Le marché de la pâte à papier est caractérisé par plusieurs phénomènes :
Le marché de la pâte à papier est caractérisé par plusieurs phénomènes :
Crise économique conjoncturelle qui réduit la demande de papiers, particulièrement en Europe et Amérique du Nord,
Crise plus structurelle issue des mutations technologiques qui privilégient progressivement les moyens électroniques de communication au détriment du papier,
Concurrence aigue de la part des producteurs sud américains,
Montée en puissance de la demande de papiers à base de recyclé.
La remontée actuelle des prix des pâtes marchandes pourrait, à elle seule, justifier la remise en marche de l'usine ; Soulignons que le prix actuellement bas du prix du bois permet lui aussi de meilleures conditions économiques. Mais les menaces structurelles sur les usines de pâtes à papier françaises citées plus haut et la concurrence du bois-énergie (qui surenchérit le coût de la matière première), méritent d'explorer des pistes de diversifications pour pérenniser les installations.
Après prise de connaissance des solutions déjà explorées par la Direction de M-real Alizay en 2009 et réflexion avec les partenaires sociaux, nous avons retenus trois axes de travail pour notre étude :
Après prise de connaissance des solutions déjà explorées par la Direction de M-real Alizay en 2009 et réflexion avec les partenaires sociaux, nous avons retenus trois axes de travail pour notre étude :
Possibilités de réduire les coûts de fabrication des pâtes, notamment sur les plans de la cuisson et du blanchiment ;
Prise en considération de la montée en puissance de la demande de biocarburants autres que ceux issus de produits agricoles ; c'est la piste du bioéthanol deuxième génération,
Faisabilité de productions de pâtes à usages chimiques ; pâtes à dissoudre et segments à plus forte valeur ajoutée .
Ces deux pistes de diversifications ne sont pas exclusives d'autres possibilités :
on re-découvre finalement les champs des possibles de la cellulose !
Les premières propositions relatives à la réduction des coûts, relèvent de la marche normale d'une usine.
Les premières propositions relatives à la réduction des coûts, relèvent de la marche normale d'une usine.
Les deux autres champs de l'étude relèvent de choix stratégiques et/ou de l'implication des pouvoirs publics.
Nous avons travaillé avec les principaux acteurs (Wedeco, Air Liquide, Andritz, Novo, Maguin Interis, Pagora ...) de ces développements et nous avons eu accès à des offres pour des usines similaires. Nos chiffres sont proches de la réalité, voire conservateurs quand il y avait un doute technique. Les temps de retour sont donnés à titre indicatif pour des hypothèses bien précises et peuvent être aisément recalculés pour des hypothèses différentes.
Ainsi, la plupart du temps nous avons basées nos hypothèses sur une capacité de 300 000t, c'est-à-dire 7% au dessus de ce qui a été produit en 2005 (281kt).
Projet 1 : Réduction du coût de revient de la pâte kraft d’Alizay
Projet 1 : Réduction du coût de revient de la pâte kraft d’Alizay
1.1 La situation actuelle semble plus favorable
Projet 1 : Réduction du coût de revient de la pâte kraft d’Alizay
Projet 1 : Réduction du coût de revient de la pâte kraft d’Alizay
1.2 Deux axes d’amélioration du coût
l’addition d’anthraquinone.
l’addition d’anthraquinone.
l’addition de 0.05% d’anthraquinone par rapport au bois, accroît le rendement en pâte de 1.5%.
Cet apport représenterait, à capacité de production constante, une économie de bois de l'ordre de 3%, soit près de 2M€/an.
Avec un prix d’anthraquinone de 3€/kg, le coût de l’anthraquinone à la tonne de bois serait donc de 1.5€ soit au global de 0.9M€.
Economie potentielle : 1M€/an.
Selon les usines, le coût du blanchiment est compris entre 25 et 45 €/ADT. Celui-ci dépend surtout de l’essence (résineux, feuillus) et de la séquence utilisée.
Selon les usines, le coût du blanchiment est compris entre 25 et 45 €/ADT. Celui-ci dépend surtout de l’essence (résineux, feuillus) et de la séquence utilisée.
A plus de 40€/ADT, le coût du blanchiment à Alizay se situe donc dans le haut de la fourchette du fait absence de traitement à l’oxygène et peut-être aussi par la mauvaise performance des laveurs par diffusion.
Compte tenu de ces éléments et de la séquence utilisée, il apparaît que les performances actuelles du blanchiment n’ont rien d’anormal. La seule solution pour réduire les coûts est alors de modifier la séquence de blanchiment.
L’utilisation de l’ozone représente une voie a priori intéressante. Le pouvoir très oxydant de l’ozone permet d’envisager le remplacement partiel du dioxyde de chlore dans des conditions économiques avantageuses.
