Rencontre mcx 99 “ Pragmatique et Complexité ”une vision sous-jacente servant de référence aux engagements en vigueur, dont on ne peut faire fi
DE LA COMPLEXITE DU DROIT DES MARCHES FINANCIERS
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Usagers, Sujets et Représentation dans la Conception I |
Jacques ARTIGUES Nathalie LEBTAHI |
Session 17 M3 |
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Equipe de Recherche sur les Sciences de la Conception - 53 rue du Faubourg
St Jaumes esc. G - 34 000 MONTPELLIER
Tel & Fax : 04 99 61 13 92- email : jacques.artigues@wanadoo.fr
L'objet, qui concrétise le projet, émerge au sein d'un processus qui à la fois le détermine et l'utilise pour s'accomplir lui-même (J. Artigues et N. Lebtahi : MCX, Poitiers, juin 97)
Le caractère innovant d'un objet s'apprécie par rapport à un système de référence implicite qui permettra de juger, avec plus ou moins de pertinence, des effets que cet objet exercera sur le contexte dans lequel il doit s'intégrer. Les raisons qui ont initialisé un projet singulier dans un processus plus global touchent de très près le caractère plus ou moins innovant, ou surprenant, de l'objet à concevoir, mais n'affectent pas profondément la nature théorique du processus de conception. Il s'agira toujours de concevoir un objet auquel on aura assigné un rôle dans un contexte opérationnel défini, ce qui détermine à la fois la nature et les limites du contexte conceptuel de cet objet, au sein desquelles s'exercera le "talent du concepteur".
Par habitude, nous avons tendance à confondre la notion de projet avec la réponse visible au processus qui a induit son émergence. Cependant, la nature des processus de conception et la nature des processus de production d'objets sont probablement différentes, et le processus de conception est d'autant plus occulté au bénéfice de la notion tout aussi imprécise de "création", que l'objet produit revêt un caractère spectaculaire. Quel coup de projecteur sur cette complexité isolera pour un temps, et nous évitera de confondre, ce que nous pourrions appeler le processus du projet qui serait de l'ordre de l'action, avec le processus de conception qui serait de l'ordre de la pensée pour l'action ?
Dans le contexte que nous prenons pour exemple, celui de l'architecture, il y a certainement conception et concepteurs imbriqués sur l'ensemble du processus du projet, et sur chacun de ses temps. Le domaine du processus de conception ne se superpose certainement pas à celui d'un concepteur particulier et nous n'avons n'a pas à l'attribuer à l'architecte, pas plus que celui-ci n'a à s'attribuer, le monopole de la conception. Le concepteur, situé dans le processus du projet, est la condition nécessaire pour que la conception s'exerce ; les concepteurs, dans leur ensemble, sont la condition nécessaire pour que le processus du projet se réalise. Pour chacun des concepteurs, il y a création d'un "point de vue" sur l'organisation des processus, donnant à chacun d'eux la vision particulière qui constituera le cadre de son action. Le processus du projet apparaît au concepteur comme l'enchaînement des actions entreprises pour répondre à une finalité justifiant son action, et le processus de conception comme ayant eu pour objet de concevoir une telle finalité susceptible d'induire un tel processus d'actions. A lui de reproduire ces processus au sein du cadre qui lui a été défini, pour former le temps suivant du processus du projet.
