«La stabilité et le développement de l’Afrique francophone»


b. Le difficile impératif du renforcement des institutions



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b. Le difficile impératif du renforcement des institutions

i. Pour des États stratèges

Les trafics et autres réseaux mafieux profitent aussi du vide laissé par l'État pour délivrer des services et acquièrent aussi de ce fait une forme de légitimité. La deuxième priorité d’une politique d'aide au développement rénovée doit porter sur ces problématiques, afin de contribuer concrètement au renforcement des États africains. Les troubles actuels ont suffisamment démontré leurs faiblesses, lesquelles sont en grande partie à l’origine des crises et de la délégitimation des pouvoirs publics, incapables de satisfaire aux besoins sociaux de base des populations.

Aux yeux de votre Mission, le premier axe à proposer aux pays partenaires consiste à contribuer à les mettre en condition de définir et de conduire des stratégies de développement coordonnées et de mettre en œuvre les politiques publiques correspondantes. C’est lorsqu’ils seront en mesure d’avoir des approches stratégiques de moyen terme, répondant aux besoins des territoires et des populations, à leurs intérêts nationaux et non aux intérêts particuliers, que ces pays pourront réellement s’inscrire dans des trajectoires de développement économique et social cohérentes. Dans la mesure où les États n’ont pas les capacités à agir, l’un des enjeux de l'APD internationale et celle de la France en particulier, est de travailler à renforcer leurs capacités à définir et exécuter des politiques publiques.

En ce sens, notre pays, du fait des politiques de planification et d’aménagement du territoire qu’il a longtemps mises en œuvre, détient une grande expérience à proposer et à faire partager, qui contribuerait concrètement au renforcement des États intéressés dans une perspective qui participerait à la fois de l’amélioration de la gouvernance institutionnelle et du renforcement du fonctionnement démocratique, grâce à l’association entre centre et périphéries, au renforcement des capacités des acteurs locaux. La réduction des déséquilibres internes serait porteuse d’un apaisement des tensions, facteurs de crises.

Votre Mission recommande en conséquence que notre politique d'aide au développement explore ces voies avec ses partenaires d’Afrique francophone, qui pourraient prendre la forme d’un soutien au renforcement des administrations centrales et territoriales des pays partenaires.

ii. Les problématiques sécuritaires

En parallèle, les priorités à prendre en compte par les politiques de renforcement institutionnel devraient aussi être axées sur les problématiques régaliennes. On touche ici au cœur de la question de la légitimité.

On ne peut ignorer que la première priorité des populations des pays en crise est la sécurité, laquelle ne peut reposer sur le seul recours à des troupes militaires étrangères, rapidement perçues comme forces d’occupation, ainsi que notre pays en fait l’expérience sur le terrain. Cela suppose, en premier lieu, un soutien déterminé à la reconstruction d’institutions régaliennes efficaces : armée nationale, gendarmerie.

Comme l’a indiqué son directeur, le vice-amiral d’escadre Marin Gillier, la Direction de la coopération de sécurité et de défense du MAEDI, DCSD, consacre 15 M€ à l'Afrique francophone, soit 56 % de ses ressources (319). Les trois-quarts des 283 conseillers qu’elle a sur le terrain sont en Afrique francophone. Seize Écoles nationales à vocation régionale, ENVR, ont été constituées, qui sont également des vecteurs de promotion de la francophonie et d’interopérabilité des moyens, comme votre Mission a pu le constater lors de son déplacement au Cameroun en visitant l’École supérieure internationale de guerre, ESIG, qui accueille depuis dix ans des officiers de pays sans cesse plus nombreux, la promotion actuelle regroupant 45 stagiaires de 21 nationalités. La logique d’intervention de la DCSD est d’augmenter les capacités sécuritaires intérieures des partenaires, de protection civile et de défense.

