Marie LaFlamme Tome 2



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  • Demande à M. Madry !

  • Il est allé à Beaupré régler ses affaires.

  • Il y a d’autres barbiers. Ah ! si Marie n’était pas au fort, elle saurait guérir ton frère.

Nicolette Jasmin se signa.

  • Allons la chercher !

  • Mais elle est prisonnière.

  • Je la sauverai si elle peut sauver mon frère.

Rose sentit son cœur battre à tout rompre ; elle avait raison, Nicolette connaissait Ernest Nadeau. Celle-ci ne prit même pas la peine de s’asseoir pour tout conter à Rose. A toute vitesse, elle dit que Nadeau avait abusé d’elle sur le Dragon-d’Or
; il lui avait promis le mariage dès leur arrivée à Québec. Il avait dit qu’il resterait avec elle. Puis, en descendant à terre, il avait refusé d’honorer

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sa parole et annoncé qu’il rentrait seul en France.

  • Tu l’as tué?

  • Je n’ai pu faire autrement.

  • Mais Marie a vu un homme s’enfuir !

  • Quoi de plus facile que de se travestir? J’ai pris une culotte de mon frère, son vieux manteau et j’ai caché mes cheveux sous un bonnet. Allons maintenant au fort; je pren­drai la place de Marie pour qu’elle sorte au plus vite ! Qu’elle secoure Louis.

Rose avait envie de battre Nicolette pour avoir laissé Marie moisir en prison, mais le temps n’était pas à la vengeance et elle s’ha­billa promptement. Elle gravit si rapidement la côte de la Montagne qu elle ne pensa même pas au viol quand elle dépassa le cimetière. Elle pensait à Marie qui serait bientôt libre !


  • Je n’aurais pas pu le sauver, affirma Marie à Nicolette, après la messe de minuit. Mais toi, tu m’as sauvée.

Nicolette secoua la tête.

  • Après t’avoir envoyée au fort? Je ne me le pardonnerai jamais. Et je n’aurais pas

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dû écouter mon frère quand il ma dit d’at- tendre avant d aller quérir un chirurgien.

  • Il voulait expier son péché, il me la dit.

Louis Jasmin était mort juste après que Marie leut examiné. Elle n’avait été libérée qu’au matin, une fois que le procureur avait entendu Nicolette. Marie n’avait rien pu faire d’autre que d’éponger le front du malade et de prier pour lui en se jurant quelle vaincrait un jour la pleurésie. Il s’était confessé au prêtre en présence de Marie : c’était lui qui avait tué Ernest Nadeau parce qu’il avait déshonoré sa sœur. S’il avait laissé accuser Marie à sa place, c’est qu’il ne pouvait tout révéler sans qu’on sache que l’écrivain public avait abusé de la crédu­lité de Nicolette. Il pensait qu’elle n’aurait pas trouvé à se marier à Québec si on avait su la vérité. Il espérait que sa confession ne serait pas divulguée. Le père Lalemant avait décidé de mentir, bien qu’il lui en coûtât, car trop d’innocents allaient souffrir s’il n’inventait pas une fable pour calmer les esprits. Il rapporta à Mgr de Laval que Louis Jasmin avait assassiné Ernest Nadeau pour une triste histoire de pain. L’écrivain public

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avait accusé Jasmin d avoir volé le biscuit et Jasmin avait été battu au moyen de cordes par tout l’équipage alors qu’il était innocent. C’est Nadeau qui avait mangé le biscuit à sa place et s’était trouvé un bouc émissaire.

  • Ne pense plus à Nadeau ! chuchota Marie à Nicolette. Ni à ton pauvre frère. Viens plutôt au réveillon. C’est jour de paix, il faut oublier.

  • Rose n’a pas oublié, elle.

Marie tapota le bras de Nicolette, lui expliqua que Rose était le genre de femme qui pouvait tout subir, mais elle ne suppor­tait pas qu’on blesse ses amis.

  • Elle comprend le silence de Louis. Elle s’est tue quand elle a été violentée. Mais per­sonne n’allait en prison...

  • Comment peux-tu me parler ? gémit Nicolette en s’effaçant devant les fidèles qui se pressaient à la sortie de l’église.

  • Parce que je n’ai pas envie d’être fâchée toute ma vie. Cela ne me servirait à rien... J’ai beaucoup appris avec Sena. Beaucoup plus que je ne le croyais. Allez, dépêche-toi ! Je ne te le pardonnerai pas s’il ne reste plus de pruneaux de Tours quand nous arriverons chez les Rousseau !

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  • Des pruneaux de Tours ?

  • Oui, mademoiselle, dit Marie en fai­sant une révérence. Comme les Jésuites ! Les sœurs leur en ont donné un plein barillet pour Noël. Et au Nouvel An, je parie qu’ils auront des écorces de citron ! Mais nous, nous ne mangerons pas moins bien ce soir. Emeline et Rose ont préparé des perdrix aux pommes, des tartes aux œufs, du porc au girofle, et des poissons et des friandises !