Il nous semble indispensable de subordonner les productions d'objets aux finalités qui induisent ces productions. Attribuer au processus de conception le domaine des finalités, et au processus de projet le domaine des objets produits, donne un point de vue particulier sur l'organisation même du processus de conception. Si le processus du projet s'exprime par un enchaînement linéaire de productions d'objets, le processus de conception, dans sa formulation implicite des finalités, semble au contraire suivre un itinéraire à la fois inclusif et récursif. Inclusif parce qu'une finalité particulière trouve ses conditions d'émergence et d'exercice à partir d'un objet produit par une finalité d'un ordre plus général, pour devenir elle même finalité générale et créer le contexte d'élaboration d'autres finalités particuliers. …/
Et récursif parce qu'il n'y a pas d'autres raisons pour limiter ce processus que l'étroitesse de vue d'un concepteur situé sur un point quelconque du processus du projet. Les finalités qui jalonnent et actionnent les processus de conception apparaissent également sous forme d'un enchaînement linéaire dans le temps, car bien qu'elles soient élaborées de façon plus complexe et hors de contraintes d'ordre chronologique, chacune d'elles est directement associée à la production d'un objet particulier pour former un temps particulier du processus de projet. Sans présumer de notre capacité à exprimer les finalités qui le sous-tendent, ce processus intellectuel se présente selon une structure analogue à celle du processus du projet, donnant une image du processus de conception sans toutefois rendre compte de sa nature. Par analogie avec le processus du projet, il s'agit d'un "processus conceptuel" qui donne tout au plus une certaine image temporelle de l'organisation des actions de conception, et ne doit pas être confondu avec le processus de conception lui-même.
L'observation des rapports entre ces trois processus, le processus du projet, le processus de conception et le processus conceptuel, peut rendre compte de certaines conditions à leurs limites : lorsque par habitude nous associons étroitement une forme particulière de finalité à une forme particulière d'objet (enseignement -> collège par exemple), dans un schéma linéaire d'actions de conception et de production (collège -> programme) -> (programme -> "bâtiment modèle"), nous reproduisons un modèle d'organisation connu, et construisons un objet "qui a fait ses preuves" (curieusement appelé également "modèle"), et censé répondre aux idées qui ont initialisé la séquence d'actions qui l'a produit. Le processus conceptuel et le processus de projet sont ici confondus, les processus de conception ont disparu, et l'objet produit n'est qu'un système fermé dont l'intégration dans un contexte par nature évolutif n'est pas garantie.
D'autres expériences qui ont laissé au contraire trop de champ libre au processus de conception n'ont pas donné de meilleures réponses : le "do it yourself" a conduit à des "Kits" inutilisés, faute d'avoir défini, au minimum et au préalable, le pourquoi de leur nécessité. Système trop ouvert dans un contexte relativement fermé.
Plutôt que de rechercher la juste mesure, il est sans doute plus facile de prendre pour modèle des processus établis, que d'imaginer des finalités déterminantes pour les faire évoluer vers une situation dite, de façon subjective, plus satisfaisante "_voulons-nous concevoir d'autres fins, inventer ingénieusement d'autres actions ? Trouverons-nous alors quelque science qui nous aide à prendre conscience de ces possibles, à moins qu'elle ne nous contraigne à assumer consciemment telle unique nécessité ou telle unique finalité ? " JLM lettre MCX 34 _ Ou encore : comment prendre conscience des contraintes qui nous astreignent à assumer telle unique finalités?
Du point de vue du concepteur, il y a des objets qui existent et d'autres qui n'existent pas encore ; la condition matérielle des premiers fait qu'ils constituent un substrat limité d'objets préexistants pour un processus de conception qui aura pour effet d'en réorganiser certains en un "nouvel objet". A l'inverse, le domaine des finalités susceptibles d'initialiser l'émergence de nouveaux objets échappe à un tel matérialisme qui en définirait a priori les limites, et constitue un champ infini pour le concepteur. Bien qu'une réflexion sur l'expérience qui suit (vue à la télé au hasard d'un zapping) nous amène à poser la question de son libre arbitre : Dans un premier temps, on demande à un ordinateur de constituer une population de boules blanches et de boules vertes intimement mélangées de façon aléatoire. Ensuite on invente une "fourmi-robot" qui est programmée pour une action simple et facile à accomplir : " Tu ramasses une boule et tu la poses à côté d'une boule de la même couleur" ; plusieurs de ces individus sont alors disposés sur le terrain et une fois le coup d'envoi donné il s'ensuit une grande agitation qui conduit toujours à la construction d'un tas de boules blanches et d'un tas de boules vertes_.
Tout se passe comme si les foumis-robots avaient eu pour "projet" d'arriver à un tel résultat.
Chacun de nous, (concepteur-robot ?), transporte probablement son "pattern" d'informations, culturel, acquis, inné et l'additionne parfois à celui des autres pour une meilleure action conjointe. Mais, bien entendu, l'agitation qui en résulte n'a rien à voir avec celle d'une fourmilière p.
