M. le Président - Merci, Monsieur le Préfet de Région.
Nous allons prendre les demandes de parole, s’agissant tout d’abord des Présidents de groupe.
Les dernières sommes ont été obtenues dans un travail avec le Premier Ministre, postérieur à l’envoi dans les dates réglementaires du document que vous avez. C’est pourquoi on vous distribue en ce moment un addendum qui indique la somme de 12,5 millions d’euros et sa répartition.
Je donne la parole à Monsieur NOVELLI.
M. NOVELLI - Merci, Monsieur le Président.
Je souhaiterais d’emblée poser le cadre général dans lequel se situe ce Contrat de Plan État-Région avant d’entrer dans les détails de ce qui nous est présenté, ou devrais-je dire de ce qui nous « était » présenté, comme un document qui, je le rappelle, s’appelle « point d’étape sur l’avancement des négociations ».
Je veux tout de suite indiquer que, compte tenu de cette communication, nous n’approuverons pas par un vote aujourd’hui ce Contrat de Plan État-Région.
Je souhaiterais dire combien je suis heureux que Manuel VALLS vienne demain signer un document, qui n’est pas le contrat de plan et qui serait une sorte de protocole de contrat de plan. C’est une innovation juridique intéressante !
Pour autant, je trouve que cette venue est un peu rapide, car nous sommes dans une phase telle que de la concertation entoure ou devrait entourer ce Contrat de Plan État-Région. L’un et l’autre, Monsieur le Président et Monsieur le Préfet de Région, vous avez insisté sur ce point et vous avez eu raison. Or, cette concertation n’est pas arrivée à son terme, me semble-t-il ; sinon, cette communication perdrait un peu de son sens.
Par conséquent, je m’interroge réellement.
C’est très bien que le Premier Ministre vienne visiter cette région ; j’y vois une marque d’intérêt du gouvernement qui est toujours la bienvenue. Cependant, cela rend un peu artificiel ce qu’il va se passer après, car de deux choses l’une : soit ce protocole est l’aboutissement et cela rend caduc ce que vous allez faire à partir de demain, soit il ne l’est pas et la venue est un peu moins utile.
Je souhaitais d’emblée poser cet élément.
Maintenant, le cadre de ce Contrat de Plan État-Région : il prend en compte une année supplémentaire par rapport au précédent, puisque le Contrat de projets précédent concernait 2007-2013. Il a été prolongé d’un an. La conséquence de cette prolongation est que 2014 a été une année un peu perdue pour la région Centre, parce que la Région avait plutôt bien exécuté le contrat de plan et le taux de réalisation était assez important.
Vous avez eu raison d’insister sur le fait qu’il ne faudrait pas perdre une deuxième année après l’année blanche de 2014, compte tenu de l’atonie de notre économie.
Les incertitudes qui pèsent sur ce Contrat de Plan État-Région sont institutionnelles et législatives, puisque le projet de loi, qui porte organisation des territoires de la République, vient tout juste d’être adopté au Sénat, dans une forme largement remaniée, donc l’Assemblée nationale commence ses travaux.
Nous sommes donc en pleine incertitude et en flou juridique sur les compétences qui seront dévolues in fine à la Région, avec des incertitudes, par exemple, sur les routes départementales ou les collèges. Bien évidemment, ce n’est pas sans conséquences sur les priorités que l’Exécutif régional souhaite assigner à la Région ni sur le cadre des priorités dans le Contrat de Plan État-Région.
La suppression de la clause de compétence générale, de ce point de vue, est importante car la Région intervient, et souvent elle a raison, dans des domaines qui ne seront pas forcément retenus in fine comme ses compétences strictes.
Ce halo d’incertitudes pèse sur nos travaux.
Un deuxième halo, c’est l’année électorale dans laquelle nous nous situons. Les élections départementales interviendront dans quelques semaines et les élections régionales à la fin de l’année. Elles peuvent avoir des conséquences, y compris sur les priorités retenues dans le Contrat de Plan État-Région. Une renégociation de telle ou telle priorité ne serait pas complètement hors de propos si, d’aventure – j’emploie ce mot à dessein –, il y avait un changement dans la composition de l’Exécutif régional.
Bref, vous le voyez, ce cadre général est assez incertain lui-même et ce n’est pas sans peser sur nos travaux.
