Journal intime



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Autre hospitalisé dont le sort me préoccupe: Lionel, qui me semble s'habituer trop volontiers à sa vie de reclus, déchargé du souci de s'affronter chaque jour aux difficultés de la vie courante. Il parle de passer encore deux ou trois semaines à l'hôpital, ce qui ne me paraît pas souhaitable. Il vit toujours dans l'attente des visites d'Aurore et des signes d'une amélioration de leurs relations. Mais Aurore a visiblement l'esprit et le coeur ailleurs. Elle ne nous donne même pas de ses nouvelles, sans doute parce qu'elle devine notre désapprobation, la mienne en tout cas, car Joëlle est probablement plus partagée. Je crains que plus cette situation se prolonge, plus dure en soit le dénouement.

Pendant ce temps, les routes se sont dégagées, et, après avoir paralysé le pays, le mouvement de contestation des routiers, qui s'est terminé en queue de poisson, ne sera bientôt plus qu'un vague souvenir. Ainsi va la vie: ce qui aujourd'hui conditionne notre existence s'envole comme fumée le lendemain. Quel gâchis!

Joëlle est revenue aujourd'hui d'un séjour de trois jours à Bellegarde. Depuis mardi, j'étais célibataire, assisté, il est vrai, de Blandine, qui, maintenant qu'elle est en vacances est plus détendue et plus agréable qu'en période scolaire. Mercredi nous avons eu la visite de Viviane et de Pierre qui, comme chaque année, conduisaient leurs filles en colonie de vacances. Nous n'avons pas vue Hélène, qui était partie l'après-midi, mais Edith, qui prenait le train à minuit, était là. Comme c'est la plus agréable des deux et qu'elle s'est bien arrangée avec le temps, nous pouvons nous estimer favorisés, même si Blandine ne fait pas beaucoup de cas de sa cousine.

En l'absence de Joëlle, j'ai poursuivi les cours d'informatique avec Blandine. Il faut bien reconnaître que la fille est plus douée que la mère, et qu'avec elle nous avançons beaucoup plus vite. Il y a bien sûr l'âge qui intervient, mais surtout l'intérêt et le manque de préventions. Joëlle apprend l'informatique comme un mal nécessaire est inévitable; Blandine la découvre avec curiosité et amusement, ce qui est la meilleure façon d'apprendre et la plus adaptée à une activité qui est très souvent assimilable à un jeu.

Hier, Blandine est venue déjeuner avec moi à l'URSSAF. Elle y est restée près de trois heures et a pu ainsi profiter de la bibliothèque et de mon imprimante. Elle a entrepris de mettre à profit mes leçons de traitement de texte pour mettre au propre ses cours d'économie, ce qui lui donne un but et lui permet de s'exercer sans délai. Le tout ce sera d'arriver à sortir un résultat à la hauteur de ses espoirs et, pour cela, de rendre ce qu'elle tape compatible avec mon imprimante du CIRTIL. Pour l'instant, elle est partie à Grenoble et ne reviendra que mercredi prochain. Pendant notre voyage dans le Midi, nous avons en effet jugé qu'il était préférable qu'elle aille chez Yaël plutôt que chez Aurore, étant donné la situation.

Mercredi 15 juillet 1992 (18h.07)


Lorsque les circonstances nous amènent à sortir de notre routine et nous éloignent de notre cadre habituel, j'ai souvent l'impression d'avoir plusieurs vies. Qu'y a-t-il de commun entre l'ancien hispanisant qui a passé trois jours à Villecroze avec sa professeur d'espagnol et l'informaticien qui veille devant son écran? Et étaient-ce les mêmes personnes qui, après avoir passé la soirée de samedi à consoler Lionel, ont pris la route dimanche? Je me le demande parfois, tant il y a de distances entre ces différents mondes que nous traversons et auxquels, pourtant, nous appartenons.

Au cours de nos conversations avec madame Poupignon, il m'est arrivé plus d'une fois de regretter de m'être laissé éloigner des études hispaniques. Comment tout concilier? Comment trouver assez de temps pour ne rien abandonner? C'est la rançon d'un travail alimentaire d'où tout culture est bannie. Il est difficile de rivaliser en connaissances et en disponibilité d'esprit avec ceux qui n'ont pas à souffrir de ce clivage entre leurs activités professionnelles et leurs préoccupations intellectuelles. Je me suis bien promis de ne pas négliger ce qui me reste de mes acquis et de m'efforcer de les augmenter, mais combien de temps ces bonnes résolutions pourront-elles tenir?