Confiance, Accompagnement, Cognition collective, Retour sur expérience |
Marie-José AVENIER |
Session 18 M2 |
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DR CNRS à Euristik (ESA 5055)
Centre de recherche de l'IAE de Lyon 3
fax : 04-72-72-45-50 / Erreur! Signet non défini.
La session 18M.2 est consacrée à l'expérience "Grand Atelier MCX 1", qui s'est tenu en novembre 98 au Futuroscope. Son but est double : informer, et réfléchir sur cette expérience qui a impliqué une cinquantaine de membres du Programme MCX.
Le retour d'expérience portera a priori sur deux niveaux :
1. le déroulement (original et probablement innovant) de ce Grand Atelier,
2. les connaissances qui ont été mises en interaction au cours de cette rencontre.
Comme base de départ pour notre réflexion sur cette expérience, nous disposerons des témoignages de trois participants de champs d'expérience très différents, qui, au retour de Poitiers, nous ont spontanément communiqué leurs impressions (cf. leurs contributions respectives dans le présent Dossier) :
l A Colas, Chargé de mission Facteurs Humains au sein du Pole Industrie d'EDF,
l M. Legrand, Psychologue dans une unité de soins palliatifs, Hôpital Sainte Périne, Paris,
l A.C Martinet, Professeur en Sciences de gestion, IAE de Lyon 3.
Le Grand Atelier MCX 1 a été organisé par l'Atelier 1 du Programme MCX avec le concours de quelques autres Ateliers du Programme et avec le soutien de l'Institut du Management d'EDF et de GDF, de l'Institut International de Prospective du Futuroscope, et de plusieurs cabinets de conseil en organisation (Algoé Consultants, INSEP Consulting, La Société Internationale des Conseillers de Synthèse, et Transformance).
Ce Grand Atelier était intitulé : "L'intervention délibérée en situation complexe : quelles connaissances 'actionnables' ?", où le néologisme 'connaissance actionnable' emprunté à C. Argyris et D. Schön, peut être traduit par "repères pour l'action".
"Intervention délibérée" signifie "action intentionnelle qui a été réfléchie et discutée par divers acteurs concernés par cette action".
Par définition de l'expression "situation complexe", une "intervention délibérée en situation complexe" ne produit pas forcément l'effet recherché : elle peut avoir des conséquences non intentionnelles dont certaines peuvent être complètement inattendues.
Des actions visant à lutter contre la toxicomanie ou contre le chômage, ou à réduire de façon importante des délais de livraison, ou à réorganiser les services d'une entreprise apparaissent généralement comme des interventions délibérées en situation complexe.
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Le projet était de mettre en commun et en interaction l'expérience et les connaissances relatives à ces trois types de processus (confiance, accompagnement, cognition collective), développées par des praticiens ou par des chercheurs de champs d'expérience très divers (qui, autrement, n'auraient certainement jamais eu l'occasion de se rencontrer pour échanger sur leurs connaissances et sur leurs expériences respectives), dans le but de s'enrichir mutuellement des ces échanges et de co-produire de nouvelles connaissances actionnables.
Pour favoriser cet enrichissement mutuel par l'échange, la participation à ce Grand Atelier a été limitée à une centaine de personnes opérant dans des domaines variés : cadres dirigeants d'entreprises, responsables d'institutions, consultants, formateurs, enseignants, psychothérapeutes, travailleurs sociaux, urbanistes, chercheurs relevant de disciplines diverses (gestion, linguistique, sciences de l'éducation, économie, sociologie, droit, etc.), etc.
Déroulement
Le Grand Atelier MCX 1 s'est déroulé sur deux journées consécutives. Chacune des trois premières demi-journées était consacrée à un thème spécifique : la confiance, l'accompagnement, et la cognition collective. La quatrième et dernière demi-journée visait à prendre du recul par rapport à ces trois thèmes et à s'interroger collectivement sur le concept de connaissance actionnable, en se demandant notamment ce qu'est, au fond, un repère pour l'action délibérée en situation complexe.
