Innombrables sont les récits du monde


V. 3. Hypothèses, outils d'analyse et codage



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V. 3. Hypothèses, outils d'analyse et codage

Dans cette partie de notre travail, nous allons donc analyser le développement du système temporo-aspectuel et celui des connecteurs chez les enfants en insistant sur la façon dont ils utilisent ces outils linguistiques pour réaliser une narration. Le choix de ces moyens dépend de plusieurs critères auxquels nous attachons une attention toute particulière tout au long de notre étude. Ces critères sont les suivants.

Tout d'abord, les conditions situationnelles et énonciatives qui peuvent influencer la construction d'un discours. Dans notre cas, il faut tenir compte du fait que les sujets produisent une narration basée sur des images sans texte. Les narrateurs ont donc le choix de produire un discours qui prenne appui sur le support pictural ou au contraire un discours plus détaché du contexte extra-linguistique.

Deuxièmement, notre attention se porte sur la position de l'événement dans la structure narrative. Les narrateurs ont la possibilité de privilégier certains temps verbaux dans certaines parties bien spécifiques de leur narration, comme par exemple, l'imparfait dans l'exposition opposé au passé simple pour le développement de la trame narrative.

Troisièmement, il faut tenir compte de l'importance que les narrateurs accordent à certains événements par rapport à d'autres, lesquels ils décident de placer en premier plan et lesquels ils veulent placer en arrière-plan.

Les caractéristiques sémantiques inhérentes au verbe à encoder peuvent elles aussi influencer le choix du temps verbal. Rappelons en effet, que certains types de procès tendent à favoriser le recours à un temps particulier, comme par exemple les verbes dits itératifs tels que frapper (marquant la répétition) attirent l'imparfait ou encore les verbes dits résultatifs comme casser (marquant le résultat d'une action) qui attirent le passé composé.

Enfin, les productions dans le domaine de la référence aux événements dépendent du système disponible chez un individu donné. Ce système est fortement lié aux caractéristiques de la langue dans laquelle un individu s'exprime : quelles sont les options disponibles, quelles formes sont optionnelles ou au contraire obligatoires, lesquelles sont fréquentes ou au contraire rares. Mais chez l'enfant, contrairement aux adultes, le système dépend aussi, et surtout, du stade de développement langagier atteint.

Nos hypothèses concernant le développement des outils linguistiques servant la référence aux événements sont les suivantes. D'une part, en raison de la stratégie des plus jeunes enfants à exploiter le contexte extra-linguistique au maximum, nous attendons que leurs productions soient majoritairement à temps dominant présent, c'est-à-dire qu'elles comprennent 75% ou plus de verbes fléchis au présent. Puis, avec la scolarisation et l'entraînement à des activités littéraciées, leurs productions devraient comprendre plus de formes verbales au passé.

D'autre part, compte tenu de la difficulté des enfants à maintenir une perspective particulière d'un bout à l'autre d'un texte, cela devrait les conduire à employer plus de systèmes mixtes dans lesquels coexistent des formes du présent et du passé. Pour vérifier ces hypothèses nous relevons donc tous les verbes fléchis, comptabilisons les formes verbales fléchies en fonction du temps (présent=PR, passé composé=PC, passé simple=PS, imparfait=IMP, plus-que-parfait=PQP, autres) et de l'âge des sujets, vérifions la présence d'un temps dominant (présent ou passé), ou au contraire celle d'un système mixte.

Troisièmement, nous attendons une augmentation et une diversification des alternances temporelles en fonction de l'âge de nos sujets. En effet, plus les enfants grandissent, plus ils doivent être en mesure de hiérarchiser les événements, de donner plus de relief aux différents éléments constitutifs de leur production. En fait, les changements de temps devraient connaître des motivations différentes en fonction de l'âge. Nous attendons que ces changements de temps soient davantage motivés chez les plus jeunes, soit par les caractéristiques temporelles inhérentes au verbe, soit par un choix de perspective fait par un enfant à propos d'un événement précis (interne vs externe) que chez les plus âgés, chez qui les alternances temporelles seraient davantage motivées par un but supérieur, celui de construire un texte multi-propositionnel cohérent avec hiérarchisation des événements.

Afin de confirmer ou d'infirmer ces hypothèses, nous comptabilisons dans un premier temps le nombre total de changements de temps par tranche d'âge. Prenons l'extrait de la production de 36;06g suivant :

(18) 36;07g 1- 001 alors c'est une histoire avec un petit garçon - un chien et une grenouille, 010


002 et c'est un petit garçon et un un chien
003 qui avaient apparemment capturé euh - une petite grenouille,
004 qu'il avait mis danZ un bocal . -

2a 005 et au cours de la nuit - la petite grenouille euh: - s'esT échappée. 040

2b 006 (xxx) le matin - le chien - et le ptit garçon étaient euh touT attrapés de ne plus retrouver la grenouille dans le bocal, -

3a 007 alors i se sont mis en quête d'aller la - la chercher . 050

Dans cet exemple, nous relevons sept formes verbales fléchies (une par clause) ainsi que quatre alternances temporelles. Nous passons du présent au plus-que-parfait de la clause 002 à 003 (PR/PQP), du plus-que-parfait au passé composé (PQP/PC) de 004 à 005, du passé composé à l'imparfait de 005 à 006 (PC/IMP) et enfin de l'imparfait au passé composé de 006 à 007 (IMP/PC).

Dans un second temps, nous dressons la liste des types d'alternances temporelles les plus fréquents par tranche d'âge ainsi que de leurs motivations fonctionnelles. Ces motivations pouvant être diverses, nous nous basons sur un certain nombre de critères pour les définir :

- y a-t-il un lien entre une alternance temporelle et sa place dans la structure narrative globale, telle que l'exposition, le développement ou encore le passage de l'un à l'autre ?

