Marie LaFlamme Tome 2



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  • C’est de M. Le Morhier ?

Marie hocha la tête avec enthousiasme, remercia et s’enfuit vers la fontaine Champlain pour prendre connaissance de la lettre à l’écart de la foule. Ses mains trem­blaient tellement qu’elle faillit la déchirer.

Chère Marie,

J’espère que tu es en bonne forme car il te faudra bien du courage pour accepter la mauvaise nouvelle dont j’ai le triste devoir de t’informer : j’ai revu Simon Perrot. Pour la dernière fois. Il a péri dans la Seine où venaient de le précipiter des bandits qui ont voulu le détrousser alors qu’il traver­sait le Pont-Neuf Tout s’est passé si vite! Sa mort a été brève. S’il avait vécu, il aurait été condamné pour avoir assommé le serviteur de la baronne de Jocary et le vol des bijoux de son ancienne maîtresse. Le sort quon réserve aux criminels n’est guère enviable; on l’aurait enfermé au Châtelet. La Seine lui a évité la honte.

J’étais auparavant à Nantes où Geoffroy de Saint-Arnaud multiplie les offres de récompense pour quiconque peut le renseigner

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à ton sujet. Sois sans crainte, aucun marin ne s’est présenté chez lui pour l'entretenir du trésor. Je n’oublie pas la promesse que je fai faite. J’espère m’embarquer bientôt pour la Nouvelle-France. Je te serais reconnaissant de dire mille choses de ma part à Guillaume Laviolette. Je parle souvent de lui, de toi et de Noémie à mon ami Emile Cléron. Je reste à Paris, étant chargé des affaires de ma tante.

Je suis bien triste de te causer du chagrin mais les sourires de ma filleule et l’amitié de Guillaume te secourront dans ta détresse.

Mes pensées t’accompagnent.

Ton ami Victor

  • * *

La cathédrale de Québec avait été décorée avec un soin particulier pour la fête de la Saint-Jean, les Ursulines avaient patiem­ment tressé les centaines de fleurs cueillies par des élèves méritoires. L’été était jeune et elles avaient montré beaucoup dopiniâtreté à varier les espèces, refusant de se contenter de marguerites ; elles avaient rapporté au couvent des myosotis bleus, blancs et roses, les dernières branches de muguet, de la

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pervenche, des pommes de pin, des bran­ches de cèdre, des fougères qui imitaient parfaitement la crosse de Mgr de Laval. Sœur Sainte-Blandine avait félicité chau­dement les élèves et permis aux plus âgées d’aider les sœurs à confectionner les orne­ments floraux. L’évêque serait content! Il verrait un signe de bonne volonté de la part des religieuses et renoncerait peut-être à vouloir changer leur règle. Interdire à mère Marie de l’incarnation de chanter serait trop cruel ! C’était sa manière d’oublier ses soucis, et Dieu sait qu’elle en avait! Sœur Sainte-Blandine voulait aussi honorer Jeanne Mance, qui n’était pas encore repartie pour Ville-Marie. Elle compatis­sait aux difficultés de la Champenoise qui avait du mal à obtenir des fonds pour faire venir des religieuses à l’Hôtel-Dieu de Ville- Marie. Elle avait hâte de la rencontrer après la grand-messe car mère Marie lui avait souvent répété que Mlle Mance était extrê­mement courageuse. Ville-Marie était la cible des attaques iroquoises depuis sa fon­dation, mais Jeanne Mance n’avait jamais manifesté le désir d’abandonner. Sœur

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Sainte-Blandine espérait aussi qu elle se soit bien entendue avec Marie LaFlamme ; celle- ci avait peut-être soigné ce poignet qui la faisait souffrir depuis des années ? Et peut- être que le récit des aventures de la fonda­tion de Ville-Marie distrayait Marie de son chagrin...

