HIMALAYISME :
CROQUIS 3.A.
DISTINGUO ENTRE ALPINISTES AU TOP ET BONS ALPINISTES :
La foule a besoin de héros, de super men qu’elle peut aduler, mais il n’est pas toujours facile à un non initié de distinguer les véritables grands alpinistes, car c’est la presse généraliste qui place sur le podium national les alpinistes dits au top. La réalité : un grand alpiniste est celui dont le nom s’inscrira dans l’Histoire alpine, ce n’est pas obligatoirement celui qui bénéficie d’une grande publicité momentanée. Je prends mon cas : je n’ai été qu’un bon alpiniste. La très haute altitude avait sur mon organisme des effets normaux, j’étais rapide en glace, en terrain mixte, en terrain moyen, j’étais par contre lent dans le rocher très difficile et j’avais un sens de l’itinéraire incertain. Je n’étais évidemment pas un grand alpiniste. Mais j’ai réalisé la deuxième ascension française de la face nord de l’Annapurna, ascension au cours de laquelle mon compagnon de victoire Yves Morin s’est tué. Voilà qui a suffit pour que Paris-Match, toujours à l’affut de macabre, s’intéresse à notre expédition. J’ai donc eu ma photo, au sommet de ce pic, en première page de cet hebdomadaire. Et voilà pourquoi certains pensent que je suis un grand alpiniste. Avoir sa photo en première page de Match et être un grand alpiniste sont pourtant deux choses très différentes. La deuxième ascension française de l’Annapurna ne sera mentionnée dans l’histoire alpine, si elle l’est, que par quelques lignes. En ce qui me concerne, certaines tentatives sur des itinéraires difficiles qui ont été complètement ignorées des médias, figureront dans l’histoire de l’Himalaya
EXPEDITIONS ECONOMIQUES :
Expéditions ! Pour un alpiniste, que de rêves dans ce mot ! Il évoque, immense flou, la précision n’intervient que dans quelques points de détails qui mettent en valeur les alpinistes, un long voyage, une longue marche d’approche à travers des terres à haut folklore, le dépaysement, le sauvage, la virginité, la démesure, le danger non atténué par la présence de secours proches. L’Aventure en un mot. Mais toutes les choses se fanent, et les expéditions d’aujourd’hui ne sont plus à l’image des expéditions nationales dont le but était de gravir un des plus de 8000 m. de la terre, chacune de celles-ci donnant lieu à parution d’un livre-récit, à production d’un film souvent. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui viennent dans l’Himalaya, non pas pour réaliser un exploit mais pour simplement grimper, gravir un sommet sans prestige.
Pourtant, les méthodes utilisées restent les mêmes : on continue à prendre quantité de serviteurs : coolies, sardar, cook, sherpas d’accompagnement… On voit même des himalayistes qui ne conçoivent pas d’expédition s’ils ne sont pas logés au cours de leur temps de séjour à Kathmandu dans un des grands hôtels de la ville !
Ce texte n’est pas écrit pour ceux qui acceptent de payer des sommes astronomiques pour tenter un des grands sommets, équipé de 1000 mètres de cordes fixes, plus de 2000 fois gravi. Il s’adresse à des jeunes alpinistes qui aimeraient se rendre dans l’Himalaya mais ne le peuvent eu égard aux prix adoptés. Or ces prix sont établis sur la base de pratiques passéistes. Ces jeunes devraient penser à des expéditions comme celles qui se pratiquent sur d’autres hautes montagnes que celles de l’Himalaya : Andes, Alaska, Pamir… Elles se caractérisent par l’utilisation de moyens de transport en commun, le refus de sommets nécessitant l’utilisation d’un avion toujours onéreux, le choix d’hôtels et de restaurants économiques, un personnel réduit au minimum : quelques porteurs pour la marche d’approche, parfois un gardien au camp de base, faisant éventuellement fonction de cook lorsque l’expédition a un officier de liaison. Au cours de la marche d’approche, logement et nourriture pris dans les lodges si celles-ci ne sont pas trop chères ou camping et préparation des repas par les alpinistes eux-mêmes. Dans la face, évidemment, pas de cordes fixes, pas de camps fixes, pas de porteurs d’altitude, la descente en terrain difficile s’effectuant par une série de rappels, portages et préparation des repas par les alpinistes…
A remarquer en préalable que les Cordillères des Andes sont plus éloignées que les himals népalais. Imaginons : lorsque le Népal ouvre ses portes en 1950, il ne crée ni permis de trek, ni permis d’expéditions. Il permet l’accès à toutes les régions, à tous les sommets, de l’est à l’ouest, sur plus de 1200 km. de montagnes, 800 km. à vol d’oiseau. Conséquence d’un tel choix : dès la fin des expéditions nationales, dès qu’est venu le temps des petites expéditions et des trekkings, toute la montagne népalaise reçoit des visiteurs. Du Biasrishi himal à l’Umbach himal, des lodges, des pasals, du travail pour des coolies, l’espérance d’une progression professionnelle… Combien de jeunes trekkeurs ou alpinistes occidentaux, Japonais… ont été rebutés par la nécessité d’obtenir un permis ? d’être accompagnés par un officier de liaison ? d’avoir à payer des sommes énormes pour visiter certaines régions : Dolpo, Manaslu… Combien auraient été attirés par le plaisir de la découverte de vallées inconnues, de pics inconnus… Si l’on prend comme exemple la découverte des Alpes par les Anglais, la traversée de cols aurait été une activité très recherchée. Hélas ! le permis a enfermé les touristes dans un site défini avec interdiction d’en sortir. Il fut un temps où une face ne pouvait recevoir qu’une expédition ! La faute à qui ? Aux décideurs de l’administration qui n’ont vu que la rentrée immédiate de devises apportée par ces taxes. Ils n’ont même pas pensé aux impôts qui pourraient être prélevés sur les agences, les transporteurs, les hôteliers, les commerçants… La faute aux agences étrangères qui auraient pu tenter d’influencer les décideurs népalais – elles avaient tout à gagner de la suppression des permis - aux médias spécialisés qui n’ont pas fortement exprimé de critiques sur cette façon de faire. Une meilleure répartition des touristes eut aussi évité la création de zones riches jouxtant des zones restées pauvres. Khumbu et Annapurna, Langtang… Ce choix aurait eu une conséquence difficile à estimer mais certaine sur le mouvement maoïste. << Il n’y a ni bonheur ni malheur, il n’y a que la comparaison d’un état à un autre >>, le mouvement maoïste s’est principalement développé dans les régions sans touristes.
Est-il trop tard ? Un Népal libre d’accès, des touristes partout, certains encadrés par des agences : quel champ d’action élargi pour elles ! d’autres libres. Et qui découvrent et qui racontent et qui écrivent… Que d’articles originaux à transcrire, le gnian gnian des revues spécialisées serait bien émoussé !
Revue CIMES, du Groupe de Haute montagne. Courrier à Stéphane Bauzac, Maison de la Montagne, 190, place de l’Eglise, 74.400.Chamonix. Dans le dernier numéro qui reste dans la lignée initiée par le regretté Pierre Chapoutot, des récits d’ascensions engagées, des nouvelles, des textes de réflexion, des dessins d’Andy Parkin inspirés de ces très aventureuses ascensions en Patagonie.
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