M. le Président - Merci.
Les amendements sont ainsi présentés dans l’intervention. Je dis cela pour la gestion du temps.
Je donne la parole à Madame RIVET.
Mme RIVET - Merci, Monsieur le Président.
S’agissant de ce rapport, j’ai vu que le CESER s’étonnait de sa présentation en session. Au contraire, les Écologistes s’en félicitent, car c’est l’occasion d’un débat.
Nous vivons, les agriculteurs vivent une énorme transformation de l’agriculture, probablement de même ampleur que celle du siècle dernier et il nous paraît important de nous interroger sur l’innovation agricole, une innovation qui doit être durable.
En effet, plusieurs voies s’ouvrent à l’agriculture et certaines, nous en sommes persuadés, sont des impasses.
À titre de comparaison, l’industrie automobile de notre pays est en pointe sur la voiture diesel, alors qu’il faut abandonner ce carburant !
Je peux témoigner de l’occasion ratée voici trente ans sur l’agriculture biologique. Ma petite exploitation d’élevage exportait à l’époque 300 quintaux de céréales - cela ne fait pas grand-chose ! – en Allemagne. Maintenant, nous manquons de céréales bio.
L’équation agricole paraît simple : 800 millions de personnes qui souffrent de la faim sur notre planète et nos céréales qui sont un minerai à exporter. En réalité, tous les continents ont actuellement la possibilité de nourrir leur population et les victimes de la malnutrition sont surtout les petits agriculteurs qui vendent leur production pour avoir un revenu. Parmi eux, je le signale, 150 millions de femmes agricultrices ont faim parce qu’elles n’ont pas le même accès à la nourriture que les hommes.
La malnutrition relève donc de problèmes politiques, économiques, géopolitiques et sociaux. Ils sont aggravés par l’arrivée de nos productions subventionnées sur les marchés.
L’export de matières premières brutes a donc un avenir incertain ; d’autant que la question de la quantité est de moins en moins présente dans les stratégies alimentaires des pays et la qualité nutritionnelle pourrait, dans le futur, devenir prioritaire.
Dans ces conditions et alors que notre continent produit 60 % de plus que ses besoins, il n’y a aucun intérêt à être la première ou deuxième région céréalière d’Europe. D’autres voies d’excellence nous semblent à privilégier et à faire émerger. Ce doit être le but principal de cet appel à projets et le rapport qui nous est proposé donne à ce sujet quelques pistes d’innovation qui nous semblent intéressantes :
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Innover pour faire face au changement climatique, pour améliorer la qualité des produits, pour faire émerger des formes de commercialisation originales, pour trouver des solutions à l’effondrement de la biodiversité, pour valoriser la multifonctionnalité traditionnelle de l’agriculture, explorer des champs supplémentaires (l’énergie, le paysage pour le tourisme).
-
Innover en s’appuyant, comme le dit le rapport, sur les femmes et les hommes qui travaillent au sein des exploitations. L’efficacité des savoir-faire paysans, de l’expérimentation en ferme et des pratiques collectives en termes d’innovation agricole n’est plus à prouver.
L’urgence en matière environnementale et climatique fait peser des menaces forges sur l’agriculture. L’accent doit donc être mis sur des solutions à cette urgence.
Nous sommes plus dubitatifs sur d’autres axes retenus. Ainsi, le numérique ou l’automatisation ne sont souvent que le prolongement de la mécanisation et de l’outillage. Nous faisons une exception pour tout ce qui concerne les conditions de travail et de pénibilité qui vont faire évoluer l’image des métiers agricoles.
Nous regrettons surtout que le rapport continue à considérer comme innovantes les améliorations permettant de produire plus.
Pour les territoires ruraux qui nous interpellent régulièrement sur leurs difficultés en matière d’emploi et d’activité, il nous semble prioritaire d’encourager les innovations créatrices d’emploi et d’activité plutôt que celles qui les diminuent. Nous regrettons que ce rapport insiste peu sur cet aspect fondamental.
