7-Réponse aux questions écrites 1. Les données scientifiques actuelles relatives aux possibles effets sanitaires des CEM-RF justifient-elles une révision du dispositif européen de limitation de l'exposition du public aux CEM-RF ?
La réponse à cette question se fonde sur un rapport publié en mai 2000, en langue anglaise, intitulé « Physiological and environmental effects of electromagnetic radiation », par Messieurs Jean-Pierre Chevillot, Jean-Pierre Husson et Philippe de Montgolfier, dans le cadre des activités de la Société Essor-Europe.
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Méthodologie du rapport.
Initialement destiné à une lecture politique, ce rapport a suivi délibérément une approche didactique. Afin de permettre à des personnalités non spécialisées de comprendre les principaux éléments du sujet et de se faire une opinion objective sur les questions posées, ce rapport a cherché à permettre de se repérer parmi des informations disponibles en très grand nombre, touchant des approches et des domaines scientifiques et techniques très divers, et de valeurs très inégales.
D'une part, on a présenté une analyse comparative et synthétique des résultats, en fonction des domaines de fréquences et en fonction des phénomènes biomédicaux en jeu dans l'interaction d'un être humain avec son environnement électromagnétique.
D'autre part on s'est entouré de solides garanties quant à la validité scientifique des résultats pris en considération. Une attention particulière a été apportée dans l'exposé des sources d'informations utilisées et des critères retenus, dans la présentation des résultats, en distinguant explicitement ceux qui ont été validés de ceux qui prêtent encore à discussions et/ou pour lesquels les réplications entreprises ne sont pas terminées, en écartant les résultats qui n'ont pas fait l'objet d'une discussion par la communauté scientifique internationale. On s'est fondé pour cela sur les organisations reconnues.
Le rapport comporte deux parties principales. La première expose les principaux sujets qui ressortent de l'étude ainsi que des éléments de conclusion et de recommandations à l'intention des parlementaires européens. La seconde présente les arguments à l'appui de la première. Une dernière partie très sommaire concerne les éléments de base en électromagnétisme et en biologie.
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Principales options et recommandations
Principales options scientifiques
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compléter les études épidémiologiques - qui ne prouvent ni l'absence ni l'existence de risque - par des études cliniques de cas symptomatiques afin de disposer de meilleures bases d'interprétation des résultats ;
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porter une attention particulière aux sous-populations plus fragiles, notamment les enfants, les personnes âgées et les personnes sous traitements médicaux ;
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rechercher des raisons possibles, tant physiologiques que psychologiques, à une sensibilité particulière de certaines personnes aux champs électromagnétiques ;
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remédier au déficit des connaissances de base sur les mécanismes d'interactions en jeu lors de l'exposition d'un être humain à un environnement électromagnétique de plus en plus prégnant ;
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continuer à soutenir au plan européen les recherches interdisciplinaires, ainsi que la coordination des activités des différentes équipes travaillant en Europe sur les effets biomédicaux des champs électromagnétiques qu'assure l'action COST 244 d'une manière très satisfaisante.
Principales options et recommandations politiques
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Les résultats de recherche actuels ne mettent pas en évidence une probabilité de risque qui justifierait une modification des valeurs de l'ICNIRP sur lesquelles sont basées les recommandations du Conseil de l'Union européenne de juillet 1999 et les réglementations d'une majorité de pays européens. En revanche, il serait utile de transformer cette recommandation en directive afin de supprimer les disparités existant entre les réglementations des pays européens. En effet, ces disparités suscitent au plan social des inquiétudes dans la population et, au plan économique, des difficultés chez les constructeurs et opérateurs industriels concernés.
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Le principe de précaution tel qu'il est présenté, notamment par la Commission européenne, n'apparaît pas susceptible d'apporter une réponse réelle aux questions posées dans ce domaine faute d'un risque avéré. Il serait donc utile de l'assortir d'un principe de vigilance fondé sur une attention documentée et responsable des personnes à leur environnement électromagnétique (le terme employé dans le rapport est celui de « educated and responsible awareness »), permettant la mise en œuvre d'une politique de prévention raisonnable contre des risques éventuels en cette matière. Dans ce contexte, les efforts d'information et d'éducation de l'opinion publique doivent être intensifiés afin de permettre à la population de se faire une idée objective des problèmes évoqués.
