La norme entre paradoxe et necessite : une etude du role du responsable qualite


Section 2. La norme comme texte à appliquer



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Section 2. La norme comme texte à appliquer :

Une fois découverte, la représentation de l’organisation que propose la norme ISO 9000 doit être appliquée au cas de chaque entreprise. Cela pose le problème de l’auto-évaluation à travers la réalisation des audits internes et le problème du positionnement des responsables qualité chargés de la mise en place de la norme.



2.1.L’auto-évaluation de l’organisation :



Il existe deux voies par lesquelles la mise en place de la norme ISO 9000 tend à établir une auto-évaluation.

2.1.1.L’auto-évaluation par la description :



La première voie est liée à l’obligation de décrire l’organisation dans le manuel qualité, la cartographie et les procédures à fixer. Or se décrire c’est déjà porter un jugement. On ne peut dessiner un paysage ou le décrire par la parole sans teinter cette représentation d’un ressenti.

Aucune représentation ne peut par définition être neutre. Ainsi la mise en place de la norme ISO 9000 met l’organisation face à son propre reflet. Ce reflet, donné par les documents demandés par la norme constitue une référence en tant qu’élément statique (en effet, la première caractéristique d’une référence est d’être stable, ou permanente, sinon elle ne peut pas jouer son rôle de repère). Or l’organisation, quant à elle, évolue et ceci pour des raisons liées à des changements dans son environnement ou à des changement dans les acteurs internes à l’organisation (départs volontaires ou non, recrutements). De plus ces acteurs sont susceptibles d’évoluer même sans changement de personne du fait de l’âge ou de l’expérience. Si la norme postule qu’il convient d’écrire ce que l’on fait et de faire ce que l’on a écrit, cela implique, en raison des délais de re-formulation et de la ligne hiérarchique que doivent suivre les modifications que ces dernières génèrent une approche comparative entre l’organisation elle-même et les documents la décrivant.
Gomez (1996) fournit quelques pistes de réflexion au sujet de l’auto-évaluation suscitée par la mise en place de la norme ISO 9000. Il indique ainsi que :

“ Décrire ce que l’on fait, c’est décrire ce que l’on doit faire ”( p.122)



A travers donc la fixation des procédures, l’entreprise se juge déjà puisqu’elle fixe ces procédures à un niveau normatif. Gomez rejoint en cela nos propos antérieurs indiquant que la solution retenue est la meilleure solution jugée possible sinon tout le projet de certification perd son sens. Il entre donc automatiquement dans l’application de la norme une volonté normative.

“ Elle (la norme, ndlr) intervient comme référence au regard de laquelle il est possible d’évaluer, de corriger et de manière générale de donner aux pratiques un centre de gravité ”(p.123)…“ Normaliser conduit à décrire le rôle joué par les acteurs dans l’élaboration de l’assurance qualité, mais ce rôle contient la prise en compte de l’assurance qualité dans ses pratiques. Il n’est pas besoin d’insister davantage sur le rapport logique qui s’ensuit entre l’auto-référence du raisonnement sur la normalisation et l’auto-discipline attendue des acteurs : la normalisation ne s’impose pas, elle se compose avec eux ”(p.124)


Il nous semble qu’on peut résumer la situation en disant que la mise en place de la norme ISO 9000 cherche à créer dans l’entreprise un œil extérieur même si cela paraît antinomique de vouloir en interne créer un élément de nature externe. Ainsi Bonnet (1996) écrit : “ Les livrets internes jouent un rôle proche de ceux des cahiers des charges en externe ”(p.122) et Gomez (1996) confirme : « Le gouvernement de l’entreprise se trouve soumis ainsi à une épreuve de qualification qui oblige les acteurs à positionner leur référentiel et leur système de justification vers l’extérieur (engagement auprès du client, assurance qualité…) » (p.125)
Bénézech (1996) pense de même que la norme favorise «  l’évaluation objective en servant de base à un jugement » (p.33).

2.1.2. L’auto-évaluation par les audits internes :



La seconde voie de l’auto-évaluation est l’audit interne prévu par la norme ISO 9000. La norme prévoit en effet que régulièrement des personnes internes à l’entreprise se déplacent dans les différents services pour en évaluer le fonctionnement selon les principes développés par la norme. Cela pose des problèmes d’organisation. Il convient en effet de trouver au sein de l’entreprise des personnes susceptibles de réaliser ces audits internes. Le responsable qualité peut assurer ces derniers dans les petites structures où une seule personne suffit, mais il ne peut de toutes façons pas auditer sa propre activité (on ne peut être son propre juge). Trouver des auditeurs internes pose le problème des compétences requises pour les audits internes et du temps nécessaire à y consacrer. Il faut en effet à la fois que les auditeurs internes connaissent la norme, les modalités de l’audit interne et le travail de ceux qu’ils vont auditer. Finalement cela nécessite des personnes omniscientes. Sinon le risque est de ne pas pouvoir tirer grand profit des rapports d’audit interne établis. C’est ce risque que Krebs et Mongin (2003) présentent dans leur ouvrage sur l’audit interne et contre lequel ils fournissent des principes que selon eux les auditeurs internes doivent garder à l’esprit.