Les quatre demi-journées étaient organisées de la même manière (voir agenda synoptique du Grand Atelier dans les Dossiers MCX 15 et 16 notamment). Pour favoriser les interactions entre les participants, des sessions plénières alternaient avec des sessions de travail en groupes de taille restreinte.
Après une séance plénière d'introduction au thème de la demi-journée par des praticiens d'horizons très divers (un responsable d'ATD Quart-Monde, un guide de haute montagne, un médecin et une psychologue en soins palliatifs, deux musiciens...) réfléchissant à voix haute sur leurs pratiques et leur expérience, les échanges s'effectuaient au sein de quatre groupes multi-disciplinaires, à géométrie variable, fonctionnant en parallèle sur le thème de la demi-journée. Chaque demi-journée était clôturée par une séance plénière de mise en commun des travaux des différents groupes : des rapporteurs désignés au préalable présentaient des comptes-rendus "à chaud" des discussions dans les différents groupes ayant travaillé en parallèle. Afin de garder trace des interactions qui se sont produites au cours de ce Grand Atelier, un dossier (Dossier MCX 16) a été constitué après coup à partir des synthèses réalisées par les rapporteurs. Il contient également les réactions qu'un certain nombre de participants nous ont spontanément adressées à leur retour de Poitiers, et certains textes présentés à Poitiers qui ne figurent pas dans le Cahier des Résumés du Grand Atelier (Dossier MCX15) p.
Pragmatique de l'organisation I |
Bernard BALCET |
Session 17 M1 |
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Consultant Indépendant en Organisation et Management
52, rue des Aulnes - 92330 SCEAUX - 01 46 61 27 27 (tél/fax) - BBalcet@aol.com (e-mail)
Constat
A notre époque, comme probablement aux précédentes, le fonctionnement de l'esprit est conditionné de façon plus ou moins insidieuse ou profonde. Par une véritable emprise mentale, des procédés de formalisation de la pensée font autorité sans qu'il y ait de critique sur les hypothèses de départ, sur les méthodes employées ni sur l'interprétation des résultats.
On passe son temps à clarifier, à parler de cohérence, de cohésion et de consensus sans remettre en cause les raisonnements qui tiennent lieu de réalité. Les chiffres sont censés rendre irréfutables les décisions prises. Il est vrai que les certitudes et les clarifications rassurent a priori. Elles s'expriment bien dans le langage : "soyons concrets, procédons par ordre, soyons clairs" et dans les slogans : "adhésion du personnel, engagement de la direction, satisfaction du client".
Pierre Calame disait au précédent atelier que les questions posées sont toujours constantes. Est-il bien vrai que l'on est en train de passer du tactique au stratégique, de la fonction au processus ? En tous cas, il y a matière à discussion et à débat.
La capacité d'étonnement : de quoi s'agit-il ?
S'étonner, c'est déjà avoir remarqué une différence ou une similitude entre des faits, des comportements, des résultats. Ne dit-on pas que l'intelligence consiste à trouver identiques des choses différentes, et différentes des choses identiques ?
Ce n'est pas la même chose que l'esprit critique et encore moins l'esprit de critique. Il s'agit plutôt du résultat d'une attitude de candide ou de naîf qui interroge le réel sans être conscient d'une solution.
On peut s'étonner "après" (améliorations) ou on peut s'étonner "avant" (signes avant coureurs, prévention) et ainsi donner à penser, car rien ne va plus vite que la pensée.
A quoi ça sert ? : le processus de changement, l'approche
L'étonnement est le premier pas vers la remise en cause. Il réclame calmement des explications, il sollicite les personnes qui sont censées savoir. Il pousse à la relation.
Cette mise en mouvement élémentaire aide à l'appropriation et à la maîtrise de l'incertitude soit par l'obtention de réponses, soit en permettant de vivre avec des paradoxes. Docile ou opposant, le paradoxe permet de ne pas rester bloqué. Il s'agit toujours d'élargir le champ, d'augmenter la variété, ce qui mène à la négociation et à de meilleures décisions.
L'approche conduit à une démarche implicante, partant du terrain et globale. Un schéma et des exemples montrent comment on passe d'un étonnement au changement, c'est-à-dire du très concret au global en impliquant ainsi les personnes concernées.