Quand Rose Rolland lavait trouvée effon­drée, près de la fontaine, elle avait caché la lettre dans son corsage avant daller chercher du secours; Rose ne savait pas encore bien lire mais elle avait reconnu le mot « mort » et deviné que son amie avait appris des nouvelles qui l’avaient violem­ment secouée. Elle avait déchiré les marges de la lettre en mille miettes sur le corsage de Marie afin qu’on ne cherche pas la lettre de celle-ci. Tout le monde l’avait vue recevoir la missive des mains du capitaine ; chacun se demanderait quelles terribles nouvelles avaient pu terrasser une femme aussi forte que Marie LaFlamme. Mme Couillard et son gendre avaient accouru les premiers ; ils avaient relevé Marie et l’avaient portée sur un des bancs qui encerclaient la fontaine. Rose avait trempé son tablier et lui avait

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mouillé la figure, mais Marie lavait dévi­sagée comme si elle ne la reconnaissait pas. Elle n’avait pas dit un mot. Une heure plus tard, Guillemette Couillard et Eléonore de Grandmaison avaient décidé de l’emmener à l’Hôtel-Dieu; le fait de se trouver dans un cadre familier, entourée des religieuses qu’elle aimait, l’aiderait peut-être à recou­vrer la raison.

Marie était restée prostrée deux jours. Mère Catherine de Saint-Augustin avait tenté de la faire parler mais Marie, l’œil hagard, se tournait vers le mur pour éviter de répondre. C’est Rose qui avait eu la meilleure idée pour faire sortir Marie de sa torpeur : lui amener Noémie. Germain Picot avait proposé d’accompagner Rose pour aller chercher l’enfant et Alphonse Rousseau s’était aussitôt joint à eux, au grand soulagement de Rose : depuis qu’on l’avait violée, elle refusait de se trouver seule en présence d’un homme, car elle ne pou­vait s’empêcher de penser que c’était peut- être son agresseur. M. Picot avait objecté qu’Une Patte s’épuiserait à faire un si long trajet, mais celui-ci avait soutenu qu’il ne

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se souvenait même pas du temps où il avait ses deux pieds et qu’il n’avait jamais de cors à son membre de bois.

Rose avait trouvé Alphonse Rousseau bien brave; il lui avait affirmé que c’était plutôt elle qui était courageuse d’affronter les regards outrés des habitants et de conti­nuer à vivre comme s’il ne lui était rien arrivé. Avait-elle toujours l’intention de repartir sur le Noir-d’Hollande?
Oui, car si elle gardait le front haut, croiser chaque jour Denis Malescot au quai de Québec était une pénible épreuve. En même temps, elle savait que Marie avait raison lorsqu’elle lui avait dit qu’elle n’aurait pas été long­temps heureuse avec lui.

C’était après qu’elle eut mis Noémie dans les bras de Marie, à la fin du jour, que Rose s’était aperçue qu’Alphonse Rousseau avait souvent regardé sa tache de vin au lieu de détourner hypocritement les yeux.

Marie avait passé sa deuxième nuit à l’Hôtel-Dieu en serrant Noémie contre son cœur ; elle n’avait pas dormi, mais à l’aube elle se sentait pourtant apaisée. Elle était infiniment triste de la mort de Simon, une

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mort qui ravivait celle de sa mère; Anne LaFlamme lui manquait cruellement. Elle aurait tant voulu quelle la console de la disparition de Simon... Pourquoi avait-il choisi de s’enfuir par le Pont-Neuf? Il savait bien qu’il y a toujours des sicaires qui guet­tent les imprudents ! Pourquoi avait-il volé des bijoux? Pourquoi avait-il refusé d’ap­prendre à nager avec Pierre LaFlamme? Pourquoi était-il allé à Paris? Pourquoi lavait-elle perdu? Par moments elle devait se bâillonner pour ne pas hurler à mort, à d’autres moments elle pensait qu’elle était devenue muette sous le choc. Nanette n’était pas là pour prendre soin d’elle quand elle s’éveillait.

Mais la petite Noémie lui souriait.