Mais trouver des auditeurs internes pose aussi le problème de la motivation nécessaire à la participation à l’évaluation de l’organisation par rapport à la norme Iso 9000.
Si les théories traditionnelles de Maslow et d’Herzberg (cité par Roussel, 1996) sont d’une faible utilité pour analyser le problème de la motivation des auditeurs internes, par contre les théories basées sur la motivation intrinsèque sont plus éclairantes.

Selon Roussel (1996), la motivation intrinsèque est très liée au ressenti de la personne :

« La motivation intrinsèque correspond au plaisir que l’individu peut éprouver en réalisant son travail et à la satisfaction qui en résulte » (p.40)
Sur la base de cette définition, la théorie de Hackman et Oldham (1979) indique qu’il y a motivation interne ou intrinsèque :

  1. Si l’individu se considère responsable des résultats de son travail

  2. Si l’individu ressent que son travail a un sens

  3. Si l’individu a connaissance des résultats du travail qu’il réalise.

Dans le cas de l’organisation du travail des auditeurs internes, ces positions théoriques impliquent une participation effective des auditeurs internes au système global d’évaluation de l’entreprise, une formation suffisante pour leur donner une image complète du système qualité et un retour sur leurs audits pour qu’ils sachent à quoi a servi leur travail d’évaluateurs.
La variable rémunération ne semble pas être un bon moyen de motivation des auditeurs internes. En effet, Herzberg et après lui d’autres auteurs (cités par Roussel, 1996) ont montré que la rémunération était considérée comme un facteur d’hygiène et qu’elle ne concourait pas de ce fait à l’enrichissement du travail ni à la motivation des salariés. De plus il semble délicat de rémunérer les personnes chargées des audits internes comme on le ferait pour un travail au rendement par exemple. En effet, apparaissent en arrière-plan des problèmes d’éthique car en définitive l’auditeur interne porte un jugement sur des personnes et sur le travail qu’elles réalisent (en théorie l’audit interne est factuel et ne comporte pas le nom des personnes auditées mais dans les petites entreprises et même dans les grandes il est possible par recoupement - d’après le témoignage d’un responsable qualité - d’identifier la personnes auditée). Il faut donc que le fait de réaliser un audit soit neutre pour la personne qui le réalise. C’est d’ailleurs ainsi qu’on peut lui conserver son côté participatif, qui semble essentiel à la qualité de l’audit interne.
Weinberg (1991) a précisé en terme de modalités ce qui traduisait un management participatif. Suite à Archier et Sérieyx (1986) , il a retenu 5 types d’action :

  1. la réduction des cloisonnements entre services de l’entreprise à travers des actions de communication interne et/ou la mise en place de groupes de travail

  2. le souhait de voir intervenir les cadres en tant qu’animateurs et leaders et non en tant que « petits chefs » ou super-technicien

  3. les enquêtes pour connaître les attitudes et les problèmes du personnel

  4. le management par les petits groupes qui est supposé être efficace et porteur de développement personnel

  5. la formation des hommes comme condition à l’autonomie et clé de la compétitivité.

On peut constater que dans le cas de la mise en place de la norme ISO 9000 et plus particulièrement dans l’organisation des audits internes, on retrouve l’idée de décloisonnement des services puisque les auditeurs internes sont amenés à auditer des services différents du leur et on retrouve aussi l’idée de travail en petits groupes, le petit groupe étant ici celui des auditeurs internes. On peut se demander d’ailleurs si la sélection de quelques personnes pour réaliser les audits internes ne confère pas à celles-ci à la longue un statut d’élite ou tout au moins de club fermé. Un responsable qualité a indiqué que le privilège des auditeurs internes consistait à être conviés à des repas communs pour les remercier de leur investissement. Cela peut contribuer à construire une image d’élite du groupe des auditeurs internes (« le repas des héros après leurs exploits ! »)
Réciproquement on ne peut cependant nier que la réalisation des audits internes demande du temps et qu’il est donc normal que ceux qui les prennent en charge voient leur travail reconnu d’une manière ou d’une autre. Ceci est d’autant plus vrai que les exigences en matière d’audit interne ont tendance à augmenter. Le principe d’amélioration continue semble ainsi s’appliquer à ces audits comme aux autres activités au sein de l’organisation. De ce fait, les compétences et le temps de préparation et de rédaction des comptes-rendus d’audits internes augmentent. Roussel (1996) résume bien la situation en indiquant :

« La motivation au travail est un processus qui implique la volonté de faire des efforts, d’orienter et de soutenir durablement l’énergie vers la réalisation des objectifs et de la charge de travail , et de concrétiser cette intention en comportement effectif au mieux des capacités personnelles » (p.74)

Le problème de l’évaluation de l’entreprise à travers des audits réalisés par ces personnes internes à celle-ci est aussi celui de l’objectivité et de la séparabilité : peut-on se juger soi-même car on ne peut nier le sentiment d’appartenance du salarié auditeur à son groupe de travail qu’est l’entreprise. Cela peut créer un sentiment de solidarité défavorable à la qualité de l’audit.
Dans un sens un peu différent mais qui pose la même question, celle de la possibilité de s’évaluer soi-même, une responsable qualité d’une société de matériel électronique indique ainsi :