Enfin, Monsieur le Président, vous avez exhalé votre satisfaction sur le niveau atteint par les dotations de l’État. Il est vrai que le chiffre retenu in fine, de 365 millions d’euros contre 347 millions d’euros lors du contrat de plan précédent, est en augmentation.
Est-ce une augmentation sensible ? Relativisons les choses, même s’il est important, comme l’a dit Monsieur le Préfet de Région, dans cette période de disette budgétaire, de ne pas subir des diminutions. Néanmoins, nous sommes à 18 millions d’euros de plus, ce qui, sur une période de six ans, ne nous permet quand même pas de danser sur nos tables. En tout cas, je vous donne acte que cette contribution est en légère amélioration.
Pour autant, et vous l’avez dit vous-même, nous restons dans les profondeurs du classement régional en euros par habitant, même si nous avons quitté la dernière ou l’avant-dernière place, comme vous l’avez indiqué.
J’en viens maintenant aux grandes lignes de ce Contrat de Projet État-Région.
Il y a eu un effort puisque nous passons la journée sur les trois champs de contractualisation qui nous sont proposés, avec l’État, les Départements et l’Europe. C’est bien mais ce n’est pas suffisant, à l’évidence. Pourquoi ? Parce que nous manquons d’un document de synthèse qui puisse pointer de manière très claire les priorités de l’Exécutif régional, au regard de ces trois contractualisations.
Cela manque et il faut faire des exercices de contorsion pour aller d’un champ de contractualisations à un autre. Cela aboutit à certains paradoxes.
Je prends l’exemple du numérique qui est l’une des priorités régionales, et ce, à bon droit. Le paradoxe est que, dans le Contrat de Plan État-Région, des sommes minimes sont dévolues à ce champ prioritaire. Si nous disposions d’un document d’ensemble, nous aurions pu voir l’effort de l’ensemble des contributeurs sur ce champ numérique, même si c’est rappelé en page première dans le projet de signature.
Je pourrais citer d’autres exemples que le numérique, tel le volet emploi-formation. Dans le Contrat de Plan État-Région, il y a 18 millions d’euros. On le sait bien, ce n’est pas l’ensemble des efforts dévolus à l’emploi et à la formation. J’allais dire : « Heureusement ! »
Cependant, cela manque de lisibilité et je demande si nous ne pourrions pas bénéficier, dans les temps qui viennent, d’un document beaucoup plus clair, simple, lisible et exhaustif, retraçant l’ensemble des contributions liées aux trois champs contractuels.
Sur le fond des grandes lignes de ce CPER, je note l’absence du volet agriculture dans le contrat de plan. Là aussi, si nous avions un document exhaustif, nous pourrions répondre aux étonnements de certaines organisations agricoles ou d’agriculteurs devant cet aspect. C’est une portée symbolique mais qui me semble très importante quand on connaît les difficultés de nos agriculteurs.
Cinq thématiques ont été retenues, que vous avez abordées l’un et l’autre.
Pour la mobilité multimodale, un volet routier de l’État est indiqué, qui se fait sans la Région, avec parfois le sentiment de ne pas savoir pourquoi tel ou tel tronçon a été privilégié par rapport à tel autre. Des explications de ce point de vue pourraient être les bienvenues.
Je souhaiterais poser deux questions.
L’une concerne la simultanéité des deux projets : POLT et la récente déclaration d’utilité publique du trajet à grande vitesse PARIS-ORLÉANS-POITIERS-LIMOGES. Cela pose un problème de cohérence et de capacité.
Va-t-on faire les deux, Monsieur le Président ? Je souhaiterais que vous nous disiez le fond de votre pensée. J’ai l’impression, après avoir lu la presse – parce que c’est souvent dans la presse que l’on apprend ce que vous dites ! –, que vous n’étiez pas très favorable, c’est le moins que l’on puisse dire, au financement de ce tracé à grande vitesse.
Pour le coup, la compatibilité serait résolue par la non-participation financière de la Région, qui s’affranchirait ainsi des efforts des autres Régions.
J’ai une autre question, concernant toujours ce volet, sur la ligne CHARTRES-ORLÉANS. Vous vous êtes félicité de cette « grande avancée », comme vous nous l’avez dit, mais elle renvoie cette ligne au-delà de 2020 puisque, dans le Contrat de Plan État-Région, il n’est pas listé l’effort suffisant pour l’achever.
