SEISMES AU NEPAL :
CROQUIS 13.
Treize heures trente, nous sommes assis Danzi, Ang Phouty et Damou autour de la table du coin repas de la maison de Golfutar. Lequel de nous trois a commencé une phrase ? Il s’interrompt soudain, la maison bouge, le regard se fixe sur le déplacement latéral des arêtes des murs. La plaque tectonique indienne continue sa lente avancée vers le Nord, elle se glisse sous la plaque tibétaine, la pousse, la comprime, la soulève. Les collines Mahabarat, celles des piémonts himalayens, l’Himalaya poursuivent leur surrection. Lente mais permanente avancée, soulèvement micrométrique ne pouvant être ressenti par les hommes tellement il est faible sauf quand, sous la croûte rigide, des déplacements plus importants les avertissent qu’ils vivent dans un pays de très forte séismicité et qu’un jour se produira un séisme meurtrier. En ce moment, des masses de roche se déchirent quelque part sous nos pieds, nous sommes sur l’une d’elles Quelle partie du cerveau perçoit le phénomène et le transforme en peur ? La sensation est de celle que l’on ressent devant un danger d’une intensité jamais connue tant il est grand. Elle est comparable à celle que l’on éprouve, quand, en montagne, on voit venir vers soi une avalanche, quand on est situé sous la trajectoire d’une chute de pierres. Himalayiste, alpiniste d’Oisans j’en ai connues plusieurs. J’en ai même éprouvé une rare sous le glacier suspendu de la face nord de la pointe Nérot. Alors que je m’apprête à planter un piton, la montagne émet un énorme grondement, puis elle bouge, terrible sensation de basculement dans le vide, je suis en position d’escalade sur de petites prises. Vais-je être arraché ? Ou, le pan de rocher sur lequel je suis agrippé va-t-il lui-même être précipité dans le vide ? Non il se stabilise et le grondement s’éteint. La chute d’une tranche de glace était-elle à l’origine du phénomène ? Terrorisé, je scrute le ciel, tout est immobile au-dessus de moi. La cause, je l’apprendrai au retour au village de Villar d’Arène, des techniciens d’E.D.F., ayant inscrit un projet de barrage dans le vallon de l’Alpe, poursuivent leur campagne de reconnaissances géologiques par des tirs de mine leur permettant de connaître la nature profonde du substratum.
Chaque fois, j’ai vérifié que la peur était immédiate, le temps de réponse du cerveau était très court. Ensuite vient l’étonnement et la réflexion. Il en a été ainsi à Golfutar. La stabilité revenue, chacun regarde les autres en attendant la secousse suivante, elle ne vient pas. Silence interrogatif ! Ang Phouty et Damou sont, comme moi, restées impassibles. Je fixe Danzi, son visage a pris la couleur de la terre. Elle murmure, elle répète le mot kipshak, qui, chez les Sherpas, conjure les forces malfaisantes. Je demande à Damou si de tels mouvements sont perceptibles dans le Khumbu, elle me répond : << oui >> et ajoute : << Souvent des murettes s’effondrent >>. Elle veut parler des murettes en galets ronds séparant les champs qui, nombreuses en pays bothe, présentent toujours un équilibre précaire. Le sourire revient sur nos lèvres, j’explique la faute que nous avons commise, nous aurions dû nous précipiter dans le jardin. Une étonnante curiosité pour ce qui allait suivre m’a bloqué sur ma chaise. L’optimisme qui est en moi est-il intervenu ?
Après un tel phénomène on se dit : à quoi bon entreprendre, poursuivre ce que l’on a entrepris. Tout ce que l’on a réalisé, tout ce que l’on est en train de réaliser peut être détruit en un instant. La mort par écrasement de soi n’est pas grand-chose, celle des connaissances, des voisins est triste, mais celle des membres de sa famille est terrible. Et il y a les blessures, les souffrances, les amputations ! Fatalisme, la vie suit son cours, efface ce qui devrait être un souci permanent, l’oubli vient. Un temps, j’avais coiffé certains des lits des enfants d’une mezzanine protectrice, on sait que des personnes ont été sauvées parce qu’elles s’étaient mises à l’abri sous une table. Je les ai démontées, tous n’en possédaient pas, leur prix était élevé, tirer au sort lequel était favorisé me semblait critiquable. Mais rien n’est oublié, au fond de chacun, lumignon de prudence, veille la crainte. Chacun sait que dans quelques secondes, dans une heure, demain, dans les jours qui vont venir se produiront les secousses fatidiques qui entraîneront la mort de centaines de milliers de Népalais, causeront des dizaines de milliers de misères, de souffrances, détruiront des centaines de constructions.
Kathmandu, mai 2006.
Ancien ingénieur conseil en structures, j’ai écrit un petit texte, édité en plaquette, sur la construction parasismique au Népal. Les curieux, les touristes peuvent se contenter de ne lire que les généralités, ceux qui vont vivre en permanence ou ceux qui vont concevoir, diriger ou construire des bâtiments au Népal peuvent lire la partie technique.
LES SEISMES AU NEPAL.
CONSTRUIRE UN BATIMENT, LOUER UNE HABITATION.
Le territoire du Népal est exposé aux tremblements de terre.
Ce cahier est destiné aux membres d’O.N.G. construisant des édifices et aux résidents cherchant à louer une maison d’habitation. Il expose quelques règles de conception et d’exécution applicables aux constructions parasismiques permettant de construire sans commettre de grosses fautes ou de louer une construction ne présentant pas de trop grands risques d’effondrement. Il ne décrit que les bâtiments de faible hauteur, ceux qui ont deux à trois niveaux. Pour les bâtiments de grande hauteur, bien que ce qui est dit dans ce texte soit applicable, il est indispensable de s’adresser, d’une part à un bureau d’études géotechniques qui définira la nature et les caractéristiques mécaniques du sol d’assise, d’autre part à un bureau d’études spécialisé dans le calcul des structures : bois, métal, maçonneries, béton armé, qui effectuera les calculs de dimensionnement des éléments participant à la stabilité.
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