. Je n'ai pas été déçu, car non seulement j'ai pu admirer le dynamisme commercial de ce rival d'IBM, mais j'ai pu découvrir toutes les possibilités de ces techniques que j'avais entrevues à l'Exposition de Séville et qui constituent certainement l'avenir de la micro-informatique. J'en ai profité pour recueillir un maximum d'informations qui serviront à alimenter mes cours.
Jeudi avait lieu le repas de fin d'année de la Maison de la Culture de Montchat avec les élèves d'espagnol de Joëlle. Blandine et moi étions invités, et nous avons pu profiter de la sangría, du cocido, du rioja et du turrón qui étaient au menu. La veille au soir, j'avais tapé en catastrophe les textes des chansons que Joëlle nous a fait chanter à la fin du repas. La soirée s'est terminée assez tard, ce qui a encore accru notre fatigue, laquelle tend à devenir chronique.
Vendredi, nous avons reçu Marcel et Danièle. Olivier avait demandé à les accompagner, précisant qu'il ne venait pas pour le spectacle des Pennons, mais pour Blandine. Le soir nous avons mangé les restes de cocido, avant de descendre place Bellecour où avait lieu la représentation. Cette année, le spectacle nous a un peu déçu par son rythme trop lent et son intrigue trop ténue, malgré les scènes d'affrontements entre catholiques et réformés. Du moins nous n'avons pas eu de pluie, ce qui était rien moins qu'assuré, le temps, en ce mois de juin, s'avérant très humide et, de ce fait, souvent frais.
Le lendemain matin, laissant à la maison Danièle, qui avait été malade pendant la nuit, je suis retourné à Gerland avec Marcel pour lui montrer les réalisations des nouvelles technologies. L'après-midi, nous sommes allés nous promener au parc de la Tête-d'Or, avant de nous séparer. Nous avons proposé à Marcel d'emmener Olivier à Séville en septembre, mais il se peut que le coût du voyage le fasse hésiter.
Mardi 16 juin 1992 (19h.42)
N'ayant pas assez de matériel pour assurer ma formation, je me suis dessaisi d'un de mes ordinateurs que j'ai emporté ce matin au CIRTIL et qui y restera jusqu'à vendredi soir. Pour parler franchement, c'était aussi pour moi un moyen de m'affranchir d'un souci, le fait d'avoir près de moi une machine que je connais parfaitement et sur laquelle je peux toujours compter me permettant d'échapper aux problèmes qui n'auraient pas manqué de surgir si j'avais dû me contenter d'ordinateurs d'emprunt avec lesquels je n'aurais pas eu le temps de me familiariser. J'ai bien assez à faire pour mettre en place tous les logiciels que je veux présenter à partir de demain et m'assurer que les grains de sable ne viendront pas bloquer ma belle mécanique, mettant en l'air mes démonstrations.
La première conséquence de cet arrangement, c'est que je ne dispose plus de mon traitement de texte habituel et que, pour poursuivre ce Journal, j'ai dû reprendre non seulement mon premier ordinateur, mais aussi m'habituer à un logiciel qui ne m'est pas familier. Excellent exercice, au demeurant, à la veille d'une formation, même si je préférerais ne pas mélanger l'apprentissage d'un produit et la rédaction de mes impressions. A noter d'ailleurs que j'ai dû déjà dans la journée apprendre à me servir d'un nouveau traitement de texte, la version de WORD que j'ai installée aujourd'hui sur mon ordinateur étant radicalement différente de celles que je possédais auparavant. Avec de telles gymnastiques, mon esprit ne risque pas de se rouiller.
Nous n'avons toujours pas de directeur, le Conseil ayant renoncé à trancher et décidé de refaire un appel de candidature. Dans quel but? Ne suffisait-il pas d'avoir essayé une fois de trouver une personne à l'extérieur? Le choix d'un des deux postulants aurait en outre permis d'économiser un poste, ce qui correspondait aux souhaits d'économie des adhérents et des administrateurs. Mais il aurait fallu avoir le courage de trancher et de mécontenter un des deux candidats. On a préféré adopter cette solution bâtarde et vicieuse qui ne peut que faire du tort au CIRTIL et contribuer à dégrader une situation qui avait réussi à se maintenir correctement durant les trois mois de vacation. Bien sûr, je préfère ce non-lieu qu'un choix contraire à mes voeux, mais c'est peut-être "reculer pour mieux sauter" (mieux ou plus mal?). Combien de temps maintenant va-t-il falloir attendre pour qu'un successeur soit donné à monsieur Henry?
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