Mme GLOANEC-MAURIN - Monsieur NOVELLI, vous avez dépassé votre temps de parole.
M. NOVELLI - Oui, mais je vais prendre un peu du temps de mon groupe, si vous le permettez, car ils ont bien voulu m’en octroyer quelques secondes. Si vous vouliez bien ne pas me couper le micro, cela m’arrangerait !
Concernant la ligne CHARTRES-ORLÉANS, je souhaiterais que vous me disiez votre sentiment parce que vous l’avez souvent présentée comme l’ambition volontariste de la Région de la terminer.
S’agissant de l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation, un objectif ambitieux, que nous pouvons partager, est celui des 70 000 étudiants. Je note qu’il n’y a aucun effort en matière d’infrastructures nouvelles. Est-ce à dire que l’on va se contenter de restructurer l’immobilier existant ? C’est la première question sur l’université.
Il y a une grosse incertitude sur la recherche et l’innovation. Pourquoi ?
Là encore, le document que je demande aurait été utile.
Le FEDER va être mobilisé pour partie sur la recherche et l’innovation, avec un fléchage de plusieurs millions d’euros à travers le Programme d’investissement d’avenir. Cela étant, ce sont des projets qu’il s’agit de mettre en œuvre et le niveau d’exigence sera élevé, parce que nous sommes en concurrence avec d’autres. Une incertitude pèse, ce ne sont pas des crédits dévolus une fois pour toutes, il faut le dire et le préciser : ce sont des crédits qui devront trouver preneurs avec des projets qui devront être éligibles. C’est pourquoi je suis assez inquiet sur ce volet en ce qui concerne la recherche et l’innovation.
Pour ce qui est de la transition écologique, le volet est très large. Le succès dépendra du nombre de porteurs de projet et c’est une incertitude.
J’ai dit ce que je pensais à propos du numérique, en indiquant que le Contrat de Plan État-Région ne représentait qu’une fraction minime, j’allais dire « minuscule », des investissements prévus, avec une intervention de l’État en dehors du Contrat de Plan État-Région.
Au sujet du très haut débit, la Région a une pratique que je voudrais ici pointer du doigt pour la critiquer : c’est celle qui consiste à loger des sommes dans les contrats territoriaux, que ce soit avec les Départements ou avec les Pays, pour ensuite les réaffecter directement sur le très haut débit. On a donc facialement un très gros effort réalisé lorsqu’on présente les contrats territoriaux ; ensuite, on s’aperçoit que ceux-ci sont amoindris d’une somme importante consacrée au très haut débit. Ce n’est pas, me semble-t-il, en matière de transparence, ce qu’il faut retenir.
J’ai dit ce qu’il fallait dire du volet emploi-formation.
En ce qui concerne le volet territorial, Monsieur le Préfet de Région, vous avez indiqué que des éléments, comme la culture, apparaissaient alors qu’ils n’avaient pas été retenus dans le précédent volet territorial. J’ai le sentiment d’une sorte de catalogue à la Prévert dans ce volet territorial, faute d’avoir un document exhaustif qui recenserait les efforts de tous les contributeurs.
Voilà, Monsieur le Président, en conclusion, ce que je voulais dire sur la préservation d’un montant important dévolu par l’État à notre Région.
J’en remercie le Préfet de Région.
Nous restons mal lotis. C’est historique, cela vient de loin et il faudra plusieurs contrats pour continuer de remonter dans le classement.
Pour terminer, je voudrais insister sur la lisibilité et le suivi qui nous semblent indispensables pour ce contrat de plan et les différentes conventions et partenariats que nous examinerons tout au long de cette journée.
Voilà, Monsieur le Président, les quelques enseignements et réflexions que votre présentation, ainsi que celle du Préfet de Région, appelait de la part du groupe que j’ai l’honneur de présider.
M. le Président - Merci, Monsieur NOVELLI, de votre contribution au débat.
Monsieur CHASSIER, vous avez la parole.
M. CHASSIER - Monsieur le Préfet de Région, Monsieur le Président, mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, avant d’aborder sur le fond ce débat sur le point d’étape, nous voudrions faire une remarque sur la méthode.