- y a-t-il un lien entre le statut des événements (premier plan vs arrière-plan) et le type d'alternances ?

- existe-t-il un lien entre une alternance temporelle et la relation sémantique des deux événements au coeur de cette alternance ? Ces relations peuvent être temporelles ou logiques. Si la relation est d'ordre temporel, nous distinguons la relation de postériorité de celle d'antériorité ou encore de celle de simultanéité. Si par contre, la relation est logique, nous utilisons principalement celle de cause à effet.

- y a-t-il un lien entre l'utilisation d'un temps précis et le type de verbe qu'il encode ? C'est dans le but de répondre à cette question que nous procédons à une analyse des propriétés inhérentes au verbe (aktionsart). Pour ce faire, nous nous basons sur les dimensions établies par Hickmann, M., Liang, J., Hendriks, H. & Roland, F. (1990). Ces derniers distinguent deux dimensions : bornée et durative :

"La première de ces dimensions est définie de la manière suivante : cette dimension caractérise dans quelle mesure des prédicats représentent des situations comme étant intrinsèquement bornées par un point final et/ou une transition entre deux situations et/ou un résultat, sans tenir compte du fait que le point final, la transition ou le résultat soient atteints ou non. La seconde caractérise dans quelle mesure des prédicats représentent des situations qui durent dans le temps, sans tenir compte de la durée du temps écoulé" (Hickmann, Liang, Hendriks & Roland, 1990:2456).

Pour la première dimension, on parle aussi de dimension "télique versus atélique" ou "résultative versus non résultative". Par exemple chanter est un verbe duratif et non borné, alors que arriver est un verbe ponctuel et borné.

- enfin, dans un certain nombre de cas, nous examinons s'il existe un lien entre l'emploi d'un temps précis et la perspective de laquelle est envisagée un événement. C'est à cette fin que nous introduisons la notion d'aspect grammatical. Rappelons à ce propos qu'un événement peut être envisagé de la perspective interne, c'est-à-dire en cours de déroulement, ou de la perspective externe, c'est-à-dire comme achevé.

Dans le domaine de l'aspect lexical en particulier, nos attentes vont dans le sens d'une augmentation et d'une diversification des moyens linguistiques employés pour encoder les différentes phases d'un événement. Les plus jeunes devraient utiliser moins de marques aspectuelles lexicales, dans la mesure où ils ne sont pas encore capables d'observer un événement selon des degrés de développement différents. Ce n'est que chez les plus âgés et les adultes que nous pensons trouver un découpage plus fin des différentes phases d'un événement. Les outils nécessaires à cette réalisation (adverbes aspectuels : encore, toujours, verbes aspectuels : commencer à, continuer à, lexique autre : commencer ses recherches ) devraient eux aussi se diversifier en fonction de l'âge. Enfin, nous attendons de ces outils que leur présence soit motivée par des raisons différentes, et par là même, qu'ils agissent sur des niveaux de cohérence différents : plus local chez les jeunes, plus global chez les aînés. Pour le codage de ce type d'aspect, nous renvoyons aux sept phases définies par Cosériu (1976) dont nous avons donné la définition plus haut et dont voici la liste : imminent, inchoatif, progressif, continuatif, régressif, conclusif, achevé.

Par connecteurs, nous entendons tous les moyens linguistiques qui ont une fonction inter-propositionnelle, comme les adverbes et locutions adverbiales, les prépositions et locutions prépositives placées en début de clause, les conjonctions de subordination et de coordination, les déictiques ainsi que les pronoms relatifs. Nous regroupons ces connecteurs dans trois grandes catégories : les déictiques, les coordinateurs et les subordinateurs.

Dans nos données, nous rencontrons deux types de déictiques : les déictiques spatiaux du type et plus rarement les déictiques temporels tels que maintenant. Les coordinateurs sont de deux natures : les adverbes et locutions adverbiales temporo-aspectuels (alors, ensuite, et puis, entre autres) et les conjonctions de coordination (et, donc, car, etc.). Les subordinateurs quant à eux sont plus variés. Cette catégorie comprend des locutions conjonctives et des conjonctions de subordination57 à valeur temporo-aspectuelle (avant que, après que, lorsque, quand) ou logique (afin que, de crainte que, puisque, si, que), des locutions prépositives et prépositions suivies de l'infinitif à valeur temporo-aspectuelle (avant de, après, avant) ou logique (pour, afin de, de manière à). Nous comptons également parmi les subordinateurs les pronoms relatifs. Enfin, sont comptés comme subordinateurs les relateurs zéro qui introduisent les subordonnées infinitives et les participiales.

Dans le domaine des connecteurs comme dans le domaine du temps et de l'aspect, nous attendons de nos plus jeunes sujets qu'ils prennent appui sur les images pour construire leur discours. Cette façon de procéder devrait transparaître dans un nombre important de déictiques ainsi que de connecteurs à valeur séquentielle chez les plus jeunes sujets contrairement aux productions des plus âgés dans lesquelles nous espérons trouver des relations sémantiques plus variées entre les événements (quelles soient temporelles ou logiques). Les productions des enfants plus âgés devraient également différer de celles des plus jeunes pour ce qui est de la réalisation d'une hiérarchie entre les événements. Pour vérifier cela, nous nous penchons sur l'emploi des subordinateurs versus coordinateurs ; espérant trouver un plus grand nombre d'occurrences du premier type chez les enfants plus âgés par rapport à leurs cadets. Enfin, de manière générale, nous pensons trouver des portées différentes aux connecteurs en fonction de l'âge : une portée au niveau de la clause ou entre deux clauses chez les plus jeunes opposée à une portée plus globale chez les plus âgés, signe de la constitution de blocs informationnels à un niveau supérieur.


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