Cela étant, si cette coopération est ancienne, comme d’autres, elle n’a pas non plus donné les résultats escomptés, en témoigne la rapidité avec laquelle les forces armées maliennes ont été mises en déroute en 2012. On connaît les causes de cet échec, on a par exemple évoqué plus haut la clochardisation progressive des armées africaines depuis les indépendances. S’agissant du Mali, on a vu comme racines du problème le manque de formation, la corruption, le hiatus extrême entre la troupe et la hiérarchie, la composition même des forces armées, au plan ethnique, aspect que l’on retrouve dans plusieurs pays de la région, sauf au Tchad, ceci expliquant sans doute cela, c'est-à-dire sa capacité d’intervention. Ici aussi, comme en d’autres secteurs, à l’évidence la communauté internationale a fermé les yeux sur le fait que la démocratie malienne était une façade, que son armée était laissée en déshérence par le pouvoir pour éviter de courir le risque qu’elle ne devienne une force apte à influer sur le jeu politique interne. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, c’est exactement le même cas de figure que l’on retrouve en République centrafricaine où les FACA ont été incapables de résister à l’avancée de la Seleka sur Bangui en mars 2013. A peu de choses près, c’est aussi la situation qui prévaut au Cameroun.

D’une manière générale, il ne peut en être autrement, dès lors que les forces armées, indispensables à la stabilité des pays d'Afrique francophone, fragiles et menacés, sont aussi l’exact reflet de l’état de ces pays. En conséquence, tant que le processus de légitimation de l’État, de manière endogène, n’aura pas avancé, on continuera de buter sur la même aporie : le sommet de l’Élysée de décembre 2013 pour la paix et la sécurité en Afrique a beau avoir conclu sur l’engagement unanime de travailler ensemble au renforcement de la sécurisation du continent, les choses tardent à se mettre en place, non seulement de manière collective, mais aussi individuellement.

Cela confirme l’urgence de la recommandation initiale de votre Mission, à entreprendre en complément des actions de coopération tendant à la reconstitution des forces de sécurité que la France et la communauté internationale mettent de nouveau en œuvre, comme au Mali, via l’EUTM. La garantie du succès pérenne de ces opérations réside cependant dans la volonté politique interne, ce processus ne pouvant être piloté de l’extérieur. Dans un pays comme la République centrafricaine, quel que ce soit le travail mené pour la reconstitution de forces armées loyales, de forces de gendarmerie et de police pour éviter la répétition des épisodes de violence, sans assise politique ni légitimité du pouvoir central, les problèmes se répèteront inévitablement.

Cela confirme l’intérêt, sinon le caractère indispensable, d’une approche intégrée qui prenne en compte l’intégralité des problématiques en travaillant au plus près des populations associées, sur les thématiques de ressources de substitution, de pastoralisme, de sécurisation alimentaire et hydrique, de production de richesses, de développement d’infrastructures. Le développement économique et social et la stabilité sont indissolublement liés.

iii. La gouvernance démocratique

Le régalien ne prévaut pas uniquement pour sa dimension sécuritaire. Parmi les axes sur lesquels il convient d’être particulièrement attentif, on relèvera deux thématiques essentielles.

En premier lieu, le renforcement des systèmes judiciaires, sujet sur l’importance duquel il n’est pas nécessaire d’insister dans une double perspective de développement et de stabilité. Le manque de sécurité juridique, l’arbitraire à tous les niveaux, la corruption, sont à la base des principaux maux dont souffrent quotidiennement non seulement les populations africaines mais aussi les entreprises qui souhaitent y investir. Sur ce dernier, il n’est pas un interlocuteur de votre Mission lors de son déplacement au Cameroun, qui n’ait abordé cette question dans son propos, comme on a eu l’occasion de le souligner.

Cette question est en lien avec la nécessité de renforcer aussi les administrations fiscales des pays d'Afrique francophone. Le développement économique et social ne sera durable que si des ressources pérennes sont collectées et dépensées par des États stratèges, qui leur donneront les moyens de définir et d’exécuter des politiques publiques.