En effet, vous nous présentez une communication intitulée « Point d’étape sur l’avancement des négociations », accompagnée d’ailleurs d’un document pour le moins succinct. Or, nous avons appris voici deux jours seulement que Monsieur VALLS signerait le protocole d’accord du contrat de plan pour la période 2015-2020 dès demain à l’Hôtel de Région.
C’est pour le moins surprenant puisque, dans l’ordre du jour qui nous a été communiqué, à aucun moment, le vote de notre assemblée n’est sollicité pour l’approbation d’un tel protocole.
Nous avons compris qu’il ne s’agissait pas de la signature définitive, qui n’interviendra qu’au mois d’avril, mais nous considérons cette manière de procéder comme peu respectueuse de notre assemblée, à moins que cette précipitation ne soit motivée par la proximité des élections départementales, dans le but de provoquer un effet d’annonce.
En même temps, il y a une forme de tromperie à faire croire aux habitants de notre région :
que le contrat de plan serait signé parce qu’ils ne feront pas la distinction, la nuance, entre la signature d’un protocole et la signature d’un contrat ;
et que Monsieur VALLS allait transformer la Loire en pactole.
Nous y reviendrons en conclusion.
Néanmoins, qu’il nous soit permis tout d’abord, pour ouvrir ce débat, de réfléchir sur cette notion de contrat.
Vous nous parlez d’un outil privilégié de relations contractuelles entre l’État et la Région, de priorités partagées, de mise en cohérence de l’action publique. En réalité, bien que le CPER appartienne à la catégorie juridique des contrats, nous savons tous que l’État n’a jamais été obligé de tenir ses promesses.
Sur les précédents CPER, il n’a jamais totalement rempli ses engagements. Nous étions, je crois, à 90 % pour l’État sur le contrat 2007-2013, pourtant prolongé d’un an.
D’ailleurs, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, comme celle du Conseil d’État, le confirment : on ne peut pas obliger l’État à s’exécuter.
Sans parler d’un contrat d’adhésion, nous sommes dans une négociation asymétrique, d’autant plus que les Régions ne disposent pas de l’autonomie financière et sont entièrement dépendantes des dotations de l’État.
À ce sujet, il faut également souligner la contradiction entre la baisse des dotations de l’État et la promesse d’une contribution plus importante dans le cadre du CPER. Nous avons enregistré pour 2015 une diminution globale des dotations de l’État de 26 millions d’euros, qui va se poursuivre en 2016 et 2017. Autrement dit, les 61 millions d’euros supplémentaires apportés par l’État dans la négociation, et en comptant les derniers éléments, ne compensent même pas cette baisse des dotations.
Avec une différence majeure que nous venons de souligner : la baisse des dotations est certaine et les promesses de l’État dans le cadre du CPER ne l’engagent pas.
Probablement, fallait-il que l’État fasse cette concession purement formelle, afin d’accélérer le processus dans le contexte électoral que nous connaissons, avec la signature d’un protocole d’accord dès demain sur des bases qui demeurent tout de même assez floues.
Sur le montant total de la contribution annoncée par l’État, signalons également que, par rapport à 2007, si elle passe de 347 à 362,5 millions d’euros, aux dernières nouvelles, compte tenu de l’inflation sur la période, cela représente en réalité une baisse de 7 %. Il aurait fallu que l’État apporte 388 millions d’euros pour rester exactement au même niveau que lors du contrat précédent. Il n’y a donc pas de quoi pavoiser, malgré les améliorations obtenues.
C’est pourquoi nous sommes loin d’accorder à ce dispositif les vertus que vous lui prêtez.
Le temps réservé à ce débat ne nous permettra pas d’aborder l’ensemble des objectifs et des programmes, mais nous ferons tout de même quelques observations.
Tout d’abord, sur le déséquilibre entre les différents volets du contrat de plan.
C’est ainsi que le volet mobilité représente à lui seul presque 60 % des engagements de la Région, 44 % des engagements de l’État. Ce n’est pas forcément la traduction d’une priorité, d’une volonté politique, mais plutôt la conséquence du désengagement de l’État.
A contrario, le numérique, pourtant présenté comme un enjeu majeur, ne représente que 1 % du total pour la Région et 0,47 % pour l’État.