  • * *

Victor Le Morhier suçait un petit os ; le faisan qu’on lui avait servi Y Auberge du Mouton noir était succulent. Aussi bon que celui que Myriam Le Morhier avait cuit pour Noël. Il se lécha les doigts, commanda de nouveau du vin au cabaretier qui lui proposa un bis­cuit à la cannelle et aux pistaches. Victor n’avait plus faim. Bah ! autant en profiter avant de rembarquer ! Ce n’était pas sur le Grand-Faucon qu’il ferait bombance. Mais il ne s’en plaignait pas ; le dernier trajet de mer avait été aussi rentable qu’atroce. Croiser des pirates était inévitable dans la vie d’un marin, mais Victor était encore secoué par

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cet épouvantable baptême ; il n avait jamais vu pareil carnage, il n’avait jamais imaginé une telle barbarie. On avait éventré, on avait coupé des têtes, des bras, des jambes dans une fureur qui n’avait pas été étrangère à la double ration de rhum distribuée avant l’abordage. Victor s’était battu courageuse­ment; durant l’affrontement, il n’avait pas cessé de feindre et de pourfendre et de tirer et de tirer encore. Il avait vu sans émotion les corps tomber à côté de lui. Il n’avait senti ni l’odeur du sang ni celle de la poudre des balles ou du canon. Il n’avait pas entendu les cris. Il n’avait même pas vu la mer où on avait tenté de le précipiter par trois fois. Il avait sauvé son capitaine sans même s’en rendre compte. Il n’avait pensé qu’à survivre.

Après, il n’avait même pas été capable de vomir.

Après, les officiers l’avait honoré devant tous les survivants.

Après, le capitaine avait partagé le butin.

Victor s’était alors demandé s’il accepte­rait de revivre pareille folie pour quelques pierres. Puis il avait pensé à Marie. Elle aurait son trésor.

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  • Vous êtes bien songeur, mon ami, dit Alexandre de Tracy de Prouville, en ten­dant un plat de chou à Victor.

  • Je vous envie de partir pour la Nouvelle-France.

  • Suivez-nous. Je connais votre valeur. Votre capitaine ma parlé de vous. Je serais fier de vous avoir à notre bord. Nous quit­tons La Rochelle demain. Nous devrions être à Québec au début de mai.

Victor remercia le marquis de Tracy de son offre, mais il ne pouvait l’accepter; il s’était engagé à se rendre à Londres.

  • Londres ? Avez-vous entendu parler de la peste ? Victor Le Morhier montra sa joue, traversée d’une balafre.

  • J’ai survécu aux pirates.

  • Mais la mort noire...

  • Il n’y a pas tant de victimes. Et je n’y resterai qu’une semaine.

Tracy de Prouville soupira; ce jeune homme était bien entêté. Mais pouvait-il le lui reprocher? Lui aussi avait souvent fait preuve d’opiniâtreté dans sa carrière. Et il continuerait en Nouvelle-France s’il voulait réussir la mission qu’on lui avait

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confiée. Après le repas, il but de l’eau- de-vie de prune en écoutant Victor lui parler de Québec, puis il lui souhaita la meilleure des chances.

  • Je vous promets de remettre moi- même la lettre destinée à Marie LaFlamme. Et de faire appel à elle si je suis mal en point. Je n’oublierai pas non plus de parler avec votre coureur de bois. Peut-être pourra-t-il m’aider dans ma tâche ?

Le marquis de Tracy salua chaleureuse­ment le Nantais, puis il quitta l’auberge. Il fallait se préparer à appareiller.

A l’aube, Victor le Morhier assista au départ du vaisseau en priant pour que le trajet de mer soit moins long que celui de l'Alouette.
Il se rappelait les derniers jours du périple, où ils avaient eu si faim, si soif... Il se souvenait de la mort de Julie et Luc LaFlandres, de la naissance de Noémie.

Peut-être aurait-il dû partir avec M. de Tracy? Il le regrettait déjà. Il aurait vu Marie. Enfin, elle lirait sa lettre et comprendrait à quels dangers il s’exposait pour lui plaire.

* x- *

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Les prières de Victor Le Morhier ne furent pas entendues. Le marquis de Tracy arriva à Québec avec quatre compagnies d’in­fanterie le 30 juin 1665. Des centaines de personnes se pressaient sur le quai de Champlain pour les accueillir, criant, hur­lant, trépignant d’impatience.

Guillaume Laviolette s’amusait de toute cette animation car il s’ennuyait déjà d’être à Québec au bout de cinq semaines. Heureusement, Marie était là. Il l’avait retrouvée avec un plaisir non dissimulé. Il disait à qui voulait l’entendre qu’il avait découvert la perle rare ; Marie n’avait for­mulé aucune plainte sur la longueur de son absence et lavait au contraire questionné sur sa course. Elle voulait tout savoir et il avait conté maintes fois son voyage. Elle le lui fai­sait répéter quand ils avaient des invités pour souper et elle souriait tendrement quand il embellissait un peu ses histoires.

Marie pressait le bras de Guillaume tout en surveillant Noémie du coin de l’œil. Elle regardait les soldats descendre du vais­seau en les comptant. Trente, trente et un, trente-deux...

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C est alors qu elle le reconnut.

Elle se mordit la lèvre jusqu’au sang. Il n’était pas mort!

Marie cria « Simon ! » et s’évanouit.

A suivre.

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