-- II-5-2-2-2-4 : l'opération du 21 septembre 2001 :
Ainsi que nous venons de le voir, l'opération du 19 septembre 2001, n'est pas envisagée par l'exploitant qui s'est abstenu d'établir des consignes d'exploitation du bâtiment 335, plaçant de fait M. FAURE, dans la situation d'improviser.
Pour autant et ainsi que l'a jugé définitivement le juge d'instruction en délivrant une décision de non lieu motivée en droit et en fait, M. FAURE n'a pas engagé sa responsabilité pénale : Si l'on se place dans le cadre de l'acte de poursuites, il est, à son insu, le bras armé d'un enchaînement causal complexe (qui fait penser à une machine infernale... involontaire) qu'il n'appartient pas à l'agent de la société extérieure de maîtriser.
Le 21 septembre, entre 9 h45 et 10 h, M. FAURE connaissant le bâtiment 221 pour y déverser les fines d'ammonitrate se propose de régler seul la difficulté et décide d'aller vider la benne dans le box du 221. Auparavant, il prend la peine de solliciter l'autorisation de M.
Paillas contremaître adjoint et homme d'expérience. Ce dernier méconnaît ou omet de faire appliquer les consignes existantes concernant le non respect du pré tri des déchets et celle applicable au 221, et consent à ce déversement sans vérifier le contenu de la benne, tout en invitant le salarié de l'entreprise sous-traitante à bien s'assurer qu'il s'agisse de nitrate.
Contrairement à ce que tente désespérément de plaider la défense de GP l'essentiel n'est certainement pas préservé par ces paroles...
On ne peut en effet sérieusement envisager dans une "usine SEVESO seuil haut" que l'obligation de maîtrise repose sur l'avis d'un salarié d'une entreprise extérieure, aussi compétent soit-il, et que M. Paillas ne se méprenne pas sur le sens de ce jugement : le tribunal ne porte pas d'appréciation de valeur sur les individus en fonction de leur statut : il ne s'agit que de responsabilité en l'espèce : seul un responsable de la société Grande Paroisse, exploitante d'un
site SEVESO peut garantir une opération non conforme à la documentation maîtrisée. il s'agit là de son COEUR DE MÉTIER. En d'autres termes, l'exploitant ne peut s'exonérer de ses obligations en invoquant, à demi mots, ce qui relèverait d'une délégation de facto de sa responsabilité primordiale qu'est la maîtrise des risques et des procédures.
La CEI partage ce point de vue quand elle évoque dans ses rapports les entrées "contrôlées" et celles qui ne le sont pas.
- II-5-2-2-3 : le bâtiment 221 :
Le magistrat instructeur reprochait aux prévenus de n'avoir pas mis en place une procédure satisfaisante de fonctionnement de ce bâtiment :
- Le non contrôle de l'entrée exceptionnelle du 21 septembre 2001 :
Les consignes des ateliers de production ou d'ensachage et du bâtiment I4 identifient les entrées autorisées : elles sont rappelées en paragraphe II-2-1-3-4.
Des entrées exceptionnelles sont envisageables (retour client, essai particulier) : le principe qui préside à ces entrées c'est que seul l'exploitant est habilité à les autoriser ; en d'autres termes le travail des différents sous traitants n'a de sens qu'autant qu'il s'inscrit dans le cadre du contrat liant les parties.
C'est là que l'opération du 21 septembre 2001 pose difficulté : indiscutablement, cette entrée atypique n'est pas autorisée par le contrat liant GP à Surca ; elle ne peut être autorisée que par l'exploitant. A ce titre, elle aurait dû, en principe, donner lieu à l'établissement d'un permis de travail, ce qui aurait permis à l'exploitant de voir son attention attirée sur la difficulté et de s'assurer que les consignes sont bien appliquées : en s'adressant à l'adjoint du responsable du
service RCU, M. FAURE respecte parfaitement sinon le cadre du moins l'esprit de cette prescription : il anticipe certes la réponse qui lui sera donné par M. Paillas en préparant la benne, mais concrètement il ne prend pas l'initiative de la déverser sans solliciter l'autorisation d'un responsable.