Il en résulte également une baisse de la formation de composés organo-chlorés (AOX)
Projet 2 : Bioéthanol cellulosique
Projet 2 : Bioéthanol cellulosique
Le coût de revient du bioéthanol (frais variables en €/litre, hors enzymes) ainsi produit serait de 2,5 X si X est le coût de la pâte écrue en €/kg.
Le coût de revient du bioéthanol (frais variables en €/litre, hors enzymes) ainsi produit serait de 2,5 X si X est le coût de la pâte écrue en €/kg.
Il faut rajouter à ce prix le coût :
des enzymes qui serait voisin de 10 cents d’€ par litre d’éthanol,
des levures qui se situe à environ 5 cents d’€ par litre d’éthanol.
Le cours de l’éthanol (http://www.kingsman.com) est voisin de 50cents d’€/l (éthanol de première génération). Une subvention de 30 cents d’€/l serait semble-t-il accordée aujourd’hui.
En restant à ce cours, l’éthanol cellulosique obtenu par cette voie devrait s'appuyer sur un coût de revient de la pâte à papier de moins de 200€ /t, ce qui était loin d'être le cas en 2008.
En intégrant la subvention de 30 cents d’€/l d’éthanol, une marge ne pourrait être dégagée que pour un coût de revient de la pâte inférieur ou égal à 300€/t. Ce qui signifie que dans l’environnement économique actuel il faudrait se fixer un coût cible de 300€/t.
L’investissement pour la capacité envisagée (0.6M hectolitres) se répartirait comme suit (source Interis Maguin) :
L’investissement pour la capacité envisagée (0.6M hectolitres) se répartirait comme suit (source Interis Maguin) :
Hydrolyse : 10M€ (base 72h, à peu près linéaire en fonction du temps ex 6M€ pour 36h). 72h est la durée retenue ici par sécurité. (Novo indique 36h-72h)),
Fermentation: 6M€ (base 36h),
Distillation-deshydratation : 7 M€,
Stockage éthanol (4j): 0.5M€,
Tour refroidissement eau : 1M€,
total:24.5M€(Installé)
A cet investissement devra éventuellement être ajoutée une étape de centrifugation pour enlever les matières solides des vinasses (indispensable dans le cas du blé, mais dans le cas de la cellulose ceci dépendra de l’efficacité de l’hydrolyse et reste à confirmer) car dépendra de l'efficacité de l'hydrolyse) : 7M€.
Projet 3 : Pâtes à usages chimiques
Projet 3 : Pâtes à usages chimiques
Près de 4,5 millions de tonnes de pâtes cellulosiques issues du bois sont destinées à d’autres applications que le papier.
Près de 4,5 millions de tonnes de pâtes cellulosiques issues du bois sont destinées à d’autres applications que le papier.
Parmi ces 4,5 millions de tonnes, 65% utilisés dans le procédé viscose pour application essentiellement textile.
Ce marché a été en croissance de 7% par an dans le monde au cours des 5 dernières années (10% en Chine). Le prix de vente des pâtes à dissoudre a cru de plus de 30% en 2009 pour atteindre aujourd’hui des niveaux supérieurs à 900€/ADT en ce qui concerne la viscose.
La viscose est un substitut du coton. La forte demande actuelle résulte de la régression des surfaces plantées en coton, en faveur d’autres cultures.
La viscose est un substitut du coton. La forte demande actuelle résulte de la régression des surfaces plantées en coton, en faveur d’autres cultures.
Par ailleurs un réel engouement pour les fibres viscoses semble émerger dans plusieurs grands pays d’Asie.
Dans le prolongement des préoccupations environnementales, la demande pour les fibres textiles issues de la biomasse devrait croître également un peu partout dans le monde.
A titre d’illustration de cette mise sous tension, la société Fulida, qui est le principal producteur chinois de viscose, a conclu un double accord avec la compagnie « Neucel Speciality Cellulose » (capacité de 160Kt) :
prise de participation minoritaire dans le capital de Neucel,
accord de livraison de viscose.
Les celluloses à dissoudre diffèrent de la pâte à papier par le fait qu’elles sont plus pures (moins d’hémicelluloses) et davantage dépolymérisées.
Les celluloses à dissoudre diffèrent de la pâte à papier par le fait qu’elles sont plus pures (moins d’hémicelluloses) et davantage dépolymérisées.
Le principe consiste donc à extraire en grande partie les hémicelluloses par traitement des copeaux par de la vapeur d’eau, ou par une solution d’acide diluée à une température voisine de 160°C, ceci avant de les soumettre à la cuisson kraft.
Un exemple est donné par l’usine Brésilienne de Bacell qui fonctionne selon ce principe avec des copeaux d’eucalyptus. La séquence de blanchiment est OOZP. Cette usine kraft produit une pâte à dissoudre d’excellente qualité et s’est également diversifiée dans d’autres qualités de celluloses à usage chimique.
