Erda ou le savoir



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1.17.La grande parade


La foi est rarement assez forte pour qu'elle n'est besoin d'être continuellement renforcée. Car la nature, dans sa tranquille inconscience est d'une redoutable malignité. Elle a doté l'homme de sens certes très imparfaits, mais suffisamment développés pour administrer à l'esprit humain avec une remarquable constance, la preuve de l'impossibilité pour lui de s'enfermer dans son propre système.

« Portes et portails protègent / la salle des joies célestes : / l'honneur du maître, / le pouvoir éternel / vers la gloire infinie s'élèvent.». Wotan va cependant fuir le Walhall.

Lorsque l'action centripète de la foi ne suffit plus à contenir les forces qui pousse l'être à chercher au-delà, commence alors la grande parade ; il faut convaincre les autres afin que l'image de la foi ainsi artificiellement créée, vienne renforcer celle qui commence à faiblir. Le principe ne semble pas avoir changer depuis que l'homme a ressenti le besoin de construire des systèmes alternatifs à un monde qui se dérobe à lui dans ce qu'il a d’essentiel : convaincre qu'une image contient autant, ou même plus que la réalité. Tous les moyens sont alors bons, le Walhall, les cathédrales immenses, les systèmes de pensée les plus sophistiqués, puis les grandes théories scientifiques, si proches probablement, dans leurs aspects formels qu'ils deviennent semblablement le piège absolu de toutes pensées170. Je dis piège, car, si de toutes les créations humaines ce sont elles qui ont le contenu de vérité le plus fort, elles n'en restent pas moins des leurres pour la majorité des hommes. Je dis leurres, car, pour le commun des mortels, elles n'offrent jamais qu'une illusion de vérité171.

Il faut bien avouer que la grande parade scientifique à de quoi convaincre les esprits les plus rebelles. Car la science semble avoir bouleversé positivement, en bien des domaines, notre vie quotidienne ; et ceux qui oseraient parler d'apparence trompeuse seraient considérés immédiatement comme stupides et aveugles. Exactement d'ailleurs comme les athées et les agnostiques des siècles précédents. Mais ici l'amalgame est trop souvent fait entre progrès scientifiques et progrès humains. Pour beaucoup, il y a corrélation stricte entre ces deux notions de progrès ; mais n'est-ce pas étonnant ? Pour ceux justement qui profitent - ou croient profiter - du progrès scientifique. Malheureusement pour les thuriféraires du progrès intégral, si l'on peut mesurer le progrès scientifique et s'assurer qu'il est, et qu'il a été durant ce dernier siècle extraordinairement rapide, il n'en est pas de même pour le progrès humain. Mais une société tout entière, à l'échelle mondiale, dominée par l'idéologie américaine reposant sur l'économie de marché avec comme principe la recherche du profit maximum, sans un regard sur les conséquences désastreuses d'un tel système, refuse de voir l'évidence. Une évidence qui pourtant crève les yeux : le nombre de bénéficiaires du "progrès" diminue alors que celui de ses victimes augmente d'une façon dramatique172. La science peut-elle être portée responsable d'une telle dérive ? C'est à chacun de juger, car tout dépend de ce que l'on considère être la finalité de la science. Il est bien évident cependant que son vrai domaine est celui de la connaissance, et non pas du destin, à court terme de l'homme173. Pour ma part, je suis, à contre cœur, pour l'absolution, dans la mesure où le choix est clair : se donner les moyens du progrès (scientifiques), donc être avec les riches, ou disparaître. Le pari qu'il faut faire est que science, dont l'idéal est la vérité quelle qu'elle soit, saura prouver aux hommes, avant qu'il ne soit trop tard que le système qui nous domine actuellement est mauvais174.


1.18.La science et l'or


La science ne peut être que du côté de l'argent et du pouvoir ; inutile de se voiler la face ; car elle a besoin d'argent pour se développer, et du pouvoir pour se faire entendre.