Nous le voterons donc sans enthousiasme et nous serons attentifs au résultat des appels à projets, en espérant qu’ils infirment nos doutes.
Je vous remercie.
M. le Président - Merci, Madame RIVET.
Monsieur COUEILLE a la parole.
M. COUEILLE - Merci, Monsieur le Président.
Monsieur le Président, chers collègues, ce rapport nous demande d’adopter l’appel à projets Partenariat européen pour l’innovation de l’agriculture. Il suscite des remarques et des réserves de la part du groupe Front National.
Tout d’abord, nous constatons une fois de plus que, pour bénéficier de subventions européennes, dont l’ensemble ne représente, après tout, qu’un retour limité de la contribution de la France à l’Union, puisque nous récupérons globalement 14 milliards d’euros sur les 21 milliards d’euros que nous versons annuellement à BRUXELLES, il faut que la Région passe sous les fourches caudines des critères imposés par la Commission européenne, si elle souhaite soutenir des projets innovants dans l’agriculture.
Ensuite, on peut se demander si l’innovation n’est pas le dernier paravent de l’Union européenne pour masquer l’échec de sa politique ultralibérale fondée sur la compétition faussée au sein de l’Europe, d’une part, et entre l’Europe et les États-Unis, d’autre part. Je cite le rapport : « L’innovation doit permettre aux agriculteurs de dégager de meilleurs revenus, d’améliorer leurs conditions de travail et de répondre aux demandes de la société sur la protection de l’environnement, sur la qualité et la sécurité des produits. »
La politique européenne est une véritable fuite en avant. Ce genre de discours, qui promet des lendemains qui chantent, combien de fois l’avons-nous entendu depuis la création de la PAC en 1957 et sa réforme en 2010 ? Or, l’agriculture française est en danger mortel : des pertes de revenus et un endettement toujours croissant entraînant disparition des exploitations, désertification des territoires ruraux, désespoir avec un suicide d’agriculteur tous les deux jours.
De plus, des projets innovants ne pourront voir le jour que s’ils répondent réellement aux besoins des agriculteurs et des professionnels des filières agricoles. Or, et ce rapport l’indique bien, à l’issue de l’atelier « innovation » du Forum régional sur l’agriculture, la première préoccupation parmi les cinq identifiées est l’amélioration de la compétitivité ; la deuxième est l’amélioration des conditions de travail ; la troisième est l’amélioration de la performance environnementale ; la transmission de l’exploitation et le maintien de l’emploi sont classés derniers.
Or, les axes stratégiques de la Région ne correspondent pas aux attentes des professionnels. Le premier concerne l’adaptation aux effets du changement climatique et le deuxième les nouvelles formes d’organisation destinées à permettre aux entreprises de s’adapter à des marchés spécifiques. Il faut attendre le troisième axe (gestion et exploitation des données pour un pilotage plus réactif des entreprises) et le quatrième axe (automatisation, mécanisation ou robotisation pour réduire la pénibilité, renforcer l’attractivité et améliorer la rentabilité des entreprises) pour recouper les préoccupations premières des producteurs.
Ce décalage illustre bien la différence de perceptions entre les chefs d’exploitation et les technostructures européennes, régionales et consulaires.
Les entreprises françaises agricoles, industrielles et artisanales se battent chaque jour pour leur survie. L’entreprise est un organisme vivant dont l’objectif premier est la création de richesse. Seules les entreprises créent de la richesse et elles ne peuvent survivre que si elles sont compétitives, donc rentables.
Le bilan dans notre région de la Politique Agricole Commune est le suivant : en 1970, il existait 85 000 exploitations dans notre région, alors qu’elles ne sont plus que 25 000 de nos jours. Nous avons perdu 25 % de nos exploitations en dix ans et le nombre d’UTA (unités de travail annuel), équivalant au travail d’une personne à temps plein pendant une année dans une exploitation agricole, est passé dans notre région de 48 000 à 37 500 entre 2000 et 2012.
Ces chiffres démontrent bien que l’objectif premier doit être la recherche de la compétitivité qui passe, en effet, en partie par l’innovation.