En comptant l’année 2015, nous sommes sur une moyenne annuelle de 60,8 millions d’euros pour l’État et 78 millions d’euros pour la Région. Encore une fois, le delta obtenu dans la négociation par rapport à la lettre de mission initiale, et qui représente environ 21 millions d’euros par an, ne compense pas la baisse des dotations de l’État et reste, quoi que l’on dise, une annonce.
Avec une différence fondamentale : c’est que les dotations constituent une ressource qui n’est pas fléchée et qui permet à notre assemblée de décider librement de ses choix après en avoir débattu. Dans le cadre de ces contrats de plan, les objectifs doivent être partagés, dites-vous, mais en réalité, vous le savez bien, nous devons, tout comme l’État, nous conformer aux grandes orientations fixées par BRUXELLES qui sont la déclinaison de la stratégie de LISBONNE ou encore « Agenda de LISBONNE ».
Nous sommes donc contraints de subir, bon gré mal gré, cette double tutelle de l’État et de l’Europe et, les négociations qui ont été menées ne pouvaient porter que sur des aménagements à l’intérieur de ce cadre qui nous est imposé.
À l’heure où nous parlons, la réforme territoriale est débattue au Parlement, avec des incidences probables sur le contrat de plan. Nous avons souvent répété devant cette assemblée, de manière constante au cours des différents mandats, que le véritable problème était celui de la définition des compétences. Nous le voyons sur l’enseignement supérieur, où l’État, dans le contrat précédent, s’est montré défaillant dans le financement du site des Tanneurs à TOURS. Même si dans le nouveau contrat, la participation de l’État atteint 34 % pour l’enseignement supérieur, cela veut dire tout de même que 66 % du financement est laissé à la charge des collectivités.
Sur le ferroviaire, l’État contribue à hauteur de 25 % et la SNCF 4 %. La plus grosse part revient à la Région, avec près de 60 %.
Nous pourrions, d’ailleurs, nous interroger sur la pérennité des engagements de l’État, au regard de la loi Macron et de son incidence sur le transport de voyageurs, avec une interrogation particulière sur la ligne CHARTRES-ORLÉANS et demain ORLÉANS-CHÂTEAUNEUF : quel sera l’impact de ces deux lignes, si elles finissent par voir le jour, sur notre contribution au service TER ?
D’ailleurs, le CESER fait remarquer à juste titre que la Région, comme autorité organisatrice des transports, n’a pas vocation à financer les infrastructures. Elle est bien contrainte d’agir en raison de la défaillance de l’État, de Réseau Ferré de France pour les infrastructures et de la SNCF pour le matériel roulant.
Sur le volet territorial, la majeure partie est portée par les collectivités, ce qui peut se comprendre mais, dans le contexte budgétaire que nous connaissons tous, nous savons pertinemment que les collectivités sont contraintes de revoir leurs projets à la baisse et il est fort probable que, dans ce domaine, les montants affichés ne seront pas atteints.
Enfin, pour la contribution des fonds européens, qui est identifiée dans le rapport de présentation à hauteur de 56 millions d’euros, principalement sur le ferroviaire, rappelons qu’il s’agit, en réalité, d’un prélèvement de 21 millions d’euros opéré par l’Union européenne à notre détriment puisque, faut-il le répéter, c’est la France qui subventionne l’Europe et non le contraire.
Nous y reviendrons au cours du débat sur d’autres volets du CPER.
À ce stade, nous pouvons déjà réaffirmer notre position sur un plan général.
Nous considérons, pour notre part, que l’État doit être le garant de l’égalité entre les territoires. Or, la stratégie dite de LISBONNE, dont ce contrat décline les objectifs, conduit à la mise en concurrence entre les Régions et demain les métropoles, concurrence dans laquelle notre Région est plutôt mal classée.
La réforme territoriale, qui découpe la France en 7 grandes métropoles et 13 Régions, va encore accentuer cette tendance, au détriment des territoires ruraux et des villes moyennes.
Il est surprenant également que la présentation de cette communication et l’élaboration d’un nouveau plan ne soient pas accompagnées, précédées je dirais, par un bilan et une évaluation du précédent. Au niveau national, un rapport d’information du Sénat, ainsi qu’un rapport de la Cour des comptes, se montrent pourtant particulièrement critiques sur les contrats de plan, en soulignant une absence de stratégie nationale, une insuffisante définition des priorités, leur peu d’impact sur le développement économique et un pilotage défaillant.
