Mongolie et pays des Tangoutes



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Retour du Cosaque

Après avoir déchargé les chameaux, nous envoyâmes un cosaque et le Mongol chercher le colis abandonné sur la route avec l’autre chien qui avait été notre fidèle compagnon de route depuis près de deux ans ; il vivait encore et nos hommes le trouvèrent couché à l’ombre du colis ; l’eau qu’on lui apportait lui rendit ses forces et il revint au camp.

Malgré notre prostration physique et morale, la mort de Faust nous fut si pénible que nous ne pûmes rien manger et passâmes la nuit sans sommeil. Au matin, nous creusâmes une petite fosse et confiâmes à la terre les restes de ce véritable ami. En lui rendant cet honneur, M. de Piltzoff et moi, nous pleurions comme des enfants ! Que de fois, dans des moments difficiles, en des heures de découragement, les caresses du bon animal ne nous avaient-elles pas fait oublier à moitié nos misères ? Depuis près de trois ans, ce dévoué serviteur nous suivait : ni les terribles gelées, ni les effroyables tempêtes de neige du Thibet, ni les pluies, ni la neige du Han-Sou, ni les marches interminables pendant des milliers de verstes n’étaient venues à bout de lui. Il avait succombé à la chaleur brûlante de l’Ala-Chan et, deux mois plus tard, notre expédition allait être terminée ! N’était-ce pas là une triste fatalité ?

La route habituelle que suivent, en se rendant d’Ourga dans l’Ala-Chan, les caravanes des pèlerins septentrionaux en se dirigeant vers le Thibet, tourne un peu à l’ouest à partir de la chaîne de Khan-Oula et passe sur le territoire de Khalkha. Cependant nous ne choisîmes pas cet itinéraire, car le nombre des puits y avait diminué et, depuis l’insurrection doungane, les caravanes ne passaient plus par là 1.

Nous suivîmes une direction directe au nord 2 et, après avoir traversé les ramifications occidentales du Kara-Narin-Oula, p.324 nous entrâmes sur le territoire des Ourotis, dont un petit coin s’enfonce entre l’Ala-Chan et Khalkha.

Le pays s’élève ici beaucoup plus haut que dans l’Ala-Chan, mais ne tarde point à s’abaisser en pente excessivement douce vers la plaine de Galbin-Gobi, dont la hauteur absolue atteint à peine trois mille deux cents pieds. Ensuite le sol s’exhausse de nouveau dans la direction du nord, vers les monts Khourkou. Ces derniers séparent d’une manière très accentuée le désert aride qui s’étend au sud de la région plus steppienne qu’on rencontre au nord. Enfin les chaînes qui circonscrivent la vallée du Hoang-Ho s’abaissent aussi peu à peu à l’ouest vers le Galbin-Gobi, de sorte que cette plaine inculte, s’étendant, au dire des Mongols, sur un espace de vingt-cinq journées de marche, présente une dépression aussi profonde que le cirque du lac Djarataï-Dabassou dans l’Ala-Chan. Le terrain du Galbin-Gobi, dans la partie qui nous occupe, est formé de petits cailloux ou d’argile salée et presque entièrement dépourvu de végétation. Sur toute son étendue, de l’Ala-Chan à l’arête de Khourkou, c’est un désert aussi aride, aussi sauvage que l’Ala-Chan, avec seulement quelques caractères physiques différents. Ainsi les lises sont ici moins nombreuses ; elles sont remplacées par de l’argile pure et des cailloux ; des roches dénudées, où domine le gneiss, affleurent comme des îles au milieu des sables.

La végétation est représentée par des arbustes rabougris, tels que le Callidium gracile, le Haloxylon sp. et la Nitraria scholerii au milieu desquels croissent quelques herbes ; dans les endroits sablonneux, domine l’Agriophyllum gobicum. L’orme 3 est l’arbre caractéristique de la contrée ; on le rencontre spécialement sur le territoire des Ourotis, où il forme de petits bosquets. De plus on trouve encore le pêcher sauvage 4, qui ne pousse pas dans l’Ala-Chan.

