Les étapes de la démarche scientifique ont été présentées par plusieurs auteurs, (Quivy et Van Campenhoudt, 1995, Igalens et Roussel, 1998) entre autres. Elles se trouvent au nombre de sept :
La première étape est celle de la rupture c’est à dire du paradoxe constaté dans les faits et qui va alimenter la réflexion du chercheur. Igalens et Roussel parlent d’un « premier pas vers l’authenticité »
La deuxième étape est celle de l’exploration. A l’aide de lectures et d’entretiens avec des spécialistes du domaine, le chercheur se familiarise avec son champ d’étude et en retire des questions pertinentes.
La troisième étape est celle de la problématique. Il s’agit là de formuler la question de recherche en se positionnant épistémologiquement et théoriquement dans son approche.
La quatrième étape est l’étape de construction du modèle d’analyse. Il faut bâtir des hypothèses et des propositions théoriques qui vont structurer l’observation de la réalité. Le chercheur construit ainsi une représentation théorique de son domaine d’investigation. Il détermine les concepts et les phénomènes qu’il va chercher à observer.
La cinquième étape consiste en l’observation.
La sixième étape est celle de l’analyse des observations à l’aide de la représentation théorique du problème que l’on s’est fixée ;
Enfin la septième étape permet la comparaison avec d’autres études s’il y a lieu, la présentation des limites de la recherche effectuée et les contributions avancées par le travail réalisé.
Sur le modèle de ce découpage , nous avons organisé notre travail de recherche :
Schéma 6 : processus de recherche Etape 1 : la question de départ : pourquoi y-a-t-il nécessité d’un responsable qualité pour une norme généraliste prévue pour convenir à tous les types d’activité et à toutes les organisations ?
Etape 2 : la pré-étude
Les lectures
Les entretien exploratoires
Etape 3 : la problématique
Quel est le rôle du responsable qualité dans la gestion d’une norme organisationnelle telle que l’Iso 9000 version 2000 ?
LA CONSTRUCTION Etape 4 : L’élaboration d’une approche méthodologique (les questions dérivées)
comment le responsable qualité influence-t-il la construction de sens lors
de la mise en place de la norme Iso 9000 version 2000 ?
comment le responsable qualité gère – t - il les audits internes ?
comment le responsable qualité influence-t-il la pérennisation de la certification Iso 9000 version 2000 ?
-banalisation ou assimilation de la norme
-lassitude des acteurs et coût de l’application
LA CONSTATATION
Etapes 5 et 6 : les entretiens et l’analyse de contenu
Etape 7 : les conclusions
(d’après Quivy et Van Campenhoudt, 1995)
La démarche proposée par Quivy et Van Campendhoudt qui a l’avantage de présenter clairement les séquences du processus de recherche doit être complétée par une approche à la Glaser et Strauss (1967) c’est à dire une approche liée à la théorie enracinée. Si l’on reprend la présentation qu’en font Royer et Zarlowski (1999) , la théorie enracinée se caractérise par :
un objectif principal qui est d’élaborer une théorie explicative d’un phénomène social en se fondant sur la mise en évidence de quelques régularités
une mise en œuvre par l’étude de multiples situations
une collecte des données par un processus itératif avec des allers-retours entre les données, les analyses et les théories et l’utilisation de méthodes diverses : entretiens, exploitation des sources documentaires, observations.
l’analyse qualitative est prédominante, les analyses quantitatives pouvant intervenir de manière complémentaire.
Ce processus d’analyse par itération est intervenu au cours de notre travail d’où la flèche de retour ajoutée sur le schéma de Quivy et Van Campenhoudt entre l’étape 4 et les étapes 5, 6.