Cependant, nous pourrons toujours créer, inventer et investir, si nous sommes, comme c’est de plus en plus le cas, soumis à une concurrence faussée, cela ne servira à rien, car nos entreprises agricoles disparaîtront et nos efforts dans le cadre de cet appel à projets n’auront servi qu’à nos concurrents, puisque ce Partenariat européen pour l’innovation impose – je cite – « la mise en réseau et la publication des résultats obtenus et de l’état des connaissances sur les thématiques abordées ».
Il faut vraiment ne jamais avoir travaillé en entreprise pour ignorer que le secret et le brevet sont les conditions impératives du passage réussi de l’innovation à la production.
Enfin, la perspective du TAFTA, négocié en secret par la Commission européenne et les États-Unis, et soutenu par les partis mondialistes français, des Républicains au Parti Socialiste, abaissera les normes qualitatives et environnementales au bénéfice des multinationales de l’agrobusiness. L’agriculture française n’y survivra pas.
C’est la raison pour laquelle, Monsieur le Président, nous nous abstiendrons au cours du vote de ce rapport.
Je vous remercie.
M. le Président - Merci, Monsieur COUEILLE.
Monsieur COMMANDEUR a la parole.
M. COMMANDEUR - Merci, Monsieur le Président.
Monsieur le Vice-président, mes chers collègues, cet appel à projets est dans la droite ligne de la politique d’innovation menée par notre Région depuis plusieurs années. Dans un contexte de mondialisation et donc de concurrence forte entre les territoires, il est indispensable d’adapter nos modes de production pour rester compétitifs économiquement.
L’innovation nous permet également de lutter contre la logique de produire toujours moins cher en ayant une production à forte valeur ajoutée. Innover, c’est garantir le niveau de vie et le pouvoir d’achat de nos concitoyens mais aussi assurer le financement de notre système social.
Cet appel à projets qui concerne l’agriculture mais aussi la production agroalimentaire et forestière répond également à un besoin d’adaptation aux enjeux de la transition écologique. Est-il encore besoin de rappeler à quel point ces enjeux sont vitaux ? J’ai l’impression que c’est le cas, eu égard à ce que nous venons d’entendre du Front National.
Nous avons évoqué ce matin les intempéries qui ont touché notre région mais, plus globalement, le réchauffement planétaire montre déjà ses premiers effets avec le décalage dans le temps de plusieurs productions agricoles. La nôtre doit non seulement s’adapter à ce réchauffement mais également participer à sa réduction ; en effet, notre production agricole est une grande consommatrice de carbone et donc produit massivement du CO2. Il devient urgent de la décarboner le plus possible.
Pour répondre à ce besoin, les moyens sont nombreux. On les retrouve dans les axes choisis : le premier et le cinquième sont explicites car ils répondent directement à ce besoin.
L’axe 3 participe également à cet objectif. En effet, l’acquisition de volumes de données massifs sur la production des végétaux permet de mieux maîtriser le cycle de croissance. Cette maîtrise permet, en plantant au bon moment dans de bonnes conditions, en intervenant aux moments clés du cycle de croissance, de diminuer les intrants : pesticides, herbicides mais aussi engrais. Moins d’engrais, c’est moins de pétrole consommé, moins de produits résiduels dans les sols, et donc dans l’eau.
Les agriculteurs ont une espérance de vie inférieure à la moyenne nationale. L’innovation doit permettre une amélioration de cette espérance de vie et de leur qualité de vie. À ce titre, les axes choisis répondent parfaitement à ces enjeux. En effet, les agriculteurs sont les premiers exposés aux dangers des pesticides et des herbicides. Toute recherche permettant de réduire leur utilisation ne peut être que bénéfique. De même, l’axe 4 répond également à ce besoin en cherchant à automatiser ou à robotiser les tâches les plus pénibles, causes de nombreux handicaps présents chez les ouvriers agricoles.