Le règne animal est ici d’une grande pauvreté : en fait d’oiseaux ou de mammifères, nous n’avons reconnu qu’une seule p.325 nouvelle espèce. Il nous est arrivé souvent de cheminer des heures entières sans rencontrer un oiseau. Les indigènes habitent autour des puits ou des petits ruisseaux disséminés dans le désert, à de longs intervalles les uns des autres. Leur bétail se compose de chameaux avec un petit nombre de moutons et de chèvres.

Pendant notre voyage, dans la première moitié d’août, les chaleurs furent très fortes sans pourtant atteindre le degré excessif de celles de l’Ala-Chan. Les vents soufflaient presque nuit et jour, souvent devenaient tempétueux et remplissaient l’atmosphère de sable et de poussière salée. Ces poussières ensablent les puits, qui sont aussi détruits par les pluies, rares il est vrai, mais qui s’abattent en trombe. Alors, pendant une heure ou deux, coulent de véritables rivières qui charrient de la boue et du sable jusqu’aux puits toujours creusés aux endroits les plus bas. Traverser une pareille contrée sans guide est impossible : la mort vous menace à chaque minute, à chaque pas. En un mot, ce désert et celui de l’Ala-Chan sont si terribles que, comparativement, ceux du Thibet peuvent être considérés comme une terre bénie. Là au moins, on rencontre souvent de l’eau, et les vallées des rivières possèdent de bons pâturages. Ici, rien de tout cela, pas même une seule oasis, partout l’absence de la vie, partout le silence absolu, c’est le pays de la mort dans la pleine acception du mot. Le Sahara peut difficilement être plus terrible que ces vastes solitudes, dont l’étendue se mesure par des centaines de verstes en latitude et en longitude.

La chaîne de Khourkou, qui, au point où nous l’avons traversée, délimite la frontière septentrionale de la région la plus sauvage et la plus déserte du Gobi, se profile en arête bien accusée du sud-est au nord-ouest. A quels points court-elle dans ces deux directions ? Nous n’avons pas pu l’apprendre positivement ; mais les indigènes nous ont dit que, dans le sud-est, le Khourkou s’étendait jusqu’aux montagnes formant la vallée du Hoang-Ho, et qu’à l’ouest il atteignait aussi, avec quelques petites solutions de continuité, d’autres montagnes élevées. Si l’on ajoute foi à cette assertion, l’on peut supposer que le Khourkou rejoint à l’ouest le Thian-Chan, formant ainsi le lien entre ce système et celui de l’In-Chan, fait excessivement p.326 intéressant, mais dont la réalité ne pourra être prouvée que par de nouvelles explorations.

La largeur du massif de Khourkou, au point où nous l’avons franchi, est de dix verstes, et sa hauteur au-dessus de la plaine dépasse à peine mille pieds. L’espèce minérale la plus commune ici est le porphyre qu’on trouve parmi tous les rochers à fleur de terre. L’eau est très rare et, en général, cette chaîne, comme ses voisines, présente un caractère triste et inanimé. Ses flancs complètement nus sont hérissés çà et là de touffes de pêchers sauvages, de faux acacias et, dans les lits desséchés des torrents, apparaissent la Nitraria scholerii, le dirissou en petit nombre et l’orme encore plus rare. En fait d’oiseaux, nous n’avons vu que le gypaète, le crécerelle, la perdrix et le traquet.

Cependant, malgré l’aridité de cette contrée, on y rencontre un bel animal sauvage : le bouquetin, appelé par les Mongols oulan-laman 1. Les Mongols prétendent que le bouquetin habite aussi le nord-ouest de l’Ala-Chan dans les monts Eugraï-Oula, situés non loin de la ville de Sogo 2.

Sur toute la région que nous venions de parcourir, le bouquetin ne se trouvait que dans le Khourkou ; aussi désirions-nous vivement ajouter sa robe à nos collections. Malheureusement nous ne pûmes nous donner cette satisfaction, car nous manquions de chaussures convenables pour grimper sur les rochers, escalader les pentes abruptes, couvertes de sable ou de gros cailloux. Nos bottes, que nous avions confectionnées nous-mêmes 3, n’étaient pas capables de nous rendre un pareil service ; nous n’aurions pu faire un pas dans ces endroits dangereux sans risquer de tomber et de nous casser la tête ou de briser nos armes. Nous avons pourtant essayé et nous sommes restés avec mes compagnons, une demi-journée entière, littéralement à quatre pattes sur les rochers. Fourbus par un pareil exercice, nous avons reconnu qu’il était impossible avec les chaussures de notre fabrication d’espérer tuer un animal si prudent.