« c’est comme se relire soi-même pour voir si l’on a fait des fautes ! On ne voit pas les erreurs. »

En effet, dans les structures petites où les personnes sont polyvalentes, le responsable qualité manque de distance pour isoler la mise en place de la norme de l’évaluation de cette mise en place. Confronté à des choix au moment de l’application de la norme, il a retenu les solutions qui lui semblaient les meilleures compte tenu des contraintes qui étaient celles de l’entreprise. Il lui est donc souvent difficile de trouver les failles de ses solutions. L’audit interne nécessite de ce fait l’existence d’une distance suffisante entre celui ou ceux qui mettent en place l’application et ceux qui sont amenés à l’évaluer. Cette condition est plus facile à vérifier dans les grandes entreprises.

2.1.3. L’auto-évaluation par l’analyse du travail :

L’audit interne (comme l’audit externe par ailleurs) nécessite une analyse du travail. Des auteurs ont mené une réflexion sur l’analyse du travail en général.

Clot (2000) indique qu’il existe trois façons de faire décrire son travail par un individu :


  1. soit on peut demander à la personne de commenter les questions qui surgissent dans le déroulement de son activité présentée à l’aide de documents video

  2. soit on demande à la personne d’expliciter son activité sans document particulier de support

  3. soit on demande à la personne de considérer qu’elle a à former un remplaçant, un sosie, et de présenter tous les points qui lui semblent importants pour pouvoir faire ce remplacement dans de bonnes conditions.

Dans le premier cas, celui où l’on utilise comme support l’enregistrement video des activités de la personne, Clot remarque que les commentaires dépendent de l’interlocuteur :

« Le commentaire des données video de l’opérateur en auto-confrontation sur son travail est adressé de fait, à un autre que lui. » (p.135)

Le changement de destinataire de l’analyse modifie donc l’analyse. En particulier la personne qui décrit son activité est sensible au fait d’avoir en face d’elle quelqu’un d’expert en la matière ou non. En effet, la personne est influencée dans ses commentaires par les silences, les impatiences, les étonnements de son interlocuteur à propos de l’activité observée et commentée. D’une certaine manière, la personne lutte contre l’incompréhension partielle de son activité par ses interlocuteurs.

Dans le deuxième cas, celui de l’explicitation sans support video de l’activité, Clot indique que la connaissance que l’interlocuteur peut avoir de la tâche à verbaliser peut représenter un handicap pour la personne qui décrit son travail. En effet, l’interlocuteur risque d’imposer sa représentation de la tâche comme modèle implicite et il peut aussi omettre de poser les explications de base qui lui semblent évidentes.

Clot indique là encore combien le destinataire du message joue un rôle important dans le contenu de celui-ci :

« Le destinataire de la verbalisation est constitutif de ses contenus » (p.138)

Pour éviter que ne s’établisse trop d’implicite entre la personne qui décrit son activité et son interlocuteur il convient de faire appel à un non spécialiste de la tâche qui du fait de sa « naïveté » oblige la personne à réaliser une description totale de sa tâche. En terme d’audit interne, cela signifie que l’auditeur interne ne doit pas être trop proche des activités qu’il lui est demander d’auditer. Il doit du fait de son ignorance partielle être susceptible de poser toutes les questions spontanées qui lui viennent à l’esprit et qui ne viendraient peut-être pas à l’esprit de quelqu’un plus expérimenté dans le domaine qui supposerait inconsciemment que le modèle qu’il a à l’esprit est forcément le modèle appliqué au cas examiné.

Dans le troisième cas de méthode d’analyse du travail, celui des instructions au sosie, on parvient mieux selon Clot à saisir le contour de la tâche à effectuer. En effet, si le déroulement de la description de la tâche est modifiée par le sujet selon l’interlocuteur à qui il s’adresse, c’est que les opérations sélectionnées par lui le sont en fonction d’objectifs qui ne dépendent pas seulement de la tâche évoquée mais de ce qui l’incite à sélectionner ses mots et ses phrases au moment de l’analyse. La solution serait du coup d’indiquer à la personne qui décrit sa tâche qu’elle s’adresse à un sosie de manière à neutraliser l’impact de l’interlocuteur sur son discours. Il s’agit de placer la personne dans la meilleure « posture cognitive » possible pour décrire son travail. En positionnant celle-ci face à son sosie, elle retrouve les « déclencheurs sensoriels » qui la ramènent vers son vécu. Elle donne de ce fait la description la plus complète possible de son activité permettant à l’auditeur interne d’améliorer la qualité de son jugement.


Pour conclure, on pourrait schématiser en disant que les « bons audités » font les « bons auditeurs » tant il est vrai que l’auditeur ne peut aller plus loin dans son analyse des points forts et des points faibles d’un service que ce qui lui en est présenté.

Ceci nous amène à considérer la responsabilité des responsables qualité dans l’application de la norme ISO 9000 puisque ce sont eux qui organisent entre autres les audits internes et à analyser leur positionnement dans l’entreprise.





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