Les telephones mobiles


c- Etudes épidémiologiques



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c- Etudes épidémiologiques

Hormis le risque d’accident de circulation lié à l’utilisation du téléphone mobile pendant la conduite, qui est clairement avéré et grave, les autres effets pour la santé humaine restent actuellement à l’état d’hypothèses plus ou moins argumentées. Il est donc nécessaire, comme le recommandent tous les comités qui se sont prononcé la question, de développer des recherches épidémiologiques, d’autant que certains des effets envisagés sont graves du fait de leur sévérité et/ou du nombre élevé de cas potentiellement attribuables à l’utilisation des téléphones mobiles.


Les recommandations pour la recherche épidémiologique doivent être distinguées selon la nature des effets attendus, en séparant notamment cancer et effets bénins à court terme (céphalées, migraines, troubles du sommeil, « syndrome des radiofréquences », etc.). En effet, les protocoles épidémiologiques diffèrent considérablement par leur méthode, leur faisabilité et leur coût selon les effets à étudier.

Effets bénins à court terme



C’est de façon prioritaire l’exposition aux téléphones mobiles qui doit être étudiée, plus que la proximité des bases, en raison des très faibles niveaux d’exposition correspondant à celles-ci. Des protocoles divers peuvent être mis en œuvre : études transversales, études cas-témoins et cohortes prospectives.
Les études transversales sont relativement faciles à réaliser et peuvent être menées rapidement à moindre coût, mais ont des limites sévères en termes d’interprétation de causalité ; elles ne peuvent apporter que des hypothèses, et ne permettent jamais de conclure. S’il est possible d’obtenir des données d’utilisation de la part des opérateurs pour les mêmes sujets, la validité de telles études serait renforcée. Une étude transversale reposant sur un échantillonnage permettant de contraster de façon adéquate la résidence à proximité de base pourrait avoir une utilité en termes de génération d’hypothèses, ou pour infirmer des effets qui sont actuellement sans fondement scientifique.
Les études cas-témoins présentent également des difficultés d’interprétation si elles ne suivent pas un protocole particulièrement rigoureux pour éviter les biais d’information, car les sujets considérés comme des cas ont certainement plus tendance à attribuer leurs troubles à l’utilisation du téléphone dans un contexte où la possibilité d’effets de santé des téléphones est largement médiatisée.
Les études de cohorte prospective (« contemporaines ») sont les mieux adaptées, car elles permettent de prendre en compte l’étude d’effets très diversifiés, ainsi que l’évolution au cours du temps des technologies et des modes d’utilisation des téléphones mobiles si la durée de suivi est suffisamment longue. Les effets bénins soupçonnés sont essentiellement fréquents et à court terme. De ce fait, il n’est pas nécessaire de mettre en place des cohortes de très grande taille, et des résultats fiables pourraient être obtenus assez rapidement, surtout s’il est possible de disposer de données d’utilisation effective des téléphones mobiles de la part des opérateurs. On pourrait proposer de s’appuyer sur des cohortes prospectives existantes, comme les cohortes SUVIMAX ou GAZEL, pour y greffer des études spécifiques sur les effets des téléphones mobiles, ce qui présenterait plusieurs avantages (économie, rapidité), puisqu’elles sont déjà en place et qu’elles disposent déjà depuis plusieurs années, pour certaines, de recueils de données sur les effets d’intérêt. Une telle approche méthodologique permettrait d’inclure aisément et de façon économique des études sur le « bien-être », comme le recommande le rapport Stewart.
Les groupes fragiles ou sensibles doivent faire l’objet d’études spécifiques, ainsi que les sujets très exposés en milieu professionnel. A côté d’études en population générale, il serait donc judicieux de proposer des études concernant notamment les enfants, les adolescents, les sujets migraineux, ainsi que des études dans des entreprises ou des professions choisies de façon adéquate.

Accidents de circulation

Bien que le risque d’accident occasionné par l’utilisation de téléphone mobile pendant la conduite de véhicules soit clairement avéré et élevé, le groupe d’experts recommande la réalisation de nouvelles recherches épidémiologiques en France, pour deux raisons : (i) il serait utile de disposer de données épidémiologiques comparant les risques respectivement associés à l’usage du téléphone mains libres et à la conversation avec un passager, afin de confirmer les résultats de travaux expérimentaux sur ce point ; (ii) sur le plan de la prévention, des résultats acquis dans le contexte national auraient à l’évidence un plus fort impact sur le public (et les pouvoirs publics) pour mettre en œuvre de façon plus efficace qu’aujourd’hui les mesures qui s’imposent.