Mme GLOANEC-MAURIN - Monsieur CHASSIER, vous avez atteint votre temps de parole.
M. CHASSIER - Oui, je vous remercie.
De notre point de vue, les mêmes critiques peuvent être formulées pour ce nouveau contrat, tant sur la définition des priorités que sur le développement économique, dont la réforme territoriale fait des Régions le chef de file et qui est absent, en tant que tel, parmi les objectifs retenus.
En conclusion, nous maintenons nos critiques, tant sur la méthode que sur les priorités, pour la définition desquelles il faut remarquer que l’Opposition n’a pas été consultée et qui nous semblent plutôt le résultat d’arbitrages entre les différents élus locaux présents dans cette assemblée et, en partie, de quelques négociations internes au sein de la Majorité.
Chacun est bien conscient que les choix qui ont présidé à l’élaboration de ce contrat pourront être amendés dans les années à venir mais peut-être avez-vous choisi de privilégier l’effet d’annonce.
C’est pourquoi nous ne souhaitons pas participer à cette signature prévue demain. Nous préférons attendre la version définitive du CPER avant de nous prononcer.
Je vous remercie.
M. le Président - Merci, Monsieur CHASSIER.
Monsieur DELAVERGNE a la parole.
M. DELAVERGNE - Monsieur le Préfet, Monsieur le Président, chers collègues, la négociation de ce CPER s’est faite dans le contexte que nous connaissons : celui de la politique de rigueur, pour ne pas dire d’austérité, conduite par le gouvernement.
Alors que nous atteignons le plus haut niveau de chômage jamais enregistré, qui peut encore croire que cette orientation fixant comme seul objectif prioritaire la diminution de la dette publique, puisse déboucher sur autre chose que la déflation, l’aggravation des difficultés sociales, la réduction des services publics et l’incapacité à mener à bien le grand chantier de la transition énergétique et écologique ?
Rappelons encore une fois que, pour les Écologistes, une autre voie est possible : celle de l’adaptation de notre société aux grands enjeux du XXIe siècle.
La transition énergétique, à elle seule, nécessiterait au niveau national, on le sait, de 20 à 30 milliards d’euros d’investissements publics par an jusqu’en 2050, en particulier dans la rénovation thermique des bâtiments et les énergies renouvelables.
Il ne s’agit pas pour nous de dépenser toujours plus, en espérant le retour d’on ne sait quelle croissance miraculeuse !
Les Écologistes sont, Monsieur le Préfet, eux aussi depuis longtemps des partisans du « dépenser mieux ».
Nous ne rêvons pas d’un retour aux Trente Glorieuses. En revanche, nous pensons que, dans les conditions historiques dans lesquelles nous sommes, comme aux USA dans les années 1930 ou comme en France après la Deuxième Guerre mondiale, un ambitieux plan d’investissement public est nécessaire pour assurer la mutation de notre société.
Aujourd’hui, l’enjeu est de rendre nos sociétés plus robustes, plus résilientes, en s’engageant de manière massive vers une économie décarbonée et plus économe en ressources naturelles. Il se trouve que ces investissements massifs, par exemple dans l’isolation des bâtiments, sont l’une des seules voies crédibles de soutien à l’activité économique et à l’emploi. Malheureusement, au-delà de quelques beaux discours, les dogmes libéraux dans lesquels s’enlise la politique budgétaire du gouvernement, comme celle de beaucoup d’autres en Europe, ne permettent pas de prendre vraiment à bras-le-corps ces enjeux.
C’est donc dans ce contexte de politique de rigueur et de restriction de finances publiques que l’Exécutif régional a été informé en septembre dernier d’un mandat de négociation du CPER catastrophique pour notre région. Les maigres 258 millions d’euros de financement de l’État étaient, au surplus, fléchés trop souvent vers le cœur de compétences de l’État et non vers des projets co-élaborés avec les collectivités et en particulier avec le Conseil régional.
La réaction de la Majorité régionale fut unanime et nous avons refusé d’entamer les négociations sur de telles bases. Depuis, un très gros travail a été entrepris, en particulier par le Président de la Région et l’ensemble de l’Exécutif, pour faire bouger sérieusement les lignes.