La difficulté, ainsi que la CEI l'a parfaitement analysée dans ses premiers rapports, c'est que le contrôle de l'entrée n'est pas conforme aux règles et usages qui président à une telle opération non prévue par les consignes d'exploitation : sans revenir sur le non respect des consignes relative au contrôle du pré tri, le représentant de la société Grande Paroisse a failli à son obligation de contrôle en ne s'assurant pas du contenu d'une benne qui s'inscrivait, par l'origine du bâtiment (335 dédié au DIB et de facto aux DIS) et la qualité de l'entreprise sous traitante (SURCA) dans la filière "déchets".
Ce n'est donc pas tant l'absence de consignes d'exploitation du 221 qui pose problème que le non respect par le responsable Grande Paroisse de la règle de base dans une usine chimique soumise à la réglementation SEVESO : contrôler tout mouvement de substances dangereuses non prévu dans les consignes d'exploitation.
- L'humidité du sol :
Ainsi que nous l'avons vu, l'humidité de la couche de nitrate se trouvant au sol du box (voire dans le bâtiment principal) a un rôle majeur dans la transformation du produit qui se couvre d'une solution saturée et favorise l'interaction de ce composé avec tout autre produit mis à son contact.
A l'examen de l'étude de dangers du bâtiment I4, on comprend qu'il s'agit là d'un danger connu par l'exploitant.
En laissant ainsi cette situation de fait se pérenniser, l'exploitant a pris le risque de provoquer une décomposition par temps humide, ce qui était le cas depuis deux jours sur le secteur de TOULOUSE.
- II-5-2-2-4 : la défense de GP sur le déroulement de la chaîne causale :
Sur le plan factuel, le défaut de maîtrise de l'exploitant le place dans l'incapacité de formuler la moindre objection argumentée : il est contraint de faire état de supputations, là où il devrait démontrer le respect des consignes.
Pour tenter d'échapper à ce constat, GP va développer une série d'objections tendant à démontrer que les explications scientifiques des experts ne résisteraient pas à l'analyse, à ce que l'un des conseils a appelé "la vraie vie" : Une remarque liminaire s'impose à ce stade ;
l'ensemble des travaux menés sur ce terrain fait l'impasse sur un élément primordial pour apprécier le travail de la chimie légale : l'hétérogénéité du milieu.
Les sachants de la défense raisonnent à l'évidence de manière juste, mais en se plaçant systématiquement dans la situation où l'on connaîtrait l'ensemble des données, alors même que nombre d'entre elle, tel le contenu de la benne litigieuse est incertain, et ce par suite de sa défaillance, en faisant référence à un milieu dont on connaîtrait l'ensemble des caractéristiques, en oubliant la diversité évoquée ci-avant des nitrates, les qualités particulières des NAA et NAI
fabriqués sur le site de Toulouse qui en faisait le succès etc...
Il convient de rappeler que l'on ne saurait faire grief aux experts judiciaires de ne pas déterminer précisément le "milieu" :
- connaissant les risques liés à l'humidité, il appartenait au seul exploitant de prendre et justifier des mesures qui s'imposaient pour remédier à ce fait (chauffage du bâtiment, double portail roulant etc...),
- prenant conscience de la multiplication des opérateurs des différentes entreprises extérieures versant des matières dans le box du 221, il n'appartenait qu'à l'exploitant de concevoir une procédure ou de rappeler les règles présidant aux entrées exceptionnelles telle la benne blanche litigieuse, lui permettant de justifier de la composition et de la quantité de toutes les entrées.
Le tribunal n'ignore pas un instant que nous sommes face à une usine de chimie lourde et non à un laboratoire pharmaceutique : pour autant, l'obligation de maîtrise que la législation européenne fait peser sur GP l'oblige, par ces processus internes, la traçabilité des produits, le pesage de l'ensemble des entrées, à renseigner A TOUT MOMENT sur les substances en cause; la défaillance organisationnelle la prive de la possibilité d'exclure que le contenu indéterminé
de la benne litigieuse ne soit pas en lien avec la survenance de la catastrophe et la contraint à supputer.
Les supputations de GP ne répondent pas au travail de reconstitution mené par les experts mais au premier chef à son incapacité à établir le respect des consignes de maîtrise.