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Il devrait être possible d'effectuer une évaluation technique qualifiée de l'environnement électromagnétique domestique et professionnel lorsque des personnes le demandent. En outre, les paramètres d'exposition des usagers aux champs électromagnétiques lors de l'utilisation des appareils domestiques et professionnels qui en émettent devraient être indiqués par les fabricants. Enfin, une cartographie des zones exposées aux champs électromagnétiques que génèrent les grandes installations devrait être effectuée et rendue accessible au public.
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Pareillement, compte tenu de la technicité croissante de la problématique des champs électromagnétiques au plan socio-économique, il serait intéressant de procéder à une enquête de type Delphi au plan européen pour y créer les conditions d'un dialogue constructif et permanent entre le public, les industriels, les scientifiques, les pouvoirs publics concernés et les media sur les sujets en cause.
Quelle est la tendance actuelle des mesures réglementaires adoptées par les Etats membres de l'UE et par leurs voisins, concernant l'exposition du public aux CEM-RF ?
Malgré la recommandation adoptée par le Conseil en juillet 1999, les normes d'exposition aux champs électromagnétiques ne sont pas harmonisées entre les différents pays européens. Le rapport détaille les cas particuliers de l'Italie et de la Suisse. S'agissant de l'ensemble des pays, ils peuvent être répartis actuellement en six catégories :
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Les pays suivant les normes de l'ICNIRP et les recommandations du Conseil. Cette catégorie inclut l'Autriche, l'Allemagne, la France, l'Irlande, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède.
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La région suivant l'ICNIRP mais préparant de nouvelles réglementations dans le sens d'un durcissement. La région wallonne en Belgique prépare une norme à 3 V/m.
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Les pays ne suivant pas l'ICNIRP et ayant des réglementations plus sévères. L'Italie avec 6 V/m (mais 20 V/m dans les lieux où les personnes ne séjournent pas plus de 4 h/j). En Suisse, il est prévu 4 V/m pour les stations émettant à 900 MHz, 6 V/m pour les stations émettant à 1 800 MHz et au-dessus ; 5 V/m pour les stations émettant dans les deux bandes.
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Le pays ne suivant pas l'ICNIRP et ayant des réglementations moins sévères. Il s'agit de la Grande-Bretagne avec un DAS de 0,4 W/kg, soit une densité de puissance de 26-33 W/m2 pour 800-1 000 MHz et 100 W/m2 pour 1 800-1 900 MHz.
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Le pays ne suivant pas l'ICNIRP et n'ayant pas de réglementation. Il s'agit de la Grèce.
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Les pays n'ayant pas encore pris position. Cette catégorie rassemble le Danemark, l'Espagne, la Finlande et le Luxembourg.
8-Discussion avec les membres du groupe d’experts
Q : Le texte de l'Union européenne sur le principe de précaution, de février 2000, s'appuie notamment sur la nécessité de disposer de données scientifiques, et sur les principes de proportionnalité et de cohérence (des mesures de même ordre doivent être mises en œuvre dans des domaines comparables). On constate que dans le cas de la vache folle, le principe de précaution a été adopté de manière très stricte en 1996, avec des conséquences majeures pour le monde agricole, alors que n'existaient pas les connaissances scientifiques dont on dispose aujourd’hui. A côté de cela, dans le domaine des CEM-RF, on demande des faits scientifiques fortement avérés pour modifier une réglementation, qui est aujourd’hui assise sur les seuls effets thermiques. Le principe de cohérence est-il respecté ?