L’usine de Thurso, fermée par le groupe Fraser Papers (Québec), va être reprise par Fortress Papers.
L’usine de Thurso, fermée par le groupe Fraser Papers (Québec), va être reprise par Fortress Papers.
Cette usine kraft, de bois feuillus mélangé, sera transformée en unité de production de pâte à dissoudre d’une capacité de 200 000t/an.
L’investissement est annoncé à 60 millions d’€. Il comprend :
la modification de la cuisson (hydrolyse haute température)
l’augmentation de la capacité de combustion (+20% de matière organique à brûler)
l’augmentation de la capacité de caustification (le procédé, tel que conduit à Thurso, consommera davantage de soude)
l’adaptation du blanchiment et du séchage de la pâte (déjà présent à Alizay)
Le coût de revient de cette pâte est supérieur à celui d’une pâte papetière en raison de la différence de rendement. Dans le cas de l’usine de Thurso, assez sembable à celle d’Alizay, l’augmentation de coût de revient serait de l’ordre de 70€/ADT.
Ce surcoût est compensé par les 220€/ADT d’écart de prix constatés entre la BHK et la viscose.
Cette conversion implique que la pâte à dissoudre devienne le seul produit de l’usine de pâte. Compte tenu des plus grandes quantités de matières sèches à brûler et des quantités de soude consommées plus élevées, la production serait de l’ordre de 200 kt/ADT.
Cette conversion implique que la pâte à dissoudre devienne le seul produit de l’usine de pâte. Compte tenu des plus grandes quantités de matières sèches à brûler et des quantités de soude consommées plus élevées, la production serait de l’ordre de 200 kt/ADT.
Une telle conversion d’Alizay conduirait à un prix de revient de la pâte inférieur à 600€/ADT, en prenant les chiffres 2008 qui sont les plus défavorables.
Sur la base d’un prix de vente moyen de de marché de 963$/ADT (700€/ADT au cours 0,73€/$), la marge dégagée serait donc de 100€/ADT, soit 20 M€/an.
L’investissement prévu pour l’usine de Thurso (60M€) représente un ensemble de modifications dont certaines ne seraient peut-être pas nécessaires pour Alizay qui aura des capacités de combustion et de caustification dégagées par la réduction de la production à 200 000t/an. En tout état de cause on pourrait avancer un temps de retour de 3 ans maximum.
Il est à noter que les modifications préconisées pour le blanchiment sont tout à fait compatibles avec cette approche.
Menaces sur les perspectives de croissance des productions de pâtes à papier en Europe. M-real Alizay est une des dernières unités de production de pâte/papier intégrées en France, alors que la balance des échanges est déjà déficitaire. Elle porte également l'enjeu des débouchés pour la filière forestière.
Menaces sur les perspectives de croissance des productions de pâtes à papier en Europe. M-real Alizay est une des dernières unités de production de pâte/papier intégrées en France, alors que la balance des échanges est déjà déficitaire. Elle porte également l'enjeu des débouchés pour la filière forestière.
Les prix des pâtes et du bois sont susceptibles d'équilibrer les comptes de l'usine aujourd'hui pendant un à deux ans.
Mais la caractéristique de la situation est que justement l'usine est dépendante de ces phénomènes externes. Les solutions envisagées dans ce document visent donc à proposer des options qui, en complément ou en substitution à la pâte à papier, permettraient de réduire les incertitudes.
Ces solutions sont crédibles techniquement et répondraient une demande, soit déjà exprimée dans le cadre des pâtes textiles, soit en devenir comme les biocarburants de 2nde génération.
Elles ne sont pas exclusives d'autres possibilités comme le bois composite par exemple
Si ces options sont crédibles, leur mise en œuvre dépend de la volonté de l'actionnaire. Or celui-ci est, d'une part en difficultés, et d'autres part très axé papier et emballage dans sa stratégie. Il sera donc difficile de le convaincre d'engager des investissements de diversification dans la pâte, même si le retour de rentabilité est assez court.
Si ces options sont crédibles, leur mise en œuvre dépend de la volonté de l'actionnaire. Or celui-ci est, d'une part en difficultés, et d'autres part très axé papier et emballage dans sa stratégie. Il sera donc difficile de le convaincre d'engager des investissements de diversification dans la pâte, même si le retour de rentabilité est assez court.
Une des possibilités serait de s'adosser à un opérateur présent dans la filière concernée :
Un pétrolier par exemple pour ce qui concerne les biocarburants ; l'intérêt serait de bénéficier de sa capacité de recherche, de ses moyens financiers et évidement et de sa maîtrise des débouchés.
Un opérateur dans le textile, pour la viscose, qui souhaiterait maîtriser une autre source de matière première que le coton.
En toute hypothèse, si des possibilités existent d'utilisation de la cellulose pour d'autres applications que le papier, encore faut-il ne pas handicaper l'avenir en maintenant l'usine en activité.