4.L’AVENIR DES REACTEURS A NEUTRONS RAPIDES
Avertissement :
Alors que le chapitre 3 était consacré aux enseignements du Programme EFR, ce chapitre est consacré, après l’abandon de SUPERPHENIX et la fin prématurée du PROGRAMME EFR, à une réflexion d’ensemble sur la nécessaire innovation élargie
Nous préconisons de structurer les actions concernant les RNR autour de voies que nous identifions mais nous ne préjugeons absolument pas du choix final comme cela a pu être fait hâtivement en France ces dernières années
4.1Le support indispensable d’une R et D active et de la collaboration internationale
Le support de la R et D et de la collaboration internationale est de toute évidence indispensable.
Pour être efficace, ce support doit s’organiser en fonction des besoins d’un projet.
Ce « Projet » est simplement un ensemble de choix avec des cohérences internes qui ne signifie absolument pas échéance industrielle à court terme.
L’existence d’un effort structuré autour d’objectifs cohérents apporte la garantie d’une R et D appliquée efficacement aux domaines d’ingénierie.
Mais, la R et D qui a une autonomie très vaste peut et doit couvrir des domaines qui recouvrent et dépassent les zones d’intérêt du « Projet ».
Ainsi, on peut identifier quelques domaines très larges où l’engagement industriel est très variable.
Le cycle du combustible
Le Procédé PUREX a une position industrielle dominante qui est abusivement utilisée pour faire obstacle à des développements concernant un futur éloigné. On ne peut pas dire à la fois les RNR « c’est pour dans cinquante ans » et s’opposer à des investigations sur des voies nouvelles.
Il faut explorer la pyrochimie avec un effort plus important que l’effort actuel et poursuivre en les développant les associations avec nos partenaires étrangers (voir Chapitre 5).
Le combustible et le taux de combustion
Nous préconisons en liaison avec le cycle l’exploration d’autres combustibles que l’oxyde qui présente de multiples inconvénients dont celui d’être en poudre, forme pratiquement incompatible avec l’automatisation des chaînes de fabrication blindées et d’être incompatible avec le sodium.
Les performances en taux de combustion jouent un rôle clef. Les RNR offrent des perspectives inégalées sur lesquelles notre effort doit être maintenu.
La dose maximale acceptable par les matériaux de gaine reste le point essentiel (voir. § sur les matériaux)
Les matériaux
Il faut comme nous le faisons se focaliser sur les besoins liés à l’atteinte des taux de dpa élevés et des hautes températures et bien entendu faire progresser la capacité des aciers à supporter des taux de dommages élevés :
- austenitiques classiques ( 90 dpa),
- austenitiques avancés (15-15 Ti 130 dpa),
- ferritiques (EM10 155 dpa déjà atteints),
ferrito Martensitiques (EM12,T91, T92) ODS ou non (candidats pour 200 dpa.
D’une façon générale, il faut accroître notre effort notablement insuffisant dans le domaine des matériaux nouveaux, car c’est un effort de longue haleine
La mécanique et la thermomécanique
Il faut développer nos activités en tenant compte du fait que leurs applications sont très larges.
La thermohydraulique
Certains problèmes restent à explorer, en particulier dans les concepts non intégrés.
La sûreté et les accidents graves
Il s’agit d’un domaine très vaste. Mais les travaux effectués avec SIMMER 3 doivent être poursuivis afin de décrire sans conservatisme excessif les phases de fusion et de recriticité.
Ces études sont très importantes pour les RNR car ils ne sont pas dans leur configuration la plus critique.
Inspection sous sodium et Ultra sons
Nous avons montré quelles sont déjà les performances atteintes par les ultra sons ( § 3.3.3 ,§ 3.3.3.1 et § 3.3.3.2). qui permettent de surmonter l’obstacle de l’opacité du sodium.
Deux directions sont déjà ouvertes avec succès et doivent être maintenues et développées :
- La métrologie et l’imagerie sous sodium (avec les THT)
- Les techniques d’inspections volumiques.
Ces dernières ont permis en utilisant la technique des ondes guidées d’accéder à des distances inattendues au-delà de trois mètres (inspection du supportage de Phénix)
Les possibilités offertes par l’EMAT qui permet de générer des ultrasons en surface en s’affranchissant de tout liquide de couplage, doivent être exploitées.
4.2Les rapides du futur
Il n’est pas possible de déterminer dès maintenant les voies du futur. D’ailleurs, ce serait une erreur stérilisante que de vouloir définir à l’avance des voies étroites de progrès.
Il n’y a pas à l’échelle de quelques dizaines d’années d’horizon technologique entièrement prédictible.
Des champs entiers restent à défricher et personne ne peut aujourd’hui percevoir avec assez de précision les progrès qui seront atteints.
Tout au plus peut-on dissiper certains malentendus après l’arrêt de SUPERPHENIX et la clôture prématurée du Programme EFR.
4.2.1Les multiples facettes de l’innovation
La nécessité d’innover n’est pas contestable.