Nous tenons également à saluer la démarche participative mise en place dans la construction de cet appel à projets et qui le sera dans sa réalisation. Les acteurs régionaux étaient constamment impliqués et le seront encore, assurant ainsi l’adéquation entre projet retenu et réel besoin.
Tout à l’heure, notre collègue a parlé de « méthode BONNEAU » : on la voit une nouvelle fois dans cette démarche qui n’impose pas mais recherche la meilleure solution par le consensus.
Enfin, en ce moment où nos voisins anglais décident de rester ou non dans l’Union européenne, puisqu’ils votent aujourd’hui, je tiens à saluer l’implication et l’engagement de l’Europe dans l’agriculture européenne, sa capacité à nourrir le peuple européen et à s’adapter aux transitions en cours.
Notre appartenance à l’Union européenne est une chance. Ensemble, nous sommes plus forts et nous pouvons mieux répondre aux enjeux des transitions écologique et numérique.
Mes chers collègues, vous comprenez donc que le groupe SRD est très favorable et votera avec enthousiasme cet appel à projets. Nous souhaiterions tout de même, au regard des enjeux et de la démarche adopté, qu’il rencontre la faveur unanime de notre assemblée.
Merci.
M. le Président - Merci, Monsieur COMMANDEUR.
Monsieur CINTRAT a la parole.
M. CINTRAT - Merci, Monsieur le Président.
Mes chers collègues, nous nous félicitons de cette notion d’agriculture liée à l’innovation qui est abordée dans ce rapport parce que c’est essentiel.
C’est essentiel pour l’économie de notre pays et pour l’environnement. Ce sujet de l’innovation et de l’agriculture rappelle que l’avenir n’est pas le retour vers le passé et n’est pas le passé non plus. En évoquant l’innovation, on parle non pas des trente dernières années mais des trente prochaines.
Le défi est considérable pour l’agriculture car elle doit participer à répondre aux défis de l’alimentation pour les 9 milliards d’individus qui seront demain sur notre planète.
Cette différence entre les uns et les autres sur la vocation de la France et de l’Europe à exporter est à souligner.
Je voudrais rappeler à Michelle RIVET combien l’exportation de produits agricoles génère, au sein de la balance commerciale, un excédent. D’ailleurs, c’est l’un des rares secteurs qui dégage des excédents à l’heure actuelle.
L’innovation doit permettre d’améliorer la qualité des produits alimentaires mais aussi de tout ce qui touche aux écomatériaux. Je me félicite de voir que, dans ce rapport, il est question des matériaux produits et fabriqués à partir de l’agriculture.
Il est primordial de rappeler qu’il faut continuer à encourager les agriculteurs dans la recherche d’une meilleure compétitivité. Je viens de l’entendre, on peut mettre en cause l’Europe, les multinationales et tout le monde. Cela étant, l’avenir passe par une amélioration de la compétitivité de notre agriculture.
Améliorer la compétitivité, c’est faire plus, mieux, avec moins et tout en préservant l’environnement : ce doit être notre objectif.
Tout cela peut se faire grâce à la recherche :
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variétale, indiquée dans ce rapport ;
-
génétique ;
-
technique.
Il est essentiel si nous ne voulons pas tourner le dos à l’avenir d’être très en pointe sur la recherche, en particulier lorsque l’on travaille avec le vivant.
De même, il est essentiel de favoriser l’émergence de projets dans l’agroalimentaire. Dans cette région, parmi les plus productrices d’Europe mais relativement pauvre en outils de transformation, ce qui nous amène bien souvent à exporter des matières premières dont la valeur ajoutée se fait à l’extérieur, travaillons d’arrache-pied pour que la transformation se fasse ici et que nous puissions conserver ici la valeur ajoutée.
À mon avis, ces deux derniers points sont insuffisamment traités dans ce rapport, comme ne l’est pas suffisamment la ressource en eau, alors qu’elle est déterminante pour conserver une agriculture performante demain face aux évolutions climatiques.
