Il n’y a pas de texte législatif comparable à notre code de la route qu’il est impératif de respecter sous peine de sanctions financières, plus rarement pénales. Il n’y a qu’un règlement dont tout le monde se moque. Il n’y a aucune véritable volonté de le faire strictement appliquer. Les policiers sont impuissants face à la force de l’habitude, au lobby des transporteurs, au ké garné népalais. Ce qui était somme toute sympathique lorsque la circulation était fluide et que les véhicules roulaient doucement, est devenu une source de nuisance et est à l’origine de trop nombreux accidents. Quelques exemples de nuisance :
- on peut s’arrêter n’importe où, mettre sa moto en travers…
- rien n’oblige un véhicule à ralentir dans la traversée d’un village. Les policiers présents ne peuvent qu’observer les chauffards qui conservent leur vitesse de route, voire même l’augmentent si la route traversant le village est en pente. Hélas ! Ces chauffards tuent. Les villageois n’ayant d’autre moyen pour obtenir le paiement du préjudice barrent la route. Parfois plusieurs heures, il m’est arrivé de rester bloqué 11 heures à Malhéku sur la Prithivi Narayan. Mais d’autres conducteurs ont, dans d’autres circonstances, été stoppés plusieurs jours de suite.
La police n’est pas toute puissante, le policier n’est pas craint comme il l’est chez nous. Il a une présence passive, il n’est pas directif, il n’est qu’une sorte de conseil placide. Ses chefs, par laxisme – à cause de politiques soumis au lobby des transporteurs ? - ne lui imposent qu’exceptionnellement des attitudes autoritaires ou sévères. Voilà une file de véhicules arrêtés entravant la circulation sur une artère. Que fait un policier présent ? Il remonte lentement la file en tapant de petits coups sur la portière située du côté du conducteur. Arrivé au point extrême du bouchon, il indique au conducteur par une moue réprobatrice et un geste mou de la main que ce qu’il fait n’est pas bien et qu’il doit envisager, dans les minutes qui suivent, de quitter sa place. Le policier a parfois un geste des doigts des plus gracieux pour exprimer un ordre ou pour manifester son mécontentement. Il les agite de la même manière que lorsqu’on adresse un au revoir à un petit enfant. Si le policier, attitude récente, règle la situation dans un carrefour, c'est-à-dire donne le passage alternativement aux véhicules roulant dans un sens puis dans l’autre, il ne se place pas là où pourrait être vu de tous, il ne reste pas dans une attitude figée qui montre la direction du flot et impose l’obéissance. Non, il choisit l’endroit où il est le moins en vue. De là, il indique, mains basses et gestes courts, le sens du courant, puis qu’un flot doit s’interrompre et que l’autre doit circuler. Si un véhicule ne poursuit pas tout droit mais manifeste l’intention de tourner et, ce faisant, bloque la route, le policier vient observer le problème posé. Méditatif, il laisse les conducteurs résoudre seuls le problème. Si un accident se produit, il applique la devise : Je n’ai rien vu, je ne veux rien voir. Mais parfois un policier sort de sa placidité. Un conducteur de taxi dans un carrefour n’obéissant pas il le frappe. Conséquence : révolte immédiate de ce dernier qui appelle ses confrères à la rescousse. En quelques minutes, une vingtaine de taxis interdisent toute circulation dans ce carrefour. Arrivent alors une dizaine de policiers qui… constatent. Durée du bouchon : deux heures.
LE SIFFLET :
Il n’est pas le moyen de souligner un ordre, il est un moyen d’indiquer sa bonne humeur. Il est utilisé sans motif, plus souvent quand tout va bien que quand tout va mal. << Shiiii, je suis content de vous, shiiii, je suis de bonne humeur, ma femme a été gentille ce matin, chiiii, de vous à moi, mes enfants travaillent bien à l’école…>>
LES BUS :
Plaques d’immatriculation noires. Ce sont les rois de la chaussée, en zone urbaine et sur les routes. En grands philosophes ils disent : Je suis fort donc je passe. Et ils rajoutent : J’ai la voix forte donc je klaxonne. Leurs klaxons sont les plus puissants, les plus stridents, les plus chargés d’injonctions de tous ceux du monde roulant. Si les bus sont souvent moins lourds que les camions, ils sont plus rapides. Partout, ils se comportent en maîtres absolus, en rois de la chaussée. Si un jour ils ont la priorité comme ils l’ont en France, priez pour les autres conducteurs. Ils étaient simples conquérants, ils vont se transformer en tyrans. Connaissant parfaitement la route, ils profitent de la moindre descente, de la plus courte portion de route plate pour accélérer. A vitesse à peine supérieure ils n’hésitent pas à doubler, ce qui prend un temps interminable. Emoi des clients se trouvant aux premières places. Combien de fois, roulant gentiment, me suis-je trouvé sur la même partie de route qu’un bus qui doublait dans un virage et qui, n’étant plus maître de sa vitesse, était déporté sur sa droite, ou qui surgissait tout à coup de derrière un autre véhicule. Leur manière de choisir leur lieu d’arrêt ajoute à leur despotisme. Il faut savoir qu’au Népal il n’y a pas d’arrêt fixe pour les transports en commun. Ici le client est roi, on s’arrête à son signal où que l’on soit. On peut même rajouter que les bus ne s’arrêtent pas n’importe où, sans exagérer on peut dire qu’ils s’arrêtent là où ils gênent le plus la circulation, là où ils peuvent même l’arrêter complètement. Pourquoi ? Ne pensez pas qu’il s’agit d’un désir de nuire, il s’arrête ainsi par nécessité commerciale, ils s’arrêtent de manière à interdire le passage à un concurrent : autre bus, microbus ou simple taxi. On voit ainsi des bus arrêtés en travers, au milieu de la chaussée, dans un virage sans visibilité, dans une portion étroite de la chaussée, au même niveau qu’un autre véhicule arrêté sur l’autre voie… Les carrefours qui desservent quatre routes sont des lieux d’arrêt privilégiés. C’est pourquoi, dans Kathmandu, la majorité des bouchons indescriptibles, imprescriptibles, ceux de Chabahil, de Chakrapath, de Kalenki leur sont imputables. Il m’a fallu une fois quatre heures pour franchir ce dernier carrefour. Autre explication, ils veulent toujours être les premiers pour capter, plus loin, le passager en attente, c’est pourquoi ils démarrent très vite et roulent, même sur de très courtes portions, le plus rapidement possible. Sur route, les conducteurs de bus se conduisent en meurtriers. Il arrive souvent que des accidents de bus fassent 10, 20, 30 victimes ou plus, par choc ou noyade quand ils tombent dans un torrent …