p.327 Sur le côté méridional de la chaîne, passe la route commerciale de Pékin par Koukou-Khoto et Baoutou, vers l’ouest ; elle traverse les villes de Kami, d’Ouroumzi et plus loin l’ancienne province d’Ili. Près de la source de Bordzon, où nous passâmes la nuit, un embranchement se détache de la grande route et conduit à la ville de Sou-Tchéou. Si nous en croyons les indigènes, avant l’insurrection, le mouvement commercial était considérable sur cette grande voie de communication ; mais, tous les puits ayant été détruits, personne ne la prenait plus.

Le Khourkou forme la limite que ne dépasse pas le Haloxylon 1 ; avec lui disparaissent aussi le passereau et le moineau de l’Ala-Chan, et, pour la dernière fois, nous apercevons la perdrix choukor.

Au nord de la chaîne, la topographie du désert change assez sensiblement. Les lises, nombreuses encore dans le territoire des Ourotis, disparaissent ici 2 et sont remplacées par un sol argileux et des cailloux de toutes les dimensions 3. Cependant le relief de la contrée reste le même et offre comme précédemment des plaines unies ou légèrement ondulées ; des collines peu élevées se montrent tantôt en petites chaînes, tantôt dispersées en groupes isolés. Elles sont composées de schiste argileux, de gneiss et parfois de minéraux de formation volcanique récente. Elles sont totalement privées de végétation. Sur les surfaces salines, nous retrouvons la Nitraria scholerii et le Callidium gracile, et dès que le sol est de meilleure qualité on voit la petite absinthe et l’ail sauvage, plante caractéristique du pays ; enfin le dirissou et quelques autres plantes complètent la flore du désert. Comme dans tout le Gobi, la végétation est en rapport direct avec la pluie. A peine quelques ondées rafraîchissantes se sont-elles manifestées que, sous l’influence du soleil brûlant, p.328 les jeunes pousses des herbes surgissent et se développent avec une étonnante rapidité ; en même temps, le désert desséché se couvre d’oasis verdoyantes. Alors surviennent les antilopes ; l’alouette de Mongolie égaye la nature de son chant ; les Mongols arrivent avec leurs immenses troupeaux, et un joyeux bourdonnement de vie interrompt la monotonie habituelle. Mais ce n’est pas pour longtemps : les rayons du soleil transforment rapidement en vapeur la quantité d’eau qu’avait absorbée le sol, l’herbe foulée par les bestiaux se fane et jaunit, les Mongols décampent, les antilopes dzerens s’enfuient, les alouettes s’envolent et le désert redevient silencieux comme la tombe.

Sur notre route, la hauteur absolue du Gobi, depuis la chaîne de Khourkou jusqu’à Ourga, ne dépassait nulle part cinq mille cinq cents pieds, de même que, nulle part, elle ne s’abaissait au-dessous de quatre mille. Les dépressions semblables à celles du lac Djarataï-Dabassou et du Galbin-Gobi, ou de la route de Kiakta à Kalgan, ne se retrouvent plus, et toute la contrée présente un plateau élevé dont l’altitude oscille entre les chiffres précités.

Le Gobi central ressemble aux autres parties de ce désert. Complètement privé de système hydrographique, il n’a point ou n’a que très peu de sources, comme nous en rencontrions parfois dans le Khourkou. Après des pluies abondantes, les eaux se rassemblent dans des dépressions argileuses et fournissent en été la provision nécessaire aux nomades ; en hiver, ceux-ci se contentent de neige ; aussi pendant la belle saison changent-ils fréquemment de pâturages.

On rencontre assez souvent des indigènes qui vivent dans une certaine aisance. D’immenses troupeaux de moutons paissent près des douars : les chameaux, les chevaux et les bêtes à cornes sont nombreux. Tout ce bétail est excessivement gras à la fin de l’été, ce qui ne laisse pas d’étonner lorsqu’on connaît la mauvaise qualité des pâturages. J’attribuerais volontiers cet embonpoint à la liberté dont jouissent les animaux et à l’absence des insectes qui, dans des localités plus fertiles, sont un véritable fléau 1.