On a mille fois rabâché, mille fois proposé comme sujet de dissertation aux bacheliers, cet aphorisme de je ne sais plus qui : « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». Mais la science a découvert que l'âme n'existait que dans l'imagination fertile d'individus en mal d'éternité. Ainsi la science n'a plus rien à ruiner, sinon elle-même ! La science, comme toutes les autres activités humaines, sportives, artistiques etc, est tombée dans la sphère de l'économique, et ne peut que se soumettre aux impératifs du marché. Plus d'âme à ruiner, cela est de peu d'importance puisque l'économique est sans conscience, et a communiqué son mépris de toute règle morale à tout ce qui tombe sous sa coupe. L'homo-économicus a cette particularité de ne même plus avoir un simulacre d'âme ; il sacrifie, sans le moindre remords de conscience, les hommes dont il peut tirer un profit ; de toute façon, comme ce sont les privilégiés du système qui définissent la nouvelle « morale », celle-ci ne peut qu'être conforme à la « vérité ». Et ceux qui ne l'acceptent pas n'ont d'autres ressources que de rejoindre l'autre monde, celui des hommes condamnés parce qu'il faut « qu'une partie de l'humanité soit sacrifiée au bonheur de l'autre »175. Il en est des « règles morales » comme des théories scientifiques, lorsque à un moment donné, il y a consensus de ceux qui monopolisent la parole, elles ne peuvent que s'imposer avec la force de la vérité, et rien ne semble de nature à pouvoir les affaiblir, mais un lent processus de décomposition agit, de l'intérieur qui finit par corrompre ce qui n'était qu'une apparente stabilité. Il y a des révolutions aussi bien scientifiques que sociologiques, mais elles sont dues beaucoup moins à l'action des hommes - qui malgré tout, comme l'étincelle qui allume l'incendie, est déterminante - qu'à une sorte de mort naturelle qui touche tous les systèmes qui naissent, se développent, atteignent leur acmé, puis dépérissent et meurent. Il semble parfois que les idées et les théories se défendent, tentent d'échapper à leur inévitable mort, à l'instar de tous les organismes vivants. En fait, elles survivent, l'une et l'autre tant que preuve n'est pas faite de leur fausseté. Elles vivent souvent au-delà, dans la mesure, où elles restent cependant vraies dans l'esprit d'individus qui savent mettre tout leur talent dans leur défense, se comportant comme ces maîtres du barreau qui sont capables de faire passer pour une victime un authentique bourreau.

La science a-t-elle succombé à la fièvre de l’or ? Les savants sont-ils corrompus ? Il est manifeste que la majorité d'entre eux ne se soucient, ni d'enrichissement, ni de colifichets dorés, mais comme nous l'avons déjà souligné, l'or, moteur de toutes les activités humaines est aussi nécessaire que la valeur intellectuelle, qui, dans la recherche scientifique ne peut s'épanouir que dans un environnement hautement technique, donc coûteux. Compte tenu des effets pervers d'une telle nécessité, je crois qu'on peut parler de malédiction. Si l'on tient à faire de Wagner un prophète du monde d'aujourd'hui, c'est vers le personnage d'Albérich qu'il faut se tourner et rappeler qu'il est le seul survivant du drame176. Le but d'Albérich est clair, soumettre le monde à sa volonté par la magie de l'or. Il faut bien reconnaître qu'en fin de compte, il triomphe aujourd'hui. Ecoutons encore sa malédiction, alors que Wotan vient de lui arracher l’anneau :

« L'anneau qu'en maudissant je réussis / qu'il soit maudit ! / Si son or / me donna le pouvoir / que son charme donne / la mort à celui qui le porte ! / Que nulle joie il ne donne, / que nul bonheur / sa lumière ne suscite, / que son possesseur / soit brûlé de soucis / et qui ne l'a pas, / soit rongé de d'envie ! / Que chacun / le désire âprement, / mais que personne avec profit / n'en jouisse ! »

Albérich ici maudit l'or, à travers l'anneau ; et il n'est peut-être pas légitime de faire l'amalgame entre l'anneau et l'or lui-même. Il est difficile, à l'intérieur du Ring d'établir une différence entre les deux, l'anneau étant devenu le symbole de l'or177, disons qu'il est devenu le symbole de l'or corrompu, celui qui est utilisé à d'autre fin que le culte de la beauté. L'équivalent moderne de cette corruption de l'or est qu'il soit devenu une fin en soi. Cette déviance par rapport à une pureté originelle mythique178, ne date pas d'aujourd'hui. De mémoire d'homme l'or a toujours été convoité pour lui-même, et il a fallu que l'enrichissement de certains soit si prodigieux pour que le précieux métal perde sa puissance magique ; le volume en or des fortunes devenant tel qu'il n'était plus possible de la protégée efficacement.179.

Il nous faut reposer la question : l'or a-t-il corrompu la science à l'égal de toutes les activités humaines ? Oui, si on la rend responsable de l'utilisation non contrôlée de ses découvertes les plus potentiellement dangereuses. Non, si l'on admet qu'elle ne peut survivre en dehors du système économique, qui seul est capable de soutenir son effort.



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