2.2.2.Les entretiens :
Les entretiens se sont déroulés essentiellement au printemps 2002 pour les entretiens exploratoires, et durant l’automne 2002 et le printemps 2003 pour les entretiens suivants (la coupure de l’hiver 2002/2003 étant liée à une surcharge de travail d’enseignement qui ne permettait pas la disponibilité d’esprit nécessaire à cette activité). Tableau 14 : les entretiens réalisés
Bâtiment, terrassement, travaux souterrains, aménagements urbains
17
10 mars 2003
50 minutes
Face à face
Centre de réparation agréé pour les fabricants de téléphonie
18
1er avril 2003
75 minutes
Face à face
Distribution d’électricité
19
7 avril 2003
60 minutes
Face à face
Fabrication de matériel intervenant dans la production de composants pour l’industrie des semi-conducteurs et la fibre optique.
20
6 mai 2003
55 minutes
Face à face
Concession automobile
21
26 mai 2003
75 minutes
Face à face
Conseil Général
22
3 juin 2003
75 minutes
Face à face
Concession automobile
23
20 juin 2003
45 minutes
Face à face
Aéroport
24
7 juillet 2003
45 minutes
Face à face
Centre hospitalier
25
8 juillet 2003
35 minutes
Face à face
Distribution d’électricité
26
8 juillet 2003
40 minutes
Face à face
Distribution d’électricité
27
8juillet 2003
40 minutes
Face à face
Distribution d’électricité
Au final, la collecte des données a été réalisée sur une période assez courte pour qu’il n’y ait pas de biais lié à l’évolution des exigences avancées par les auditeurs réalisant la certification ou une évolution des conseils fournis par les consultants (la littérature de la profession montre en effet qu’il existe des changements dans le positionnement de ces deux groupes d’acteurs pour rapport à certains points de la norme). De même les entretiens ont été toujours d’une durée suffisante pour pouvoir réaliser un compte-rendu pertinent de la situation vécue par la personne interrogée. Les quelques entretiens réalisés par téléphone présentent des durées plus courtes liées au manque de convivialité de ce type de contact. Néanmoins nos interlocuteurs ont accepté de répondre à toutes nos questions ce qui laisse penser qu’il s’agit de témoignages présentant un degré de pertinence suffisant.
2.2.3.La validité interne et la validité externe des résultats :
La validité interne consiste à s’assurer de la pertinence et de la cohérence interne des résultats générés par l’étude.
D’après Campbell et Stanley (1966), repris par Drucker-Godard, Ehlinger et Grenier (1999), la validité interne d’un travail de recherche est liée aux biais suivants : Tableau 15 : biais limitant la validité interne
Biais limitant la validité interne
Signification
Comment éviter le biais ?
Effet d’histoire
Se demander si les évènements extérieurs à l’étude et survenus pendant la période d’étude n’ont pas faussé les résultats
Réduire la période d’étude
Avoir un regard critique sur la période retenue
Effet de maturation
Les objets d’analyse ont changé pendant le cours de l’étude
Réduire la période d’étude
Effet de test
Les individus subissent plusieurs fois le même test à intervalles rapprochés lors d’une étude longitudinale, et leurs réponses au deuxième tour sont biaisées par le fait d’avoir déjà répondu à ce test.
Travailler avec plusieurs échantillons ayant les mêmes caractéristiques
Effet d’instrumentation
Les question posées pour recueillir les données sont mal formulées
Les individus sélectionnés l’ont été sur le base de scores extrêmes.
Revoir la constitution de l’échantillon
Effet de sélection
L’échantillon étudié doit être représentatif de la population pertinent pour l’étude.
Accorder une très grande importance à la procédure d’échantillonnage.
Effet de mortalité expérimentale
Des sujets ont disparus pendant l’étude.
Remplacer si nécessaire les sujets sans changer les caractéristiques de l’échantillon.
Effet de contamination
Un individu interrogé apprend par d’autres individus l’objet de l’étude, ce qui fausse les résultats.
Mener l’étude le plus rapidement possible ou s’assurer au mieux de la confidentialité de ces travaux.