Une tendance s’est faite jour qui consiste à considérer que l’innovation n’était possible et souhaitable qu’en dehors de la voie sodium, comme si cette dernière ne pouvait plus faire l’objet de progrès substantiels.
Cette tendance repose sur un enchevêtrement d’idées fausses
L’innovation a sa place à l’intérieur d’un concept donné et les progrès engrangés dans le Programme EFR le montrent abondamment.
Dans d’autres domaines (automobile, par exemple), il est visible que de multiples progrès ont été effectués sans remise en cause de certains éléments fondamentaux
L’innovation peut aussi conduire à examiner les possibilités de caloporteurs alternatifs.
Cet examen est en cours. La question a été survolée dans le Programme EFR.
En bref, l’abandon de SUPERPHENIX, la clôture prématurée du Programme EFR, invitent à reconsidérer toutes les options, l’innovation ne doit pas être restrictive et doit donc comporter deux branches :
-
la voie des caloporteurs alternatifs,
-
les voies sodium.
La voie des caloporteurs alternatifs
Il est prématuré de tirer aujourd’hui la moindre conclusion au risque de parer tout nouveau caloporteur de vertus qui tiennent pour une part essentielle à l’ignorance des véritables difficultés que recèle un tel choix.
La phrase « le gaz est notre caloporteur préféré » qui a pu orner certains transparex est malheureuse.
S’il s’agit de dire que le gaz offre un avantage incontestable en matière d’ISIR cela est vrai vis à vis du concept refroidi au sodium intégré de grande taille mais cet argument n’est pas recevable vis à vis des concepts de petite taille (550 MWth) :
- possibilité d’inspecter à grande distance, en utilisant le fait que les défauts critiques sont de grande taille en RNR refroidis au sodium,
- précision de la télémétrie et de l’imagerie sous sodium).
S’il s’agit de dire que le gaz sort vainqueur d’une confrontation systématique de tous les caloporteurs, l’affirmation est prématurée.
Si on ne change pas fondamentalement de combustible (aiguilles à gaine métallique) la voie du cycle direct est pratiquement exclue.
S’il s’agit de dire qu’il faut s’appuyer sur la voie GT-MHR, les choses doivent être précisées :
dans le domaine de la fission thermique, la voie GT-MHR permet un meilleur taux d’utilisation* de l’uranium que la voie REP. Mais il reste le non retraitement qui condamne tout avenir du nucléaire.
*il faut cependant ramener les taux de combustion annoncés avec du Pu militaire à leur juste valeur (900 000MWj/tonne avec du combustible enrichi à 90% en Pu équivaut à environ 70 000 MWj/tonne avec du combustible enrichi à 7% en Pu.
Mais préférer la voie rapide à gaz à la voie GT-MHR à fission thermique n’a de sens que s’il y a retraitement.
Il reste donc à élaborer un type de combustible, nouveau, retraitable.
Enfin dans tous les cas l’évacuation sûre de la puissance résiduelle impose de détarer très. fortement la puissance spécifique ce qui est un inconvénient pour les RNR si on veut conserver toute leur cinétique rapide de transmutation.
En d’autre termes les futurs réacteurs à gaz seront très probablement des GT MHR à fission thermique.
Quoi qu’il en soit, les réflexions qui peuvent et doivent être menées sur les concepts alternatifs ne dispensent absolument pas d’explorer les voies de l’innovation sans en exclure aucune.
4.2.2La nécessaire remise à plat de toutes les options
(Réf. 104).
Nous l’avons déjà dit, EFR constitue la voie la plus achevée aujourd’hui du concept intégré de grande taille refroidi au sodium.
L’abandon de SUPERPHENIX et l’abandon du Projet EFR doivent nous conduire à réexaminer calmement, à la lumière des connaissances acquises, les voies de progrès possibles, sans se précipiter hâtivement sur un caloporteur alternatif.
On peut dire que la fin prématurée du programme EFR marque la condamnation de la voie du concept intégré de grand taille refroidi au sodium mais d’autres voies sodium, restent ouvertes.
Tout d’abord, une remarque simple sur les voies suivies au plan mondial montre qu’il n’y a pas de dogme en la matière :
-
l’Europe a développé un réacteur intégré de grande taille,
-
les U.S.A. ont développé un réacteur modulaire constitué de petits modules intégrés,
-
les Japonais développent un réacteur à boucles (et mènent en parallèle des études sur plusieurs types de concepts non intégrés). La taille de cuve est réduite.
Il est, dans ce contexte, et encore une fois à l’issue de l’arrêt du Programme EFR, urgent de remettre à plat toutes les grandes options de la filière :
-
le choix du combustible en cohérence avec la stratégie du cycle,
-
le choix de la puissance unitaire (en liaison avec les concepts modulaires),
-
le choix des concepts non intégrés.