Les troupeaux dans le Gobi



p.331 Arrivés sur le territoire de Khalkha, nous entrions dans le ressort administratif du Touchtou-Khan et nous poursuivions à marches forcées notre route sur Ourga, qui nous paraissait maintenant la terre promise. En effet près de trois années consécutives d’explorations, accompagnées de souffrances et de privations de toute espèce, avaient tellement ruiné nos forces physiques et morales que l’on comprendra facilement notre vif désir de terminer ce pénible voyage. Il faut ajouter à cela que nous traversions la région la plus sauvage du Gobi, où l’absence d’eau, les chaleurs excessives, les tempêtes effroyables étaient liguées contre nous et, de jour en jour, nous enlevaient le peu qui nous restait de forces. On ne saurait croire de quelle eau nous faisions usage lorsque nous remontions au nord des monts Khourkou. Peu de temps avant notre passage, des pluies torrentielles avaient ruiné les puits et formé des lacs temporaires, vers lesquels ne tardèrent pas à affluer les Mongols et leurs troupeaux. Ces petits lacs n’avaient pas plus de cent pas de diamètre avec une profondeur de deux ou trois pieds ; une dizaine de iourtes s’échelonnaient à l’entour. Chaque jour on amenait de grands troupeaux qui entraient dans l’étang, troublaient l’eau et la salissaient de leurs ordures ; de plus, cette eau, chargée de sel, était à une chaleur de 25° C. Pour tout homme autre qu’un explorateur, un pareil liquide l’aurait fait reculer d’horreur ; nous étions cependant, comme les indigènes, obligés de le boire après l’avoir fait bouillir et y avoir ajouté une infusion de thé en brique.

Le mirage, pareil au mauvais génie du désert, venait presque chaque jour nous faire illusion et nous montrer de fraîches chutes d’eau descendant des collines ou des rochers voisins. Enfin la chaleur était atroce, et les tempêtes nous privaient de tout repos, même pendant la nuit et après les pénibles étapes de la journée.

Nous n’étions du reste pas les seuls pour lesquels le désert mongolien se montrait un hôte si dur. Les oiseaux voyageurs qui arrivèrent dans les premiers jours d’août souffraient aussi de la faim et de la soif. Les vols d’oies et de canards s’abattaient sur les moindres flaques ; les petits oiseaux épuisés se p.332 réfugiaient jusque dans notre tente et se laissaient prendre à la main. Que de fois nous rencontrâmes de ces voyageurs ailés, étendus morts sur le sable du désert ! Il est probable que cette traversée du Gobi fait toujours beaucoup de victimes.

Le vol le plus considérable eut lieu dans la seconde moitié d’août 1, et, le 1er septembre, nous observâmes vingt-quatre volées. Autant que nous en pûmes juger, les troupes d’oies se dirigeaient vers le sud-est, juste au-dessus du coude septentrional du fleuve Jaune.

A cent trente verstes au nord du Khourkou, nous trouvâmes une seconde route commerciale, qui mène de Koukou-Khoto à Oulia-Soutaï 1. Cette voie est carrossable, des puits y sont pratiqués de distance en distance, mais les transports y ont lieu le plus habituellement à dos de chameau. Depuis l’insurrection, la garnison chinoise d’Oulia-Soutaï avait été augmentée ; après la prise de la ville par les Doungans, la route continua de servir à un mouvement considérable de transports, de vivres et de munitions pour les armées. Les marchands chinois la suivent aussi, avec leurs pacotilles, qu’ils viennent échanger contre la laine, le cuir et le bétail des Mongols 2.

L’autre route de Koukou-Khoto passe à cent cinquante verstes plus au nord de celle-ci ; c’est la voie postale que prennent les fonctionnaires et le courrier ; on y entretient des relais. La route postale d’Oulia-Soutaï sort de Koukou-Khoto se dirigeant sur Kalgan-Ourga, puis continue jusqu’à la station de Saïr-Oussou 3 et tourne alors vers Oulia-Soutaï.