Quatre mois plus tard, chacun peut constater que les positions de l’État ont effectivement sérieusement bougé, puisque le projet que nous examinons aujourd’hui a porté l’enveloppe à plus de 362 millions d’euros, soit une augmentation de 40 %. Celle-ci s’accompagne en plus d’une réorientation notable des crédits vers des priorités régionales, comme avec l’obtention de soutiens conséquents pour l’aménagement de lignes ferroviaires : CHÂTEAUNEUF-ORLÉANS, TOURS-LOCHES ou encore CHARTRES-ORLÉANS.
Relevons aussi les travaux prévus sur la ligne POLT, que ce soit l’IPCS, étape nécessaire pour desserrer le goulot d’étranglement existant sur cette ligne entre ORLÉANS et PARIS, ou la suppression de passages à niveau.
Permettez-moi ici de dire aussi, à propos du POLT, notre satisfaction de voir le CPER proprement dit accompagner d’autres engagements de SNCF Réseau pour que soient réalisés 230 millions d’euros de travaux de régénération de cette ligne dans la région Centre pendant la durée couverte par ce nouveau contrat. Cela préserve les possibilités de voir conforté pour l’avenir ce grand axe de communication ferroviaire.
Nous nous félicitons aussi d’avoir contribué à ce que puisse être inscrite une remise à niveau sur BOURGES-MONTLUÇON, mais sur les enjeux ferroviaires, on ne peut que regretter cependant que l’État continue à avoir un double discours : d’un côté, on affirme qu’il faut donner la priorité au train du quotidien, à la régénération et à la modernisation des lignes existantes ; de l’autre côté, on continue à agiter de manière démagogique le hochet de nouvelles lignes TGV, excessivement coûteuses et totalement inadaptées aux besoins d’un maillage des territoires.
Comment comprendre alors, malgré l’analyse contraire de la Cour des comptes, la déclaration d’utilité publique de la ligne POITIERS-LIMOGES ? Comment comprendre, dans ce CPER comme dans ceux de quatre autres Régions, l’inscription au total de 30 millions d’euros de crédits pour poursuivre des études permettant d’alimenter la chimère du POCL ? Comment comprendre, enfin, l’ajout in extremis de 500 000 euros supplémentaires pour entretenir le mythe d’une gare TGV à COURTALAIN ? Voilà ce que l’on entretient aujourd’hui dans les journaux d’Eure-et-Loir !
Pour revenir au POLT, si nous nous félicitons que soient programmés d’importants travaux de régénération, nous constatons aussi que les tergiversations sur le POCL et la LGV POITIERS-LIMOGES empêchent de s’engager clairement dans une véritable modernisation de ce grand axe historique, pour y faire rouler des trains à haut niveau de services que préconisent les élus écologistes de toutes les régions concernées.
Si on peut se réjouir que le Président du Conseil régional ait pu arracher à la dernière minute les financements nécessaires pour supprimer cinq passages à niveau de plus dans l’Indre, on voit en même temps qu’à ce rythme-là, il y aurait encore fort à faire pour que la ligne du Capitole puisse entrer pleinement dans le XXIe siècle.
Les ambiguïtés gouvernementales, quant au choix du modèle de développement, se retrouvent encore avec l’introduction d’un volet routier dans ce CPER, contrairement au précédent.
Nous aurions préféré le maintien d’un volet agricole, pour ce qui nous concerne !
Reconnaissons tout de même que, dans notre région, l’équilibre entre le ferroviaire et le routier est bien plus favorable au premier que dans beaucoup d’autres régions.
Nous ne pouvons cependant pas passer sous silence, puisque c’est abordé dans ce document, même si heureusement cela n’impacte pas directement le CPER, le projet de mise en concession autoroutière de la liaison DREUX-ORLÉANS. Sandra RENDA reviendra sur cette question dans le débat, mais je veux dès maintenant dire avec force que nous soutenons totalement les associations qui s’opposent à cet « autre » grand projet inutile et nous les félicitons de ne pas seulement s’opposer mais d’avoir travaillé, en plus, à un projet alternatif.