- le DCCNA ne pouvait quitter l'atelier ACD en dehors des deux filières tracées : Certes, la sortie "matières" de l'atelier ACD est effectivement bien encadrée avec deux seules possibilités : le produit commercial et la filière "tredi" d'incinération pour les productions à déclasser ou les déchets.
Mais il ne s'agit pas d'expliquer la sortie de centaines de kilos de DCCNA : un kilo suffit pour provoquer une détonation en milieu non confiné
Or, il ressort d'éléments objectifs (déclarations conformes de M. FAURE et de M.SIMARD ; découverte du sac de DCCNA contenant encore des granulés) que le système n'est pas parfait.
- le secouage ou pelletage de DCCNA n'a pu échapper à la vigilance de l'opérateur :
Ce fut longtemps, et tant que les experts judiciaires se sont attachés à l'idée que 500 kgs de ce produit avaient pu être malencontreusement déversés dans la benne litigieuse un argument de poids : l'irritation que provoque le contact ou la dispersion de DCCNA dans une benne rendait impossible la thèse suivie par les experts judiciaires.
Si ce n'est que
* nous ne sommes plus à 500 kgs nécessaires pour parvenir à la détonation comme initialement envisagé, mais un simple kilo, ou plus, suffit pour provoquer une détonation dans les conditions ci-avant exposées (cf paragraphe ).
* la reconstitution "sauvage" réalisée lors d'une audience par le conseil de la commune de Toulouse a révélé que le versement au sol d'un kilo de DCCNA n'entraînait aucune gêne respiratoire pour les conseils des parties se trouvant à proximité immédiate : la reconstitution du 9 octobre 2002 n'a démontré que le caractère impossible du pelletage de plusieurs dizaines de kilos de DCCNA secs.
* en toute hypothèse, il est apparu à l'audience que la décomposition de l'urée, présente dans le bâtiment 335, par temps chaud pouvait occasionner des odeurs très incommodantes au point d'imposer l'opérateur à quitter ce local ; il y a lieu de considérer que les odeurs de produits chimiques et notamment d'ammoniac pouvaient camoufler le cas échéant l'odeur du chlore.
Il est assez remarquable au vu de ces observations de relever que l'exploitant d'un site SEVESO fait reposer le respect de ses obligations (traçabilité d'un produit auquel la réglementation lui impose d'apporter un soin particulier) et la pertinence de ses objections sur la perception subjective d'un témoin, M. FAURE.
Cette objection, par suite de l'évolution du dossier, que la défense est mal venue de critiquer pour les raisons ci-avant développées, ne présente plus le caractère dirimant qu'elle pouvait avoir initialement et n'est pas de nature à rendre le croisement de ces produits impossibles.
- le DCCNA n'a pu conserver de chlore actif :
Ce postulat réside dans le fait qu'au contact du nitrate et de l'humidité, le DCCNA placé dans la benne s'est hydrolysé et a de fait perdu du 19 au 21 septembre toute capacité de chlore actif rendant impossible la réaction décrite par les experts judiciaires ; ce postulat présuppose que le versement des produits qu'il s'agisse de pelletage ou de vidage de sacs, s'est fait en un seul tas au fond de la benne ;
M. FAURE a tenu des propos contradictoires sur les modalités de constitution de cette benne;
L'exploitant n'apporte aucun élément sur la constitution des produits ; son responsable, M. Paillas qui ne s'est pas rendu auprès de la benne pour en vérifier le contenu n'est d'aucun secours ; aucun système n'existait pour vérifier le contenu des entrées dans le bâtiment ; dans ces conditions là et devant la défaillance de l'exploitant, qui n'a pas fait appliquer ses propres consignes de travail, le tribunal considère qu'il ne peut écarter que ces deux produits se soient trouvés placés dans la benne l'un à coté de l'autre et pas nécessairement au contact l'un de l'autre.
- le sol du box ne pouvait pas être humidifié :
L'examen des premiers rappo rts de la CEI confirment les informations recueillies par les enquêteurs sur ce point qui n'était pas remis en question par les membres de la CEI, à un moment où il est vrai l'importance attachée à ce détail climatique avait pu échapper aux témoins et sachants de la défense.(cf paragraphe ).
