Le journal du cnrs numéro 228/229 Janvier février 2009 titre : Univers, les mystères des origines



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Brèves


La mélatonine liée au diabète

Le diabète de type 2 et la régulation de notre horloge interne par la mélatonine semblent génétiquement liés. C'est ce qu’a découvert l'équipe de Philippe Froguel, du laboratoire « Génomique et physiologie moléculaire des maladies métaboliques » (Laboratoire CNRS Université Lille 2 Institut Pasteur Lille), à Lille, et de l'Imperial College London, en collaboration avec des chercheurs français, danois et finlandais. De fait, une mutation très proche du gène MTNR1B, qui code pour un récepteur de la mélatonine, entraîne une élévation du taux de sucre dans le sang et augmente le risque de diabète de type 2. On connaissait les liens entre les troubles de l'horloge interne, notamment du sommeil, avec l'obésité et la dépression, deux pathologies associées au diabète, mais c'est la première fois qu'un lien génétique est mis en évidence.



La microscopie à l'honneur

Le 9 janvier, sera inauguré le nouveau microscope électronique en transmission de l'Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (Institut CNRS Université de Strasbourg 1). Cet équipement de dernière génération, dont il n'existe que très peu d'exemplaires, permettra d'observer les matériaux jusqu'à l'échelle atomique et d'en caractériser la structure. Un autre microscope électronique en transmission, Ultrastem, avait été inauguré en novembre 2008 au Laboratoire de physique des solides (Laboratoire CNRS Université Paris 11), à Orsay.



Les liens se resserrent avec l'Asie

De nombreux laboratoires internationaux associés (LIA) ont vu le jour ces dernières semaines avec l'Asie. Trois LIA ont ainsi été créés avec la Chine. Le premier, Origins, en astrophysique, réunit 10 laboratoires français et 11 laboratoires chinois. Le deuxième, le Laboratoire « Matériaux organophosphorés fonctionnels », avec l'université de Rennes 1 et l'université de Zhengzhou, se consacrera à la synthèse de nouveaux composés phosphorés pour l'électronique plastique. Enfin, le « Laboratoire franco-chinois de catalyse », avec l'université Claude-Bernard de Lyon, le Dalian Institute of Chemical Physics (DICP) et un industriel chinois, le Research Institute of Petroleum Processing (RIPP), portera sur la catalyse pour l'énergie et le traitement de l'eau. Le Japon est lui aussi à l'honneur. L'unité mixte internationale Japanese Robotics Laboratory vient d'être créée, avec le National Institute of Advanced Industrial Science and Technology (AIST, Université de Tokyo), ainsi que deux LIA : l'Engineering and Science Lyon Tohoku Laboratory (LIA Ely T) – avec l'Université de Tohoku, l'École Centrale de Lyon et l'Insa de Lyon –, et le Japanese French Laboratory in Informatics (LIA JFLI) – avec le National Institute of Informatics, l'université de Tokyo et l'université Keio, au Japon. Ces trois nouvelles structures renforceront les collaborations scientifiques dans les domaines de l'informatique, de la robotique et de la mécanique des fluides. Enfin, le premier LIA avec Hong Kong a vu le jour. Intitulé « Role of calcium in cellular determination and differenciation », il réunit pour une durée de quatre ans le CNRS, l'université des sciences et techniques de Hong Kong (HKUST) et l'université Toulouse-III. Ce LIA est le fruit d'une collaboration de plus de dix ans entre des chercheurs du Centre de biologie du développement, à Toulouse, et une équipe de Hong Kong, spécialistes du rôle du calcium dans l'expression des gènes au cours du développement.



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Enquête Univers, les mystères des origines


C'était il y a environ 14 milliards d'années. L'Univers naissait… avec l'apparition des briques élémentaires de matière, bientôt suivies de la lumière. Très vite, le tout se dilate et s'organise : la matière forme d'immenses structures – amas, filaments, nappes – au sein desquelles apparaissent les galaxies, formidables rassemblements de milliards d'étoiles. Ces dernières sont parfois accompagnées d'une ribambelle de planètes sur lesquelles peut surgir la vie comme sur la Terre. Du Big Bang aux premières cellules, le début de chaque étape de cette épopée fait encore l'objet de nombreuses interrogations. À l'occasion du lancement de l'Année mondiale de l'astronomie, Le journal du CNRS se penche sur les mystères des origines de l'Univers.