Est-ce parce que l’enfant avait compris l’immense douleur de sa mère quelle avait prononcé son premier mot le lendemain de son arrivée à l’hôpital? Marie avait consenti à se lever pour la promener dans le jardin de l’Hôtel-Dieu. Noémie avançait prudemment entre les rangs de terre fraî­chement bêchés, mais elle avait trébuché et s’était tournée vers Marie en criant

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« ma... maman ». Durant cet instant, Marie avait oublié Simon, oublié son amour d’en­fance pour son amour d’enfant.

Aux curieux, Marie raconta que son cousin était mort, mais après avoir remercié Rose d’avoir caché sa lettre, elle lui dit la vérité sur Simon Perrot. Les deux femmes prirent l’habitude de se voir chaque jour, Marie jouissant de plus de liberté depuis que Nicolas de Boissy avait été arrêté. Il retournerait en France sur le Noir- d’Hollande
comme l’avait deviné Antoine Souci; des officiers avaient déjà vidé la maison de la rue Saint-Louis de ses effets personnels. Après avoir fouillé ceux de Marie, Fouquet et Lison, on avait décrété que rien ne permettait d’imaginer une com­plicité entre le maître et ses serviteurs, tout au plus une fidélité suspecte. De la part de Lison, surtout, qui avait reconnu avoir reçu un mouchoir et une coiffe de den­telle. Marie se serait beaucoup amusée de la déconfiture de la cuisinière si elle n’avait été anxieuse sur son propre sort ; où vivrait- elle ? De quoi ?

L’arrivée du navire lui avait apporté

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d’horribles nouvelles, mais elle avait résolu une partie de ses ennuis : on allait loger Jeanne Mance chez Boissy pendant toute la durée de son séjour. Et d’après ce qu’elle avait confié à Eléonore de Grandmaison, elle n’avait pas l’intention de repartir pour Ville-Marie tant qu’elle n’aurait pas obtenu justice auprès du Conseil souve­rain. Elle se plaignait du commis Pierre Fillye, embauché par les marchands de Rouen pour diriger l’expédition du Noir- d’Hollande.
Il avait exigé soixante livres en argent de France pour chaque tonneau de marchandises transporté. Conditions que Mlle Mance avait été forcée d’accepter puisque aucun autre navire ne partait pour Québec.

C’était Eléonore de Grandmaison qui avait plaidé la cause de Marie auprès de Mlle Mance quand elle avait quitté l’Hôtel- Dieu avec Noémie. Elle n’avait pas eu besoin d’insister pour convaincre Jeanne Mance de prendre Marie à son service. La Champenoise avait entendu parler de ses talents de guérisseuse, de ses connaissances en botanique et en anatomie, et elle était




tentée de comparer les méthodes qu’on appliquait à l’hôpital qu’elle avait fondé à celles de Marie. Si elle n’avait pas su que Marie avait quitté l’Hôtel-Dieu parce quelle n’y gagnait pas assez, elle aurait essayé de la persuader de la suivre à Ville-Marie. Il y avait bien plus d’hommes blessés qu’à Québec ! Et Marie ne semblait pas s’émou- voir facilement; c’était de femmes de sa trempe qu’elle avait besoin à l’Hôtel-Dieu de Ville-Marie.

  • Venez-vous avec nous ? demanda Marie à Mlle Mance tandis que Rose l’attendait sur le pas de la porte, intimidée.

  • Mme Couillard doit venir me rejoindre ici; elle me fait l’honneur de me céder son banc. Mais partez maintenant et restez donc un peu au soleil. Vous êtes bien pâle à côté de votre fille qui a le plus joli teint que j’aie vu dans toute ma vie.

Marie sourit, nullement dupe de l’aimable ruse de Mlle Mance; celle-ci savait bien que rien ne plaisait autant à Marie que d’entendre vanter les charmes de sa fille. Et Marie savait qu’elle le savait. Comme ces marques d’attention étaient réconfor­

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tantes ! Mlle Mance lavait encore consolée, la nuit précédente, quand elle s’était éveillée en larmes. Heureusement quelle et Rose la soutenaient. Marie espérait maintenant que Rose renoncerait à quitter Québec. Ce serait peut-être plus aisé quelle ne lavait d’abord cru...