R : Dans le cas des champs électromagnétiques, il ne paraît pas souhaitable de fonder les normes sur des effets supposés ou suspectés. Il n'existe pas de risque avéré pour fonder l'approche du principe de précaution. C'est là une différence notable entre le cas de l'ESB et celui de l'exposition aux CEM tels que ceux émis en téléphonie mobile. La seule invocation du principe de précaution me semble dans ces conditions inappropriée et insuffisante. Il importe davantage à mon sens que la population soit consciente des responsabilités actives qui lui échoient en matière de vigilance, et de lui donner les moyens de les assumer, plutôt que de susciter chez elle des idées fausses en matière de risques et une attitude passive à l'abri d'un principe de précaution sans objet défini. Dans le cas de la téléphonie mobile par exemple, il serait utile que la population soit attentive à l'usage qu'elle en fait, selon ce que notre rapport dénomme le principe d'attention objective et responsable (« educated and responsible awareness »), et qu'elle soit notamment vigilante en ce qui concerne le cas particulier des enfants qui deviennent un marché pour les téléphones mobiles, peuvent en user et mésuser.
Q : Existe-il des éléments permettant de mieux comprendre l'avis des personnes autorisées sur les effets biologiques et sanitaires des téléphones mobiles sur les enfants ?
R : A la question "pensez-vous que les enfants puissent être plus vulnérables que les adultes à des risques éventuels ?", les réponses des experts consultés ont été les suivantes :
a) Les industriels très majoritairement ne s'estiment pas qualifiés pour répondre ou ne considèrent pas que la question se pose faute d'effets mis en évidence. L'un dit cependant qu'il n'est pas possible de répondre non. Une réponse industrielle à la question est absolument positive. Une autre estime que la réponse dépend de l'hypothèse que l'on fait, soit qu'on pense que les effets sont trop faibles pour être observés, soit qu'on pense qu'il y a des mécanismes de compensation. Dans ce dernier cas, la réponse est à l'évidence positive.
b) Les scientifiques sont tous affirmatifs quant à la vulnérabilité potentielle des enfants sauf deux. Une réponse affirmative estime aussi que la vulnérabilité de certaines personnes est possible si les effets rapportés sur l'expression des protéines sont vrais.
c) Un scientifique estime que les connaissances relatives à la manière spécifique dont les enfants pourraient interagir avec les CEM font actuellement largement défaut.
d) Un responsable d'institution internationale considère que le cas des enfants doit être pris en considération et invoque des spécificités comme le seuil de perception des courants de contact à 50 Hz qui est plus bas chez les enfants que chez les adultes.
Compte tenu des arguments, souvent contradictoires, rencontrés dans la littérature, le rapport conclue qu'il est nécessaire de se préoccuper spécifiquement du cas des enfants. Il n'a pas estimé être en mesure d'aller plus loin au plan des mesures éventuelles que de recommander de créer les conditions de cette "educated and responsible awareness" comme moyen de prévention active.
Q : Votre rapport recommande-t-il de faire des études chez les enfants pour voir s'ils sont particulièrement sensibles du point de vue neurophysiologique ou sur un autre plan ? Pourquoi l'énergie absorbée par le crâne d’un enfant serait-elle plus faible que pour un adulte, pour une exposition identique?
Remarque technique : C'est une question de couplage : l'impédance réalisée par le couple tête/téléphone est moins importante, ce qui signifie qu'il y a plus de diffusion du rayonnement électromagnétique vers l'extérieur que vers la tête du fait de la morphologie globale de la tête de l’enfant.
R : Notre rapport souligne l'importance de remédier à l'insuffisance des connaissances en matière d'interaction de l'être humain avec les CEM. C'est particulièrement le cas des conditions particulières qui caractérisent l'enfant. Il est difficile de conduire des études portant sur des enfants pour des raisons éthiques. Cependant une attention particulière peut leur être portée dans les études épidémiologiques comme cela a été le cas avec les études épidémiologiques portant sur la leucémie de l'enfant. La recherche biomédicale devrait semble-t-il s'efforcer de trouver des moyens d'études spécifiques permettant d'améliorer les connaissances relatives aux conséquences possibles à l'exposition des enfants aux CEM. La question qui n'est pas absolument éclaircie des conséquences à long terme des expositions longues à faible dose rend certes la tâche encore plus ardue.