Tout cela s’intègre dans les activités de fond de la R et D qui couvrent, aussi bien le combustible, les matériaux, le cycle, la mécanique (incluant la dynamique, la déformation
progressive, le faïençage thermique), la neutronique, la thermique , la thermohydraulique, les techniques ultrasonores, etc
Le combustible, les matériaux et le cycle
Cette question est vaste et nous n’avons pas l’intention, là plus qu’ailleurs, d’arrêter une position qui se voudrait en quoi que ce soit définitive.
Les liens entre le coeur et le cycle ne doivent pas être sous-estimés.
L’acquis énorme sur l’oxyde pèse trop lourdement contre le choix de tout autre combustible.
Il est vrai que tout nouveau choix concernant le combustible ne peut être étayé que par une R et D importante.
Cependant, l’oxyde présente de multiples inconvénients bien connus.
Il présente l’inconvénient majeur au niveau de la fabrication d’être sous forme de poudre et est en outre incompatible avec le sodium.
Les nitrures et surtout les métaux présentent des avantages décisifs. Les métaux constituent une alternative très intéressante en matière de cycle : la pyrométallurgie qui est difficilement compatible avec l’oxyde (Cf. Chapitre 5, § la voie de la pyrochimie, noter aussi l’effort fait à Dimitrovgrad par le RIAR dans la voie difficile de l’oxyde).
La voie des matériaux doit évidemment être explorée sans relâche. Or, le CEA a ciblé comme il convenait ses études sur certains aspects qui gouvernent l’atteinte de forts taux de dpa à haute température avec des matériaux « classiques », mais est en retard dans le domaine des nouveaux matériaux.
Les perspectives offertes par les nouveaux matériaux à haute température sont particulièrement attrayantes.
Toute recherche innovatrice hardie doit s’appuyer sur les possibilités offertes par les matériaux.
Bien entendu, toutes ces options doivent être testées en pile. Un support externe expérimental doit être prévu.
.
4.2.3Le choix de la puissance unitaire - la modularité.
Cette question est incontournable.
Bien que ce débat reste ouvert, trois aspects semblent privilégier les petites tailles :
-
le contrôle de la réactivité (vide sodium-détection),
-
l’évacuation de la puissance résiduelle,
-
le confinement.
En outre, la réduction drastique de la taille de cuve intervient évidemment sur la faisabilité du transport et de la fabrication en usine. Cet aspect est essentiel et ne doit pas être sous-estimé.
La modularité offre un degré de liberté supplémentaire qui doit être intégré dans les études.
Elle permet d’atteindre des réductions de taille sur tous les composants, et elle laisse peut être un choix en faveur du concept intégré de petite taille.
4.2.4Les voies non intégrées
L’alternative concept intégré, concepts non intégrés, est loin d’être bouclée. Les hésitations des Japonais le prouvent. Nous avons bien dit « les » concepts non intégrés, car il y a plusieurs variantes. On présente quelquefois le choix -Concept intégré / Concept non intégré- comme une révision déchirante. Il n’en est rien. Pour l’essentiel, des travaux effectués sur la voie intégrée sont récupérables (supportage du coeur, manutention, et plus généralement améliorations des systèmes).
Les problèmes spécifiques que posent cette voie et qui ont été identifiés par ECRA ne sont pas insurmontables.
ECRA est allé jusqu’à préconiser la suppression du circuit intermédiaire et à identifier les points durs suivants :
-
fiabilité accrue du système d’évacuation de la puissance, basé sur le générateur de vapeur double paroi,
-
thermohydraulique plus pointue,
-
piquages.
On présente souvent l’inertie thermique du concept intégré comme un avantage décisif.
Il serait plus exact de dire que ce concept introduit un confort thermohydraulique relatif, mais qu’il est possible d’explorer des voies conduisant à une réduction substantielle de l’inertie thermique sans que cela soit rédhibitoire pour la sûreté.
4.2.4.1La fabrication en usine
Les voies non intégrées (combinées ou non à la modularité) présentent un avantage clef : la réduction drastique de la taille des cuves et la possibilité de passer à la fabrication en usine.
D’une façon générale, on a sous-estimé les potentialités d’une fabrication en usine, rendue possible pour les cuves de taille réduite (voie intégrée et ou modulaire) et grandement facilitée par des composants de petite taille (voie modulaire).
4.2.4.2L’ISIR
En matière d’ISIR, les progrès effectués jusqu’ici ont permis largement d’améliorer l’inspection, mais la démontabilité et la réparabilité seraient grandement facilitées par les concepts de petite taille modulaires, non intégrés ou intégrés.
4.2.5La nécessaire conjugaison des efforts : Engénierie, R & D, Exploitant
Le développement des RNR constiuant la réponse à l’atteinte de conditions d’un développement durable de la production d’électricité d’origine nucléaire, la situation actuelle requiert :
L’étude des possibilités de développement des RNR et de techniques de retraitement appropriées,
la conjugaison des efforts de l’Ingénierie (Framatome/Novatome), de la R & D (le CEA) et de l’Exploitant.
la recherche d’une collaboration internationale élargie.
Le CEA a évidemment un rôle à jouer et a les moyens de faire preuve de plus de dynamisme que lors de l’abandon de SUPERPHENIX
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