Le taux d'humidité dans le box du 221 ne peut être précisément spécifié. Les informations concordantes reçues par la CEI et les enquêteurs judiciaires sur ce point dans les jours suivant la catastrophe, les nombreux témoignages sur la transformation du sol damné de nitrate par l'effet du vent d'autan humide, la démonstration que ce vent soufflait depuis deux jours (avec des périodes d'humidification excédant nettement la période d'assèchement), le fait que les opérateurs pouvaient s'embourber avec les monte charges y compris dans le box, que l'hygroscopie du nitrate était telle que la partie centrale du 221 était elle aussi affectée par la transformation de l'état de la couche au sol, et les déclarations de MM. PEREZ et SZCZYPTA sur les désagréments provoqués par l'humidité au local IO le matin même de la catastrophe, permettent au tribunal de considérer ce point acquis. Par ailleurs le très large spectre d'humidité entraînant la production de NCL3 ainsi que les résultats des divers laboratoires le démontrent et rendent non pertinente cette objection.
- II-5-2-2-5 : l'examen de la piste chimique sous le regard de la méthode déductive adoptée par la CEI
Cet examen synthétique ne paraît pas inintéressant pour comprendre l'embarras dans lequel s'est très vite trouvée confrontée la CEI, émanation de la société Grande Paroisse:
Rappelons que le "fil conducteur" qui préside à cette méthode est de relever, après un accident, tout ce qui ne s'est pas passé comme D'HABITUDE:
L' analyse est simplifiée par le fait que ce bâtiment n' est censée accueillir que des nitrates déclassés provenant soit de I4, soit de 10.
Toute autre entrée, que le tribunal n'exclut pas, doit selon l'avis des inspecteurs sécurité composant la CEI (cf. Paragraphe), partagé par les inspecteurs de l'INERIS, doit non seulement être approuvée par l'exploitant, mais également CONTRÔLÉE.
Aucune sortie de "matières" (qui en toute hypothèse sont assurées par le chouleur) n'a été enregistrée depuis la fin du mois d'août 2001.
Or, depuis cette même période, quatre entrées "atypiques" ont été évoquées:
- la plus ancienne, liée au versement de résidus de la neutralisation d'une fosse d'acide sulfurique n'est pas avérée; nul scientifique n'invoque en toute hypothèse une quelconque possibilité d'initier le tas de nitrate par un tel versement d'acide à supposer celui démontré, ce qui n'est pas le cas : cette branche de l'arbre des causes ne peut pas prospérer.
- concomitante à la précédente, il est établi qu'à l'approche de l'audit environnemental, le ménage devant être fait..., il sera transféré un fond de cuve dénommé "Comurex"... sur lequel nous ignorions tout jusqu'à l'audience du // au cours de laquelle, grâce à l'un des anciens salarié du site présent, M. BIECHLIN a indiqué qu'il s'agirait d'une solution nitratée. Compte tenu des modalités de décomposition du nitrate, il n'y a pas lieu de considérer qu'untel dépôt, de surcroît
s'il s'agit de nitrates, ait pu avoir un lien avec la catastrophe: la branche de l'arbre des causes ne peut pas prospérer;
- le 20 septembre, dans l'après-midi, sur instructions de M. MARQUE, agent GP, M. CAZENEUVE va transférer les 20 à 30 tonnes de nitrates soumis à un essai d'un nouvel enrobant, le fluidiram et provisoirement stocké au I7 directement dans le bâtiment central. Des vérifications ont été diligentées par les enquêteurs sur ce point : scientifiques de la défense et experts judiciaires s'accordent à considérer qu'un enrobant ne peut entraîner la décomposition
explosive du nitrate : la branche de l'arbre des causes ne peut pas prospérer.
- reste l'entrée la plus récente, envisagée d'emblée par la CEI, celle du contenu de la benne blanche litigieuse :
* le 21 septembre 2001, à 10 h 17, le tas de nitrate déclassé stocké dans le bâtiment 221 détonne.
* entre 10 h 10 et 10 h 15 (l'intéressé dit 3 minutes avant la catastrophe), M. BLUME, salarié affecté à la sacherie quitte, par chance, son bureau et passe devant le box en empruntant le sas : il ne remarque rien de particulier et notamment aucune décomposition, odeur ou mouvement suspect d'un individu.