Q : Avez-vous débattu de la question du principe d'optimisation dans la mesure où la recommandation émise par l'Union européenne en 1999 risque de se transformer en directive ? Ecartez-vous le principe ALARA ? Selon les auditeurs que nous avons reçus ce matin, les objectifs technologiques les conduisent à optimiser et donc à réduire les doses : ils tendent donc à adopter le principe ALARA et ce sans justifications sanitaires.
R : Notre rapport met l'accent sur le principe ERA (« educated and responsible awareness »). Il implique l'optimisation de l'environnement électromagnétique à laquelle se réfère notre rapport. Nous avons recueilli des avis divergents sur le principe ALARA : selon certains, il ne serait pas applicable dans le domaine des téléphones mobiles.
Q : En raison du déficit de connaissances de base que vous constatez dans votre rapport, préconisez-vous des recherches fondamentales sur l'animal en croissance ?
R : De telles recherches seraient utiles. Celles qui ont été effectuées jusqu'à maintenant n'ont pas indiqué de résultats différents selon les diverses phases de développement, mais elles n'ont pas été assez nombreuses ni peut-être assez approfondies. D'une manière générale, une amélioration des connaissances sur les mécanismes d'interaction entre un être vivant et les champs électromagnétiques qui l'entourent fournirait des résultats utilisables dans de multiples domaines.
Q : Dans le cas particulier des enfants, nous nous heurtons à un problème éthique. Par conséquent, comment peut-on orienter la recherche (recherche sur l'animal en croissance, recherche sur des cellules en croissance, recherche sur les gonades) ?
R : L'appréciation des solutions à apporter à ce problème de l'orientation éthique des recherche ressort largement de la compétence et de la responsabilité des chercheurs eux-mêmes. Une approche pourrait consister - à partir des connaissances de base sur le développement de l'enfant et sur les interactions avec les champs électromagnétiques - à développer une meilleure capacité d'analyse a priori des effets spécifiques, possibles ou non, à tel ou tel stade de développement.
Q : Il s'agirait donc de mettre l'accent à la fois sur la croissance et les cofacteurs de risque.
R : L'hypothèse évoquée plus haut de mécanismes de compensation assurant une sorte d'homéostasie dans l'organisme vis à vis de paramètres pouvant être sensibles à l'environnement électromagnétique, demanderait à être clarifiée. Une telle éventualité pourrait en effet expliquer que certains résultats observés, notamment en matière d'épidémiologie, soient dus à des déficiences de tels mécanismes chez des fractions infimes de la population. Par ailleurs, s'agissant des cofacteurs de risques, on remarque par exemple que l'hypersensibilité de certaines personnes aux CEM n'est pas tant liée aux CEM eux-mêmes qu'à la crainte de ces personnes envers les CEM. Il est souhaitable d'étudier les personnes hypersensibles avérées car on trouvera peut-être parmi elles des cas symptomatiques dont l'étude en fonction de paramètres multiples pourrait faire progresser la connaissance d'aspects particuliers.
Remarque technique : Il est nécessaire de distinguer le niveau épidémiologique du niveau psychologique et donc de faire la différence entre les personnes qui se prétendent hypersensibles à l'électricité et qui ne le sont pas objectivement et les personnes sensibles à l'électricité parce que les champs constituent dans leur cas un co-facteur dans des pathologies. Certaines personnes sont également sensibles sans le savoir.
Audition de Madeleine BASTIDE
Professeur Emérite, Faculté de Pharmacie de Montpellier
I. Réponse aux questions écrites 1. Parmi les travaux expérimentaux récents concernant les effets biologiques des CEM-RF (protéines de choc thermique, mortalité des embryons de poulet, accroissement de l'ornithine décarboxylase...), quels sont ceux qui vous paraissent de bons témoins de possibles risques pour la santé des usagers des téléphones mobiles ?
