Évolution : De nouvelles preuves de la sélection naturelle
D'où viennent les variations génétiques entre les populations humaines ? Une équipe de chercheurs parisiens répond aujourd'hui : de la sélection naturelle. Chère à Darwin, la sélection naturelle est un lent processus qui distingue, au fil des générations, les individus les mieux adaptés à leur environnement. Mais si elle est souvent citée pour expliquer les caractéristiques d’animaux ou de plantes, son rôle est-il confirmé dans l’espèce humaine ? Oui, assure aujourd’hui une équipe de l’unité « Génétique évolutive humaine » de l’Institut Pasteur, à Paris (Unité CNRS Hôtes, vecteurs et agents infectieux : biologie et dynamique). La sélection naturelle a bel et bien modelé notre patrimoine génétique. Pour la première fois, les chercheurs apportent la preuve, à l’échelle du génome entier, qu’elle est responsable des différences qui existent entre les populations. « Avant toute chose, il faut rappeler que génétiquement le concept de races humaines – c’est-à-dire le fait de vouloir subdiviser l’espèce humaine d’après des caractères physiques héréditaires – n’a aucun sens, signale Lluis Quintana-Murci, directeur de l’unité. L’espèce humaine est jeune, et la diversité génétique s’avère finalement très faible. Sans compter que le génome d’un Lillois, par exemple, peut présenter plus de différences avec celui d’un Montpelliérain qu’avec celui d’un Dakarois. » Il n’empêche, il existe une réelle variabilité à l’échelle des populations, qui se traduit par des traits physiques et physiologiques distincts. Par exemple, les Asiatiques ne digèrent pas le lactose du lait, contrairement aux Européens du Nord et à certaines populations africaines. Et les Européens du Nord, eux, résistent bien moins au paludisme que les Africains. L’enjeu est donc de savoir si ces grandes tendances prennent leur source dans la dérive génétique, c’est-à-dire dans le simple hasard des brassages démographiques, ou dans la fameuse sélection naturelle. Dans ce cas, une mutation génétique qui confère un avantage dans un environnement donné se répand plus rapidement au sein de la population. Pour résoudre ce dilemme, les chercheurs se sont intéressés aux mutations de simples bases dans le génome humain. Quèsaco ? Notre patrimoine génétique est écrit avec un alphabet qui ne contient que quatre lettres, ou bases – A, T, C, G –, dont l’ordre d’assemblage définit toutes les substances constituant notre organisme. Or il arrive que dans une séquence donnée, une base soit malencontreusement remplacée par une autre. Lluis Quintana-Murci et ses collègues ont comparé près de 3 millions de ces mutations uniques chez plus de deux cents Nigérians, Chinois, Japonais et Européens du Nord, répertoriées dans le cadre du projet international Hapmap(Financé par le Japon, la Chine, le Royaume-Uni, le Canada, le Nigéria et les États-Unis, le projet Hapmap vise à cataloguer les similitudes et les différences génétiques entre les humains, notamment pour l'identification de gènes associés à des maladies et à la réponse aux traitements). L’idée était alors de calculer le degré de variabilité entre les populations pour chaque mutation. En clair, il s’agit d’une mesure statistique qui établit la présence ou non d’une mutation donnée dans une population. Un cas extrême serait par exemple que tous les Européens possèdent, à un endroit précis de leur génome, une base A alors que le reste du monde possède une base G. Le degré de variabilité pour cette mutation serait alors maximal, puisque tous les membres d’une unique population la porteraient. Les chercheurs ont calculé le degré de variabilité pour chaque classe de mutations : selon qu’elles affectent un gène avec ou sans conséquences sur la protéine correspondante, qu’elles touchent une région du génome qui régule l’expression d’un gène ou n’a aucune fonction particulière… « Si les fréquences des mutations étaient gouvernées par la simple dérive génétique, celles-ci toucheraient le génome dans son ensemble et aucune classe de mutations ne serait avantagée par rapport à une autre, explique Lluis Quintana-Murci. En revanche, si leurs fréquences ont été influencées par la sélection naturelle locale, et donc impliquées dans l’adaptation à l’environnement de chaque population, il est évident que les régions du génome les plus importantes pour la bonne marche de l’organisme montreront le degré de variabilité le plus élevé. » Et c’est bien ce que les chercheurs ont découvert. Les mutations qui affectent directement les gènes et leurs protéines, et les régions régulatrices des gènes montrent une plus grande variabilité entre populations que les autres. En fait, 582 gènes exactement sont impliqués. Il s’agit évidemment de ceux contrôlant les traits morphologiques, comme la couleur de peau ou le type de cheveux, mais aussi de ceux qui régulent le métabolisme ou la réponse immunitaire aux pathogènes. C’est ainsi qu’une mutation du gène CR1, impliqué dans la résistance aux attaques de paludisme, se retrouve chez 85 % des Africains mais est absente chez les Européens et les Asiatiques. L’équipe de Lluis Quintana-Murci ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Elle souhaite maintenant mieux connaître le rôle de la sélection naturelle dans les interactions de l’homme avec les pathogènes et savoir dans quelle mesure celles-ci sont affectées par le mode de vie des populations humaines.
