Cancer
Concernant les stations de base, les données disponibles ne donnent aucune indication de l’existence d’un risque. Néanmoins, en raison de la demande sociale, s’il était possible de vérifier ce point, le groupe d’experts recommanderait de le faire. Mais aucune des méthodes épidémiologiques disponibles (écologiques, cas-témoins ou de cohortes…) ne permettrait de produire des informations valides en raison du caractère infinitésimal, s’il existe, du risque, et du nombre élevé de facteurs de confusion potentiels.
Divers types d’étude peuvent être réalisées au sujet des téléphones mobiles : études écologiques, études cas-témoins en population, études de cohorte, registres de sujets exposées. Les études écologiques ne paraissent pas appropriées en l’état actuel des connaissances.
Les études cas-témoins en population sont clairement le protocole de choix au stade actuel pour tenter de répondre rapidement aux interrogations concernant les effets cancérigènes de l’utilisation du téléphone mobile. En raison du caractère relativement récent de l’usage des « kits mains libres » et du recul nécessaire, cette approche rétrospective ne peut concerner que les tumeurs du cerveau, du nerf acoustique et des glandes salivaires. Aujourd’hui, alors que les résultats de l’énorme étude du CIRC (projet ‘Interphone’, étude cas-témoins sur les tumeurs du cerveau, du nerf acoustique et - mais pas en France - de la parotide) qui est en cours dans 13 pays, avec un effectif de cas garantissant une excellente puissance seront disponibles dans 3 ou 4 ans, il n’est certainement pas raisonnable de proposer de développer de nouvelles études de ce type en France, alors même qu’une équipe française participe à l’étude internationale du CIRC. Il faudrait veiller au financement de la partie française de cette étude.
Par contre, il serait important d’insister sur l’intérêt des grandes études de cohorte professionnelle de mortalité, comme il en existe plusieurs dans divers pays. Ce type d’étude est relativement facile à mettre en place en France, grâce aux nouveaux dispositifs de suivi de la mortalité. Par ailleurs, il existe un contexte a priori favorable : existence de grandes entreprises disposant de fichiers informatisés du personnel incluant des histoires professionnelles complètes, d’équipes techniques et de recherche connaissant bien les expositions diverses aux radiofréquences et aux autres cancérigènes potentiels. Il faudra cependant veiller à mettre en place les dispositifs qui garantissent la qualité méthodologique (il n’existe pas d’équipes d’épidémiologie dans les entreprises) et l’indépendance des recherches. L’enregistrement de certaines catégories de travailleurs ‘très exposés’, proche de la recommandation du rapport Stewart, pourrait être effectué en parallèle de la constitution de telles cohortes professionnelles qui peuvent en constituer la base principale, même s’il serait judicieux de les compléter par d’autres types d’utilisateurs ; de tels registres doivent évidemment être couplés avec un suivi de la mortalité par causes.
L’idée d’une cohorte en population proposée par le rapport Stewart semble difficile à mettre en œuvre pour ce qui concerne les risques de cancer, en raison de l’effectif énorme qu’il faudrait mobiliser et suivre durant de très longues années ; en tout état de cause, un tel effort ne peut se concevoir qu’à l’échelle internationale (il faut cependant considérer qu’à juste titre, le CIRC n’a pas choisi un tel protocole, mais une approche cas-témoins).
Il faut également, dans une optique de surveillance à long terme (voir plus loin), s’interroger sur les évolutions technologiques en cours et à venir, ainsi que sur les modifications dans les modalités d’utilisation du téléphone mobile qui amènent à exposer d’autres parties du corps. Actuellement, s’il est clairement prématuré d’envisager des études cas-témoins concernant d’autres localisations de cancer, on peut penser que la mise en place de cohortes prospectives en milieu professionnel est la meilleure réponse à cette préoccupation.
Autres recherches épidémiologiques
Les travaux visant à mieux connaître les expositions au niveau populationnel (incluant des « registres » de personnes ‘plus fortement’ exposées, comme on l’a signalé plus haut), sont nécessaires pour diverses raisons : (i) du fait des préoccupations du public concernant les effets éventuels du téléphone mobile, il est justifié de pouvoir donner une information fiable et indépendante des expositions dans la population ; (ii) plusieurs des protocoles épidémiologiques envisagés ici seront largement facilités par la disponibilité de données d’exposition au niveau populationnel.
Ces travaux peuvent prendre diverses formes : campagnes de dosimétries individuelles , modélisation à partir des données concernant les stations de base et l’utilisation du téléphone mobile.
Des recherches en sciences sociales sont nécessaires : aspects psychologiques et sociologiques de l’usage des téléphones mobiles, comportements des utilisateurs, perception du risque associé au téléphone mobile, notamment, sont des domaines pour lesquels des études de qualité auront une importance considérable quand on considère qu’une « situation de crise » est en voie d’émergence.
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