* vers 10 heures, M. MARQUE se rend à la sacherie puis en sort : il ne remarque, lui non plus rien de particulier et notamment aucune décomposition, odeur ou mouvement suspect d'un individu.
* entre 9 h 45 et 10 heures, M. FAURE rentre dans le bâtiment 221 en marche arrière et déverse au pied du tas se trouvant dans le box le contenu de la benne blanche litigieuse constituée le 19 septembre. il ne remarque rien de particulier et notamment aucune décomposition, odeur ou mouvement suspect d'un individu.
> alors que les nitrates déclassés stockés dans le 221 sont destinés à la production (ils seront recyclés comme matière première dans une usine d'engrais complexe, filiale de GP) le contenu de cette benne a été constitué dans un local affecté aux déchets,
> le contenu de cette benne n'est pas identifié clairement et il sera successivement compris par les interlocuteurs de M. FAURE qu'il est constitué des fonds de divers sacs (au pluriel dans le compte rendu de la CEI), puis un fond de sac de nitrate, dont une partie pelletée au sol ; non seulement la qualité mais la quantité est inconnue : M. FAURE ne pèse pas celle-ci.
> cette entrée n'est pas prévue par les consignes de travail du bâtiment 221 (documentation maîtrisée EXPE/COM/3/15),
> cette entrée a-t-elle été autorisée par un responsable de l'usine ? Réponse affirmative,
> la composition de cette entrée "matières" a-t-elle été contrôlée par un responsable de l'usine ? Réponse négative, alors même qu'il n'ignorait pas son caractère atypique.
> alors que l'opération ne relève pas de la responsabilité de la société Surca, mais s'agissant de DIS pris en compte dans un local dédié aux déchets, de la responsabilité de l'atelier "nitrates", M. Paillas n'applique pas la consigne qui implique nécessairement le gel de la situation et la mise en oeuvre d'une action corrective qu'il lui appartient d'engager laquelle devrait logiquement, dans l'esprit du tribunal, commander l'identification préalable du (des) produit (s) : il autorise son déversement sans s'assurer du contenu,
* la benne a été constituée le 19 septembre 2001 :
> un chose paraît clairement établie, puisqu' elle impose à l'opérateur d'utiliser une benne, c'est que le salarié est confronté à une importante quantité de fond(s) de sac(s);
> alors que M. FAURE ait amené à manipuler des DIS (melem produit décrit comme pulvérulent, et potentiellement fonds de sacs) la société GP n'a établi aucune consigne d'exploitation de ce local qui relève de sa responsabilité : l'agent de la Surca doit improviser. Ni bien qu'il ne soit pas habilité à manipuler des fonds de sacs, qualifiés de DIS, il charge les produits dans une benne et omet d'appliquer la consigne ( ) ;
> M. FAURE n'applique pas la consigne prévue par la documentation maîtrisée prévoyant la rédaction d'une fiche d'anomalie : la direction de la société GRANDE PAROISSE n'est pas avisée de cette difficulté;(au regard du système mis en oeuvre qui ne comprend aucune exception, le tribunal estime qu'il n'appartient pas à l'agent SURCA d'apprécier ce qui est ou n'est pas important : la maîtrise relève de la responsabilité du seul exploitant Grande Paroisse.
> la benne blanche serait "propre" ; elle n'est pas lavée à l'eau : bien que les bennes ne soient pas affectées à des services spécifiques dans l'usine, il n'a pas été prévue par l'exploitant de consignes imposant leur lavage après chaque opération,
> la constitution de cette benne fait suite au passage de la société Forinserplast qui a récupéré plusieurs tonnes de sacs usagés le 19 au matin.
- à une date inconnue :
> au mépris de la consigne de pré-tri des déchets, des opérateurs d'un ou de plusieurs ateliers n'ont pas vidés les fonds de GRVS avant de les placer dans les bennes spécifiées,
- dans les jours précédents et depuis le début de l'été 2001, semble-t-il :
> sans que les consignes ou dispositions contractuelles liant GP à SURCA n'aient été mis à jour, il a mis en oeuvre l'extension de la collecte de l'ensemble des sacs qui avait été, dans un premier temps limité à deux ateliers : IO (nitrates) et I8 (urée),
> la découverte d'un sac contenant des poches de fûts d'ACD et d'un sac de DCCNA dans la sacherie atteste que cette extension concernait également cet atelier qui produit des composés très incompatibles aux produits azotés.