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Au delà des nouvelles technologies, Dominique Wolton nous dit "qu'il vient toujours un moment où il faut éteindre les machines et commencer à se parler". Il y a, en effet, un fort besoin de communiquer, mais a-t-on quelque chose à se dire ? Jean-Luc Godard dit bien "qu'aujourd'hui, on cherche plus à interpréter qu'à regarder".
Par l'exercice du cerveau droit, celui de la créativité, on arrive à différencier les qualités requises pour diriger de celle requises pour gérer. Comme le dit Peter Drucker, "gérer, c'est faire les choses comme il faut ; diriger, c'est faire ce qu'il faut". Diriger est difficile et la vision se détourne souvent sur la gestion, alors qu'il faudrait surveiller par exemple l'évolution des goûts chez les consommateurs.
Il s'agit donc d'adopter une posture mentale particulière où la vigilance intellectuelle et le diagnostic permanent sont à l'oeuvre. On peut être sur le terrain et ne voir que ce qui relève de sa propre spécialité, alors que les idées sont en germe, qu'il faut savoir dire "je ne sais pas", se poser des questions, poser de bonnes questions, proposer des pistes de solution, solliciter les intelligences.
Résultats
La capacité d'étonnement est puissante parce qu'elle développe l'intelligence et apporte une légitimité de la base au sommet à travers la connaissance fine des difficultés réelles.
Le problème n'est pas d'accumuler des connaissances mais de les rendre efficaces.en se démarquant à la fois du praticien et de l'expert.
L'étonnement vient d'éléments décelés dans la réalité du fonctionnement. Il permet d'animer des démarches de changement. Il fait faire des économies par l'exploitation d'un champ nouveau d'informations.
La philosophie
La capacité d'étonnement permet d'anticiper la maîtrise d'ouvrage, de dépasser les situations de blocage, d'améliorer le relationnel. Elle met à l'épreuve le besoin qu'a tout individu de se tester dans le travail sous le regard des autres.
La curiosité, alliée à la transversalité, permet l'étonnement et favorise les interactions. On va de la perception des objets à la perception des relations dans un champ d'exploration et d'action élargip.
Pragmatique, Science et Technologie, les Défaillances Epistémiques |
Jean-Pierre BERLAN |
Session 17 AM4 |
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Berlan Jean-Pierre,
Directeur de recherche,
INRA/CTESI, 9 place Vialla, 34060 Montpellier,
tel/fax 04 42 28 89 53, mel. Jpe.berlan@wanadoo.fr
Le monde qui nous entoure est-il ontologiquement complexe ou bien cette complexité est-elle souvent un artefact qui s’explique par la nécessité d’en dissimuler les enjeux politiques et économiques? Je vais aborder cette question en étudiant le cas des OGM qui font l’objet d’un débat contradictoire. En les replaçant dans un cadre historique, nous verrons que cette soit-disant révolution des “ sciences de la vie ” renouvelle une vieille mystification destinée à occulter l’enjeu véritable de l’économie politique de la génétique agricole.
Personne ne contestera que l’on ne peut vendre à quiconque ce qu'il produit ou dont il dispose déjà à satiété. Appliquons ce principe économique aux “ semences ”, qu’elles soient traditionnelles ou ogémisées.
Un "semencier" ne peut vendre de "semences" tant que le grain que récolte le paysan est aussi la semence de l’année suivante. Pour les lui vendre, il doit donc l'empêcher par un moyen quelconque de semer le grain récolté. La condition sine qua non de l'existence d'une industrie des "semences" est, soit de prendre des mesures légales d'interdiction, soit d'empêcher biologiquement les plantes (ou les animaux) de se re-produire et se multiplier dans le champ du paysan.
Pour des raisons politiques évidentes (force de la paysannerie, faiblesse des maisons de sélection, caractère sacré du vivant), l’interdiction légale a longtemps été exclue. Il ne restait donc que des méthodes biologiques. Mais là encore, la condition du succès était d’occulter l’objectif: le révéler, c'était le rendre inaccessible.
