Mise en place d’un fonctionnement ouvert
Le quartier et l’école
L’école élémentaire Paul Casalis se situe en milieu urbain à Créteil dans le quartier du Mont-Mesly, une « zone » d’habitats sociaux qui souffre de la violence (et) du manque d’espace, résultants pour une part d’une construction à la « va-vite » dans les années soixante. Le quartier n’invite pas à la promenade pas plus que l’aspect extérieur de l’école n’invite à y entrer.
Sur un plan culturel, la population est très mélangée. Les élèves fréquentant l’école sont en majorité de familles originaires d’Afrique du Nord et d’Afrique de l’Ouest. La plupart des élèves sont nés en France mais certains sont arrivés récemment de l’étranger. Ce mixage ethnique ainsi que les nombreuses productions des élèves qui ornent les murs apportent de la vie et de la couleur au lieu et permettent de dépasser la première impression. L’œil oublie la peinture écaillée et le bâtiment apparaît moins froid.
Une école en effervescence
A la rentrée 2002, l’école est composée de 12 classes dont une classe de perfectionnement accueillant des élèves en échec scolaire, et la Clin. Classée en Zone d’Education Prioritaire (Z.E.P.), l’école bénéficie d’un enseignant supplémentaire communément appellé « moyen sup » et qui coordonne des projets fédérateurs dans les classes. Par ailleurs, le réseau d’aide aux enfants en difficulté constitué d’une psychologue, d’une ré-éducatrice et d’une enseignante spécialisée travaille en étroite collaboration avec l’équipe des enseignants des classes et les besoins sont importants. L’école a aussi le privilège d’héberger le coordonnateur de la R.E.P. (Réseau d’Education Prioritaire) qui travaille à la mise en réseau des ressources et des projets des écoles du quartier. De ce fait, l’I.E.N. (l’inspecteur de la circonscription) est souvent présent dans l’enceinte de l’école, notamment pour organiser des rencontres entre acteurs éducatifs. Tout ceci fait de l’école Casalis un lieu en « effervescence permanente ».
Le renouvellement pour moitié de l’équipe des enseignants en septembre 2000 et surtout le changement de direction ont contribué à faire de l’école Casalis un lieu plus ouvert. La directrice a insufflé une dynamique de relations et de coopération avec les parents mais aussi entre enseignants. Ces derniers ont mis en place des formes de travail en équipe. Ils passent du temps, au-delà du temps institutionnel de concertation, pour dialoguer, s’entraider, concevoir des projets, organiser le travail en cycle et répondre au mieux aux besoins des élèves.
Renouer le lien avec les parents
En septembre 2000, les relations avec les familles sont tendues, conséquence d’un manque de communication école-familles. La rupture est importante et il faut renouer le dialogue avec les parents. En 2002, lors d’un entretien réalisé pour la revue « Enfances et Psy »4, la directrice de l’école fait un bilan du travail réalisé en deux ans : « A l’école Casalis, nous savons que cette rencontre (avec les parents) est possible puisqu’elle existe grâce à la concertation au sein de l’équipe qui permet de définir une politique d’école, une orientation pédagogique, qui reconnaît sa place à chaque partenaire. En deux ans, nous avons vu la violence disparaître des cours de récréation, les parents venir sans agressivité et en confiance (il reste toujours des exceptions, bien sûr), des délégués de parents organiser des réunions de façon autonome dans l’école, créer un journal de parents […]. Les parents reprennent confiance, non seulement dans notre école, mais dans l’institution. » Enseignant de la Clin sur cette période, j’ai pu apporter ma contribution à cette double-ouverture de l’école – ouverture sur l’extérieur (avec les familles) et ouverture à l’intérieur (entre enseignants) – notamment en organisant différemment le fonctionnement de la Clin.
Fonctionnement traditionnel de la Clin
Par habitude et par facilité probablement, la Clin de l’école Casalis fonctionnait avant mon arrivée comme une classe ordinaire. Les élèves passaient quasiment une année scolaire dans le groupe, restreint à 15 élèves, avec les mêmes domaines d’activités que les autres classes et ils consacraient une grande partie des vingt-six heures de cours hebdomadaires à l’apprentissage de la langue française. Autant dire qu’il était difficile de gérer les priorités. Seuls les élèves les plus « débrouillés » pouvaient suivre en cours d’année les cours de mathématiques dans une autre classe, selon le bon vouloir de quelques enseignants. Certains projets pouvaient aussi être menés en collaboration avec l’enseignant « moyen sup ». Quant à la sortie de Clin, elle s’avérait une rupture douloureuse et l’intégration dans le cursus ordinaire problématique pour beaucoup d’élèves.
Constats d’un dysfonctionnement
Dans le cas de ces cours de mathématiques en classe ordinaire, les enseignants constatent qu’ils ont du mal à s’intégrer dans la classe. Les élèves eux-mêmes le disent. En effet, il leur manque le vécu de classe, l’émulation et la mobilisation générées par le groupe qui vit et construit des projets depuis le début de l’année. Il faut savoir que les premiers contacts des nouveaux-arrivants avec l’école sont des moments importants parfois survalorisés. Et l’élève s’identifie comme membre du groupe qui l’accueille. Avec le fonctionnement en classe fermée, le groupe de référence de l’élève est la Clin et non la classe de mathématiques, l’intégration est donc souvent ratée.
Nous l’avons vu en introduction, l’objectif de la Clin est la maîtrise du français pour l’intégration rapide d’une classe ordinaire. Or, au bout d’un an, les élèves doivent retourner dans leur école de secteur et ils ont généralement encore besoin d’être suivis partiellement. L’enseignant de classe ordinaire, non formé pour accueillir ce public spécifique, est souvent désarmé et manque de temps pour mettre en place l’accompagnement nécessaire.
Pour l’élève nouvellement arrivé en France, l’école est le lieu où se joue l’intégration dans le groupe de ses pairs, dans la société et dans la culture et la langue française. Cependant un fonctionnement trop cloisonné ne favorise pas l’autonomie et l’intégration dont les nouveaux-arrivants ont un besoin urgent, et même, il peut être facteur de « ghettoïsation », de repli sur soi ou de repli communautaire.
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