Sommaire enquête :


L'énigme des premiers instants

Quand le cosmos s'organise

Les premiers pas des galaxies

Ainsi naissent les étoiles

Planètes en construction

Il était une fois la vie

Retour sommaire général

L'énigme des premiers instants


Il est des énigmes qu'on ne percera peut-être jamais. Et l'origine de l'Univers est l'une d'elles. Depuis fort longtemps, physiciens, cosmologistes et philosophes planchent sur le sujet. Mais ce n'est qu'au début du siècle dernier que les scientifiques ont découvert qu'ils pouvaient remonter le temps, du moins dans leurs équations, et repasser le film de l'histoire du cosmos à l'envers pour arriver à son origine, le fameux Big Bang. Et si le scénario est encore loin de faire consensus, les cosmologistes en sont de plus en plus persuadés : il est à leur portée. Regardons donc en arrière. Avec une surprise en préambule : les grands points d'interrogation se concentrent sur une très courte période, la première seconde de l'Univers ! Comme le fait remarquer Jean-Philippe Uzan, à l'Institut d'astrophysique de Paris (IAP) (Institut CNRS Université Paris 6), « à partir d'environ une seconde après le Big Bang, la température est d'environ 10 milliards de kelvins, et tout le monde est à peu près d'accord sur ce qui s'est passé (voir illustration ci-dessous). Il ne fait plus aucun doute que notre Univers est alors en expansion et qu'il a émergé d'une phase dense et chaude. »

La question du « quoi »

Voilà pour les certitudes. Passons à présent au cœur du problème : le déroulé précis de la toute première seconde. À commencer par la question du contenu de l'Univers à ce moment-là. Ainsi, comme le résume Jean-Philippe Uzan, « pour connaître le contenu en matière de l'Univers, il faut faire appel à la physique des particules. Or la théorie en vigueur, le modèle standard, n'est valable que jusqu'à des densités d'énergie qui sont vite dépassées lorsque l'on remonte le temps ». Ainsi, les cosmologistes imaginent qu'un millionième de seconde (10– 6 seconde) après le Big Bang, les quarks se sont associés pour former les protons et les neutrons. Mais comme le reste des particules de matière, les quarks sont apparus « bien avant », probablement avant 10– 12 secondes après le commencement. À cet instant, pendant l'ère de la grande unification la théorie décrivant les particules élémentaires et leurs interactions est encore à construire. L'Univers, s'il était déjà peuplé des particules que nous connaissons (quarks, électrons…), devait receler d'autres particules aujourd'hui inconnues. Certaines constituent peut-être la matière noire des astrophysiciens. Jamais observée, cette dernière, dont la gravité structure l'Univers et les galaxies, serait pourtant beaucoup plus abondante que la matière ordinaire ! Par ailleurs, tout indique qu'à cette époque reculée, il y avait encore autant de matière que d'antimatière. De quoi s'agit-il ? Pour les scientifiques, chaque particule est associée à une antiparticule en tout point semblable à elle, mais dont la charge électrique est opposée. Ainsi, l'antiparticule de l'électron est le positron. Or de façon étonnante, l'Univers actuel ne comprend quasiment plus que de la matière. Une dissymétrie dont les scientifiques ne comprennent pas encore l'origine. Une partie du voile devrait être levée dans les prochaines années, grâce au LHC, l'accélérateur géant du Cern. Ainsi, pour Jean-Philippe Uzan, « il nous permettra un accès à une physique au-delà de celle du modèle standard. Si bien que notre description de l'état de la matière durant la phase primordiale de l'Univers devrait bientôt évoluer ».



Le mystère du « comment »

Le contenu de l'Univers primordial est donc une question ouverte. Sa géométrie en est une autre. Et les cosmologistes bâtissent de belles théories sur l'évolution de l'espace-temps, une entité introduite par Einstein dans sa théorie de la relativité. Ainsi, les spécialistes pensent qu'environ 10– 35 seconde après le Big Bang, le cosmos a subi une phase d'expansion extrêmement rapide appelée inflation : sa taille aurait alors augmenté de plusieurs milliards d'ordres de grandeur. ! D'après Thibault Damour, professeur permanent à l'Institut des hautes études scientifiques, « l'inflation recueille un large consensus, bien que restant un modèle spéculatif ». Pour autant, le satellite Planck, de l'Esa, qui devrait être lancé au printemps 2009, pourrait permettre d'en savoir plus sur la nature exacte de l'inflation. Comment ? En mesurant ses conséquences précises sur les propriétés du rayonnement fossile, ou fonds diffus cosmologique.