Jeudi 16 juillet 1992 (20h.09)
Les bienfaits de notre séjour à Villecroze auront été de courte durée: après une journée de travail, je me sentais hier accablé de lassitude et de découragement. J'avais pourtant bien utilisé mon temps, aussi bien au CIRTIL qu'à la maison, commençant de mettre en application les résolutions qu'avait suscitées en moi les retrouvailles avec mes sources culturelles. Mais l'organisme ne suit pas et je n'arrive pas à me défaire d'une fatigue accumulée depuis des mois. En outre, les soucis contribuent certainement à m'épuiser moralement, et, à cela, il n'y a guère de remède.

Hier soir, Aurore a téléphoné. Ses relations avec Lionel sont toujours aussi confuses et il y a de moins en moins d'espoir d'une amélioration. Le malheur, c'est qu'elle n'a pas le courage de lui expliquer clairement la situation et que pendant ce temps Lionel se raccroche au moindre indice susceptible de lui redonner espoir. Il n'a sans doute pas toujours été adroit et Aurore éprouve à son égard beaucoup de ressentiment. Mais comme par ailleurs elle ne sait pas exactement ce qu'elle veut et qu'elle commence à déchanter en ce qui concerne sa liaison avec celui qui avait remplacé Lionel dans son coeur, nous ne sommes pas près de sortir de cet imbroglio qui gâche notre vie familiale.

Vendredi 17 juillet 1992 (22h.09)
Si je cherche à faire le bilan de cette semaine, je m'aperçois, tout d'abord, que, dans mon désir de consacrer du temps à d'autres activités, j'ai négligé ce Journal et que je suis loin d'avoir noté tout ce qui s'est passé. Il est vrai que, depuis samedi, nous avons été un peu bousculés et qu'il m'eût été difficile de mieux faire. Mais j'ai toujours des scrupules à omettre ainsi des événements de ma vie, comme un sentiment de ne pas avoir accompli mon devoir et d'avoir laissé perdre un peu de cette substance éphémère que je m'efforce de retenir par l'écriture. Julien Green, dont je lisais le Journal à Villecroze, a très bien exprimé cela:

"Il y a un vertige dans le souvenir. Par ailleurs, les jours où je n'ai rien noté me donnent l'impression de m'avoir été volés, mais qui me dit qu'il est bon de vouloir tout retenir? C'est une sorte d'avarice que vouloir engranger le contenu de ces heures qui ne reviendront jamais. Et puis, on ne retient vraiment que ce qu'on a dit de ce passé si étrangement fuyant. Aux petits événements qu'on a vécus se substitue le récit qu'on en a fait pour soi, mais tout autour de ce qu'on a noté flotte un monde insaisissable."

J'aurais aimé parler d'Anne-Lise, la petite-fille de madame Poupignon, et de Salvatore, son ami, deux jeunes intéressants avec qui nous avons eu plaisir à parler. Mais tout cela est déjà loin de nous, tant les conversations les plus denses laissent peu de traces. Et des souvenirs que madame Poupignon a évoqués pour nous, que restera-t-il? Presque rien, faute de les avoir immédiatement transcrits.

J'ai téléphoné aujourd'hui à Lionel. Je l'ai trouvé beaucoup plus dynamique et serein que précédemment. Bizarrement, Aurore, qui était venue le voir hier, ne lui a absolument pas tenu le langage qu'elle annonçait mercredi à sa mère. A moins que ce soit Lionel qui n'ait pas voulu comprendre... En tout cas, c'est amusant de le voir prendre la défense d'Aurore et plaider pour que je laisse Blandine aller chez sa soeur. Mais Aurore, craignant sans doute nos réactions, ne nous a pas rappelé.

Une fois de plus, nos projets tombent à l'eau: après avoir dû renoncer à nous rendre à Grenoble, que tout le monde a déserté, nous avions décidé de rendre visite à Véronique. Jean-Paul nous a appris qu'elle était partie avec Mamie à la campagne. Cela nous permettra de poursuivre nos activités à la maison, mais est-ce une bonne solution? D'autant plus que le temps, même s'il n'est pas aussi radieux que lors de notre séjour provençal, s'est décidé à prendre des allures estivales.