Notre politique d'aide au développement comporte des volets intéressants sur ces thématiques, sur lesquelles sont mobilisées diverses institutions. Le MAEDI est à la manœuvre en la matière en ce qui concerne la politique bilatérale mise en application par les services centraux et les SCAC sur le terrain. Près d’une centaine d’experts techniques sont en poste en Afrique subsaharienne, sur des questions de gouvernance financière, de réforme de l’État et de gouvernance locale ainsi que de coopération juridique et de droits de l’Homme. En outre, le ministère aborde ces problématiques avec de nombreux partenaires, tant français qu’internationaux : la Cour des comptes, le Conseil d’État, le secrétariat général du gouvernement, la Direction général du Trésor, la Direction générale des finances publiques, la Direction générale des douanes et des droits indirects, etc. Les opérateurs d’expertise français, aujourd’hui réunis au sein de l’Agence française d’expertise technique internationale, AFETI, depuis le vote de la loi de juillet 2014, y participent ainsi que des établissements publics de formation, comme l’ENA et l’École nationale de la magistrature, des instances de la société civile, comme la Fédération internationale des droits de l’Homme, Transparency International, Avocats sans frontières, etc. Au niveau international, des partenariats ont été noués au niveau de l’Union européenne, des Nations Unies (ONUDC, ONU-Habitat, PNUD), de la Banque mondiale, de l’OCDE ou encore d’AfrisStats.

Si ces axes sont très positifs, on peut toutefois regretter que dans ce domaine comme en d’autres, les crédits consacrés au niveau bilatéral soient orientés à la baisse.

c. Des populations à aider

i. La santé

On ne reviendra pas longuement sur les développements précédents qui ont montré le grave hiatus existant entre les axes définis dans la stratégie sectorielle de notre pays et leur mise en application. La première recommandation de votre Mission porte en conséquence sur un recentrage de notre action les priorités de la stratégie et notamment sur l’impératif de consolidation des systèmes de santé des pays d'Afrique francophone ; cet axe doit être la première des priorités pour une politique bilatérale en cohérence avec les principales problématiques telles qu’elles ont été identifiées sur le terrain.

En effet, indépendamment des bénéfices durables pour la santé des populations, le renforcement des systèmes de santé permettra aussi aux pays concernés de pouvoir développer une approche endogène, et par conséquent légitime, des problématiques démographiques : la transition démographique qui n’est dans certains pays sahéliens pas encore entamée, est un impératif sur lequel les bailleurs ne sont sans doute pas dans la meilleure des positions pour intervenir. Toutes choses égales par ailleurs, on a vu lors de l’épidémie à virus Ébola l’incidence de la perception des populations forestières de Guinée dont les réactions vis-à-vis des équipes de professionnels de santé ont été parfois violentes. Sans aller à ces extrêmes, de nombreuses manifestations de résistances de la part des populations sont aussi possibles.

Il importe en conséquence que les questions touchant à la natalité soient traitées via des canaux nationaux, par des politiques publiques définies par les autorités sanitaires nationales, n’apparaissant pas dictées de l’extérieur. Le fait pour les pays de disposer de systèmes de santé renforcés permettra non seulement une réduction de la mortalité infantile, facteur de naissances nombreuses, mais aussi de développer des approches complémentaires et de mettre en œuvre les politiques idoines, acceptables, sans effets contradictoires.

ii. L’éducation

À l’instar de ce qu’il en est dans le secteur de la santé, on l’a amplement démontré, la politique d'aide au développement en matière d’éducation, telle qu’elle est mise en œuvre, ne respecte pas suffisamment les priorités de la stratégie qui a été définie. Les moyens consacrés à l’éducation de base dans un pays comme le Niger, par exemple, pays laïc et francophone extrêmement pauvre, sans possibilités propres de maintenir à flot son système d’enseignement public et soumis à la très forte concurrence de l’enseignement confessionnel radicalisé, sont aujourd'hui indigents.