Les protéines de choc thermique sont liées au stress, elles représentent un système de défense face à une agression. Ces molécules défensives sont simples. Nous avons également effectué des mesures sur les hormones de stress chez la souris.
Les conditions expérimentales de notre test sont particulières : pour raisons financières nous avons travaillé en appel, non en communication, avec un téléphone et une mobicarte, c'est-à-dire sans abonnement. La Faculté nous a procuré une ligne muette avec un numéro d'appel permanent et un système d'appel toutes les trois minutes. Nous nous sommes donc placés dans un cas extrême, en système d’exposition continue (appel sortant): notre téléphone appelait un Numéro avec sonnerie pendant 1 minute puis repos 2 minutes, au total 3 minutes , puis nouvel appel etc…).
Avant d'effectuer un test avec des téléphones, nous avions mené une expérience avec les ordinateurs. Sur les écrans de visualisation, nous avions constaté une modification du rapport CD5/CD20 (lymphocytes B immatures/lymphocytes B mûrs). Nous avons utilisé le modèle des poulets dont nous disposions en laboratoire. Au bout de trois semaines d'incubation, nous avons constaté une mortalité des œufs d'environ 40 %. Nous avons mis les survivants dans une cage devant un écran d'ordinateur, avec un voile noir. Nous avons ensuite procédé au dosage d'anticorps, de corticostérone et de mélatonine. Nous avons alors constaté un effondrement de la mélatonine et une diminution importante de la corticostérone comme des anticorps spécifiques.
Forts de cette expérience, nous avons ensuite gardé le même modèle avec évaluation de la seule mortalité des embryons pour le test avec les téléphones mobiles.
2. Comment faites-vous l'extrapolation de l'embryon de poulet à l'homme ? Quels sont les risques pour l'homme que prédiraient les résultats de vos travaux ? A votre avis, votre travail pose-t-il le problème des émissions basse fréquence des téléphones mobiles ?
Tout d'abord, nous avons adopté une approche toxicologique, en effet intense, avec un système d'appel, ce qui n'est pas une condition classique puisque le téléphone est principalement utilisé pour la communication. Néanmoins, avant d'obtenir leur communication, les utilisateurs sont également en situation d'appel bien que pour une durée moindre que celle que nous avons retenue pour notre test.
Nous avons effectué un test de mutagénèse sur des bactéries (test d’AMES ) qui s’est révélé négatif. Un test de mutagenèse positif sur la bactérie suggère une potentialité de mutagenèse chez l'homme. La mortalité des embryons observée dans nos expériences vient plutôt des altérations des séquences de développement de l’embryon. Par conséquent, l'embryon de poulet connaissant les mêmes séquences de développement que l'embryon humain, l'extrapolation est plus évidente que dans le cas de la bactérie. Le groupe de Jocelyne Leal à Madrid s'est intéressé à d'autres champs en électromagnétiques (champs pulsés de basse fréquence) effectuant des travaux sur 48 heures : ils ont décelé des anomalies (développement anormal, malformations...) sur les deux premiers jours. Pour notre test sur les embryons de poulet, nous n'avons pu analyser les anomalies du développement, pour des raisons financières bien que nous ayons conservé des séries d’embryons fixés au moment de leur mort dans du liquide de fixation pour détecter des anomalies, travail qui peut encore être réalisé. Nous avons donc juste fait de la phénoménologie en comptant les embryons morts. Je pense que leur mort est due à des anomalies de leur développement et à des modifications de leur structure.
L'approche toxicologique qui est la nôtre est comparable à celle utilisée dans l’étude des médicaments qui conduit à préconiser une utilisation raisonnée de médicaments ayant des effets toxiques. Dans le cas des téléphones mobiles, nous sommes à mon avis dans une situation de tératogenèse due à un développement anormal de l’embryon. Si, d’après nos résultats, le téléphone mobile est assimilé à un médicament tératogène – « médicament » plus que particulier puisque le téléphone mobile est utilisé par une grande proportion de la population -, il est déconseillé de le confier à des populations à risque ou à des enfants.