Hier, j'ai déjeuné avec ma mère, et comme, pour une fois, j'avais des sujets de conversation (Aurore et Lionel, notre voyage...), le repas n'a pas été trop ennuyeux. L'inconvénient, c'est que, dès que l'on s'occupe un peu d'elle, elle s'accroche à nous et réclame nos visites.

Cela était prévisible, mais cela ne m'attriste pas moins pour autant: Blandine, à son retour de Grenoble, n'a montré ni joie ni empressement à nous retrouver. De son séjour chez sa soeur, elle ne nous a presque rien raconté, et c'est surtout par Yaël que nous avons appris ce qu'elle avait fait.

A midi, c'est Joëlle qui est venue manger avec moi. Est-ce parce que j'ai déjeuné que je me sens, ce soir, moins fatigué? Peut-être faudrait-il que je mange plus, et surtout plus régulièrement.

J'ai pris aujourd'hui des nouvelles de Gérard: on lui a enlevé les agrafes qui avaient été posées lors de l'opération, mais il n'a pas encore repris une alimentation normale. Il semble cependant en bonne forme et devrait être complètement rétabli d'ici son départ en vacances à la fin du mois.

Lundi 20 juillet 1992 (21h.59)


Après un samedi consacré aux achats que nous n'avons pas le temps d'effectuer durant la semaine, nous sommes allés passer la journée de dimanche à Grenoble. Ce fut une décision de dernière minute, car il y avait eu un petit malentendu, et Janine nous a téléphoné samedi matin, alors que nous avions déjà renoncé et même envisagé de rejoindre Véronique en villégiature à Saint-Marcellin. Il faisait chaud et nous sommes allés nous baigner au lac de Laffrey. Journée de détente en plein air: Janine avait préparé un pique-nique et nous sommes restés là-haut jusqu'à cinq heures et demie.

Nous étions attendue chez Yaël pour dîner et nous avons pu ainsi visiter leur nouvel appartement qui est très agréable. François m'a montré son matériel (synthétiseur et ordinateur Atari) avec lequel il peut réaliser des montages musicaux remarquables.

A la demande d'Olivier, nous avons laissé Blandine chez Janine. Elle rentrera mercredi avec Eric qui doit venir à Lyon pour un entretien relatif à ses études à l'INSA. Nous sommes revenus à Lyon assez tard, et Joëlle a trouvé le moyen de gâcher notre retour en me faisant la tête, parce que je n'ai pas voulu prendre de l'essence sur l'autoroute, où elle est à un prix scandaleux. Il est vrai que cela nous a fait perdre un peu de temps, mais j'ai horreur d'être truandé.

Samedi, nous sommes allés déjeuner au restaurant, mise à exécution d'un projet différé. En fin d'après-midi, je suis passé à Saint-Fons, où j'ai fini de réparer l'installation électrique.


Mardi 21 juillet 1992 (19h.28)


Je suis toujours tiraillé entre des besoins inconciliables et harcelé par des impératifs que le temps ne me permet pas de réaliser. Je vis sur les nerfs, m'épuisant dans une quête impossible qui me laisse insatisfait. Je voudrais expérimenter mes nouvelles découvertes sans pour autant renoncer à exploiter mes acquis antérieurs. Mais je n'arrive pas à faire face sur tous les fronts. Ainsi de ce Journal que j'ai le sentiment de négliger, de rédiger trop hâtivement, pour ne pas y engloutir le peu de temps dont je dispose. Je voudrais mettre de l'ordre dans ma vie, respecter des horaires plus réguliers et ne pas avoir une activité chaotique et en dents de scie. Je m'efforce de reprendre contact avec la littérature hispanique, de lire chaque soir, de ne pas céder à la facilité de la radio qui déverse ses flots de musique, alors que dorment dans mes placards des milliers d'oeuvres plus intéressantes qu'il me faut seulement faire l'effort de choisir. Je lutte aussi pour ne pas me laisser absorber par des occupations trop techniques dans lesquelles je me grise. Je m'oblige à utiliser l'informatique à des fins culturelles pour retrouver une trop fragile harmonie.

Il faut tout de même reconnaître que je suis tout de même parvenu à me réveiller un peu ces derniers jours. Outre une nouvelle de Conan Doyle, j'ai entrepris de lire "L'Accompagnatrice", un roman de Berberova que j'avais emprunté pour ma mère. Je me suis replongé dans les poèmes de Pablo Neruda que Paco Ibáñez m'a fait découvrir. Enfin, j'ai écouté beaucoup de Max Bruch (oeuvres symphoniques et concertantes). Il y a encore beaucoup à faire, mais il faudrait surtout organiser tout cela.