Votre Mission fait sienne l’approche de la loi du 7 juillet 2014 en matière éducative, dont les orientations sont également loin d’être respectées. L’éducation est au cœur de l’ensemble des problématiques de développement, qu’elles soient politiques, sociales ou économiques.

C'est la raison pour laquelle votre Mission recommande que notre pays se réengage auprès du Partenariat mondial pour l’éducation à un niveau au moins équivalent à celui qui était le sien auparavant. Il est important que la France plaide pour un renforcement des systèmes éducatifs des pays les plus faibles et les plus fragiles, et tout particulièrement d’Afrique francophone.

Ce soutien permettra à notre politique d’aide à l’éducation de gagner en cohérence, dans la mesure où cet effort complètera les actions de l'AFD sur le secteur de la formation professionnelle.

En outre, votre Mission invite aussi à la révision de la politique de bourses en faveur d’étudiants en provenance de pays d’Afrique subsaharienne francophone. Nombre de pays ne se voient plus aujourd'hui proposer qu’un nombre infime de bourses pour des étudiants de niveau thèse. C’est notamment le cas au Niger où, selon les informations obtenues, il n’y a plus de bourses du gouvernement, ce qui se traduit logiquement par d’autres choix de destination par les candidats, qui, depuis une quinzaine d’années, se tournent vers les États-Unis, le Canada ou le Royaume-Uni, mais aussi d’autres pays africains, tels le Nigeria ou le Maroc.


LOI no 2014-773 du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale

Éducation et formation.

L’éducation, notamment des filles, est un droit humain fondamental au cœur des processus de développement. Une éducation et une formation de qualité sont des facteurs puissants de transformation sociale et contribuent à la réduction des inégalités sociales et territoriales, à un développement économique durable, à l’épanouissement des personnes, à l’exercice de la citoyenneté et à la promotion de la démocratie et de l’État de droit. L’éducation est aussi un outil de sensibilisation, de prévention et de formation aux droits humains, aux enjeux de développement durable et aux enjeux transversaux et sociétaux tels que la santé, l’environnement ou la lutte contre toutes les formes de discriminations.

Une des caractéristiques des pays bénéficiaires de la politique de développement est la jeunesse de leur population. Encore plus pour ces pays, les jeunes représentent l’avenir et doivent pouvoir bénéficier d’investissements forts à tous les niveaux pour permettre leur inclusion sociale, économique et politique. C’est pourquoi la France fait de l’éducation et de la formation accessibles à tous sans aucune discrimination une des priorités de sa politique de développement et de solidarité internationale. Dans ce cadre, un effort particulier dans le domaine de la formation professionnelle initiale et continue dans les pays concernés aura un effet de levier sur la création d’emplois, mais aussi sur la capacité de ces pays à s’adapter au contexte de mondialisation des échanges et de multiplication des crises économiques, sanitaires et climatiques.

La politique française d’aide au développement et de solidarité internationale doit aider à la mise en œuvre de politiques d’éducation et de formation efficaces, à même de garantir l’acquisition des connaissances et la maîtrise des compétences nécessaires au développement autonome des populations et à leur pleine insertion économique, sociale et citoyenne dans la société. À ce titre, l’accès et le maintien des filles à l’école représentent un facteur fondamental de développement. Cette politique doit aussi contribuer aux objectifs de l’Éducation pour tous, en priorisant le soutien à l’éducation de base incluant les premiers niveaux du secondaire, l’importance du continuum éducatif de la petite enfance à la formation tout au long de la vie, le rôle primordial des équipes pédagogiques dans la dispense d’une éducation de qualité, notamment pour les populations marginalisées ou vulnérables. La France contribue également à ces objectifs à travers sa politique d’accueil et de formation d’étudiants étrangers sur son territoire. La politique de promotion et de soutien de la langue française est également un vecteur de la politique de développement.


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