Fabrice Demarthon
Contact : Lluis Quintana-Murci quintana@pasteur.fr
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Chimie : Vers des piles à combustible plus performantes
Technologie en plein boom, les piles à combustible semblent promises à un bel avenir. Ces dispositifs permettent en effet de produire de l’électricité à partir d’oxygène et d’hydrogène en ne rejetant que de l’eau. Plusieurs pistes sont actuellement explorées pour trouver celle qui aura le meilleur rendement. Parmi elles, la pile dite à oxyde solide pourrait bien tirer son épingle du jeu. D’autant que des chercheurs du laboratoire « Sciences chimiques de Rennes » (Laboratoire CNRS / Université Rennes 1 / École nationale. Supérieure de chimie de Rennes / Insa Rennes), en collaboration avec une équipe de l’Institut Laue Langevin, à Grenoble, et de l’université de Kyoto, au Japon, ont mis au point un nouvel oxyde qui ouvre la voie à des piles plus efficaces encore. À la base du fonctionnement de ce type particulier de pile à combustible, on trouve une couche d’oxyde métallique. Intercalée entre l’air et l’hydrogène (L'hydrogène peut être produit à partir d'hydrocarbures ou d'eau), son rôle est de transférer les ions oxygène du premier vers le second. La transformation de l’hydrogène en eau produit alors la précieuse électricité. Problème : les piles que l’on parvient à réaliser actuellement nécessitent un énorme apport de chaleur pour fonctionner. « Elles ne commencent à produire de l’électricité qu’à 1 000 °C environ, explique le chimiste rennais Werner Paulus. Et à une telle chaleur, elles s’abîment vite. » Sans compter que cet apport d’énergie réduit leur intérêt environnemental. C’est là qu’entre en jeu le nouveau composé, un oxyde constitué de fer et de strontium, de formule chimique SrFeO2. Son énorme atout, c’est justement de pouvoir réagir avec ces mêmes ions oxygène dès 280 °C. Une prouesse impensable jusque-là. Le potentiel du nouveau venu est donc énorme : il prépare l’arrivée de piles à la fois plus robustes dans le temps et moins gourmandes en chaleur pour fonctionner. Seul hic : le nouvel oxyde est certes un très bon conducteur d’ions, mais il est aussi un excellent conducteur de courant. Une dernière caractéristique que cherchent à tout prix à éviter les concepteurs de piles à combustible, faute de quoi une partie de l’électricité générée est perdue. Mais rien de décourageant pour nos chercheurs. Bien au contraire : le SrFeO2 n’est pour eux qu’une première étape vers d’autres oxydes plus performants encore. Et ils ne cachent pas leur intention d’en trouver même un jour qui puissent fonctionner à température ambiante. « Avant notre découverte, on ne savait pas comment attaquer le problème, raconte Werner Paulus. Désormais, en s’inspirant de la structure unique de ce nouvel oxyde, on sait dans quelle direction chercher. » Le composé parfait est peut-être à portée de main.
Pierre Mira
Contact : Werner Paulus werner.paulus@univ-rennes1.fr
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