Au commencement est l'inconciliable
Mais poursuivons notre rebours dans le temps, jusqu'à ce moment que les scientifiques considèrent comme l'étape ultime avant de remonter au Big Bang : le « mur de Planck », situé à 10– 43 seconde après le Big Bang. Un seuil où la physique actuelle ne permet plus de déterminer ce qui a bien pu se produire. En effet, à ce stade, la relativité générale, qui décrit l'évolution de l'espace-temps sous l'effet de la gravité, et la mécanique quantique, théorie de l'infiniment petit, doivent être réconciliées sur le papier. Comme le résume Jean-Philippe Uzan, « durant cette période, la gravitation devient quantique, or on ne dispose pas encore de théorie quantique de la gravitation ». Alors, chacun émet ses propres hypothèses qui conduisent à une vision du commencement défiant l'entendement. Beaucoup prennent place dans le cadre de la théorie des cordes. Extrêmement complexe, encore largement spéculative, elle a été proposée dès les années 1970 pour marier les deux irréconciliables de la physique : la mécanique quantique et la gravitation. Selon cette théorie, les ingrédients fondamentaux ne sont pas des particules ponctuelles, mais de petits filaments linéaires : les cordes. Celles-ci vibreraient dans des espaces-temps non plus à quatre dimensions (les trois de l'espace plus celle du temps), mais à bien plus ! Certains chercheurs bâtissent ainsi des hypothèses qui prennent racine avant le Big Bang : par exemple, Pierre Binetruy, au laboratoire « Astroparticule et cosmologie » (APC) (Laboratoire CNRS CEA Université Paris 7 Observatoire de Paris), à Paris, développe un scénario de l'origine dans lequel un Big Bang naîtrait de la collision entre deux Univers à quatre dimensions. « Nous imaginons qu'il y a plusieurs Univers qui parfois entrent en collision, explique le théoricien. Certes, avec ce type d'approche, on ne connaît pas la physique au moment précis du Big Bang, mais on peut décrire en détail l'état de l'Univers juste avant, et juste après. » Dans cette vision, l'Univers aurait ainsi existé avant le Big Bang, celui-ci n'étant alors qu'une péripétie dans une histoire éternelle. De son côté, Thibault Damour, avec Marc Henneaux et Hermann Nicolai, développe une approche dans laquelle l'espace-temps émerge d'une situation antérieure : « Notre théorie indique que lorsque l'on s'approche de la singularité (le Big Bang), l'espace s'évanouit. Ne reste plus que le temps, d'où aurait émergé l'espace. » Comme le reconnaît lui-même le cosmologiste, « tout ceci est très spéculatif, mais néanmoins mathématiquement extrêmement précis, et connecté à des morceaux robustes de la théorie des cordes ».

L'obstacle de la validation

Saura-t-on jamais s'il y a du vrai dans ces visions théoriques ? Peut-être de façon indirecte. Si les physiciens parviennent à valider même en partie la théorie des cordes, cela donnera plus de crédit à certaines d'entre elles. « C'est vrai que l'on a parfois l'impression de ne rien comprendre, dit Nathalie Deruelle, de l'APC. Mais je crois que la cosmologie vit une période charnière. Certes, il sort un modèle théorique nouveau chaque jour. Mais de ce bouillon de culture émergera sûrement une nouvelle vision de l'Univers. » Permettra-t-elle de comprendre les mystères des origines ? Difficile à dire. Comme l'a écrit Étienne Klein, directeur du Laboratoire de recherche sur les sciences de la matière, au Commissariat à l'énergie atomique (CEA), le 20 novembre dernier dans les colonnes du Monde, « [la science] a besoin, pour se construire, d'un “déjà-là”, d'un point de départ explicite, constitué de principes, de lois ou d'objets. Or l'origine absolue ne fait pas partie du déjà-là, puisqu'elle correspond à l'émergence d'une chose en l'absence de toute autre chose. [...] C'est pourquoi la question de l'origine de l'Univers demeure une question impossible ». Une manière de la renvoyer dans le champ de la philosophie peut-être !



GLOSSAIRE

Modèle standard

Le « livre de recettes de l'Univers ». Il décrit ses ingrédients ultimes – les particules élémentaires –, et la manière dont ils peuvent s'associer, c'est-à-dire trois des quatre interactions fondamentales. La quatrième, la gravité, n'y a toujours pas trouvé sa place.



Théorie de la relativité

En physique classique, quel que soit le point de vue d'un observateur, la distance entre deux points est toujours la même. Inversement, dans la relativité d'Einstein, les distances peuvent se contracter et le temps se dilater. On ne retrouve l'équivalent de la distance classique entre deux points, en tant que grandeur invariante, qu'en mariant temps et espace. On parle alors de la distance dans l'espace-temps de deux événements.



Rayonnement fossile, ou fonds diffus cosmologique

Cette lumière, émise environ 380000 ans après le Big Bang et encore observable aujourd'hui, est un témoin précieux de la prime jeunesse de l'Univers. Elle porte donc en son sein des informations essentielles sur cette fameuse inflation.

Mathieu Grousson

Contact


Jean-Philippe Uzan, uzan@iap.fr

Thibault Damour, damour@ihes.fr

Pierre Binetruy, binetruy@apc.univ-paris7.fr

Nathalie Deruelle, deruelle@apc.univ-paris7.fr



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