Source : Campbell et Stanley, 1966. Nous devons rester conscients que l’effet d’histoire peut exister dans notre étude en raison de l’interprétation dont la norme est l’objet et qui peut évoluer au cours du temps. Cependant comme nous l’avons fait remarquer à propos du tableau des différents entretiens, notre collecte de données ne s’est pas étendue sur une durée suffisante pour que l’interprétation de la norme évolue beaucoup.
De même, notre étude a peu de risque d’être biaisée par un effet de maturation car la version de la norme est restée la même pendant la durée de notre travail.
L’effet de test ne nous concerne pas plus car nous n’avons pas eu à ré-interroger plusieurs fois les mêmes personnes.
L’effet d’instrumentation par contre peut nous être opposé quant au choix des questions. Pour l’éviter, nous avons utilisé un seul enquêteur et les questions ont été précisées aux personnes interrogées autant que possible.
L’effet de régression statistique, l’effet de sélection et l’effet de mortalité expérimentale ne se sont pas glissés dans notre étude qualitative.
Enfin l’effet de contamination ne s’est pas manifesté car il n’y avait pas de liens entre les différents responsables qualité rencontrés.
Parallèlement à la validité interne qui assure que les résultats rendent bien compte de la réalité observée, il convient de s’interroger sur la validité externe du travail de recherche qui examine les possibilités et les conditions de généralisation et de ré-appropriation des résultats. L’utilisation de la méthode de l’échantillon théorique permet d’assurer la validité externe du travail de recherche. De plus les données recueillies lors des entretiens ont été traitées avec toute la rigueur d’une analyse inspirée de la méthode de Huberman et Miles (1991).
Conclusion de la section: Nous avons donc déterminé une méthode qui permet :
De réaliser un traitement manuel du contenu des entretiens du fait de leur nombre raisonnable ce qui a permis de garder une totale souplesse dans la codification et l’analyse.
D’obtenir des témoignages les plus complets possibles en nous adressant préférentiellement aux responsables qualité, principaux acteurs de la mise en place de la norme. Interroger des personnes non expertes en qualité – ayant peu ou pas du tout assimilé le texte abstrait et conceptuel de la norme – sur le rôle des responsables qualité dans son application, aurait apporté peu d’informations.
De rendre compte de la diversité des situations en utilisant la méthode de l’échantillon théorique pour sélectionner nos unités d’observation afin que les différences entre unités d’observation permettent de mieux appréhender l’expérience liée à chaque cas.
De limiter les divers biais liés à tout processus de recherche en fixant un protocole
Au total nous avons défini une méthode et un protocole pertinents et efficaces par rapport à notre question de recherche.
Conclusion du chapitre : Grâce au choix d’une méthode qualitative et à son application rigoureuse, des informations sur le rôle de médiation du responsable qualité dans la mise en place de la norme ISO 9000 peuvent être fournies.
La méthode qualitative présente des problèmes d’application qui avaient été relevés tels que :
le positionnement du chercheur face à son terrain lors de la réalisation des entretiens
le codage et l’analyse d’entretiens de connotation très diverses
le choix des unités d’observation
la validité interne et externe des résultats
Ces problèmes ont été rencontrés et des décisions ont été prises pour les maîtriser qui concernent le protocole méthodologique :
choix raisonné des unités d’observation dans une approche d’échantillon théorique
vigilance vis à vis des biais limitant la validité interne et externe.
Conclusion de la partie : L’analyse de la littérature, le texte de la norme ISO 9000, les spécificités de la norme en tant que représentation et en tant que projet à mettre en place ont abouti à la construction de l’hypothèse selon laquelle le responsable qualité jouerait un rôle clé dans la diffusion et l’acceptation de la norme dans l’organisation.
Il est apparu ainsi la nécessité d’une réflexion sur un protocole d’enquête pour :
s’assurer de la présence d’un responsable qualité dans les organisations certifiées ISO 9000
observer le rôle de médiation de ce dernier dans la mise en place et le développement de la norme