Le cofinancement FEADER à hauteur de 80 % est une opportunité à saisir. Il serait dommageable de ne pas mobiliser ces fonds. Il faut donc ne plus perdre de temps pour mobiliser les financements européens sur ce point, en particulier FEADER. Pour ce faire, il faut aller vite et simplifier les procédures ; cela a été dit, mais je me permets d’insister.
Il faut être ouvert dans les appels à projets, ne pas être restrictif mais être pragmatique. Il en va de l’avenir de notre région, de l’agriculture et de l’économie régionale de la région Centre-Val de Loire.
Merci.
M. le Président - Merci, Monsieur CINTRAT.
En donnant la parole à Madame de CRÉMIERS, je dis aux deux intervenants du groupe Écologiste qu’ils n’ont pas la chance de Monsieur CINTRAT. En effet, il est dans un groupe qui n’a pas déposé autant de demandes de prise de parole qu’il y avait de place, donc il a pu dépasser quelque peu.
S’agissant du groupe Écologiste, vous êtes trois intervenants et il faudra tenir dans les délais. Merci.
Madame de CRÉMIERS, vous avez la parole.
Mme de CRÉMIERS - Merci, Monsieur le Président.
Ce rapport est l’occasion de rappeler encore une fois que les Écologistes ne sont pas opposés à l’innovation. Bien au contraire, ils y sont favorables et l’appellent de leurs vœux. Nous pensons que l’innovation en matière agricole est fondamentale : ce rapport le reconnaît, c’est la raison pour laquelle nous le voterons.
Cependant, nous n’avons pas d’obsession sur la technologie. Nous disons que l’innovation rime avec les savoirs et les savoir-faire, et qu’il est possible, bien évidemment, d’avoir de l’innovation sans pour autant passer à de l’investissement écologique.
Les raisons pour lesquelles nous voterons, mais sans un enthousiasme très grand, résident dans certaines contradictions et incohérences qui émaillent les cinq axes stratégiques.
Tout d’abord, il est rappelé dans le rapport que l’agriculture représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre. En fait, il s’agit du double. Sans le dire clairement, l’axe 1 perd de fait de sa force et de sa crédibilité. En effet, les intrants chimiques et minéraux utilisés dans l’agriculture conventionnelle produisent à eux seuls l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole.
Cependant, le ministère de l’Environnement comptabilise ces émissions dans le cadre du secteur énergétique, alors qu’elles auraient dû être comptabilisées dans le secteur agricole. Ce sont donc 40 % des émissions de gaz à effet de serre dans ce pays qui sont dues au secteur agricole. De ce fait, il faudrait évoquer au moins que l’innovation doit permettre de se passer totalement d’intrants chimiques et non seulement de les réduire.
Il faudrait aussi évoquer que l’innovation dans l’agriculture biologique est celle qui respecte le vivant et non qui le détruit. Par exemple, pour trouver l’espèce de plante qui puisse éloigner la cicadelle du maïs et qui permet d’arrêter totalement l’utilisation des insecticides, il a fallu plus de dix années de recherches scientifiques à l’Inra pour aboutir à ce résultat hautement scientifique, sans pour autant correspondre à de l’investissement technologique.
Au sujet de la robotisation invoquée dans l’axe 4, il faut être cohérent avec l’axe 1. Il n’existe pas, à ce jour, de robotisation possible sans énergie. Or, on ne peut actuellement pas parler d’énergie sans parler d’énergies fossiles et, accessoirement, en plus, sans parler de la destruction de l’emploi que cela peut entraîner.
Enfin, au lieu de rechercher sans cesse l’innovation comme une fin et non pas comme ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, c’est-à-dire un moyen, et de rechercher l’amélioration de la compétitivité, ce qui est toujours une quête vaine, car il y aura toujours un moins-disant sur le marché, la Région devrait être réellement innovante en jouant pleinement son rôle d’anticipation auprès de la population dans un domaine aussi stratégique que celui de la nourriture.
