AVANT-PROPOS :
Le problème pratique constaté au départ est le paradoxe entre, d’un côté, la construction lente et minutieuse du texte de la norme ISO 9000 version 20001 pour pouvoir l’appliquer facilement à tous les types d’activités et à tous les types d’organisations et, de l’autre côté, la nécessité dans la pratique pour les entreprises de consacrer du temps et des moyens financiers à l’application de cette norme, pourtant réputée générique ; ceci témoigne d’une adaptation nécessaire de la norme ISO 9000 dans les organisations candidates à la certification.
En effet la norme ISO 9000 a été conçue pour être applicable à tous les types d’organisation et tous les types d’activité : petites ou grandes entreprises, entreprises publiques ou privées, associations, organismes publics, administratifs, de formation, tous sont censés pouvoir être certifiés ISO 9000. De même, elle concerne autant les activités du secteur primaire, que celles du secteur secondaire ou tertiaire. Elle représente ainsi une norme générique et pose le problème de la conciliation entre un modèle unique servant de référence et l’identité ainsi que la singularité de chaque organisation.
L’objet de notre recherche n’est pas de nous pencher sur la norme ISO 9000 en tant qu’élément de la politique qualité de l’entreprise. Ce type d’approche a déjà pu être largement exploré dans des travaux de recherche antérieurs (Messeghem, 1999 ; Lobre, 2000 ; Buer, 2000 ; Labbé, 2001 ; Leckie, 2001).
L’approche que nous avons choisie consiste à appréhender la norme dans deux dimensions :
-
d’une part en tant que texte, car elle est au départ une construction mentale établie par des experts lors de commissions. Elle peut donc avec profit être abordée sous l’angle cognitif en tant que représentation.
-
d’autre part en tant qu’outil de gestion et d’amélioration du fonctionnement organisationnel, car elle fait partie de l’ensemble des outils de gestion dont disposent les entreprises pour assurer leur développement.
Pour que ces deux dimensions prennent toute leur importance, il est pertinent de nous interroger sur la nécessité pour l’organisation d’avoir un responsable qualité car c’est à travers le rôle de ce dernier que nous parviendrons le mieux à faire apparaître la dimension cognitive et pragmatique de la norme.
Nous appellerons cette personne ressource responsable qualité même si elle ne porte pas ce titre dans toutes les organisations. En effet, ce n’est pas toujours sa fonction principale ; de plus, la nouvelle version de la norme n’utilise pas le terme de responsable qualité et lui préfère celui de représentant de la direction. Cette personne a comme rôle d’organiser et de coordonner avec la hiérarchie la mise en place de la norme et d’assurer le suivi de son application (organisation des audits internes, mise à jour du manuel et des documents qualité etc…)
Il existe un paradoxe entre la volonté des normalisateurs de faciliter le plus possible la mise en place de la norme et le temps que doit y consacrer le responsable qualité dans l’organisation. Ceci apparaît dans le titre de notre thèse : « La norme entre paradoxe et nécessité : une étude du rôle du responsable qualité ».
L’intérêt pratique de notre travail réside dans l’explication de ce paradoxe ; cela intéresse tant les normalisateurs qui souhaitent faciliter l’application de la norme, que les gestionnaires visant l’obtention de la certification pour leur entreprise.
D’un point de vue méthodologique, notre travail fournit en terme de méthode d’action une grille de lecture pour les responsables qualité et les décideurs et permet de comprendre les mécanismes en jeu. En terme de méthode de recherche, nous avons développé une démarche originale, adaptée des méthodes de recherche qualitatives traditionnelles pour la rendre pertinente vis à vis de notre terrain d’observation.
Ceci nous renvoie à l’intérêt théorique de notre thèse qui consiste à développer un angle particulier du management de la qualité non encore étudié, à savoir la diffusion d’une représentation comme référence et le rôle de médiation du responsable qualité.
Les définitions que nous avons retenues pour la notion de norme sont issues pour partie d’un travail de synthèse sur des cas pratiques où le terme de norme est utilisé : normes linguistiques, sociales, juridiques et techniques. Nous en avons retenu les traits caractéristiques de toute norme :
-
existence de règles universelles avec incitations et sanctions
-
constitution d’une élite de référence
-
effort d’abstraction et de généralisation pour fixer la norme
-
détermination d’une répartition du pouvoir
-
ambiguïté du rôle des normes qui doivent évoluer tout en défendant leur statut de référence
-
possibilité de comportements déviants.
Ces caractéristiques s’appliquent en particulier aux normes organisationnelles dont fait partie la norme ISO 9000 et que Bénézech (1996) définit ainsi : « document accessible à tous, établi par consensus et adopté par des organismes dont la compétence est reconnue, que ce soit au niveau national, régional ou international ».
D’un point de vue plus opérationnel, on peut caractériser la norme ISO 9000 par les actions qu’elle impose :
-
analyse transversale de l’entreprise pour mettre en évidence les processus et les interactions
-
organisation de la gestion documentaire
-
mise en place d’audits internes en vue d’une amélioration continue.
Ces actions ne sont pas toujours acceptées d’emblée dans l’entreprise et le vocabulaire du texte de référence qui les accompagne pose des problèmes d’interprétation. Le responsable qualité se retrouve donc dans un rôle d’interprète-médiateur.
De ce fait, notre problématique est la suivante : quel est le rôle du responsable qualité en terme de médiation dans la relation entre le modèle véhiculé par la norme ISO 9000 et l’entreprise candidate à la certification ?
Pour répondre à cette question, il nous faudra :
-
établir la notion de norme et en particulier celle de norme ISO 9000 (introduction)
-
analyser les problèmes d’interprétation et d’application qu’elle pose (partie I, chapitre I)
-
choisir une méthode de recherche (partie I, chapitre II)
-
établir les résultats des observations (partie II, chapitres I et II).
Pour tout cela, la partie exploratoire de notre travail a été essentielle par la compréhension des phénomènes qu’elle a apportée. Nous nous sommes de ce fait autorisée, lors de la rédaction, des rapprochements entre certains éléments exploratoires et d’autres plus théoriques ou méthodologiques.
INTRODUCTION : ELEMENTS POUR UNE APPROCHE GENERALE DES RAPPORTS ENTRE NORME ET ORGANISATION
Section 1. Les normes dans l’environnement socio-économique et socio-culturel de l’organisation : 13
1.1.Les normes socio-institutionnelles : 13
1.1.1.Langage et normes sociales : 14
1.1.2.Normes juridiques et techniques : 18
1.2.Les normes socio-organisationnelles : la norme ISO 9000 24
1.2.1.La norme ISO 9000 comme processus de régulation : 25
1.2.2.La norme ISO 9000 comme processus de construction : 29
Section 2. Les normes comme outil de contrôle : 40
2.1. Normes et construction d’une image de l’organisation : 40
2.1.1. Le modèle d’action de la norme : 41
2.1.2.La norme dans l’entreprise : 42
2.2. Normes et jeux de relation : 45
2.2.1.La relation entre la norme ISO 9000, la connaissance de l’organisation du point de vue des acteurs internes à celle-ci et les relations inter-individuelles : 45
2.2.2. Le positionnement de la direction par rapport à la norme ISO 9000 : 49
Dostları ilə paylaş: |