II. Discussion avec les membres du groupe d’experts
Q : Que nous apprennent ces résultats sur le niveau d'exposition ?
R : Il est difficile de répondre à cette question à partir de notre test qui s'est déroulé dans des conditions particulières en système d'appel vers une ligne extérieure sans communication. Il est nécessaire d'étudier ce qui se produit lors d'appels avec communication établie de courte et de longue durées.
Q : Peut-on dire par extrapolation que le risque envisageable pour une femme enceinte portant un téléphone mobile à la ceinture serait une mortalité embryonnaire ?
R : Notre recherche ne portait pas sur ce sujet mais, en tant que modèle expérimental, il permet d'ouvrir des pistes. En outre, j'ai été en contact avec des infirmières portant toujours leur téléphone mobile à la ceinture et qui ont été « victimes » d’avortements spontanés, des modifications cérébrales de l’embryon étant observables, ce qui pouvait représenter des cas particuliers.
Q : Votre modèle expérimental consiste en une multiplicité de séquences d'appel qui ne sont pas représentatives du fonctionnement normal d'un téléphone. Comment est-il possible d'extrapoler à partir d'une situation transitoire vers le problème général du téléphone ?
R : Il est nécessaire de procéder à des expérimentations complémentaires. Notre modèle peut être utilisé dans différents cas de figure. En ce qui concerne nos modalités opératoires, nous avons répété notre expérience plusieurs fois et nous obtenons toujours les mêmes résultats. Nous avons travaillé en parallèle avec un incubateur contenant les mêmes œufs que ceux placés dans la pièce : nous avons toujours obtenu le même taux de mortalité d'embryons exposés comparés aux témoins. L’augmentation de température due au fonctionnement du téléphone ne peut constituer un biais car la pièce que nous avons utilisée était thermostatée avec quatre sondes placées autour et au milieu du plateau d’ œufs et nous n’avons constaté aucune différence significative (38 ± 0,5 °C).
Monsieur Bouillet de la Société Bouygues-Telecom a accepté de nous aider à répliquer ce travail avec la collaboration de Supélec et avec deux équipes différentes : il s’agit du Laboratoire de Bioélectromagnétisme de Jocelyne Leal à Madrid et de l'INRA de Tours, spécialisé dans les oiseaux.
Q : Vous semblez attribuer les effets à la présence de champs magnétiques de très basse fréquence dans les téléphones. Pourriez-vous apporter des explications plus détaillées ?
R : Comme nous avions obtenu un effet de mortalité par les écrans d’ordinateurs, nous savions qu'il ne s'agissait pas de hautes fréquences (effet micro-ondes). Nous avons arrêté le passage des hautes fréquence émises par le téléphone en plaçant une grille de cuivre de maille de 350 micromètres de diamètre que nous avons reliée à la terre et placée au-dessus des œufs sans les toucher, et au dessus de laquelle nous avons placé le téléphone dans les mêmes conditions que précédemment. Nous avons obtenu la même mortalité que sans la plaque . Nous avons procédé à l'identique avec des souris et avons constaté les mêmes chutes de corticostérone et d'ACTH que nous avions remarquées sans la plaque.
Q : Avez-vous tenté une analyse sur des souris gestantes ?
R : Pas pour l'instant.
Q : Votre conclusion est-elle un risque possible de tératogénèse ?
R : En conclusion, je dirai que j'ai des résultats expérimentaux qui sont répétables prouvant des modifications importantes de la viabilité des embryons de poulets exposés. On ne peut pas dire que le téléphone mobile soit inoffensif. Les ordinateurs me paraissent toutefois plus dangereux que les téléphones cellulaires car les utilisateurs passent plusieurs heures devant leurs écrans et sont à proximité de l'écran entre 50 et 80 cm comme les œufs que nous avions exposés. Cependant, si le sujet passe plusieurs heures devant son ordinateur et avec son téléphone mobile en état de marche, il est possible que se produise un phénomène de synergie et d'aggravation.
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