L’anticipation des crises mondiales signifie se rendre compte que des zones ou des territoires trop spécialisés sont aussi trop fragiles. Il s’agit de réintroduire dans les axes stratégiques d’innovation la diversité des productions agricoles. Il faut savoir que l’agriculture conventionnelle a transformé les sols, qui étaient des éponges, en nappes de toile cirée, ce qui va entraîner une grande fragilité par rapport aux inondations. Or, la science des sols et la microbiologie ne sont tout simplement plus enseignées en France.
En phrase de conclusion, nous serons attentifs à ce que des projets originaux, qui ne sont pas seulement dans la technologie, soient également observés et reçus.
Ce sont quelques exemples qui montrent combien on peut innover dans un appel à projets à innovation. On constate depuis des dizaines d’années que notre système agricole est en crise : alors, innovons enfin !
M. le Président - Merci, Madame de CRÉMIERS.
Monsieur de GEVIGNEY a la parole.
M. de GEVIGNEY - Merci, Monsieur le Président.
Mon collègue Jean-René COUEILLE vous a expliqué la raison pour laquelle mon groupe s’abstiendra sur l’ensemble du rapport mais mon intervention vous montrera que nous savons néanmoins ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
L’axe 5, qui comprend la mise en place de systèmes et de pratiques pour réduire les impacts environnementaux sur la biodiversité et la qualité des sols, nous paraît opportun. En effet, la logique de productivité, montée en puissance durant les dernières décennies, a poussé les agriculteurs dans l’adoption de pratiques culturales pour lesquelles ils n’ont pas eu le choix, bien sûr, et dont certaines mettent en péril à court terme l’existence même de nos terres arables.
Il faut savoir que la terre arable n’est pas une denrée extensible à volonté ni éternelle.
Sans entrer dans la technique, pour être une terre cultivable, un sol doit être riche en argile. Il faut 10 000 ans à la roche mère pour produire 1 mètre d’argile et il faut parfois moins d’un siècle aux techniques modernes pour les faire disparaître.
Sans vouloir le moins du monde faire de catastrophisme, il faut être conscient que cette logique mortifère concerne notre avenir immédiat, donc directement celui de nos enfants.
Pour s’en convaincre, il suffit de retenir deux chiffres :
-
compte tenu de la courbe démographique et de l’évolution mondiale, il faudra presque doubler la production agricole mondiale dans les vingt années à venir pour nourrir tout le monde ;
-
toutes causes confondues, on perd définitivement sur la planète entre 12 et 20 millions d’hectares de terre arable par an.
Notre pays, grand producteur agricole, n’est pas épargné, bien entendu. Au sein de celui-ci, notre territoire régional, avec la Beauce en particulier, est concerné au premier chef par ce processus de dégradation. Il faut savoir que, sous l’effet du tassement des engins, des labours profonds successifs et des intrants chimiques, une terre de Beauce perd irrémédiablement plus de 30 tonnes de matière organique par an et par hectare. Les premières victimes de cet appauvrissement des sols sont, bien entendu, les agriculteurs eux-mêmes.
Dans le même temps, les études récentes ont permis de découvrir des techniques, des procédés et des protocoles nouveaux qui permettent de contrecarrer très favorablement les effets destructeurs des pratiques installées. Néanmoins, leur vulgarisation est souvent coûteuse et le basculement sur ces nouvelles techniques est source de problèmes et de perte de revenus pour l’agriculteur, en tout cas dans les premières années.
Nous devons donc tout faire, nous Région, pour aider nos agriculteurs à emmener l’agriculture vers des pratiques le plus durables possible – je pense que l’on peut tomber d’accord avec beaucoup de monde sur ce sujet – parce que c’est un enjeu de société global et immédiat. Nous pourrons sortir les programmes les plus novateurs et ambitieux qui soient, s’il n’y a plus de terre à même de le réaliser, ils s’avéreront inutiles et inapplicables.
Nous vous demandons donc, Monsieur le Président, qu’une action particulièrement volontariste et une attention spécifique soient apportées à la sélection de projets riches et ambitieux dans l’axe 5 dont la portée va très au-delà des simples intérêts économiques de la filière agricole elle-même.
Je vous remercie.
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