Cancer

Concernant les stations de base, les données disponibles ne donnent aucune indication de l’existence d’un risque. Néanmoins, en raison de la demande sociale, s’il était possible de vérifier ce point, le groupe d’experts recommanderait de le faire. Mais aucune des méthodes épidémiologiques disponibles (écologiques, cas-témoins ou de cohortes…) ne permettrait de produire des informations valides en raison du caractère infinitésimal, s’il existe, du risque, et du nombre élevé de facteurs de confusion potentiels.


Divers types d’étude peuvent être réalisées au sujet des téléphones mobiles : études écologiques, études cas-témoins en population, études de cohorte, registres de sujets exposées. Les études écologiques ne paraissent pas appropriées en l’état actuel des connaissances.
Les études cas-témoins en population sont clairement le protocole de choix au stade actuel pour tenter de répondre rapidement aux interrogations concernant les effets cancérigènes de l’utilisation du téléphone mobile. En raison du caractère relativement récent de l’usage des « kits mains libres » et du recul nécessaire, cette approche rétrospective ne peut concerner que les tumeurs du cerveau, du nerf acoustique et des glandes salivaires. Aujourd’hui, alors que les résultats de l’énorme étude du CIRC (projet ‘Interphone’, étude cas-témoins sur les tumeurs du cerveau, du nerf acoustique et - mais pas en France - de la parotide) qui est en cours dans 13 pays, avec un effectif de cas garantissant une excellente puissance seront disponibles dans 3 ou 4 ans, il n’est certainement pas raisonnable de proposer de développer de nouvelles études de ce type en France, alors même qu’une équipe française participe à l’étude internationale du CIRC. Il faudrait veiller au financement de la partie française de cette étude.
Par contre, il serait important d’insister sur l’intérêt des grandes études de cohorte professionnelle de mortalité, comme il en existe plusieurs dans divers pays. Ce type d’étude est relativement facile à mettre en place en France, grâce aux nouveaux dispositifs de suivi de la mortalité. Par ailleurs, il existe un contexte a priori favorable : existence de grandes entreprises disposant de fichiers informatisés du personnel incluant des histoires professionnelles complètes, d’équipes techniques et de recherche connaissant bien les expositions diverses aux radiofréquences et aux autres cancérigènes potentiels. Il faudra cependant veiller à mettre en place les dispositifs qui garantissent la qualité méthodologique (il n’existe pas d’équipes d’épidémiologie dans les entreprises) et l’indépendance des recherches. L’enregistrement de certaines catégories de travailleurs ‘très exposés’, proche de la recommandation du rapport Stewart, pourrait être effectué en parallèle de la constitution de telles cohortes professionnelles qui peuvent en constituer la base principale, même s’il serait judicieux de les compléter par d’autres types d’utilisateurs ; de tels registres doivent évidemment être couplés avec un suivi de la mortalité par causes.
L’idée d’une cohorte en population proposée par le rapport Stewart semble difficile à mettre en œuvre pour ce qui concerne les risques de cancer, en raison de l’effectif énorme qu’il faudrait mobiliser et suivre durant de très longues années ; en tout état de cause, un tel effort ne peut se concevoir qu’à l’échelle internationale (il faut cependant considérer qu’à juste titre, le CIRC n’a pas choisi un tel protocole, mais une approche cas-témoins).
Il faut également, dans une optique de surveillance à long terme (voir plus loin), s’interroger sur les évolutions technologiques en cours et à venir, ainsi que sur les modifications dans les modalités d’utilisation du téléphone mobile qui amènent à exposer d’autres parties du corps. Actuellement, s’il est clairement prématuré d’envisager des études cas-témoins concernant d’autres localisations de cancer, on peut penser que la mise en place de cohortes prospectives en milieu professionnel est la meilleure réponse à cette préoccupation.
Autres recherches épidémiologiques
Les travaux visant à mieux connaître les expositions au niveau populationnel (incluant des « registres » de personnes ‘plus fortement’ exposées, comme on l’a signalé plus haut), sont nécessaires pour diverses raisons : (i) du fait des préoccupations du public concernant les effets éventuels du téléphone mobile, il est justifié de pouvoir donner une information fiable et indépendante des expositions dans la population ; (ii) plusieurs des protocoles épidémiologiques envisagés ici seront largement facilités par la disponibilité de données d’exposition au niveau populationnel.
Ces travaux peuvent prendre diverses formes : campagnes de dosimétries individuelles , modélisation à partir des données concernant les stations de base et l’utilisation du téléphone mobile.
Des recherches en sciences sociales sont nécessaires : aspects psychologiques et sociologiques de l’usage des téléphones mobiles, comportements des utilisateurs, perception du risque associé au téléphone mobile, notamment, sont des domaines pour lesquels des études de qualité auront une importance considérable quand on considère qu’une « situation de crise » est en voie d’émergence.


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