Au CIRTIL aussi il va bien falloir que je me discipline un peu et que je cesse de m'abandonner à ma fantaisie, travaillant ce qui me plaît et laissant de côté des tâches indispensables auxquelles je ne parviens pas à m'intéresser. Livré à soi-même, il est difficile de s'imposer un programme fastidieux, alors que l'on est sollicité par une foule d'activités captivantes que l'on n'a pas le temps de mener à terme.

Jeudi 23 juillet 1992 (22h.28)


Hier, j'ai téléphoné à Lionel, qui semble se faire à l'idée de se séparer, au moins provisoirement, d'Aurore. En dehors d'une entorse qu'il s'est faite à la cheville, il va beaucoup mieux et a retrouvé sa faconde habituelle. Il commence à sortir de sa léthargie et, bien qu'encore sous traitement, il prépare l'avenir: il doit voir une assistante sociale pour s'inscrire à une formation qui lui permette de changer de travail. En effet, même s'il ne vit plus avec Aurore, il n'envisage pas de reprendre la route et souhaite mener une vie moins éprouvante.

A midi, repas à trois à l'URSSAF, avec Joëlle et Blandine. Si les conditions ne s'améliorent pas, aussi bien en ce qui concerne la qualité de la nourriture que le système de facturation, nous ne sommes pas près d'y retourner. Et sans doute beaucoup feraient comme nous si cet établissement n'avait pour lui d'être situé dans un endroit qui n'est pas riche en restauration.

J'ai porté de nouveau l'ordinateur de Catherine Spennato en réparation: malgré sa batterie neuve, il ne reste pas initialisé lorsque je coupe la tension, et j'aimerais bien que ce problème soit réglé une fois pour toutes. Mais cela risque de prendre du temps. Me voici donc de nouveau avec une seule machine, le fidèle Amstrad, qui fait oublier ses limites en répondant toujours présent.

J'ai préparé l'itinéraire pour emmener Blandine à Conches. Demain soir, nous devrions coucher à Chartres. Samedi nous redescendrons vers la Nièvre et l'Yonne, et dimanche nous finirons par la Côte d'Or. J'ai téléphoné à Marc Portebois, que j'espérais pouvoir rencontrer à l'occasion de ce petit voyage. Malheureusement, ils ne seront pas chez eux cette fin de semaine, et il faudra sans doute attendre leur retour à Lyon, toujours différé, pour que nous nous revoyions.

Une fois de plus, je me laisse accaparer par les problèmes techniques et matériels. Après avoir commencé (à peu près) sagement la semaine en m'imposant un certain équilibre, j'ai vite repris les mauvaises habitudes: journal à peine entrouvert, couchers tardifs, mise en place de logiciels reprises indéfiniment...Heureusement, les vacances devraient être tranquilles et me permettre de mettre un peu d'ordre dans ma vie, aspiration toujours frustrée que je désespère de voir un jour définitivement réalisée.

Dimanche 26 juillet 1992 (22h.54)


Nous avons conduit Blandine à Conches. Nous sommes partis vendredi soir, dès que Joëlle est revenue du travail. Nous sommes allés directement à Chartres, soit plus de cinq cents kilomètres d'autoroute en moins de cinq heures. Le lendemain, il ne nous restait plus qu'une centaine de kilomètres pour nous rendre au centre équestre. Après avoir déposé Blandine, nous avons repris la route en sens inverse. Nous avons déjeuné à Maintenon, puis nous sommes restés bloqués par le Tour de France un peu plus loin, à Gallardon. Nous avons été obligés d'attendre le passage des coureurs, mais c'est un peloton groupé que nous avons vu soudain débouler puis disparaître aussitôt, et c'est à peine si nous avons pu distinguer Induráin, malgré son maillot jaune, tant ils étaient tous serrés les uns contre les autres.

Nous sommes ensuite passés à Saint-Sauveur en Puisaye, où nous avons regardé, de l'extérieur, la maison de Colette. Mais, pour moi, le but de notre voyage, c'était, à quelques kilomètres de là, le pays de monsieur Henry. Hélas, je n'ai réussi à retrouver sa tombe dans aucun des deux cimetière de Treigny (n'ai-je pas été assez attentif ou bien était-ce une de celles qui ne portaient aucune inscription?). En repartant, nous avons traversé Entrains-sur-Nohain, dont il m'avait dit lors de notre voyage à Nevers que c'était son lieu d'origine.