Après la route postale d’Oulia-Soutaï, le Gobi change encore d’aspect ; mais cette fois c’est pour le mieux ; il se transforme en un steppe qui, en s’avançant vers le nord, devient de plus en plus fertile. Les cailloux cèdent la place au gravier, puis au sable, qui est mêlé à une petite quantité d’argile. Tout le pays devient accidenté ; la plaine unie est coupée de petites p.333 collines 4 à pente douce qui s’entrecroisent dans toutes les directions et forment le trait caractéristique de cette région, que les Mongols appellent Khangaï c’est-à-dire « Montagnes ». Le pays conserve la même aspect topographique pendant cent soixante verstes au nord de la route postale d’Oulia-Soutaï. Puis, à la limite du désert privé d’eau et du bassin du Baïkal, se détachent les lignes rocheuses de petites montagnes qui finissent par se grouper en une seule chaîne, le Ganghin-Daban, derrière laquelle se cachent les riches cantons bien arrosés de la Mongolie septentrionale.

Dans la zone où nous sommes arrivés, les maigres pâturages font place à de belles prairies qui, à mesure qu’on approche d’Ourga, deviennent de plus en plus luxuriantes. Les trois plantes qu’on a vues exclusivement dans le Gobi central ne sont plus seules ; il y faut ajouter diverses graminées, légumineuses, caryophyllées et composées. La vie animale se manifeste aussi par un plus grand nombre de représentants : les nombreuses antilopes dzerens broutent les succulents herbages 1, les lièvres nains (logomys) courent d’un terrier à l’autre, les marmottes se chauffent au soleil et les alouettes, que nous n’avons pas rencontrées depuis le Han-Sou, peuplent les airs.

Cependant la disette d’eau persiste encore, les lacs et les rivières manquent, les puits et les petites sources sont rares, et, comme dans tout le Gobi, les puits sont peu profonds 2. Sur toute la route de l’Ala-Chan à Ourga, nous n’en avons jamais trouvé dont la profondeur dépassât huit pieds, et l’eau se rencontrait même à une moindre profondeur si l’endroit avait été bien choisi.

Pendant le dernier mois que nous passâmes en Mongolie, la température fut semblable à celle du mois de juillet : chaleurs extrêmes et persistantes atteignant 36,6° C. à l’ombre.

Les nuits elles-mêmes étaient chaudes, parfois même brûlantes 3 ; la sécheresse de l’air était extrême, il n’y avait point p.334 de rosée. Nous n’eûmes pas une seule fois de la pluie, quoique de temps à autre d’épais nuages s’amoncelassent au-dessus de la caravane. Cependant, un peu ayant notre arrivée dans le centre de Gobi, en juillet, il y avait eu une pluie terrible mêlée de grêle ; des hommes et des bestiaux périrent dans cette tourmente.

La plus grande partie du mois d’août, le temps fut serein ; mais les vents soufflèrent parfois en tempête nuit et jour avec plusieurs sautes différentes dans la même journée. En général, la direction était ouest avec inclinaison au nord et au sud.

Ce mois fut remarquable par des transitions de température brusques et considérables. Ainsi, le 27 à midi, le thermomètre marquait à l’ombre + 23,3° C. ; le lendemain, régnait un vent du nord impétueux, la neige tomba et, au lever du soleil, le thermomètre était à 0°.

Notre impatience d’arriver à Ourga croissait de plus en plus ; au lieu de compter par mois, par semaines, nous comptions par jours. Enfin, après avoir franchi la petite chaîne de Ganghin-Daban, nous atteignons les rives de la Tola, cette première rivière que nous avions rencontrée en Mongolie. Depuis le Han-Sou jusqu’ici, sur une étendue de treize cents verstes, nous n’avions pas vu un seul ruisseau ni le plus petit lac, à l’exception des flaques salées produites par les pluies. Avec l’eau, on revoit les forêts, dont l’ombre épaisse se dessine sur les versants abrupts des monts Khan-Oula. Le cœur ému et joyeux nous franchissons notre dernière étape. Le 5 septembre, nous arrivions à Ourga où nous recevions de notre consul le plus cordial et sympathique accueil.