Au début du 19ème siècle, les gentilhommes-agriculteurs anglais constatent que les plantes de blé ou d’orge conservent leurs caractéristiques d’une génération à la suivante. Pour accroître la rentabilité de leurs domaines, ils cherchent à isoler la meilleure plante du mélange qui pousse dans leurs champs pour semer ce modèle unique supérieur qu’ils peuvent multiplier à volonté. Cette technique est encore la base de l’amélioration des plantes. Mais vers 1860, la “ sélection continue ” selon laquelle les plantes “ se détériorent ” dans le champ du paysan remplace la méthode de l’isolement. La meilleure science de l’époque, le darwinisme, vient légitimer la nouvelle pratique. C’est que les gentilhommes-agriculteurs sont devenus des sélectionneurs professionnels qui n’ont que faire de variétés qui se re-produisent dans le champ de l’agriculteur. Ainsi la “ sélection continue ”, incapable d'apporter la moindre amélioration à l’agriculteur mais profitable pour le sélectionneur, remplace-t-elle une technique utile pour l’agriculteur mais sans profit pour le sélectionneur, celle de l’isolement.
Au 20ème siècle, la sélection des plantes et des animaux est dominée par la technique dite des “ hybrides ” appliquée maintenant à 23 espèces alimentaires pour ne rien dire des volailles et des porcs. Cette technique, découverte en 1908 aux Etats-Unis par G. Shull et développée à partir de 1922 par la recherche publique a pour vertu, écrit son inventeur que “ le seul recours de l’agriculteur est de retourner chez l’hybrideur où il s’est produré les semences l’année précédente. ”
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La caractéristique des “ hybrides ” n’est donc pas d’accroître le rendement comme on le proclame, mais de diminuer celui de la génération suivante comme on le tait, c’est-à-dire de faire des plantes économiquement stériles. Les “ résultats splendides ” que donnent ces “ hybrides ” n’ont rien à voir avec le fait d’être hybride, avec l’hybridité, mais relèvent d’un travail de sélection.
L’amélioration que l’on peut espérer par une telle méthode de fixation artificielle du maïs étant quasi-nulle, en 1914 Shull la légitime par l’existence d’un phénomène mystérieux, l’hétérosis, si complexe qu’il est toujours inexpliqué et inexplicable, comme l’ont déploré de nombreux participants au Symposium Mondial organisé par le CIMMYT à Mexico en août 1997 sur “ l’hétérosis (traduire: la stérilité) dans les cultures ”. Ce symposium était parrainé, faut-il le dire, par le gratin du complexe génético-industriel. Mais personne n’a posé la question iconoclaste: et si ce phénomène était tout simplement un nouveau yéti biologique?
En cette fin du 20ème siècle, les “ sélectionneurs ” - une poignées de transnationales venues de l’agro-chimie - se sentent assez fortes pour ne pas avoir besion d’un rideau de fumée scientifique pour se débarrasser de la propriété malheureuse des êtres vivants, se re-produire et se multiplier. Terminator, une nécrotechnologie dont il existe déjà une trentaine d’avatars, leur permet de rendre le grain récolté biologiquement (et non plus économiquement comme dans le cas des “ hybrides ”), stérile. Cela nous vaut aussi le droit de brevet, c’est-à-dire tout simplement un Terminator légal au nom duquel Monsanto traîne devant les tribunaux américains les agriculteurs qui sèment le grain “ Biotech ” (ogémisé) qu’ils ont récolté. L’avantage du Terminator légal sur le Terminator biologique est que le contribuable (c’est-à-dire chacun de nous) paye les coûts de sa propre expropriation.
Ces transnationales pensent que la légitimation économique suffira. Elles organisent leur propagande autour du slogan “ Les OGM permettront de nourrir la planète en protégeant l’environnement ” et structurent le débat autour des risques et bénéfices des nouvelles technologies.
Seuls les crédules, y compris et surtout parmi les scientifiques, peuvent s’imaginer que des plantes biologiquement ou juridiquement stériles nourriront la planète en protégeant l’environnement p.
Pragmatique de la Communication, Média et Complexité |
Evelyne BIAUSSER |
Session 17 AM5 |
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