> au mépris d'une règle élémentaire de prudence et sans qu'aucun écrit ne soit rédigé, il est institué, de fait, un lieu de croisement de produits incompatibles.
> il convient de relever que selon les propres membres de la CEI, ce local 335 contenait d'autres produits incompatibles avec le nitrate, avec la présence d'une benne contenant des sels caloporteur,
> il était fréquent que des fonds de sacs se retrouvent dans la sacherie usagée, par suite d'une mauvaise maîtrise des ateliers de Grande Paroisse.
- à la fin du mois d'août et en perspective d'un audit environnemental fixé les 3 et 4 septembre 2001, un grand nettoyage de l'atelier ACD est organisé qui apu entraîner la collecte de 2 à 3 tonnes de déchets chlorés:
> à une date à laquelle aucun des responsables chargés de veiller à la bonne marche de l'atelier ou des services ne sont présents : M. MOLE (GP), FUENTES (TMG), FAURE (SURCA) sont en congés ou muté.
> sans qu'une consigne de travail organise précisément le rôle de chacun.
> la société chargée de décontaminer d'ordinaire les matériaux souillés de chlore récupérés notamment lors de ce nettoyage, la MIP, affectée au curage de la fosse d'acide sulfurique, ne s'est pas vue confiée ce travail,
> les personnes censées substituer les responsables absents ne procèdent pas aux opérations de contrôles prescrites par les consignes de travail : M. TINELLI (TMG) n'a jamais lavé un GRVS, M. SIMARD (responsable de l'atelier ACD) fait confiance à l'agent de la Surca, M. FAURE qui est alors en congé,
> une partie de ce travail de nettoyage de l'atelier a été confiée à une équipe composée d'intérimaires, venant du Nord de l'usine lesquels ont eu l'occasion de collecter des déchets dans des sacs.
> aucune lisibilité de cette opération ne transparaît à l'examen des déclarations ou des pièces figurant aux scellés;
- de manière plus générale, et contrairement aux prescriptions internes qui ne souffrent d'aucune exception, le chef d'atelier adjoint ne vérifie plus systématiquement la décontamination des objets et sacs souillés de chlore ; en son absence, le chef d'atelier ne contrôle pas davantage la décontamination et fait confiance à l'agent de la Surca pour lui signaler toute difficulté.
L'expertise BERGUES démontre sans discussion possible la capacité par simple mise en contact de DCCNA sur une couche de nitrate humide, ce point étant acquis, et recouvert de NAI, d'entraîner, sans confinement ni artifice pyrotechnique, la détonation. Force est de relever que l'examen de l'hypothèse d'un croisement chimique en appliquant la méthode déductive et son "fil conducteur" conduit, objectivement à s'interroger sérieusement sur les conséquences de ces nombreuses défaillances à l'obligation de maîtrise dans la survenance de la catastrophe.
L'analyse déductive est édifiante sur le caractère vraisemblable de l'explication judiciaire. On y relève non seulement le non respect ou l'inexistence de consignes à chacun des stades de la chaîne causale, mais également de multiples événements non conforme à l'habitude :
- le trajet de la benne du 335 au 221,
- une quantité importante de fonds de sacs au 335,
- la récupération des sacs dans toute l'usine,
- l'organisation du nettoyage d'un atelier dont l'une des productions (le DCCNA) présente des risques de décomposition qui ont conduit l'administration a exigé de l'exploitant qu'il apporte du soin aux déchets, en plein été, hors la présence des principaux responsables efficients sur les questions de décontamination, en faisant appel à du personnel intérimaire.
Au regard d'un tel arbre des causes, il ne fait aucun doute pour le tribunal qu'une commission d'enquête industrielle indépendante digne de ce nom, n'aurait pas exclue la piste chimique comme l'a fait la CEI, six mois après la catastrophe dont les conclusions sont entachées, par suite de ce défaut d'objectivité sur la chaîne causale et de curiosité sur le processus chimique, de partialité.
Dostları ilə paylaş: |