Rose Rolland parlait de moins en moins de son départ et de plus en plus d’Alphonse Rousseau. En marchant vers l’église, elle suppliait Marie de lui narrer encore une fois comment Alphonse avait été recueilli par le chevalier ; ce récit, si noir fût-il, avait i mmensément plu à Rose. Une Patte avait connu la Cour des Miracles, comme elle. Et il y serait encore s’il n’avait rencontré julien du Puissac. Elle pourrait bientôt lui raconter sa vie, confesser quelle avait été une femme du monde, qu’on l’avait mar­quée au fer rouge et que ce lys au-dessus des reins était la seule fleur qu’elle ait jamais reçue.

Malgré la présence de l’évêque, les habi­tants de Québec poussèrent des cris d’admi­ration en voyant la profusion de fleurs sur

  1. autel, la balustrade, le rebord des fenêtres ;

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Marie regretta que sœur Sainte-Blandine n’entende pas les colons louer son talent artistique et elle se promit de demander à Mlle Mance de lui répéter les compliments. Elle baissa la tête, après avoir détaillé les ornements multicolores, refoula ses larmes : elle s’était imaginé un instant qu’on pour­rait mettre autant de fleurs à la table de son banquet de noces.

Elle ne parvenait pas à croire que Simon était mort.

Et s’il ne s’était pas noyé ? S’il avait échoué plus loin sur les rives de la Seine et que Victor ne l’ait pas vu ?

Il aurait été condamné à la prison. Pourquoi, mais pourquoi avait-il volé? C’était indigne de lui. C’était indigne d’elle. Marie récita le Pater noster en songeant à son propre père; là-haut, peut-être s’entretenait-il d’elle avec Simon. Entendaient-ils la musique qui emplissait l’église de Québec? Louis Jolliet touchait l’orgue avec beaucoup de talent et le Te Deum rasséréna un peu Marie. Quand elle sortit, elle était décidée à oublier le passé pour sa petite Noémie. A l’occasion de sa

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première Saint-Jean en Nouvelle-France, la petite verrait danser sa mère.

Marie ne pouvait pas deviner que Guillaume Laviolette serait le premier à la faire rire.


Chapitre 28

M

arie était fourbue; elle avait dansé
comme jamais elle ne lavait fait


dans sa vie. Désireuse de s’étourdir, de
s’amuser coûte que coûte, déterminée à
offrir un visage souriant à Noémie, elle
avait sauté autour du feu de joie de la
Saint-Jean avec un entrain qui avait réjoui
les témoins. Marie LaFlamme ressemblait
enfin à la femme qu’ils avaient connue;
ceux qui étaient arrivés sur le
Noir-
ci’Hollande
s’étaient étonnés d’un chan-
gement aussi radical, mais ils s’étaient
empressés comme les autres auprès d’elle.
Eléonore de Grandmaison, Guillemette
Couillard, Rose Rolland et Jeanne Mance
avaient toutefois remarqué que c’est à
Guillaume Laviolette que Marie souriait le
plus souvent.


  • J’ai encore mal aux pieds, confia Marie à Rose le lendemain de la fête alors qu’elle revenait de la boulangerie. Pourtant, j’ai l’habitude de marcher !

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  • Tu as dansé plus que nous toutes réu­nies ! Et si près du feu ! J’avais peur que ta jupe s’enflamme !

Marie eut un sourire étrange et dit quelle était heureuse qu’on n’ait pas brûlé de chat, comme on le faisait en France.

  • Moi aussi, soupira Rose. Ça m’écœu­rait de voir ces pauvres minous suspendus au bout d’un bâton piqué dans le feu ! Place de Grève, ils étaient bien une douzaine dans une grande poche ; on devinait les coups dans le sac, on entendait les miaulements, puis la toile se déchirait et les pauvres bêtes étaient précipitées dans le feu.