Je n’essayerai pas de peindre les impressions de ce moment, lorsque, pour la première fois, il nous fut donné d’entendre les accents de la langue maternelle, d’apercevoir des visages amis, de nous trouver enfin au milieu d’une société européenne ! Avec quelle avidité nous pressions nos amis de questions sur ce qui se passait dans le monde civilisé ! Avec quel bonheur nous parcourions les lettres qui nous attendaient ! Pareils à des enfants, nous ne savions pas borner l’expansion de notre joie ! Ce ne fut qu’au bout de p.335 quelques jours que nous reprîmes les habitudes de la vie civilisée, dont nos longues pérégrinations nous avaient désaccoutumés. Le contraste avec ce qui avait lieu si récemment encore et ce qui nous entourait à l’heure actuelle, avait été si brusque que toute notre existence voyageuse nous apparaissait comme un mauvais rêve. Quand, pour la première fois, nous avions franchi la frontière de Mongolie, un avenir insondable se dressait devant nous ; maintenant, ce que nous avions fait depuis, tout ce que nous avions éprouvé, se représentait à notre esprit, et nous étions étonnés de la bonne fortune extraordinaire qui nous avait accompagnés. Nous étions partis à peu près sans ressources, une série d’heureuses chances avait assuré le succès de notre entreprise. Que de fois la réussite n’avait tenu qu’à l’épaisseur d’un cheveu ; mais notre bonne étoile nous avait sauvés en nous donnant la possibilité d’accomplir, dans la mesure de nos forces, l’exploration des contrées les moins connues et les plus inaccessibles de l’Asie centrale !

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1 M. Mohl m’avait raconté que, faisant, vers l’époque de la publication du livre du P. Huc, une visite à l’un des vicaires apostoliques des missions orientales (à Mgr Pallegoiz, de Siam, si je ne me trompe), il avait vu sur sa table le nouveau livre du missionnaire, et que l’évêque s’en était excusé, en disant qu’il aurait dû le laisser dans sa chambre à coucher, attendu qu’il trouvait peu convenable qu’un évêque fût surpris occupé à lire des romans.

1 Parmi d’autres passages, en voici un qui est, à n’en pas douter, dans le style des Souvenirs : « Tolon-Noor est comme une monstrueuse pompe pneumatique à faire le vide dans les bourses mongoles ». Lorsqu’il dit que le nom de Djao-Naiman-Soumé, porté par la ville de Tolon-Noor sur les cartes, depuis d’Anville, est « également inconnu et incompris des Tartares et des Chinois », son affirmation a bien le cachet de l(habile mais prétentieux abbé. Il croit savoir la langue mongole et pourtant il ne peut pas expliquer le sens de ce nom qui, à vrai dire, s’applique moins à Tolon-Noor qu’à l’emplacement du palais d’été de Kublaï, à Changtou, qui est situé à 26 milles (42 kilomètres) au nord de la ville. Djao-Naiman-Soumé signifie « les Cent huit temples ».

2 Huc ne mentionne ce fait que d’une façon vague et sans en indiquer la date, mais dans la préface de son second ouvrage : L’Empire Chinois, laquelle est datée de Mai 1854.

1 « Dans le Koukou-Nor et dans le Dzaïdam, écrivait Prjévalski, on se rappelle parfaitement la grande caravane dont Huc prétend avoir fait partie, et j’ai été un peu surpris que personne n’ait gardé le moindre souvenir des étrangers qu’elle comptait dans ses rangs. Huc affirme de plus qu’il a passé huit mois à Goumboum (Il écrit Kounboum ; mais ce devrait être Kou-Boum, comme on le verra plus bas) ; et cependant j’ai vu beaucoup de lamas qui avaient habité ce temple depuis trente ou quarante ans, mais tous m’ont donné l’assurance solennelle qu’il n’y avait jamais eu d’étranger parmi eux. D’autre part, cependant, à Nin-Sia et dans l’Ala-Chan, on se souvenait parfaitement de la présence de deux Français, vingt-cinq ans auparavant » (Proceedings. of R. G. S., XVIII, 83). A ce sujet, il serait bon de ne pas perdre de vue que, les pères Huc et Gabet étant déguisés en lamas, leur véritable état devait être généralement ignoré.

D’un autre côté, Prjévalski lui-même a, dans le village d’El-Chi-San-Fou, où existe une des missions catholiques romaines en Mongolie, rencontré Samdadchiemba, le serviteur de Huc et de Gabet, que se rappellent les lecteurs des Souvenirs « aussi bien qu’ils ont présents à la mémoire les noms de Sam Weller ou de Sancho Pança. « C’est, dit-il, un métis de Mongol et de Tangoute, âgé de cinquante-cinq ans et qui jouit d’une excellente santé. Il nous a raconté plusieurs de ses aventures et décrit les différents endroits que traverse la route. »


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