Ne serait-il pas plus intelligent aujourd’hui de décider d’un moratoire sur cette concession autoroutière, pour étudier sereinement les alternatives, plutôt que de prendre le risque d’avoir demain des affrontements sur les sites concernés ? Les actionnaires des sociétés autoroutières sont-ils à ce point privés de dividendes, qu’il soit urgent de leur offrir de nouvelles perspectives de rentes ?
On retrouve malheureusement aussi, dans le volet transition énergétique et écologique, les ambiguïtés que je viens de relever dans les questions de transport et de mobilité, même si c’est de façon plus masquée et moins apparente pour les non-initiés.
Gilles DEGUET et Pascale ROSSLER interviendront donc dans la suite du débat pour préciser tout cela. À première vue, on pourrait imaginer que le CPER soit marqué par une forte augmentation des crédits consacrés à ce volet puisque, pour moins de 50 millions d’euros de crédits d’État qui figuraient dans le précédent contrat, il y aura cette fois-ci 70 millions d’euros dans ce contrat ; cela a été dit.
L’évolution réelle est pourtant sensiblement moins réjouissante puisque, chacun l’a bien compris ici, les 70 millions d’euros de l’État consacrés à la transition énergétique et écologique intègrent cette fois plus de 39 millions d’euros de crédits des Agences de l’Eau, quand leur contribution au CPER ne dépassait guère les 12 millions d’euros dans le précédent contrat… peut-être 13 millions d’euros !
Nous sommes, pour notre part, tout à fait favorables à ce que l’État cherche à mettre de la cohérence dans ses différentes interventions et à soumettre l’ensemble de ses interventions, directes ou indirectes à travers des agences, à une même stratégie. Nous n’avons donc aucune opposition de principe à ce que l’ensemble figure dans ce document du CPER. Cela donnerait un point d’appui pour réclamer demain la mise en œuvre effective des crédits contractualisés.
Néanmoins, cet accord de principe ne nous empêche pas de savoir compter et de constater, comme je le disais au début de mon intervention, que l’État n’est pas à la hauteur des ambitions affichées pour la transition énergétique et écologique.
Permettez-moi de ne reprendre qu’un seul point : celui de la protection de la biodiversité, même si Pascale ROSSLER y reviendra.
La progression de cet enjeu progresse fortement, y compris dans les dispositions légales : SRCE, nécessité d’intégration dans les SCoT, dans les PLU, etc. Or, c’est le moment que choisit l’État pour baisser drastiquement les crédits affectés aux associations naturalistes, mettant ainsi gravement en cause l’indispensable travail de connaissance et d’inventaire des lieux naturels. Ce n’est pas acceptable !
On nous a dit qu’une partie de la baisse des crédits du ministère de l’Environnement pourrait être compensée par des crédits Agence de l’Eau, mais chacun comprendra facilement que les agences ne pourront intervenir au mieux que pour ce qui concerne les milieux humides.
Au stade où nous en sommes, nous disons clairement que les efforts de clarification des lignes Agences de l’Eau ainsi qu’une restructuration des crédits de l’État doivent encore être réalisés. Nous ne nous résignons pas à ce que ce futur CPER enregistre un tel recul de l’intervention étatique pour la protection de la biodiversité.
Bien sûr, on ne peut que se réjouir – je prends d’autres volets – que, parallèlement, la Région, elle, affiche une très forte progression de ses financements pour la biodiversité et les contrats de bassin : plus de 10 millions d’euros de la Région pour la biodiversité, 17 millions d’euros pour les contrats de bassin. On y voit la volonté affirmée de poursuivre les efforts remarquables déjà réalisés pendant ce mandat.
Cependant, ces fortes interventions régionales ne justifient en rien le désengagement de l’État… ou alors il s’agit d’un transfert de charges !
Pour ne pas être trop long, je balaierai de manière beaucoup plus rapide les autres volets.
Disons seulement que, je suppose comme l’ensemble des autres composantes de cette assemblée, nous nous réjouissons des crédits inscrits pour les maisons de santé qui viennent en complément d’autres crédits déjà inscrits dans le FEADER, par exemple.
Nous nous réjouissons aussi que l’on soit parvenu à dégager des crédits relativement conséquents pour les universités, même si nous nous interrogeons sur les priorités retenues parfois, que ce soit à ORLÉANS avec le site Madeleine…