Ce soir là, nous avons couché à Vézelay, ou plus exactement à Pontaubert. Vézelay, dont je rêvais depuis longtemps, nous l'avons visitée aujourd'hui. Vézelay, comme Clamecy que nous avions traversée la veille, est liée pour moi au souvenir de Romain Rolland, écrivain qui a marqué mon adolescence et que je n'ai cessé de vénérer. La colline inspirée de Vézelay est apparemment liée également à d'autres grands écrivains: Théodore de Bèze, Georges Bataille, Max-Pol Fouchet... Mais ce haut lieu de l'art roman m'a été révélé par une biographie de Romain Rolland qui fut longtemps mon livre de chevet et c'est à partir de là que je m'étais promis de m'y rendre un jour. Voilà qui est chose faite.

Hier soir, nous avons suivi en grande partie à la télévision la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Barcelone. Même si je ne suis pas un adepte de ces spectacles grandioses qui amusent le peuple et donnent l'illusion de la culture, j'étais fier de la Catalogne qui, en y intégrant ses traditions les plus originales, a su donner à cette fête un cachet unique lui permettant d'affirmer son identité tout en s'ouvrant au monde.

Nous avons terminer notre voyage en visitant l'Hôtel-Dieu de Beaune, superbe ensemble de bâtiments admirablement bien conservé et dont la présentation particulièrement bien étudiée rend la visite très agréable.

Lundi 27 juillet 1992 (21h.52)


Nouvelle dispute avec Joëlle. Je me suis montré maladroit en défendant avec trop de véhémence mes points de vue catalanistes, et je me vois reproché d'indisposer les gens en cherchant à tout prix à imposer mes convictions. En réalité, cela fait longtemps que le dialogue entre nous est impossible, et c'est autant la réluctance de Joëlle à tout idée venant de moi qui est à l'origine de nos dissentiments que ma façon d'animer le débat. J'en suis réduit à taire tout ce qui me tient à coeur et à fuir tout échange sortant des limites de la banalité. Le paradoxe, c'est que, chacun de notre côté, nous pouvons plus facilement discuter avec des étrangers et que, avec la même attitude, nous ne rencontrons pas, à l'extérieur, des problèmes de cet ordre. Mais je ne me suis pas résigné au "lâchage" de Joëlle et je souffre à chaque fois que les faits viennent démentir mes espérances. Tout ira mieux le jour où j'aurai appris à me passer d'elle et à ne plus compter sur ce qu'elle n'a plus envie de m'apporter. Le drame, c'est que je n'ai personne à qui me confier, personne avec qui discuter, échanger, avec m'exalter. Rien de tel qu'un mariage raté pour perdre sa joie, sa confiance en la vie, l'ardeur de son esprit.

Mercredi 29 juillet 1992 (21h.33)


Une de fois de plus, je me retrouve seul, moralement s'entend. Je ne peux compter ni sur ma femme, ni sur mes filles. Je n'ai aucun ami et encore moins d'amie, personne pour me comprendre et me soutenir. Je devrais en avoir pris l'habitude, mais je ne parviens pas à m'y résigner. Dès que j'ai l'espoir de pouvoir partager, je me livre sans retenue, jusqu'à ce que la réalité vienne me rappeler à l'ordre et me renvoie à ma solitude. Joëlle aura beau dire que c'est de ma faute, cela ne change rien à mon problème.

La vie continue cependant: je pars travailler chaque matin; j'ai fini de lire "L'Accompagnatrice" de Nina Berberova; la panne de mon ordinateur est plus grave que prévu, et il s'avère que je n'ai pas fait une bonne affaire en rachetant cette machine; Aurore ne donne toujours pas de ses nouvelles; l'été a fini par s'installer...Est-ce que tout cela a vraiment de l'importance?