  • Quel jeu cruel ! Noémie n’aura pas vu cela et c’est tant mieux! Tiens, voilà Guillaume Laviolette.

  • Je te laisse... Pense à ce que je t’ai dit. Tu as tout de même remarqué qu’il te tutoie depuis la fête ?

Le coureur de bois s’avançait noncha­lamment vers Marie ; il lui offrit de porter son panier. Elle le lui tendit et lui demanda s’il était content du tabac que lui avait envoyé Victor.

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  • Il paraît que le pétun vient du Brésil. Pourquoi lenvoie-t-on en Europe au lieu de l’acheminer directement ici?

  • Pour gagner davantage. Victor ne vient donc pas cet été ?

  • Je ne le pense pas. Sa lettre était... courte. Il ne m’a même pas parlé de son mariage avec Michelle Perrot.

  • Il ne m avait pas dit qu’il avait une promise.

  • Depuis toujours! Michelle est si douce, Victor l’estime énormément. Elle est flûtiste. Et au moins aussi douée que Louis Jolliet ou François Dangé.

  • Victor ne t’a pas parlé de la peste ?

Marie dévisagea Guillaume avec

inquiétude.

  • La peste ? Où ? A Paris ?

  • Non. Pas encore... Mais l’écrivain et le pilote du Noir-d'Hollande ont dit à Germain Picot, avant de retourner à Gaspé, que la mort noire a fait bien des victimes en Hollande. On en parlait discrètement à Dieppe avant qu’ils embarquent.

  • Victor est à Paris, fit Marie, soulagée.

  • Pourquoi ? Il voulait naviguer !

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Marie expliqua qu’il devait s’occuper des affaires de sa tante, puis suggéra qu’il dési­rait rester auprès de Michelle. Un roulement de tambour venant du port l’interrompit.

  • Un nouveau décret, dit Guillaume d’un ton amusé. Allons voir ce que le Conseil souverain a inventé.

L’officier repartait déjà avec son tambour mais Germain Picot rapporta assez fidèle­ment ses paroles.

  • On n’a pas le droit de laisser des planches dans le port plus de deux jours ! Défense aussi de jeter des pierres en face des magasins ou sur la place publique.

  • Je les approuve, fit Marie.

Pour celle qui combattait l’insalubrité, un quai propre était une bonne garantie contre les maladies. Elle espéra que les rumeurs de peste en Europe étaient fausses.

  • Avez-vous invité notre ami Laviolette à notre petite fête ? dit Germain Picot.

  • J’allais le faire. Veux-tu venir à l’anniver­saire de Noémie dans une huitaine de jours? C’est autant pour célébrer cette première année en Nouvelle-France... Si tu n’es pas reparti, nous serions heureux de te compter parmi nous.

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Guillaume Laviolette se retint de taquiner Marie sur sa rancune; elle ne lui avait pas pardonné son départ précipité même si elle l' avait remercié d’avoir acheté ses peaux. Il ne savait pas à quel point la nou­velle de la mort de Simon l’avait affectée et combien elle lui en avait voulu de ne pas être là pour la soutenir. Elle était ravie qu’il soit de retour mais elle était trop orgueilleuse pour l’admettre. Guillaume, qui le devinait, se demandait si leurs rap­ports redeviendraient ce qu’ils étaient avant qu’il aille à Trois-Rivières. Il l’espé­rait ; ces dernières semaines, il avait com­pris qu’il aimait voir Marie. Elle était si différente des autres Françaises qu’il avait connues ; il appréciait surtout son insa­tiable curiosité. Elle s’intéressait autant aux plantes qu’à la manière de tresser les lanières de cuir des raquettes, à la pêche au saumon, à la chasse à l’ours, au prix de l’or en France, à religion des Indiens ou au tonnage d’un vaisseau. Guillaume sou­haitait aussi ardemment qu’elle trouve une lotion pour calmer les piqûres d’insectes ; elle y travaillait depuis le début de l’été,

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