Vendredi 31 juillet 1992 (21h.35)
Me voici donc en vacances, ce qui, cette année, ne signifie pas grand-chose, puisque nous ne partons pas et que le seul changement sera de ne plus avoir à aller au travail. Or, en dehors de l'obligation de me lever chaque matin, je ne peux pas me plaindre, vu que, depuis que je n'ai plus de formation, je passe la majeure partie de mon temps à faire ce qui me plaît, c'est-à-dire à perfectionner ma connaissance de la micro-informatique, sans que personne se soit jamais inquiété de savoir à quoi je m'occupais et ne soit venu contrôler de quelle façon je justifiais mon salaire. Il est vrai que nous n'avons pas de directeur et que Lassonde semble avoir surtout envie que je lui fiche la paix et que je ne lui pose pas de problèmes. Aussi, j'en profite et je ne passe au CIRTIL qu'un minimum de temps, ce qui doit avoir maintenant largement compensé mes débordements de l'époque où la formation battait son plein. J'ai tout de même mis à profit cette liberté pour effectuer des tâches d'intérêt général, comme la mise en forme des états budgétaires de monsieur Declat ou l'impression de la nouvelle documentation du système national.

Durant ces deux semaines, nous allons d'abord pouvoir dormir, ce dont nous avons vraiment besoin. Puis nous allons profiter de la venue de Jordi et de Maria Dolors pour sortir et nous distraire. Enfin, nous aurons peut-être le temps de mettre de l'ordre dans nos affaires et d'organiser notre vie qui n'a cessé de partir à la dérive. Et puis j'espère que nous n'attendrons plus très longtemps pour aller voir Véronique. Mais il vaut mieux que je n'insiste pas trop sur ce sujet, car je sens bien que Joëlle n'apprécie pas mon insistance et retardera d'autant plus cette visite que je montrerai de l'empressement.

Nous n'avons pas plus de nouvelles de Blandine que d'Aurore. La première a bien trop a faire pour nous appeler et, comme il n'y a qu'une heure au cours de laquelle les parents sont autorisés à téléphoner, nous ne sommes pas arrivés à la joindre. Quant à Aurore, c'est par Lionel que nous savons un peu ce qu'elle fait et nous ignorons encore si elle accepte d'aller chercher sa soeur à Conches. Lionel, quant à lui, vient de sortir de l'hôpital. Il semble s'être fait à l'idée qu'Aurore fasse sa vie avec un autre et il commence à faire des projets pour lui-même. Pour l'instant, il va occuper l'appartement de Saint-Fons avec Grégory.

Hier soir, nous avons reçu, autour d'un apéritif, Yasmina, une collègue de Joëlle, avec Christian, son compagnon, qui travaille à la réalisation d'un hypertexte pédagogique sur les sciences physiques. Il avait apporté son ordinateur portable et nous a fait une petite démonstration fort intéressante.

J'ai récupéré mon ordinateur, toujours avec sa panne, mais qui fonctionne cependant et que je vais continuer d'utiliser tant que mes finances ne seront pas meilleures. Par contre, mon imprimante est immobilisée jusqu'en septembre, pour cause de vacances. Aussi ai-je ramené du CIRTIL l'imprimante dont je dispose là-bas et qui ne devrait faire défaut à personne, vu que je suis le seul à l'utiliser, en dehors de monsieur Declat, qui est actuellement en congés.

Lundi 3 août 1992 (22h.09)


N'ayant toujours pas de nouvelles d'Aurore, Joëlle a décidé de partir dans la nuit de samedi pour aller chercher Blandine. Je n'ai pas eu le courage de l'accompagner dans ces conditions, et je suis resté à Lyon dimanche. Cela m'a permis de poursuivre la mise en ordre de l'appartement entreprise la veille. A midi, je suis descendu à Saint-Fons pour déjeuner avec ma mère et ma soeur que j'ai conduite ensuite à la gare.

Aurore a fini par téléphoner aujourd'hui: elle croyait que Blandine était à Conches pour deux semaines et que ce n'était que samedi prochain qu'il faudrait aller la chercher.

Je pense avoir assez bien mis à profit ces trois jours et avoir rattrapé un peu de l'énorme retard que, tout au long de ces derniers mois, j'avais accumulé dans tous les domaines. J'ai même réussi à rédiger et à imprimer un programme des sorties que nous projetons de faire avec Jordi et Maria Dolors. Mais cela m'a pris une bonne partie de la journée de dimanche. Aujourd'hui, j'ai accompagné Joëlle pour les achats alimentaires en provision des prochains jours. Ce soir, nous sommes allés prendre l'apéritif chez nos voisins les Duquesne, qui partent en vacances mercredi. Tout cela ne m'a pas permis d'achever mon programme de rangement et de remise à niveau, mais tout sera prêt demain pour l'arrivée de nos invités, et il devrait me rester ensuite une semaine pour terminer cette tâche. Tous les espoirs sont donc permis...


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